.
De retour à Alger, le gouverneur général s’occupa immédiatement des dispositions à prendre pour celle d’automne et il y avait urgence, car les succès n’étaient pas définitifs. Suivant leur coutume, les Arabes reprirent l’offensive dès qu’ils virent l’armée rentrée dans ses cantonnements. Médéa et Miliana furent très vivement attaquées par Abd-el-Kader; la cavalerie arabe se montra de nouveau dans la Mitidja; Cherchell fut obligée de repousser les entreprises d’El-Berkani; le camp de Kara Mustapha, momentanément évacué par mesure de santé, devint le théâtre d’un engagement sanglant avec les troupes de Ben Salem. Ainsi la guerre, toujours la guerre, tel était le prix auquel les Français devaient acheter leur domination en Algérie. La lenteur avec laquelle s’accomplissaient les expéditions, les ménagements accordés à l’ennemi, furent la cause principale de ces constantes réactions.
.
Vers la fin du mois d’août 1840, les dispositions étant faites pour les approvisionnements des places et pour la campagne d’automne, les colonnes se mirent en marche. Le corps destiné à opérer dans la province de Tittery se dirigea sur Médéa avec un convoi pour la garnison de cette place, qu’elle atteignit après une seule rencontre avec les Arabes au bois des Oliviers. Le 5 novembre, le gouverneur général se disposa à aller approvisionner Miliana; il espérait d’ailleurs, d’après quelques avis reçus, rencontrer l’émir, qu’on disait s’être dirigé, avec ses bataillons réguliers, vers la vallée supérieure du Chélif; mais l’armée n’aperçut qu’une seule fois des cavaliers, qui s’éloignèrent sans combat. Le 8, on arriva dans Miliana. La place fut trouvée dans un bon état de défense, quoique la garnison eût beaucoup souffert; mais l’énergie des troupes et de leur chef était demeurée au-dessus des privations, et leur moral s’était soutenu dans le complet isolement où ils étaient restés durant cinq mois, ignorant même si les événements de la guerre permettraient de leur porter secours. La garnison fut relevée et l’approvisionnement effectué; on se mit alors à travailler à l’assainissement de la ville, à faciliter la culture de ses nombreux jardins, et à assurer sur tous les points le bien-être de la troupe. Le 9, le corps expéditionnaire reprit la route de Blida. On reconnut, en passant, l’ancien poste romain de Aquoe Calidoe, où se bifurque la voie conduisant de Cherchell à Miliana; au passage de l’Oued-Djer, deux mille cavaliers, précédés d’une ligne de tirailleurs, s’étant montrés , on s’attendit à un engagement; mais il fut impossible de les y amener.
.
Le maréchal ne s’étant pas porté de sa personne dans la province d’Oran, et les troupes de la division n’ayant pas reçu de renforts, on ne songea pas a exécuter les opérations projetées en août et septembre précédents; circonstance fâcheuse, qu’Abd-el-Kader exploita à son profit. Toutefois, le général Lamoricière put atteindre des tribus ennemies qui, à grande distance des postes français, se croyaient en parfaite sûreté les Beni Amer, les Beni-Yacoub, les Bou-Chouicha, les Ouled-Gherabah et les Ouled-Khalfa furent successivement frappés jusque sur leur territoire.
.
La répression des tribus rebelles était plus facile dans la province de Constantine. Le caïd messaoud des Righa, après avoir reconnu l’autorité française, avait passé à l’ennemi les indigènes rangés sous nos drapeaux punirent eux-mêmes cette trahison, en ruinant complètement le parjure. Le chef des Beni-Salah de la montagne avait fait assassiner un des officiers français, le capitaine Saget: le commandant de la subdivision de Bône dirigea aussitôt une colonne sur le territoire de la tribu coupable. Elle accourut demander grâce; mais on ne la lui accorda qu’à la condition qu’elle livrerait l’assassin, mort ou vif. La situation de la province était d’ailleurs satisfaisante. Bou-Akkas l’un des principaux chefs du pays, offrait ses services contre l’ennemi commun qui menaçait le khalife Mohammed-el-Mokrani soumis aux Français; les Haractas rapportaient eux-mêmes, toutes cachetées, les lettres de l’émir qui les excitait à l’insurrection ; les Nemenchah repoussaient l’ex-bey Ahmed ; et les tentatives faites pour soulever les Kabyles échouaient complètement. La province de Constantine devenait le refuge de beaucoup de familles de celle de Tittery, qui émigraient pour habiter de préférence un territoire placé sous l’autorité de la France.
.
Cette province continuait à présenter d’autres symptômes non moins rassurants. Le tribut, perçu sans trop de difficultés sur une portion du pays, commençait à offrir quelques ressources, les premières de ce genre qu’on eût encore obtenues. Les marchés étaient presque partout fréquentés par les indigènes. Les Arabes, cultivant la terre avec sécurité, sollicitaient qu’on leur confiât des soldats pour leur enseigner des procédés moins imparfaits, et particulièrement la culture de la pomme de terre, dont ils commençaient à connaître la valeur; enfin, nouveau rapprochement, peut-être le plus remarquable de tous, près de quatre cents indigènes venaient se faire vacciner à Constantine. Ces signes multipliés d’un véritable progrès attestaient que, s’il restait encore beaucoup à faire de ce côté, la situation y était, en 1840 relativement meilleure qu'elle ne l’avait été partout ailleurs. C’était là une faible compensation pour tout ce qu’il y avait encore d’incertain à Alger.
.
Le maréchal Valée, malgré ses incontestables qualités d’excellent général, était peu fait pour cette guerre de surprise, pour ces marches et contremarches dont l’exécution rapide fait tout le succès. Le mauvais état de sa santé, les habitudes de toute sa vie, ne lui permettaient guère de commander ces razzias continuelles, et presque toujours il se laissait prévenir par les Arabes. Lui-même était le premier à se rendre justice, et sentant son inaptitude il avait plusieurs fois demandé à rentrer en France. Cette faveur lui fut enfin accordée.
.
.
.
.
.
.
Les commentaires récents