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Après sa proclamation, le général Bugeaud s’empressa de concentrer ses forces dans la province d’Alger, par l’évacuation de plusieurs postes peu importants. Il avisa en outre aux moyens d’assurer la tranquillité intérieure, qui n’existait plus depuis quelque temps: des maraudeurs et des réfugiés indigènes, échappant à toute surveillance, se livraient journellement dans le Sahel au pillage et à l’assassinat; on les expulsa de la retraite qu’ils s’étaient choisie, pour les réunir en avant de la Maison-Carrée, où ils formèrent la colonie de l’Harrach. Les garnisons que les Français avaient à Medea et à Miliana suffisaient bien à la garde de ces deux places, mais elles n’étaient point assez fortes pour imposer à aux ennemis du dehors; plusieurs autres points se trouvaient dans le même cas. Il s’agissait donc de donner une plus grande impulsion à l’offensive, de frapper avec énergie les tribus rebelles des provinces d’Alger et de Titery ; il importait aussi de détruire tous les dépôts fortifiés de l’ennemi, et de ruiner l’influence qu’exerçait Abd-el-Kader dans la province d’Oran, où il puisait constamment de nouvelles ressources.
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Tel était le programme de la guerre. Toutes les dispositions furent prises pour reprendre les hostilités avec avantage. L’année 1841 commença heureusement : dans la nuit du 12 au 13 janvier, une colonne de quatre mille hommes, sortie d’Oran sous les ordres du commandant de la place, s’était portée à la rencontre de Ben-Thamy, khalifat d’Abd-el-Kader, et l’avait mis en fuite. Un châtiment sévère avait été, dans le même temps, infligé à la tribu de Beni-Oualban, coupable de divers crimes commis sur la route de Philippeville à Constantine; quelques autres succès obtenus à la même époque pouvaient être considérés comme un présage heureux des succès qui allaient suivre.
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Le général Bugeaud commença la campagne du printemps par les ravitaillements de Medea et de Miliana. Dans l’approvisionnement de cette dernière place, la colonne qui escortait le convoi eut avec l’ennemi, le 1er mai, une rencontre sérieuse. Deux jours après elle dut soutenir un engagement plus important encore contre les Kabyles, parmi lesquels se trouvait Abd-el-Kader avec sa nombreuse cavalerie, et trois bataillons de réguliers ; ces forces réunies s’élevaient à près de dix ou douze mille fantassins et dix mille cavaliers. Le corps expéditionnaire, commandé par le gouverneur général en personne, se composait à peine de huit mille hommes de toutes armes. Les ducs de Nemours et d’Aumale en faisaient partie. Le premier avait sous ses ordres l’aile gauche et une portion du centre; le second commandait deux bataillons. L’ennemi se rua sur les Français avec beaucoup de vigueur, mais il fut promptement repoussé. Les réguliers d’Abd-el-Kader ayant été atteints par la colonne qui avait franchi le Chélif, ne purent résister à l’impétuosité des troupes et essuyèrent une complète déroute. Ces préludes n’étaient point de nature à rassurer l’ennemi. L’activité que déployait le nouveau gouverneur lui paraissait extraordinaire en comparaison de la mollesse des années précédentes. Aussi de toutes parts se manifestait-il chez les Arabes une inquiète effervescence.
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Après le ravitaillement des places de Medea et de Miliana, le gouverneur général confia au général Baraguay-D’Hilliers le commandement de la division destinée à agir sur le Bas-Chelif, et se mit lui-même à la tête de l’expédition qui devait manœuvrer dans la province d’Oran; en son absences la province d’Alger et sa capitale furent placées sous le commandement de M. le maréchal de camp de Bar.
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Instruit des projets français, Abd-el-Kader réunissait toutes ses ressources pour protéger des attaques les forteresses de Boghar, Tekedempt et Thaza; mais le jour approchait où ces remparts si péniblement élevés allaient s’écrouler . Le 18 mai, une colonne commandée par le gouverneur général et munie d’un matériel de siége imposant, partit de Mostaganem; après plusieurs escarmouches avec les Arabes, elle arriva le 25 sous les murs de Tekedempt. La cavalerie ennemie se montrait en nombre sur les hauteurs voisines, et semblait prête à disputer sérieusement le terrain; mais un engagement très vif qui eut lieu entre elle et les zouaves découragea complètement l’émir, et la colonne put pénétrer dans la ville sans coup férir. Les habitants l’avaient abandonnée, çà et là quelques maisons couvertes en chaume brûlaient encore ; le pétillement de l’incendie que les Arabes avaient allumé en fuyant troublait seul le silence de cette solitude. Aussitôt l’ordre fut donné d’en ruiner les fortifications; et le lendemain, des hauteurs où il s’était retranché, Abd-el-Kader put voir s’écrouler cette citadelle qui lui avait coûté tant d’efforts.
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