L’arête qui ne passe pas
.
.
C’est le 19 mars. Il y a 46 ans, en ce même jour, le cessez-le-feu était proclamé en Algérie. Les armes se sont tues après huit années de lutte pour la libération du pays sous domination coloniale durant près d’un siècle et demi. Ainsi en avaient décidé les accords signés à Evian entre le FLN et le gouvernement français après deux semaines d‘âpres négociations. Il aura fallu tant de misère, de morts et de souffrances pour qu’enfin soit reconnu officiellement dans le préambule des accords d’Evian que «la formation d’un Etat indépendant et souverain paraît conforme aux réalités algériennes».
.
Ce
jour-là, les hommes et les femmes épris de justice et de paix ont
laissé exploser leur joie. Fini la guerre. Fini l’apartheid. Fini la
ségrégation raciale. Fini l’humiliation imposée par la colonisation.
Les Algériens relevaient fièrement la tête grâce à une poignée d’hommes
parmi les plus valeureux d’entre eux qui ont décidé, le 1er Novembre
1954, de prendre les armes. Une décision qui, aux yeux de beaucoup,
était vouée à l’échec tant les moyens des moudjahiddine étaient
dérisoires face à l’une des plus puissantes armées du monde. Une
puissance qui n’a pu venir à bout de la force de l’idéal de liberté de
tout un peuple et de la détermination de ses dirigeants. Une puissance
qui a été contrainte d’accepter de s’asseoir à la table des
négociations et, pour finir, de reconnaître au peuple algérien son
droit à l’autodétermination. Le «OUI» massif exprimé le 3
juillet 1962 par les Algériens pour l’Indépendance, est venu clore le
douloureux chapitre de la guerre d’Algérie. En réalité et 46 ans après,
il n’est pas certain que le dossier soit définitivement clos. Les
partisans de «l’Algérie française» ne s’en sont toujours pas
remis. Les plus extrémistes d’entre eux restent très actifs. Obsédés,
ils en veulent aux Algériens, au général de Gaulle, à la France, voire
au monde entier. Dans leur folie, ils pensent avoir été trahis par leur
gouvernement. Certains pensent même à un procès post-mortem du général
de Gaulle, l’homme qui, pourtant, a sauvé la France en 1945 et une
deuxième fois en 1962. Qu’ils auraient dû rester les maîtres en
Algérie. Que les Algériens n’ont été, ne sont et ne seront rien d’autre
que leurs esclaves. Des obsédés qui continuent à empoisonner les
relations entre la France et l’Algérie. Constitués en lobby ils font
capoter toutes les initiatives de rapprochement. Comme le traité
d’amitié pensé et voulu par les chefs d’Etat des deux pays, qui n’a pu
voir le jour. Comme cette loi débile du 23 février 2005 qui érige le
colonialisme en vecteur de civilisation.
.
46 ans après, l’arête est
toujours en travers de leur gorge. Le 19 mars 1962 et alors que les
deux armées avaient déposé les armes, une sinistre organisation armée
secrète (OAS) a décidé de semer la mort de plus belle. En imputant à
d’autres, certains de ses sinistres méfaits. Voilà pourquoi et à ce
jour, la polémique autour du 19 mars 1962 n’a jamais cessé en France.
Une polémique autour de «l’Algérie de papa». Comme si les morts pouvaient être ressuscités.
.
.
.
.
.
.
Zouhir MEBARKI
.
.
.
Le nif et le baroud
L'Indépendance de l'Algérie, qui a mis fin au mythe de l'Algérie française.
20 mai 1961, il est près de 11h du matin. Le soleil s'est déjà levé sur la ville d'Evian, en Suisse.
L'hôtel du Parc reçoit les deux délégations algérienne et française. Il s'agit de mettre fin à une colonisation féroce qui a duré plus de 130 ans.
Les négociations peuvent commencer, mais sans témoin. Que veut-on
cacher au monde? Cette plaie béante qui s'appelle Algérie, solidement
accrochée et tatouée au fronton de la patrie des droits de l'homme? Ou
bien, tout simplement, la détermination farouche d'indépendance d'une
poignée de jeunes Algériens emmenés par celui que l'on surnomma «le Lion des djebels»-Krim Belkacem- ? A ce moment-là, personne ne savait que le sort du mythe de l'Algérie française était désormais définitivement scellé.
On va en découdre avec l'ennemi, mais en terrain neutre.
«Le
problème pour lequel on est ici réunis est celui de la décolonisation
totale de l'Algérie, de la disparition d'un système périmé et de
l'accession de notre peuple à l'indépendance.» Le message est clair. Le coup de grâce est annoncé. Le coup de grâce sera donné le 18 mars 1962.
L'arrêt des combats est ordonné le 19 mars 1962. L'empire
colonial français a mis un genou à terre. Il sera définitivement
terrassé le 5 juillet 1962. Exactement 132 ans plus tard, jour pour
jour !
.
.
Krim Belkacem, «le Lion des djebels» s’est dressé en rempart contre l’humiliation, la spoliation et les crimes commis par l’armée coloniale française. Dans cette fierté et cette dignité qui caractérisent ces hommes des montagnes, ces Amazighs, ces hommes libres. Guerrier infatigable, il était toujours prêt à livrer bataille jusqu’à la dernière goutte de son sang.
Il était à
l’image de ce peuple fier: un descendant direct de Jugurtha. Né à Draâ
El Mizan un 14 décembre 1922, il fréquenta l’école Sarrouy à Alger où
il décrocha son certificat d’études primaires. Une performance pour un
musulman, à l’époque. Krim Belkacem serait cependant cet homme qui a
trempé dans la Révolution dans le ventre de sa mère. Il est animé très
tôt d’idées révolutionnaires.
Sa vie, à elle seule, est un foisonnement d’espoirs et de désillusions
qui ont mené l’Algérie à la liberté. Il aura donné au centuple, à une
patrie martyrisée, pour qu’elle retrouve sa dignité. Elle ne le lui a
rendu que mesquinement.
.
.
.
.
.
19 mars 62
Les commentaires récents