Voilà quarante ans - ce fut le 9 octobre 1967 - Ernesto Guevara, surnommé le «Che» par ses compagnons de lutte cubains, est froidement abattu en Bolivie par un sous-officier bolivien sur ordre de ses supérieurs et en présence d´un agent de la CIA. On avait lâchement assassiné, sans même un simulacre de jugement, un homme blessé et désarmé, immortalisant finalement la légende d´un Che idéaliste idôlatré par de futures générations à travers la planète entière, quoique dénoncé et dénigré par les tenants latino-américains du néo-libéralisme. «Nul n´est prophète dans son pays», rappelle l´adage populaire. Il s´applique parfaitement à Ernesto «Che» Guevara dont l´image reste très controversée dans son propre pays natal, l´Argentine, où seuls des groupuscules de gauche, pour ne pas dire d´extrême-gauche, maintiennent vivante son image alors que l´« establishment» ne l´a toujours pas absous de son irrévérence à l´égard des oligarchies et des classes bourgeoises. Du côté du pouvoir officiel, le silence est total alors que dans les pays de «l´axe du mal», comme les a classés le Président W. Bush, - la Bolivie, l´Equateur, le Vénézuela - on a commémoré solennellement le souvenir du Che. L´actuel Président de Bolivie, Evo Morales, un Indien aymara, dénonça la dictature militaire dans l´assassinat du Che. Quant au Président vénézuelien Hugo Chavez, il se déplaça à La Havane pour revoir, à l´occasion de l´anniveraire de sa disparition, son vieil ami Fidel Castro et se recueillir dans la ville de Santa Clara au pied du mausolée où reposent les restes du héros national et de six compagnons abattus en Bolivie. Ce fut l´occasion pour Fidel de rassurer ses partisans sur sa santé et sa longévité politique, même s´il reste encore en vacance du pouvoir. Après tout, Raoul, le «jeune» frère, maintient haut le flambeau du castrisme au grand dam des opposants en exil. Bien entendu, Fidel n´eut que des éloges pour son ex-compagnon de lutte argentin à qui il avait accordé la nationalité cubaine, une fois au pouvoir, permettant ainsi à Ernesto Guevara de faire partie du premier gouvernement castriste en 1961. D´une ascendance où se mêlent les sangs irlandais et espagnol, Ernesto Rafael Guevara de La Serna naît le 14 juin 1928 à Rosario, Argentine. Il est l´aîné de cinq enfants dans une famille bourgeoise anti-peroniste installée dans la grande ville de Cordoba. Sa jeunesse es marquée par de fréquentes crises d´asthme, une maladie qu´il traînera toute sa vie. Son père lui apprendra le jeu d´échecs dès l´âge de trois ans alors que sa mère lui enseignera le français.
En 1948, il commence des études de médecine à Buenos Aires, qu´il achèvera en juin 1953.
Entre temps, avec son ami le plus proche, Alberto Granado, un biochimiste professant des idées de gauche, Ernesto entreprendra un voyage en moto qui le mènera jusqu´à une léproserie péruvienne en zone amazonienne où il prêtera ses services. Cette première virée lui révèle les inégalités sociales en Amérique latine et l´amène à réfléchir sur les moyens nécessaires pour les combattre. Dès juillet 1953 il parcourt la Bolivie, le Pérou, l´Equateur, les pays d´Amérique centrale, s´intéressant plus particulièrement au Guatemala où Jacobo Arbenz Guzman dirige un gouvernement populiste et tente une réforme agraire. Il sera témoin de la chute d´Arbenz victime d´un coup d´état encouragé par la CIA. Sans doute cette expérience amène le Che à se convaincre que seule la révolte populaire armée peut engendrer le socialisme. C´est à Guatemala City qu´il fera connaissance de sa première épouse Hilda Gadea Acosta, une économiste péruvienne militant au sein de l´«Alliance populaire révolutionnaire américaine» (APRA) qui l´aidera à renconter des exilés cubains. Arrivé au Mexique en septembre 1954, il est présenté par Raoul Castro à Fidel qui apparaît à Mexico après avoir purgé une peine de prison à Cuba et obtenu une amnistie du dictateur cubain Fulgencio Batista. Ce fut la rencontre décisive qui amènera le Che à se joindre au «Mouvement du 26 juillet» dont l´objectif est de renverser le gouverment de Batista. Che Guevara fait partie du groupe de 82 militants qui accompagneront Castro en novembre 1956 dans le vieil yacht «Granma» pour débarquer dans l´île de Cuba, une opération catastrophique car l´armée de Batista, informée, met hors de combat les trois-quarts de ce premier commando historique. Les survivants organisent la guérilla dans les montagnes de la Sierra Maestra. Il faudra deux années pour renforcer le mouvement face à l´armée de Batista qui finira par abandonner le terrain montagneux. L´offensive castriste sur les zones urbaines sera l´occasion pour Che Guevara d´organiser la bataille de Santa Clara et d´ouvrir la voie qui mène à la capitale, La Havane. Quatrième ville de Cuba, Santa Clara sera la scène d´un violent affrontement entre 3.500 soldats de l´armée régulière et moins de 400 guérilleros sous l´ordre du Che. Celui-ci donnera l´ordre, dit-on, de liquider des opposants notoires, laissant planer sur lui les accusations d´homme impitoyable. La défaite gouvernementale oblige Batista à chercher refuge en République dominicaine. Le 2 janvier 1959 les guérilleros occupent La Havane dans la liesse populaire. Le commandant Che Guevara est nommé procureur suprême de la prison de la forteresse de la Cabaña. Sans doute un demi-millier de personnes sont sommairement jugées et certains d´entre elles exécutées pour avoir contribué à la répression durant la dictature. Nombreux sont les historiens qui reprocheront au Che d´avoir assumé le rôle d´un procureur implacable, voire injuste...
Le 7 février 1959, le gouvernement révolutionnaire accorde à Ernesto Guevara la qualité de «citoyen cubain de naissance». Le 22 mai 1959 le divorce avec Hilda Gadea est prononcé, permettant au Che d´épouser Aleida March, une militante du mouvement du 26 juillet, avec qui il aura quatre enfants. Au sein du gouvernement il se penchera sur la réforme agraire, présidera la Banque nationale de Cuba. Ministre de l´Industrie il se lancera dans la reconversion de l´économie de l´île. En 1961, il publiera un livre sur «la guerre de guérilla» qui laisse entrevoir l´exportation vers d´autres pays du modèle de la révolution cubaine. Son rêve était de «multiplier les Viet-Nams» pour lutter contre «l´impérialisme yankee»...
Che Guevara effectuera des voyages qui le mèneront de New York à la Chine, de l´Afrique du nord à l´Afrique sub-saharienne et qui seront jalonnés par des discours ant-impérialistes. Après un bref retour à Cuba, où il retrouvera Fidel Castro et d´autres compagnons historiques, il disparaît de la scène publique. L´année 1965 sera marquée par une tentative du Che de combattre à l´est du Congo-Kinshasa avec en tête le souvenir de l´assasinat en 1961 de Patrice Lumumba. Ses contacts avec les foyers de rebellion congolais le découragent. Il abandonne ce terrain avec ses quelques compagnons afro-cubains via la Tanzani de Nyerere. Il se serait épargné cette désillusion s´il avait écouté l´ex-président algérien Ahmed Ben Bella qui l´aurait mis en garde. Ce fut en octobre 1965 que Fidel Castro confirme la démission de Che Guevara de toutes ses responsabilités gouvernementales, et l´abandon de la citoyenneté cubaine, en vue de se consacrer à des activités révolutionnaires à l´étranger. Le chapitre bolivien de Che Guevara s´ouvre le 7 novembre 1966 selon son «journal de Bolivie». En compagnie de seize Cubains fidèles à ses idéaux et une trentaine de Boliviens, il va tenter de créer un maquis dans une Bolivie gouvernée par le général René Barrientos. Il espérait bénéficier notamment de l´aide du parti communiste bolivien. Cette fausse appréciation mènera le Che et ses hommes à leur perte. Plus proche de Moscou que de La Havane, le PC bolivien ne fera rien. La capture le 20 avril 1967 de Regis Debray, un jeune philosophe français qui avait rejoint Guevara, rentre dans la logique de la dénonciation et du démembrement du groupe guérillero. La CIA aide les rangers boliviens à mieux localiser les rebelles. Le 8 octobre 1967, près du village de La Higuera, blessé aux jambes, Che Guevara se rend. Le jour suivant en présence d´un agent de la CIA, Felix Rodriguez, d´origine cubaine, le colonel Joaquin Zentono donne l´ordre au sergent Mario Teran d´exécuter le Che. L´événement eut lieu dans une salle de classe d´une école de La Higuera. En 1997, les restes de Che Guevara sont découverts à Villagrande et identifiés par analyse ADN.
Il eut droit à des funérailles nationales et fut enterré à Santa Clara avec six compagnons morts à ses côtés... Une fin de vie avec suffisamment d´ingrédients pour créer et forger la légende du Che soutenue par l´immortelle photo prise par Alberto Korda, sans doute le document photographique contemporain le plus reproduit sur des tee-shirts à travers le monde.
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Mohammed Benamar
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