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La retraite subite et forcée du duc de Rovigo appela au commandement supérieur de l’armée d’Afrique le général Avizard, le plus ancien des maréchaux de camp qui s’y trouvaient alors. Ce n’était qu’un chef intérimaire; mais si son pouvoir fut de courte durée 4 mars-20 avril), il prit du moins une disposition importante que nous ne pouvons passer sous silence. Jusque là nos relations avec les Arabes avaient été soumises à l’intermédiaire des interprètes, hommes généralement peu instruits et très prévenus contre la nationalité arabe. C’est sans contredit à l’exagération de leurs rapports que doit être attribuée une partie des résolutions arbitraires et violentes du duc de Rovigo, résolutions qui ont été si nuisibles à l'établissement. Pour faire cesser cet état de choses, le général Avizard institua sous la dénomination de bureau arabe une administration spéciale destinée à donner à nos relations avec les indigènes une régularité et une extension qu’elles n’avaient pas encore eues. Ce bureau devait concentrer toutes les affaires arabes, réunir et apprécier les documents originaux, et mettre chaque jour sous les yeux du général en chef la situation du pays et la traduction des lettres les plus importantes. La direction de ce bureau fut confiée à un jeune officier, aussi brave que studieux, qui depuis le commencement de l’expédition s’était appliqué à comprendre et à parler les divers dialectes de la langue arabe: c’était M. de Lamoricière, alors simple capitaine au bataillon des zouaves. A peine investi de ces fonctions, M. de Lamoricière se mit en devoir de parcourir les tribus voisines d’Alger : il leur apprit le but de sa mission, le désir sincère qu’il avait de connaître, de satisfaire leurs besoins réels, et leur donna l’assurance formelle qu’elles seraient à l’avenir traitées avec justice. Ces paroles conciliantes ramenèrent chez ces tribus la confiance que leur avaient ôtée les sanglantes exécutions ordonnées par le duc de Rovigo.
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Dans les derniers jours d’avril, le baron Voirol vint prendre le commandement supérieur de l’armée; c’était le plus jeune des lieutenants généraux et le même qui, en 1815, s’était si brillamment distingué comme colonel à la défense de Nogent. Toutefois le gouvernement n’envoyait encore qu’un chef intérimaire : il espérait que le prompt rétablissement du duc de Rovigo lui permettrait bientôt d’aller reprendre son poste. Ces prévisions ne se réalisèrent pas; l’ancien ministre de l’empire mourut au mois de juin, mais la position incertaine du général Voirol ne fut pas changée.
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Le nouveau chef ne se laissa pas arrêter par tout ce qu’il y avait d’embarrassant dans sa situation personnelle; il n’envisagea que ses devoirs, et s’en acquitta de son mieux, souvent avec bonheur, toujours avec dévouement et intelligence. Dès son arrivée, il fit poursuivre avec activité le tracé des routes, il créa les spahis d’el Fahs (aujourd’hui gendarmes maures), destinés alors à prêter main forte à notre gendarmerie trop peu nombreuse et à concourir à la défense commune du territoire. Comme complément de cette idée, il institua dans la banlieue d’Alger des milices indigènes destinées à garder en été les blockhaus et les postes que leur position malsaine rendait dangereux pour des troupes européennes. Ces levées, faites dans les outhans soumis, ne recevaient de solde que pendant la durée de leur service : c’était, on le voit, une espèce de restauration des maghzen. Au milieu des tribus dont la fidélité paraissait douteuse, le général Voirol fit établir des camps retranchés; il voulut aussi s’assurer du défilé boisé et marécageux de Boufarik en abattant les taillis, en réparant les ponts et saignant les marais. Ainsi de proche en proche s’étendaient et se consolidaient les prises de possession.
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