Nouvel ouvrage du criminel de guerre Paul Aussaresses
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M. Aussaresses, vous êtes un criminel contre l'humanité!
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Affaire Audin : nouvelles révélations d’Aussaresses
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Ce n’est plus seulement un militaire tortionnaire français qui dévoile ses exactions criminelles durant la guerre d’Algérie, cette fois-ci, c’est l’agent secret, un spécialiste des coups bas, des coups tordus et des coups d’Etat, un trafiquant d’armes, un allié des dictateurs sud-américains soutenus par les gouvernements français de droite et de gauche, un membre du service Action du fameux SDECE (Services spéciaux français), un professionnel de la torture désigné pour l’enseigner aux Etats-Unis, un officier de renseignements mêlé à toutes les sauces.
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Il est tout à la fois ce général Paul Aussaresses qui vient de mettre les pieds dans le plat de la cuisine des services spéciaux français en récidivant par la publication, il y a quelques jours, de Je n’ai pas tout dit, son dernier ouvrage, dans lequel il livre quelques secrets de ses agissements, quelques révélations «ultimes». A ce jeu de questions-réponses, le tortionnaire Aussaresses se prête tellement qu’on se demande s’il a trouvé le moyen de dévoiler juste ce qu’il faut pour se venger de ceux qui lui ont ôté la Légion d’honneur. Ainsi, par exemple, en ce qui concerne l’«affaire Audin», il se suffit à acquiescer aux hypothèses émises par Jean-Charles Deniau, son intervieweur, qui maîtrise tellement le dossier qu’il pousse le général dans ses derniers retranchements, le lecteur comprend que cet agent du service Action du SDECE reste fidèle au serment des tortionnaires à s’adonner à un déballage des coups tordus, des coups bas, des ventes d’armes, des soutiens apportés aux ex-dictatures sud-américaines. Nul n’est naïf pour croire que ce professionnel de la torture est mû par la vengeance, la haine ou la rancœur. Nul doute qu’il rend service (le dernier ?) à la Maison, celle des politiques.
28-04-2008
M. B
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L’année
1957, celle de la bataille d’Alger, fut terrible. A Alger, le
terrorisme battait son plein. La police avait disparu des rues et la
Casbah était devenue le fief inexpugnable du FLN. Le gouvernement avait
donné les pleins pouvoirs de police au général Massu, qui s’était
constitué une sorte d’état-major «de la main gauche» , comme on disait
entre nous, dont la mission était de démanteler les réseaux
terroristes. Avec l’aide du colonel Trinquier, il avait fait un travail
d’identification de la population d’Alger, comparable à celui qu’avait
fait Napoléon en Rhénanie.
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Toute la région d’Alger avait été quadrillée : chaque quartier avait son numéro, chaque arrondissement était divisé en îlots, chaque îlot était repéré par une lettre peinte en bleu d’un mètre de haut, avec un chef d’îlot qui devait répondre des habitants. Enfin, on avait doté d’un second chiffre d’immatriculation chaque groupe de maisons ou d’immeubles. Le colonel Trinquier avait baptisé ce système dont il était très fier «détachement de protection urbaine «DPU Nous, nous l’appelions finement, bien sûr, le Guépéou. Il fallait un autre officier pour seconder Trinquier, et Massu avait passé un savon au lieutenant-colonel Mayer pour qu’il me désigne. Je l’ai supplié : «Ne faites pas ça, mon colonel, ne faites pas ça ! – Et pourquoi donc ?» me demanda Mayer. «Je sais ce que m’a coûté Philippeville. J’en ai assez et j’en ai assez fait».
- C’est à Philippeville qu’ont commencé les tortures à l’électricité ?
Le général soupire, se tait, soupire à nouveau.
- Voilà la question piège. Oui, ce sont les policiers qui nous ont appris certains procédés de renseignement.
- Revenons à Massu et Mayer. Vous pouviez refuser, non ?
- J’ai essayé de me défiler sans désobéir. J’ai rappelé à Mayer que
nous avions dans nos rangs un charmant camarade, Lafargue, dit
«Pétanque». C’était un officier bavard, braillard, soiffard, qui
ressemblait tout à fait à Massu. Il pouvait faire l’affaire. Le hic,
c’est que tout le monde savait qu’il était un sacré fainéant.
«Envoyez-lui Pétanque, mon colonel, deux grandes gueules comme ça, ils s’entendront très bien.» Le colonel Mayer appelle Pétanque, l’exhorte à la tâche, lui demande de se montrer à la hauteur et l’expédie à Massu. Cinq minutes après, coup de fil de Massu, apoplectique : «Mayer, ça suffit comme ça ! Ne continuez pas à vous foutre de ma gueule ! J’ai dit : envoyez-moi Aussaresses et au galop !»
Dans l’organigramme de l’état-major installé à la préfecture d’Alger, je deviens donc l’agent de liaison du général Massu, chargé de tout ce qui concerne la police et la justice. Trinquier, lui, supervise le contrôle de la population civile. En privé, Massu m’ordonne de faire ce que j’ai fait à Philippeville. Je lui demande alors deux choses. La première, c’est que je ne serai en aucun cas le subordonné de Trinquier. La seconde, c’est que, puisque j’allais être chargé du sale boulot qui emm… tout le monde, qu’on me laisse faire la même chose qu’à Philippeville et qu’on ne vienne pas me chercher des poux sur la façon dont j’obtenais des renseignements.
Massu a accepté d’un grognement. C’était sa façon habituelle de parler.
Je n’avais plus qu’à me constituer une équipe.
Massu m’avait donné comme adjoint le lieutenant Carcet, son ancien aide de camp. Gérard Garcet avait été un des plus jeunes résistants du maquis du Vercors. Il avait seize ans quand il s’était engagé dans la lutte contre les nazis. Il était ensuite entré chez les parachutistes, avait accompli quelques exploits en Corée avant de se retrouver en Algérie.
Le lieutenant Garcet vivait avec les Massu dans une maison à Hydra, mais, à cause d'une sombre histoire de vieux appâts de pêche oubliés dans le réfrigérateur, Madame Massu avait demandé «sa queue et ses oreilles» à son mari. C'est-à-dire qu'elle exigeait qu'il le vire. Donc, Massu me l'envoie à la préfecture où j'avais mon bureau. C'était un gars sympathique et débrouillard. Je lui explique le topo. Il fallait nous composer une équipe de sous-officiers et ce n'était pas facile. On a eu une idée : à cause d'un processus d'osmose mis en œuvre dans l'année, il y avait un certain nombre de sous-offs qui risquait de ne plus avoir d'affectation. On s'est donc procuré la liste et on a rassemblé les types.
- Massu, dans ses Mémoires, parle d'officiers «triés sur le volet». En fait, c'était des paras en fin de contrat ?
- En gros, oui. Je les ai donc rassemblés et je leur ai dit : «Le fait
de travailler avec moi, ça ne vous rapportera rien. J'ai besoin de
types pour faire les basses besognes. C'est ce que j'ai déjà fait à
Philippeville, tout le monde le sait, voilà. Que ceux qui refusent
fassent un pas en avant.». Ils sont tous restés au garde-à-vous. Aucun
n'a refusé. Garcet est alors parti comme une flèche et il est revenu en
portant triomphalement une caisse entière de whisky. Il l'avait piquée
à Massu. Ça nous a souvent aidés...
- Votre QG, c'était donc la préfecture ?
- Garcet nous avait trouvé une villa rue des Tourelles, un nom
prédestiné. C'était une grande villa, suffisamment isolée, avec un
jardin... un jardin... (Le général reste songeur. Il se reprend.) Mes
sbires vivaient à la villa des Tourelles. Moi, j'avais un bureau à la
préfecture et une vieille jeep. La nuit, j'enfilais ma tenue léopard.
Je ne la mettais jamais de jour. Le jour, j'étais en «tenue 46» et je
ne portais pas d'arme ; je ne voulais pas avoir l'air d'un tonton
macoute. Donc, chaque nuit, je faisais la tournée de tous les
régiments. Je rencontrais tous les officiers de renseignements, ceux de
service ainsi que leur colonel. On croisait nos infos. La cavalcade
commençait.
- Qui vivait à la villa des Tourelles ?
- Garcet, les sous-offs, et Babaye, mon garde du corps. Babaye, c'était
un Noir très noir, un colosse, enrôlé de force dans le FLN. il faut
savoir que les Arabes, en tout cas ceux du FLN de l'époque, étaient
plutôt racistes. Babaye s'était défendu comme un lion, contre mes
hommes lors d'une attaque. Un de mes sergents lui avait alors lancé
«Ho, couillon, qu'est-ce que tu fous avec le FLN ?» Babaye avait
répondu qu'il n'avait rien choisi. «Et alors, tu préfères pas venir
avec les Français ?» C'est ainsi que Babaye est venu avec nous et qu'il
est resté.
- Vous avez dit que votre action, c'était de «décharger l'armée des basses besognes» ?
- Voilà. Par exemple, Bigeard me dit un jour : «Nous avons des types de
la cellule terroriste de Notre-Dame d'Afrique. Vous ne pouvez pas m'en
débarrasser ?» Je ne pouvais pas lui répondre «démerdez-vous-en» ! Il y
avait des soldats chez Bigeard, des jeunes, des braves types. Fallait
pas, non, fallait pas qu'ils fassent ce boulot. Tandis que nous, on
était déjà de vieux officiers, Garcet et moi' On en avait déjà
tellement vu, ah...
- Mais beaucoup de jeunes soldats, des appelés, ont dû participer à des
interrogatoires. Qu'est-ce que vous voulez dire en parlant de «basses
besognes» ?
- Les exécutions sommaires.
- Qui en décidait ?
- Moi. Je le disais à Massu. En plus de la réunion quotidienne du
matin, j'écrivais en quatre exemplaires tous les jours ce que nous
faisions, de façon détaillée. Il y avait un exemplaire pour Massu, un
pour le ministre-résidant Lacoste et un pour le général Salan. Massu
savait tout. Le gouvernement aussi. J'assistais aux exécutions que
j'avais ordonnées. J'aimais pas, j'aimais pas.
- Attendez, cela se passait comment ?
- Je disais à Massu : on a ramassé un tel et un tel et on l'a exécuté.
Et il y en a un autre qui est dans le coup, mais on ne l'exécutera pas
aujourd'hui. On le fera demain. Il s'évadera... «Broum, brourn»,
grognait Massu.
On ne faisait pas toujours des listes pour Paul Teitgen, le secrétaire
général de la préfecture. Certains, on les attendait dehors et on les
exécutait. Après, on les assignait à résidence. Teitgen était fou
furieux : «Ils m'ont fait assigner un type à résidence et ils l'ont
tué. Ah, les salauds» ! Du coup, il a démissionné.
- Ces exécutions, c'était à la villa des Tourelles ?
- Non, y en a eu quelques-unes, c'est vrai, à la villa des Tourelles.
Des types arrivés de jour… On les a enterrés sur place. Ils doivent
être encore dans le jardin.
- Et à part la villa des Tourelles ?
- C'était dehors. En dehors d'Alger. La police était bien contente de n'être pas dans le coup.
- Mais à quoi ça servait, ces exécutions ?
- Mais je vous l'ai dit. On sous-traitait ce que les régiments ne
voulaient pas faire. Autre exemple : réunion de cadres dans le bureau
de Massu. Un colonel dit : «On a une bande de terroristes, on voudrait
en débarrasser le régiment». Cela tombe bien, ce jour-là était présent
Max Lejeune, le secrétaire d'État à la Guerre. On lui fait le topo. «Il
faudrait réussir à leur faire prendre le maquis», propose l'un. «Un
maquis bien éloigné», ajoute Massu. «Écoutez, dit Lejeune. Vous avez
entendu parler de l'interception de Ben Bella ? Nous avions décidé en
haut lieu d'abattre l'avion. Si nous ne l'avons pas fait, c'est que
l'avions avait un équipage français. Le gouvernement regrette beaucoup
d'avoir laissé Ben Bella en vie. C'est une erreur.» Massu avait
compris. Moi aussi. Il m'a regardé et poussé un grognement. Je lui ai
dit : «Bon. Je ferai ce que je peux.»
- Mais cela faisait combien d'exécution ?
- Pour une bombe de posée, ça montait vite.
(Il semble à nouveau happé par le passé et, d'une voix très basse,
presque imperceptible, il rejoue un interrogatoire. Il y joue aussi
peut-être son propre rôle, dans une sorte d'implacable et calme voix
off)
Question : Qui c'est qui a fait le coup ?
Réponse : C'est lui.
Q : Où il est ?
R : Chez lui à telle adresse.
Voix off : Bon, ben, on va le chercher tout de suite (…)
R : Oui, j'ai posé la bombe.
(Aussaresses fait tomber sa main sur la table comme un couperet)
Voix off : Bon. OK. Liquidé.
Q : Mais qui a fabriqué la bombe ?
R : Ha, c'est lui !
Q : Où il est ?
R : Il est là…
Q : Tu as fabriqué la bombe seul ?
R : Eh oui.
Q : Ah, tu as fabriqué la bombe ; qui c'est qui t'a aidé ?
R : Personne.
Q : Mais si, on t'a aidé
R : Personne.
Q : Et qui t'en a donné l'ordre ?
R : C'est lui.
Voix off : Bon. Ça fait trois : celui qui a fabriqué la
bombe, celui qui l'a posée, celui qui a donné l'ordre.
Q : Mais qui c'est qui t'a dit de poser la bombe à tel
endroit ?
R : C'est le chef de…
Off : Ça fait 4.
Q : Et qui c'est qui travaillait avec ce chef ?
R : C'est l'adjoint de… et le second adjoint de…
Off : Alors, cela fait 6.
Q : Mais attends, qui est-ce qui a planqué la bombe
pendant que…
R : C'est un tel. Il habite à telle adresse.
Off : Ça fait sept.
Q : Et celui qui a fait le guet ?
R : C'est un type qui s'appelle X.
Off : Huit.
(Aussaresses semble revenir à nous).
Etc., etc. On arrive vite à onze. Qu'est-ce qu'on fait
de ces types quand on voit qu'il n'y a plus rien à en tirer ? On les exécute.
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1. Les services secrets français sont à côté de la rue des Tourelles et de sa piscine, boulevard Mortier à Paris.
2. La «tenue 46» est un uniforme fait sur mesure, composé d'un blouson, d'un pantalon et considéré comme plus élégant.
1. Gérard Garcet avait environ trente ans et Paul Aussaresses trente-huit ans...
28-04-2008
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A fort Bragg j’apprenais aux militaires américains ce que j’avais vu et fait en Algérie
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A fort Bragg j’apprenais aux militaires américains ce que j’avais vu et fait en Algérie (…) Je leur apprenais ce que j’avais fait. Toutes les techniques de la guerre subversive, la lutte contre la guérilla urbaine, le quadrillage des questions, l’infiltration comme je l’avais fait à Philippeville et pendant la bataille d’Alger, et puis, surtout nos méthodes pour récolter du renseignement, les méthodes pour faire parler les gens (…) La torture-exactement, oui… Ainsi répond le général Paul Aussaresses à ses intervieweurs qui, il faut le préciser, ne lui laissent aucun répit dans Je n’ai pas tout dit, un livre d’actualité dans lequel ce professionnel de la torture demeure plaide, fait sans remords ou regrets, et attaché au serment des tortionnaires. En effet, cet agent des services secrets français qui a baigné dans toutes les sauces, acculé, se suffit à acquiescer aux hypothèses émises par Jean Charles Deviau lequel fait preuve d’une maîtrise parfaite de son thème. Sans complaisance, opérant avec une grande distanciation, l’intervieweur accule son interlocuteur qui se laisse prendre à son propre piège, celui du mutisme, car tenu par le serment des tortionnaires. «Qu’est-ce qui t’a pris d’ouvrir ta gueule ?», lui a signifié l’autre général -ordonnatuer des tortures- Marcel Bigeard affirme Aussaresses dans Je n’ai pas tout dit, croire qu’il a tout dit cette fois serait pur naïveté. Ventes d’armes, affaires dites secrètes, guerre froide, s’agit-il de souvenirs, de révélations, de confessions ? C’est quand même un déballage des affaires louches de la France dite des droits de l’Homme quand, au sommet de l’Etat, on soutient les dictatures militaires, on envoie des spécialistes enseigner la torture, on peut se demander ce qu’il reste des idéaux démocratiques…
La Nouvelle République a choisi de publier quelques chapitres de ce livre-déballage en commençant par l’affaire Audin. Le lecteur saura.
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28-04-2008
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Jean Amrouche
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«Tu es un bicot comme tous les gens de ton village», lui avait dit un officier de l'armée française qui menaçait de fusiller tout le monde.
Et dans le feu de la guerre, Amrouche écrivait des poèmes qui en
disaient long sur ses idées. C'était en 1956, il avait composé ces vers
sur la guerre de libération :
«Depuis dix-huit mois passés des hommes meurent
Des hommes tuent
Ces hommes sont mes frères
Ceux qui tuent
Ceux qui meurent
Je me nomme El Mouhoub, fils de Belkacem
Petit fils d'Ahmed, arrière petit fils d'Ahcène
Je me nomme aussi, et indivisément, Jean, fils d'Antoine
Et El Mouhoub chaque jour traque Jean et le tue
Je suis Jean et El Mouhoub
Les deux vivent dans seule et même personne.
Et leurs raisons ne s'accordent pas
Entre les deux, il y a une distance infranchissable.»
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