Depuis la Mésopotamie, terre entre les deux fleuves, jusqu’à la Méditerranée, mer au milieu des terres, nos âmes ont voyagé au fil des siècles.
A dos de cheval ? Ou à dos de chameau ? Qu’importe...
Car de la multitude d’éléments qui nous composent, nous en partageons
certains avec les autres. Nous plongeons nos racines au plus profond
d’un héritage commun. Et tel l’olivier qui résiste dans le plus pauvres
des sols. Ou à l’image du palmier qui surgit du cœur des sables, nous
portons toujours les traces de notre histoire.
C’est au fond de notre mémoire que se cachent parfois nos souvenirs. Et nous sommes les premiers étonnés de les retrouver, au hasard des événements.
Comme à l’occasion du changement de saison par exemple ! A l’automne, au printemps, en hiver ou avec l’arrivée de l’été. Nos traditions agraires ressurgissent à ce moment-là. Et nous nous surprenons à répéter des gestes dont nous ignorons la véritable signification. Ces gestes que nos ancêtres exécutaient et qui avaient un rapport direct avec la terre et les travaux agricoles.
Comme le dîner de Yennayer ou Laâdjouza. Comme lorsque nous sortons, n’kherdjou waâda. Comme la tbiykha au printemps ou la tommina pour le Mouloud. Personnellement, j’ignorais que le football, avait pour origine le jeu de Takurt, la Kora. Organisé au printemps pour augurer d’une bonne saison de pluie. Et espérer de bonnes récoltes.
Et même si je me souviens des jeux de mon enfance, je ne savais pas que c’était des rites agraires au départ. Que la Djaâloula était pratiquée en été pour apporter un vent léger essentiel au vannage des céréales. Que la Toupie «ezzerboutt», ou le Cerceau, «takerust», se jouaient en automne pour symboliser la rotation des saisons. Et lorsque, enfant je chantais Ya chta çoubbi çoubbi, j’ignorais qu’elle faisait partie d’un rituel d’invocation de la pluie, boughendja. Il est vrai que le rituel s’est perdu à la faveur de Salate Al'istisqa' mais la chanson elle, est restée.
Et elle résonne encore dans ma mémoire, comme résonnait la voix de Djedda pendant les longues soirées d’hiver. Djedda me racontait m’hadj’yat El-Ghoula, Djha, et Bent Essolttane. Djedda, n’était pas un goual professionnel, pourtant elle avait le don pour les contes. Et malgré l’interdiction d’en raconter pendant la journée, elle me disait parfois une histoire lorsqu’elle m’emmenait au Hammam.
Dernièrement, j’ai voulu lui apprendre que le Hammam était d’origine romaine. Elle m’a fusillé du regard et m’a répondu : ma petite, ila l’hammam roumi, quoulili belli l’hanna roumiya, lala ?
Je n’ai pas voulu contrarier Djedda. Parce que ma grand-mère n’aime pas être bousculée dans ses convictions. En vérité le henné est une plante méditerranéenne. Même si l’oranger vient de Chine, et que c’est pour cette raison que nous continuons en Algérie à appeler l’orange, Tchina, en mémoire de son pays d’origine.
Djedda me parle parfois des ruches de mon grand-père. Elle aime répéter que c’était le meilleur miel du monde. Mon grand-père pressait les rayons entre ses mains et le miel extrait de ses ruches avait le parfum des plantes alentour.
C’est avec ce véritable miel d’abeilles qu’elle faisait ses pâtisseries de ramdane.
Et cela me rappelle d’ailleurs que pendant les longues journées de
Ramdane, nous les enfants, nous nous occupions à jouer pendant que les
adultes préparaient le ftour. Mais, notre plus grande joie se
manifestait à l’arrivée de Baba Salem dans le quartier.
Quelle joie, quel bonheur, que ce moment avec Baba Salem, ses quarquabous et son bœuf noir tout décoré. Nous dansions, nous les enfants. Mais c’était une simple danse, sans rapport avec la hadhra qui s’organisait un peu plus tard dans l’intimité des sanctuaires.
Cela avait dit-on le pouvoir d’exorciser les mauvais esprits. Comme les motifs géométriques que nos ancêtres dessinaient dans leurs maisons, sur leurs poteries, ou sur leurs tapis. Ces motifs appelés aujourd’hui berbères avaient fonction de talisman. Comme la Khamssa par exemple dont l’origine est ancienne et n’a aucun lien direct avec un quelconque rite musulman.
Je dis cela parce que je me souviens que je vous avais parlé du foulard ou voile appelé -ailleurs- islamique. C’était à l’occasion du tollé soulevé -ailleurs heureusement- sur la question du port du voile. Quoi qu’il en soit Djedda a toujours porté son foulard et ne s’est jamais demandé si c’était un signe ostensible ou non.
Et
vous aurez compris que j’ai juste voulu vous rappeler les sujets dont
j’avais parlé dans cette chronique des racines de l’âme, de nos âmes et
de nos racines. Et qui comme leur nom l’indique sont enfouies au plus
profond de notre terre.
Mère nourricière qui continuera toujours à l’être... je l’espère.
.
.
.
.
Oumelkheir
.
Les commentaires récents