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Dès son arrivée, le général Bugeaud fit sonder Abd-el-Kader sur ses intentions; l’émir n’avait pas d’éloignement pour la paix; mais, voyant que le négociateur n’était pas encore en mesure d’entamer une campagne, il ne répondit que par des paroles évasives, et se porta sur les bords du Chélif. Il se dirigea ensuite sur Miliana, puis sur Médéa, où il fit arrêter quatre-vingts des Koulouglis les plus influents qu’il envoya prisonniers à Miliana. Voulant créer assez d’embarras au gouverneur général pour l’empêcher d’opérer sa jonction avec le général Bugeaud, il se mit en rapport avec la plupart des tribus qui se trouvent dans les provinces d’Alger et de Tittery, et les excita à la guerre. Plusieurs tribus, et la ville de Blida la première, n’hésitèrent pas à envoyer des députations à l’émir. Étant ainsi parvenu à susciter un grand nombre d’ennemis, il laissa à son frère, bey de Miliana, et à ses autres agents, le soin de fomenter et d’entretenir les hostilités, puis il retourna dans la province d’Oran ou sa présence devenait nécessaire.
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Craignant avec raison que l’insurrection, qui faisait chaque jour des progrès, ne s’étendît bientôt dans toute la plaine, le comte Damrémont voulut s’emparer de Blida, pour s’y établir d’une manière définitive afin d’appeler à lui les tribus alliées. Les troupes se portèrent de nouveau sur cette ville; mais, après l’inspection des lieux et des ressources de l’administration, ce projet fut abandonné. Cependant les semences de guerre jetées par l’émir jusque chez les tribus de l’est commençaient à porter leurs fruits. En effet, le 9 mai, on apprit que les Amroua et les Isser venaient de se porter sur la ferme française la Regahïa; qu’ils y avaient tué deux hommes et enlevé une grande quantité de bétail.
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A cette nouvelle, le gouverneur fit marcher contre les Isser le 1er régiment de chasseurs d’Afrique, commandé par le colonel Schauenburg, tandis que le général Perrégaux s’embarquait avec un millier de fantassins; le but de cette combinaison était de mettre l’ennemi entre deux feux. Malheureusement l’état de la mer ne permit pas au bateau à vapeur de sortir du port; ainsi le colonel Schauenburg dut opérer seul. Après avoir eu quelques engagements avec les Arabes et les Kabyles, qu’il repoussa en leur faisant éprouver des pertes assez sensibles, il arriva à l’embouchure de l’Isser; mais n’y ayant point trouvé le général Perrégaux, et d’ailleurs manquant de vivres, il fut obligé de revenir sur ses pas avant que cette petite expédition eût obtenu le succès qu’on en attendait.
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Afin de mieux contenir les tribus de l’est, le comte Damrémont se décida à occuper la position de Boudouaou, qui se trouve à six kilomètres environ de Regahïa; mais comme il voulait en même temps opérer vers l’ouest, pour favoriser les mouvements du général Bugeaud, il ne put laisser à Boudouaou que neuf cents fantassins et quarante-cinq cavaliers sous le commandement du chef de bataillon La Torre. Le 25 mai, cette petite troupe fut attaquée par cinq mille hommes. Les bonnes dispositions prises par le commandant, la bravoure des soldats, l’emportèrent sur le nombre: les Arabes s’enfuirent laissant plus de cent morts sur le champ de bataille et en emportant un plus grand nombre. Le gouverneur avait eu connaissance du projet d’attaque, et avait dirigé des troupes sur ce point, mais lorsqu’elles arrivèrent tout était fini. Cependant le général Perrégaux entra dans la plaine des Isser, culbuta tout ce qu’il rencontra sur son passage, et força plusieurs marabouts de cette tribu à venir lui demander merci.
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Pendant que ce général opérait à l’intérieur, un bateau à vapeur et une gabare se portèrent sur Dellys (Teddel des Arabes, Saldoe des Romains), petite ville maritime à quatre-vingts kilomètres d’Alger. A la première sommation, les habitants, qui avaient pris part à l’insurrection, se hâtèrent de poser les armes et d’envoyer des otages à Alger. Ainsi se termina le soulèvement des tribus de l’est, ordinairement plus occupées de la culture des riches plaines qu’elles habitent que d’expéditions belliqueuses.
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A l’instigation d’Abd-el-Kader, une partie des tribus de l’ouest s’était aussi mise en mouvement; les Hadjoutes avaient entrepris plusieurs courses, durant lesquelles ils ravagèrent le territoire des alliés à la France, massacrèrent quelques soldats isolés, surprirent une troupe de faucheurs qui s’étaient imprudemment avancés à une certaine distance de Boufarik et leur firent subir le même sort. Décidé à châtier ces incorrigibles, le gouverneur général réunit toutes ses forces à Boufarik où il était d’ailleurs plus à portée, selon les nouvelles qu’il attendait du général Bugeaud, de marcher sur Médéa ou sur la vallée du Chélif. En conséquence, le 7 juin, il se porta sur la Chiffa, et la nuit suivante sur le petit bois de Karésa, repaire ordinaire des Hadjoutes qui infestaient le Sahel: il eut là quelques engagements partiels avec plusieurs de leurs bandes; mais le lendemain des cavaliers du bey de Miliana lui apportèrent la nouvelle d’un traité de paix conclu entre le général Bugeaud et Abd-el-Kader.
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