Tout ce que vous avez toujours voulu savoir sur le Coran sans jamais oser le demander !
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Adam parlait-il arabe ? Le prophète était-il réellement illettré ? Tous les alcools sont-ils interdits ? Pourquoi l’adultère est-il un péché ? Quel est le sens du mot Jihad ?
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Le Coran est-il né avec l'ère de l’Hégire ?
il n'existe aucun manuscrit du Coran écrit par le prophète et/ou ses scribes. Les plus anciennes versions complètes du Coran dateraient du IIIème siècle de l'Hégire (soit un peu moins de 3 siècles après la mort de Mohamed), mais les plus anciens manuscrits, d'époque pré-abbasside, sont extrêmement rares et leur caractère fragmentaire rend leur datation difficile et sujette à controverses. Les quelques extraits du Coran découverts sur papyrus et parchemins ont été datés par certains de la fin du Ier et du début du IIème siècle de l'Hégire, mais ces hypothèses sont rejetées par d'autres. Depuis plus d'un siècle, aucune théorie ne fait l'unanimité parmi les savants.
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L'individu est-il une émanation d’Iblis?
le nom Iblis est utilisé à onze reprises, le plus souvent dans les narrations sur la création d'Adam. Iblis est l'interlocuteur de Dieu, il est celui qui discute le divin décret face à Dieu et sur son terrain même, et son importance est particulièrement grande. Le Coran énonce par exemple : “Nous avons dit aux anges : prosternez-vous devant Adam !”. Ils se prosternèrent, à l'exception d'Iblis, car il n'a pas été de ceux qui se sont prosternés. Dieu dit : “Qu'est-ce qui t'empêche de te prosterner, lorsque je te l'ordonne ?”. Iblis dit : “Je suis meilleur que lui. Tu m'as créé de feu et tu l'as créé d'argile”. Iblis contrevient donc à l'ordre divin parce que le feu est meilleur que l'argile, et comme il a été créé à partir du feu et l'homme à partir d'argile, il conclut qu'il est meilleur que l'homme. Selon le Coran, Iblis est le premier être qui, en faisant usage de son intellect, a établi une échelle de valeurs parmi les choses créées.
Les récits coraniques consacrés à Iblis en font de surcroît le premier qui tourna son attention sur lui-même, ce qui revient à dire que le raisonnement par analogie et l'orgueil vont de pair. Dans la mesure où il se démarque de la totalité de ses semblables et dévie de l'action commune, Iblis constitue une exception : seul à avoir désobéi, il est celui qui introduit dans la création l'individualité, qui est un sacrilège parce qu'elle se heurte à l'individualité du Créateur et contredit la prérogative divine de l'unicité.
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Adam parlait-il arabe ?
la conception théologique de la langue du Coran tire son originalité du verset suivant : “Chaque prophète envoyé par nous ne s'exprimait, pour l'éclairer, que par la langue du peuple auquel il s'adressait”. De ce verset on a conclu que la langue du Coran était celle parlée par la tribu des Qurayshites à la Mecque. On para celle-ci de la plus grande perfection et pureté. C'est cette langue que les arabes considèrent comme l'“arabe classique”. Par surenchère, la Tradition en vint à considérer l'arabe en général comme la langue la plus parfaite, celle des origines, parlée par Adam, comme celle de la fin, parlée au paradis.
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Le diable est-il en nous ?
le nom al-Shaytân, apparaît plusieurs dizaines de fois et se réfère au diable dans sa fonction de “dévoyeur des ancêtres de l'humanité”. Al-Shaytân ne parle pas mais murmure, susurre (waswasa) même à l'intérieur des humains, d'où son association à al-waswas. Toujours sur le terrain de l'action, l'appellation al-Khannâs fait allusion à l'acte furtif et craintif de celui qui allonge la main pour se saisir de quelque chose, puis la retire très vite. Cette sournoiserie envahissante de l'être diabolique est décrite métaphoriquement par un dit du prophète : “Al-Shaytân coule dans les veines des hommes tout comme leur sang”.
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Pourquoi le texte coranique est-il unique par son style ?
comme pour la langue du Coran, la Tradition a développé une conception théologique de la perfection de son style, en relation avec le dogme de l'inimitabilité. Le Coran se présentant comme un texte prophétique, les formes didactiques, destinées à enseigner et persuader, y tiennent forcément une place de choix. Des versets ont encore la frappe de sentence ou de maximes, souvent introduites par l'impératif “dis”. Les scènes dramatiques évoquant le Jugement et la rétribution dans la vie future sont fréquentes. Le style en est parfois haletant, entrecoupé d'exclamations. L'attention de l'auditeur/lecteur est de surcroît maintenue en éveil par des formes interrogatives, comme : “N'as-tu pas vu comment… ?”, invitant à tirer la leçon d'un fait passé. Pour reprendre - en dehors de toute considération théologique sur l'inimitabilité - le mot du grand arabisant et historien du Coran, Theodor Nöldeke : “Le Coran forme à lui seul un genre littéraire qui n'a pas eu de vrai précurseur et qui ne pouvait pas avoir de successeur”.
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Pourquoi faut-il croire à l'éternité (et à la résurrection) ?
vouloir saisir la vision coranique du temps (dahr dans le Coran, et zamân, terme non coranique utilisé par les philosophes) est en soi problématique. On peut résumer schématiquement l'enseignement coranique au sujet du temps de la manière suivante : l'avènement de toute la création par le commandement (amr) de Dieu, la fin de toute existence par un terme fixé (ajal musammâ), et enfin la nouvelle création (khalq jadîd) qu'est la résurrection impliquant la vie éternelle dans l'au-delà. La résurrection, qui est présentée dans le Coran comme une nouvelle création, est l'un des fondements de la vraie croyance en un Dieu unique. Croire en Dieu et croire à la résurrection s'impliquent réciproquement, et toute la création s'inscrit dans la perspective de la rétribution finale. L'idée de l'identification de Dieu au temps est par ailleurs suggérée par une tradition célèbre qui rapporte les paroles de Dieu : “Les hommes M'insultent en blâmant le temps [dahr]. Je suis le temps. L'ordre [amr] est dans Ma main, et c'est Moi qui fais alterner le jour et la nuit”.
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Quelle est la place de la Chari'a dans le Coran ?
la prégnance de la Chari'a dans le discours religieux musulman, et son importance inégalée dans les sociétés arabo-musulmanes d'hier à aujourd'hui, constituent paradoxalement un phénomène d'importance inversement proportionnelle à la place qu'occupe la Chari'a dans le Coran. (…) Abou Hamid Al-Ghazali évaluait le nombre de versets coraniques, peu ou prou normatifs, à plus ou moins cinq cents : ce qui, sur plus de six mille trois cents, est peu. Contre une idée trop bien reçue, le Coran n'est que rarement un texte “législatif” et ces versets concernent principalement les actes cultuels, le statut personnel - droit familial et droit successoral -, le droit pénal et, mais beaucoup moins, le droit commercial. Dans chacun de ces domaines, le Coran est loin d'être
exhaustif, et il est souvent peu clair.
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Quel est le sens des taxes musulmanes ?
les écoles de fiq'h sont unanimes à distinguer entre l'impôt légal des sujets musulmans, essentiellement la zakât, et le tribut qui incombe aux non-musulmans (jizya et kharâj). (…) On a classiquement voulu, à la suite des docteurs musulmans, faire remonter l'origine de la jizya au Coran, qui commande aux musulmans de combattre “les Gens du Livre (Ahl Al-Kitab) qui ne se donnent pas, comme religion, celle de la vérité, jusqu'à ce qu'ils payent la jizya”. Ce verset est censé abroger juridiquement les dispositions coraniques antérieures. La jizya aurait gardé le sens originel de jazâ, “compensation” financière, en échange de la “protection” (dhimma) accordée par les conquérants, ou bien l'idée d'un prélèvement disciplinaire sur les biens pour refus d'embrasser l'islam. Les travaux historiques récents, en réalité, tendent à considérer la jizya classique comme un simple emprunt aux usages fiscaux des Sassanides et des Byzantins. La taxe imposée ne serait, originellement, que la compensation consentie aux musulmans pour la perte de revenus occasionnée par la rupture des relations commerciales avec les commerçants non musulmans de la Péninsule : il n'y aurait ainsi aucune connexion historique originelle entre dhimma et jizya.
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Le prophète était-il (réellement) illettré ?
l’adjectif ummi apparaît cinq fois dans le Coran. Remarquons d'emblée que sa traduction fréquemment adoptée par “illettré” ne répond que partiellement à la complexité du terme arabe. Littéralement, le ummi est celui qui est resté dans l'état où sa mère (umm) l'a enfanté. Appliqué au Prophète, le terme ummi comporte des enjeux importants. Pour la plupart des auteurs musulmans, il désigne l'illettrisme du prophète, confirmé par le verset 48 de la sourate 29 : “Avant [la révélation du Coran], tu ne récitais aucun livre, ni n'en écrivais aucun de ta dextre”. Le plus grand miracle du Prophète consiste donc dans le fait que le Livre lui ait été révélé. (…) Pour beaucoup de musulmans, la révélation du Coran au “prophète illettré” est le miracle par excellence qui estompe toute autre grâce surnaturelle. En outre, pour l'apologétique musulmane, cet illettrisme prouve que Mohamed n'avait pas une connaissance directe des Ecritures judéo-chrétiennes, et donc qu'il n'a pu les plagier. (…) Pourtant, l'analphabétisme du prophète n'est pas une certitude pour les orientalistes, ni même pour les auteurs musulmans anciens. Il a notamment exercé le commerce avant d'être investi de la prophétie, et il se devait donc de noter au minimum les noms et les prix des produits. Certaines sources contemporaines indiquent qu'il ne savait pas bien écrire, mais écrivait tout de même. Quoi qu'il en soit, le prophète maîtrisait parfaitement la langue orale, comme en témoignent ses nombreux propos rassemblés dans les recueils de hadiths.
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Tous les alcools sont-ils interdits ?
selon certaines autorités, Soufyan al-Thawri et Abou Hanifa notamment, le khamr se définit comme “le jus que l'on extrait des raisins et des dattes”, soit le vin de raisin et le vin de datte, à l'exception de tout autre breuvage. Pour d'autres, la majorité - Mâlik, Shâfi'î et Ibn Hanbal -, il s'agit de “tout breuvage enivrant, qu'il s'agisse d'un jus ou d'une macération, qu'il soit cuit ou cru”. Ibn Taymiyya va encore plus loin, mais son opinion est comme souvent très minoritaire : est appelé khamr au sens propre “toute substance enivrante”, “tout ce qui oblitère la raison”. L'interdiction du khamr a-t-elle été étendue par une analogie se fondant sur son cas particulier à toutes les boissons enivrantes ? (…) Le khamr est appelé ainsi parce qu'il “dévoie la raison”, li-annahâ tukhâmir al-'aql. Dès lors, toute boisson qui “dévoie la raison” peut être appelée khamr par analogie, et donc tomber sous le coup de l'interdiction coranique. Or, un principe en théorie légale musulmane (oussoul al-fiq'h) stipule que les peines coraniques fixes ne peuvent pas être établies par voie analogique.
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Les intérêts bancaires sont-ils (totalement) haram ?
de nos jours, avec le développement du système bancaire international, repenser l'usure redevient d'une actualité brûlante. (…) Un premier courant de juristes, qualifié de “fondamentaliste” ou de “revivaliste”, se borne à reconduire, dans le sillage d'idéologues comme al-Mawdoudi ou Sayyed Qotb, l'interdiction classique, qui ne supporterait, selon eux, aucun accommodement. (…) Un courant novateur, quoique minoritaire, représenté par des intellectuels comme le Pakistanais Fazlur Rahman, exhorte en revanche les musulmans à remettre en cause la pertinence du fiq'h traditionnel pour les exigences d'une économie moderne. Ils appellent à ne pas perdre de vue le contexte historique qui est à l'origine du discours coranique sur le riba. Ils soulignent que le Coran interdit seulement une forme de riba (riba al-jahiliya) qui, sans rapport avec le prêt avec intérêt pratiqué par la finance actuelle, condamnait l'emprunteur à une misère inéluctable. Les procédés auxquels recourent les banques islamiques actuelles, ne sont à leurs yeux que des expédients juridiques (hiyal) et une autorisation déguisée de l'usure : ils trahissent l'inadaptation du fiq'h au monde d'aujourd'hui.
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Pourquoi le concept de l'adoption fait-il débat en islam ?
la doctrine reçue concernant l'adoption est qu'elle était connue et pratiquée par les anciens arabes mais que, suite d'un événement marquant dans la vie du prophète, le Coran l'a déclarée illicite. Cette assertion est fondée sur une série de versets regroupés dans la sourate 23 (“Les factions”). (…) l'exégèse musulmane a très tôt présenté ces versets comme liés, donc, à un événement dans la vie du prophète. Au début de sa prédication, ou un peu avant, il aurait adopté un esclave affranchi du nom de Zayd b. Haritha qu'il aurait marié à une de ses propres cousines, Zaynab bint Jahsh. Un jour, il découvre la beauté de celle-ci et en devient amoureux. Le Coran le libère alors de la difficulté en proclamant nulle toute adoption : la mariage entre Zaynab et Zayd est donc rompu et le prophète épouse sa concubine.
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Quel est le nombre de noms attribués à Dieu ?
d’une part, le Coran lui-même affirme qu' “à Dieu appartiennent les plus beaux noms [al-asmaâ al-housna]”. D'autre part, une tradition prophétique, remontant au compagnon Abou Hourayra, fait autorité : “Dieu a quatre-vingt-dix-neuf noms - cent moins un ; car Lui l'Impair aime l'impair, et quiconque les garde en mémoire entre au paradis”.
De ces noms, ni l'identité, ni le nombre n'ont jamais été complètement fixés au sein de la communauté islamique. (…) L'inventaire dit de Walid b. Muslim al-Dimashqi est le plus populaire, mais il en existe au moins trois autres également traditionnels. Il y a entre eux de substantielles différences. Notons que des noms très courants, tel al-Rabb (“le Seigneur”) manquent assez curieusement dans le premier. Pour le musulman d'oraison, les noms divins substituent à l'imprécision du mot Allah, simple dénomination abstraite, un contenu parlant et concret, voire affectif et anthropomorphique. (…) Monothéisme de l'essence, polythéisme des noms, oserait-on dire, n'eût été le caractère choquant de cette formulation pour la conscience musulmane. En somme, Dieu, en terre d'islam, loin d'être désigné par ce seul mot arabe comme on le croit communément, a plus d'un nom propre.
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Notre vie ne serait-elle que mises à l’épreuve ?
d’après plusieurs versets, il n'y a eu de création que pour mettre l'homme à l'épreuve. “C'est Lui, qui alors que Son Trône était sur les eaux, a créé les cieux et la terre, en six jours, pour éprouver lequel de vous serait meilleur en œuvre”. Ainsi, subir une épreuve revient à faire apparaître la valeur morale du croyant. (…) Selon le message coranique, il ne suffit pas de se dire croyant, il faut encore mériter sa foi.
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Pourquoi l'adultère est-il assimilé à une faute religieuse ?
les versets coraniques (à l'exception du verset 16, sourate 4) qui usent du mot Fahisha pour désigner l'adultère, constituent un ensemble suffisamment homogène sur le plan conceptuel, dans la mesure où comme dans la Bible hébraïque, le crime (d'adultère) est exclusivement le fait des épouses. Il s'agit certes d'un délit commis au détriment du mari, mais en raison du champ sémantique du terme, qui l'associe au péché et au démon, il acquiert une faute également religieuse. Si cet ensemble de versets est certainement le plus ancien, il apparaît que l'adultère est perçu, dès cette époque, non seulement comme une infraction à une relation contractuelle, mais également à l'ordre du monde.
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Comment le Coran protège-t-il les femmes contre la médisance ?
selon le verset 4, tout individu qui lancera contre une femme sans être en mesure de produire quatre témoins crédibles sera condamné pour Qadhf (ndlr : littéralement diffamation) ou accusation calomnieuse : il devra subir quatre-vingt coups de fouet, presque autant que l'auteur d'un adultère.
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Y a-til des correspondances entre le Coran et la Bible ?
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l’une des caractéristiques frappantes du texte coranique, rapporté à l'Ancien testament, réside dans le fait que, la plupart du temps, le Coran rapporte une paraphrase du contenu des textes bibliques, mais que la citation littérale d'un verset biblique y est extrêmement rare. On trouve un illustration éloquente de ce phénomène dans le verset 105 de la sourate 21 : “Nous avons écrit dans les psaumes : en vérité, mes serviteurs justes hériteront de la terre”. Ce verset est à rapprocher du psaume 37 : “Les justes posséderont la terre et l'habiteront éternellement”. Cet exemple montre que le Coran s'intéresse à ce qu'il saisit du contenu de l'Ancien testament, et non à sa formulation.
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Quel est le sens du mot Jihad ?
la racine jihad apparaît dans le Coran à quarante et une reprises. On ne saurait opposer le jihad au qital (combat). Qu'il y ait dans les dix-huit occurrences où le sens reste vague, possibilité pour les musulmans de greffer la théorie du “jihad majeur” contre soi-même, on peut l'admettre. Mais il est illégitime d'affirmer que le jihad coranique est uniquement spirituel. (…) Une série de versets constitue une progression vers le combat militaire. Le texte sacré encourage les moujahidoun (combattants) et leur donne même des conseils stratégiques : “N'appelez point à la paix lorsque vous avez la supériorité”. (…) Cette perspective combative s'associe aux injonctions coraniques de ne prendre ni juif ni chrétien comme affilié ou comme confident. (…) Nonobstant le verset 35 de la sourate 47, qui écarte l'appel à la paix lorsque les musulmans ont le dessus, le droit musulman a développé l'idée de soulh, nom abstrait traduisant l'idée de paix et de réconciliation. Son objectif est d'abord de mettre fin aux conflits et aux hostilités entre les croyants.
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À quand remonte la brouille entre musulmans et juifs ?
dans une première phase, le Prophète se montre favorable aux juifs qui bénéficient du statut spécial de dhimmi. (…) Des sourates de la période mecquoise et des premières années de la période médinoise parlent d'un seul “livre” (kitab), appelé parfois “Livre de Dieu”, qui a été donné aux prophètes à l'époque où les hommes formaient une communauté unique, puis à la descendance d'Abraham, aux enfants d'Israël, à Moïse, à Jean-Baptiste et enfin à Jésus. Ce Kitab Allah est explicitement identifié aux Ecritures des “Gens du Livre” (juifs et chrétiens). (…) Après avoir beaucoup espéré des juifs quand il était à la Mecque, le prophète se heurte à Médine à des groupes bien encadrés doctrinalement. S'ils sont prêts à accepter la croyance en un Dieu unique, ils refusent l'autorité temporelle du Prophète. C'est alors qu'apparaît dans le Coran l'épithète “hypocrites” (mounafiqoun). En même temps, est proclamée une spécificité doctrinale : le “Livre” est distingué de la Torah et de l'Evangile. Le mot désigne alors plus proprement la Révélation reçue par le prophète Mohamed et il n'est plus parlé que de “ceux à qui a été donné une portion du Livre”.
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Y a-t-il une origine (antéislamique) à la Nuit du destin ?
les spécialistes modernes ont avancé plusieurs hypothèses concernant une origine non islamique de la Nuit du destin : selon certains, il s'agirait de la fête du Nouvel an de l'époque préislamique (jâhiliyya) ; on l'a également mise en rapport avec la fête de la Nativité dans le christianisme, et avec la fête juive du Yom Kippour.
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Les non-musulmans sont-ils tous égaux ?
le Coran blâme à plusieurs reprises ceux qui renient l'islam : “La colère de Dieu est sur eux et ils auront un châtiment terrible”. Un autre son de cloche aurait été étonnant. Cependant, aucun châtiment terrestre n'est prévu à l'encontre des apostats : ils payeront cher dans l'au-delà, mais rien dans le Coran n'est prévu ici-bas comme peine fixe (hadd) en cas d'apostasie.
De manière aussi peu inattendue, l'appel à la conversion des non musulmans à l'islam est l'un des leitmotiv de l'islam. Cet appel (al-da'wa est le nom donné à la propagande religieuse et au prosélytisme en islam) et les moyens pour le mettre en pratique diffèrent selon la catégorie à laquelle appartiennent les gens à qui il s'adresse : les Ahl Al Kitab (“gens du livre”) d'une part, et les païens-associationnistes (Al-Mouchrikoun) d'autre part. dans les commentaires classiques du Coran, le fameux verset “La Ikraha Fi-ddine (pas de contrainte en religion)” n'est réputé concerner que les Ahl Al-Kitab. Toutefois, selon Ibn Zayd, ce verset est abrogé par un passage de la sourate 2, nettement moins favorable aux non-musulmans en général. D'autres versets reconnaissent implicitement ou expressément la légitimité actuelle des religions des Ahl Al-Kitab. Il en va autrement pour les païens-associationnistes, les mécréants (Al-Kafiroun) que le Coran invite à combattre et à tuer : “Alors tuez les associationnistes où que vous les trouviez, capturez-les et prenez-les en embuscade. Si, ensuite, ils se repentent, prient et paient l'aumône, alors laissez-les aller”.
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Quel est le sens exact de l'expression Hijab ?
s’il paraît évident que les hommes montrent leur visage en public, qu'en est-il des femmes ? En réalité, les préceptes coraniques sont peu précis en ce qui concerne les parties du corps à couvrir, et aucune référence précise n'indique qu'il faille se couvrir le visage. Il est d'ailleurs intéressant de noter que le terme généralement utilisé de nos jours pour désigner le voile, le Hijab, désigne surtout, dans le Coran, un rideau plutôt qu'un vêtement. Si, dans certains cas, ce voile peut être interprété au sens figuré, ou comme un rideau, bon nombres d'occurrences coraniques conseillent aux femmes de se dérober aux regards. Le voile, cependant, ne concerne pas que les femmes. On a vu, dans d'autres passages, que Dieu ne s'adresse aux hommes qu'à travers un voile. Et on constate, dans l'iconographie musulmane, que le prophète ainsi que d'autres personnages, peuvent apparaître le visage caché d'un voile ?
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Pourquoi le voile (et à qui s'adresse-t-il) ?
les occurrences coraniques mentionnant les femmes du prophète semblent liées à des événements historiques que les commentateurs, sans être unanimes, sont plus ou moins arrivés à déterminer. Les versets du voile auraient été ainsi directement liés aux rapports sociaux qu'entretenaient les épouses du prophète avec leur entourage. Dans un passage, le Coran semble explicite pour ce qui est de la tenue vestimentaire des femmes : “Prophète, dis à tes épouses, à tes filles, aux femmes des croyants de revêtir leurs mantes : sûr moyen d'être reconnues (pour des dames) et d'échapper à toute offense”. D'après la Tradition, ces versets ont été révélés lors d'un incident survenu chez le prophète, lorsqu'il ressentit de l'embarras vis-à-vis de visiteurs peu scrupuleux, qui tardaient un peu à quitter sa demeure. D'où, selon les commentateurs, l'ordre concernant la tenue vestimentaire adressé aux femmes du prophète, afin qu'elles soient protégées des regards d'étrangers.
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Quelle est l'origine de la Basmala ?
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la formule qui figure dans toutes les sourates (sauf une) est “Au nom de Dieu, le Clément, le Miséricordieux” ou la basmala, également appelée tasmiya. La question de savoir si elle fait partie du texte révélé a été soulevée très tôt : certaines autorités répondent par la négative, ce qui explique par exemple la position adoptée par les Hanafites qui ne la récitent pas à haute voix lors de la prière. Les manuscrits coraniques reflètent ces incertitudes, surtout à l'époque ancienne. (…) Dans certains manuscrits, l'utilisation d'encre rouge pour la basmala permet de mettre cette dernière en évidence - mais aussi à part, comme le suggère l'emploi de cette même couleur pour les signes vocaliques. La basmala est devenue ensuite d'un usage beaucoup plus large. Il est habituel de la placer au début de textes de toute nature. Les musulmans les plus attentifs ne manquent pas de la réciter avant chacun des actes de la vie de tous les jours.
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par Karim Boukhari et Youssef Mahla
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L'avis de l'expert. Le Coran, c'est le contexte
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L’islam fait régulièrement la “Une” de l'actualité internationale. Comment aborder le texte fondateur des musulmans en évitant à la fois une approche impressionniste basée sur une sorte d'empathie (qui fait du Coran un livre poétique, de bout en bout rempli de lumière et de compassion) et une approche agressive, une sorte de diatribe qui voit dans le texte coranique un manuel de conquête et de guerre sainte ? Comment sortir du cercle vicieux entre apologie et dénigrement ? Comment développer un rapport au Coran autre que sentimental et dévotionnel ?
Depuis plus d'un siècle et demi, des travaux extrêmement pointus, érudits, fondés sur la philologie et l'histoire sur le Coran existent mais restent malheureusement limités aux milieux académiques. “Le dictionnaire du Coran” (plus de 500 entrées) met enfin à la portée d'un plus large public ces travaux. Il répond ainsi à une exigence intellectuelle mais aussi à une nécessité politique et civique. Toutes les données de l'exégèse sunnite et chiite (souvent méconnue), de la science littéraire et de l'histoire sont réunies pour ceux qui souhaitent exercer leur intelligence critique.
La mise en contexte historique de l'émergence du texte coranique montre ainsi le lien très étroit que ce dernier entretient avec certains courants du judaïsme et du christianisme mais aussi avec le zoroastrisme et le manichéisme. Ali Amir Moezzi, coordonnateur du Dictionnaire, souligne ainsi que l'on oublie que “quatre des cinq piliers de l'islam ont leur parallèle dans la tradition manichéenne”.
En lisant l'article sur la Chari'a, (souvent traduit à tort par Loi canonique islamique), on constate que le “droit islamique” (le Fiq'h) doit, dans sa genèse et dans son développement, beaucoup moins au texte coranique qu'au droit iranien ancien, sassanide ou du droit romain, par l'intermédiaire des Byzantins, ou même du droit juif. Les premiers juristes de l'islam ont eu recours à d'autres corpus pour élaborer le droit que l'on appelle “musulman”. Le droit “musulman” s'est donc largement développé hors du cadre coranique. De même, l'idée que la Chari'a concerne tout acte humain est une production historique assez tardive. L'Histoire, ennemie du fondamentalisme, nous enseigne que d'autres approches ont existé. Ainsi en est-il du légiste Abou Is'haq al-Shirazi (mort en 1083) qui affirmait que “les choses politiques” étaient hors du champ de la Chari'a.
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En attendant une traduction en arabe
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Le chercheur Mohamed Houcine Benkheira, dans son article sur l'adultère, nous rappelle que l'on peut distinguer deux périodes dans l'histoire de la législation coranique concernant cet acte : sourate “les femmes”, versets 15-25, et “Al Nour”, versets 2-4. L'approche philologique peut être féconde dans la mesure où nous avons deux ensembles de textes qui utilisent deux termes coraniques distincts :
Fahisha dans le premier cas et Zina dans l'autre. Mais la différence ne s'arrête pas là. La législation y est notamment différente. Dans la sourate les femmes, “l'adultère y apparaît comme un délit exclusivement féminin et la punition est l'enfermement”. La doctrine coranique, dans ce cas précis, doit être mise en rapport avec les idées qui circulaient dans le Moyen-Orient à la fin de l'Antiquité. Pour la Bible hébraïque, les Romains et les Byzantins, l'adultère demeure avant tout un crime féminin. Dans la sourate “Al Nour”, il est question de coups de fouet mais un changement s'opère. L'adultère cesse d'être uniquement une affaire de femmes. Et fait rare dans le Coran, les femmes sont nommées avant les hommes : “az-zaniyatou wa-z-zâni”.
Ce premier dictionnaire francophone (signalons par ailleurs que, depuis plusieurs années, il existe une encyclopédie du Coran en anglais) participe à une clarification du débat, même si on peut déplorer que la plupart des entrées ne se préoccupent que de l'aspect philologique et historique, sans prendre en compte le souci réel comme semble le faire Arkoun dans ce même ouvrage de la “stratégie cognitive d'intervention” dans les sociétés “musulmanes”, pour ne pas laisser la conscience croyante devant ce que certains pourraient appeler “un champ de ruine”.
Le mérite de cet ouvrage est de montrer que les choses ne sont pas aussi évidentes qu’on le croit et de faire en sorte que ce que l'on acceptait comme allant de soi n'aille plus de soi. Foucault disait que “le problème n'est pas de changer la conscience des gens ou ce qu'ils ont dans la tête, mais le régime politique, économique, institutionnel de production de la vérité”. Espérons que cet ouvrage sera traduit en arabe et puisse contribuer à cet appel.
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Par Rachid Benzine
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Plus loin... Le Coran sans freins
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Le Dictionnaire du Coran n'a d'autre but que d'aider à mieux comprendre l'islam. Son approche comparative (le Coran par rapport à d'autres livres sacrés, le parallèle sunnites - chiites) lui confère une dimension fédératrice puisque suffisamment intéressante pour le plus grand nombre. Ce n'est pas à un “islam expliqué à l'autre (le non-musulman)” que l'on a affaire, ou alors pas seulement, mais à une réflexion. Et elle nous concerne, nous, musulmans. On peut la traduire, très simplement, par la question suivante : sommes-nous prêts à penser le Coran, l'islam, avec nos têtes (aussi) ? Car le cœur a ses limites, et l'émotion comme seul guide conduit à l'impasse. Impossible de dialoguer, de réfléchir, de se donner une chance de comprendre. Maintenant, il est possible, dans une démarche quelque peu progressiste, de retourner une question aussi classique que “Quel islam (Coran) avons-nous ?” pour lui substituer un “Quel islam (Coran) voulons-nous ?”. La nuance consiste, bien entendu, à ne plus rester prisonnier de la “lettre” du texte. La lettre, donc, est liée au contexte historique et aux péripéties parfois contradictoires des premiers temps de l'Hégire. La lettre, c'est une série d'instantanés qui, sur bien des questions (la femme, l'esclavage, le rapport aux non-musulmans, le jihad, etc), ont exprimé des préceptes pas toujours concordants. Ni adaptés aux réalités de notre époque. L'effort consenti, aujourd'hui, par de plus en plus d'islamologues, et qui mérite d'être soutenu, consiste à résoudre l'équation suivante : comment, pour ancrer le Coran dans notre temps, le remettre dans son contexte d'époque. Comment, en plus simple, en retrouver un certain esprit sans (forcément) la lettre. Cela revient à relier notre tête à notre cœur, à faire triompher la lucidité aux dépens de l'émotivité. Car si, comme le prétendent certains exégètes du texte, le Coran est une Constitution (pour tous les musulmans), il faudra un jour ou l'autre se demander si une Constitution jamais amendée au fil des siècles est le meilleur moyen de faire progresser une société.
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.Karim Boukhari et Youssef Mahla
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