... victimes du colonialisme.
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Chers amis, donc, connaissez-vous
le capitaine Edmond Pellissier de Reynaud ?
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Non
sans doute, car les manuels d'histoire de l'Algérie en parlent peu.
Alors, je vous en prie, reportez-vous à ses Annales algériennes,
publiées en… 1836. Il y prône la fin de la violence dans la conquête,
puis un rapprochement des peuples « arabe » et français. Faute de quoi,
prévient-il, « ce
serait entre eux et nous une guerre incessante, où la France
dépenserait son sang et son argent. Le système de fusion est donc le
seul applicable ; s'il est impossible, il faut s'en aller, et le plus
tôt sera le mieux ». La « fusion »
des peuples était sans aucun doute une utopie. Mais, cette illusion
ôtée, reste le fond du raisonnement : respectons ce peuple. Écrit en
1836 !
Ce courant, que ses détracteurs appelaient, avec une
nuance de mépris, indigénophile, a toujours existé. Toujours, en
Algérie, il s'est trouvé des Français - oui, vos ancêtres, pieds-noirs ! - pour dénoncer la morgue, le racisme, les inégalités, la répression. Toujours, en métropole, il s'est trouvé des politiques, pour tenter d' esquisser des solutions acceptables par tous, il s'est trouvé des intellectuels pour appeler à la compréhension, à l'estime, au respect des indigènes.
Mais, chers amis, vous savez bien que ce furent des voix criant dans le désert, des protestations brisées sur le mur des certitudes de la majorité de vos aïeux. Est-ce qu'une fois, en cent trente-deux années de domination coloniale, de telles solutions ont été en mesure de l'emporter ? Le royaume Arabe cher à Napoléon III
qui ne fut pas petit en cette affaire s'est brisé sur l'hostilité des
colons. Tout comme la politique de compréhension voulue par Maurice
Viollette. Et le grand espoir du Front populaire, si vite brisé, avec
ce pourtant si timide Projet Blum-Viollette, mort-né parce qu'une partie de la communauté française d'Algérie criait à la révolution ? Et
la terrible réponse de mai 1945 aux premiers drapeaux algériens arborés
à Sétif ? Et Ferhat Abbas, le plus modéré des leaders algériens, en
prison ? Et le statut de l'Algérie, deux ans plus tard, qui, bien que
limité lui aussi dans ses ambitions, ouvrait quelques possibilités
d'expression aux Algériens, si vite trahies par le trucage des
élections à la Naegelen ?
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Chers amis pieds-noirs,
Entendons-nous bien
. Ce pays de coexistence harmonieuse entre les communautés n'aurait en aucun cas fait l'économie de la reconnaissance de l'indépendance de l'Algérie. L'Algérie algérienne était inscrite dans l'Algérie française, quelles qu'eussent été les politiques suivies. Mais l
e racisme ambiant a interdit à la majorité d'entre vous, amis pieds-noirs, d'imaginer même ce type de solution, ce type de société égalitaire
. La valise ou le cercueil. Regardez la vérité en face : c'est l'adhésion de certains d'entre vous, la tolérance de beaucoup d'autres, vis-à-vis des thèses et des actions des ultras qui vous ont contraints à ce choix si terrible.
Et aujourd'hui ?
Certes, toute généralisation est hâtive. Certes, sans enquête statistique, sans sondage, il est bien difficile de savoir ce que pense la majorité d'entre vous. Mais le moins que l'on puisse écrire est qu'une partie de votre communauté, celle qui s'exprime le plus bruyamment, persiste dans cette attitude. Paraphrasant Prévert, on pourrait écrire : « Depuis dix, vingt, quarante ans, ils cultivent la même idée fixe… et ils s'étonnent de ne pas avancer. » Voire de régresser. Le drame est que ce courant empêche les évolutions nécessaires, quant à l'évaluation du passé colonial ; plus grave : quant à la nature et à la qualité des relations de la France avec ses anciennes colonies. Le laisserons-nous « bloquer l'Histoire » ?
Amis pieds-noirs, encore un effort !
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Par Alain Ruscio, historien
Dernier ouvrage publié : Falsifications et instrumentalisations, les Indes Savantes, 2007 (codirigé avec Sébastien Jahan).
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