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Une administration basée sur les idées du général Berthézène ne pouvait se maintenir longtemps contre le cri de l’opinion publique, qui accusait son chef et demandait que la France jetât en Algérie des racines fortes et puissantes. Sous l’influence de ces récriminations, dominé peut-être par le sentiment de son insuffisance, M. Berthezène demanda et obtint sa démission, « ne laissant en Afrique, dit le commandant Pélissier, qu’une réputation d’honnête homme dans l’acception la plus vulgaire du mot; mais d’un homme qui n’était point né pour la position qu’il avait eu l’imprudence d’accepter, peut-être même de solliciter. »
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Peu satisfait des résultats jusque là obtenus, le gouvernement résolut, aussitôt après le départ du général Berthézène, d’adopter un nouveau système d’administration. La présidence du conseil était alors dévolue au ministre de l’intérieur, M. Casimir Périer: celui-ci voulut, à cause de sa position, se réserver une large part dans la direction des affaires d’Alger, et fit décider par le cabinet qu’à l’avenir l’autorité civile dans les possessions d’Afrique serait séparée de l’autorité militaire; qu’un intendant civil indépendant du général en chef, mais placé sous les ordres immédiats du président du conseil, aurait la direction de tous les services civils, financiers et judiciaires, et qu’il correspondrait directement avec les divers ministères. Cette division des pouvoirs, dans un pays ou l’administration française était encore toute nouvelle, où les attributions des différentes autorités étaient mal définies, présentait de graves difficultés; elles se compliquèrent par le choix des hommes qui furent appelés à mettre en pratique le nouveau système.
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Le commandement en chef des troupes fut dévolu à M. le lieutenant général duc de Rovigo (Savary, duc de Rovigo, naquit à Sedan, en 1774. Engagé volontaire en 1789, il se trouvait sous-lieutenant au régiment Royal Normandie lorsque la révolution française éclata, il servit sous Moreau, avec éclat, dans l’armée du Rhin, et fut promu au grade de lieutenant colonel Devenu aide de camp du général Desaix, il le suivit en Égypte, et se trouvait à ses côtés lorsque ce grand capitaine tomba frappé à mort sur le champ de bataille de Marengo.:) Le premier consul attacha Savary à sa personne, en qualité d’aide de camp, et l’éleva au grade de général de brigade. En 1803, il fut nommé général de division, Il fit en cette qualité les campagnes de Prusse, de Pologne d’Espagne, d’Autriche, etc. En 1810, il fut nommé ministre de la police, poste qu’il conserva jusqu’à la chute de l’empire), ancien ministre de la police sous l’empire, plus recommandable par son dévouement sans bornes à Napoléon que par sa capacité; homme d’exécution plutôt que de conseil, façonné aux habitudes arbitraires, toujours prêt à substituer sa volonté à la loi. Les désastres de Napoléon l’avaient dépouillé de ses majorats; la restauration l’avait proscrit, et le reste de sa fortune s’était dissipé dans ses voyages à l’étranger. Le duc de Rovigo demandait donc à la révolution de juillet une indemnité pour tant de souffrances, réparation qu’il était fort difficile de lui accorder. On aurait craint de l’employer en France, on se décida à l’envoyer en Algérie.
L’intendance civile fut confiée à M. le baron Pichon, administrateur méticuleux, toujours enchaîné à la lettre de la loi, incapable de s’élever à la hauteur des circonstances difficiles au milieu desquelles il se trouvait placé. Sous l’empire et pendant la restauration, le baron Pichon avait été chargé de quelques missions diplomatiques secondaires, et en définitive il n’acceptait sa nouvelle position qu’afin de compléter les quelques années de services qui lui manquaient pour obtenir sa retraite. Tels étaient les deux chefs appelés à consolider notre situation en Afrique. Certes, il eût été difficile de faire un plus mauvais choix, de juxtaposer plus malencontreusement, pour concourir à un même but, deux hommes d’opinions et de tendances plus contraires. Mais n’anticipons pas sur les événements.
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