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Maintenant que nous avons expliqué les causes et le but de l’expédition de Constantine, ainsi que les circonstances qui s’opposaient à son succès, jetons un rapide coup d’œil sur l’état physique et la situation politique de cette province, qui en définitive manquait à l’unité de la domination française, ces renseignements sont d’autant plus importants à connaître, qu’elle est la seule qui ait retenu jusqu’à ce jour une portion notable de son ancienne organisation.
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Des trois beyliks de la régence d’Alger, le plus étendu, le plus riche et le plus important était celui de Constantine, borné au nord par la Méditerranée, à l’ouest par les monts Djurjura et les versants du Schott, à l’est par la régence de Tunis, enfin au midi par le désert. Les chaînes de montagnes qui le parcourent sont plus distinctes que dans les deux autres provinces. Depuis le Djurjura, dont les appendices descendent sur Dellys, jusqu’à Bône, des monts élevés de mille à quinze cents mètres, abruptes, inaccessibles, et couverts en grande partie de bois, bordent le littoral, qui à l’est de Bône ne présente plus que des collines hautes de deux cents mètres; mais, à sept ou huit lieues en arrière, on retrouve, après de grandes plaines, la continuation des montagnes du littoral qui forment le long de la Méditerranée la chaîne du Petit Atlas. Plus au sud de ces monts, la chaîne de Gebel-Aurès leur est à peu près parallèle, et forme comme un grand bassin central où se déploient diverses vallées qu’arrosent de nombreux cours d’eau. Au delà des monts Aurès sont les versants de l’oued-Adjedid et les plaines de Biskra. Plus loin est le désert, dont les solitudes sont cependant fréquentées par les caravanes dirigées du centre de l’Afrique vers Tunis et Tripoli. La majeure partie des rivières qui sillonnent cette riche province se déversent dans la Méditerranée; les autres se perdent dans la terre. Les principales sont: la Soummam, l’Oued-el-Kebir, la Seybouse, le cours supérieur de la Mejerdah et l'Oued-Adjedid, qui s’engouffre dans les sables du désert vers Touggourt.
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Le beylick de Constantine est divisé en une infinité de circonscriptions qui n’ont pas conservé, comme dans les deux autres, la dénomination de arch (tribu), mais qui prennent le titre de enjouhe (grande tribu); on y trouve en outre plusieurs villes, centres de population et de relations commerciales très importantes. Sur le littoral s’élèvent Bougie, Gigelly, Collo, Stora et Bône, sans mentionner les petites bourgades telles que Skikda et la Calle. A l’intérieur et au delà du Petit Atlas, on trouve Constantine, capitale de la province, Mila, Sétif, Mejanah, Callah, Zamorah, Msila, Biscara, Tipta, Calet, Senan, et dans le désert Touggourt et Ouargla.
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Mais arrêtons-nous ici et disons quelques mots du bey de Constantine, de ce chef redoutable qui pendant sept années a bravé la France.
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Ahmed (El-Hadji) est Koulougli. Son père, également bey de Constantine, mourut étranglé. Alors sa mère, qui était une Ben Gama, s’enfuit dans la Sahara, où elle l’éleva avec toute la tendresse d’une femme arabe.
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Parvenu à l’âge d’homme, Ahmed prit du service dans les troupes d’Hassan, second successeur de son père, et fut promu au grade de califat. Enfin, Hussein Pacha le nomma bey.
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Avant la signature de la capitulation d’Alger, Ahmed essaya de persuader à son maître de le suivre à Constantine avec ses trésors: fort heureusement pour lui Hussein n’en fit rien; mais son gendre Ibrahim se montra plus confiant et eut lieu de s’en repentir. En effet, lorsqu’il lui eut livré une somme d’argent considérable cachée dans la maison de campagne de son beau-père, le bey le renvoya à Alger complètement dépouillé.
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Après cet acte de félonie, Ahmed Bey reprit la route de Constantine avec les débris des troupes qu’il avait conduites au secours de Hussein; mais il en trouva les portes fermées. A la première nouvelle du triomphe des Français, la garnison turque avait proclamé sa déchéance et installé à sa place un Turc nommé Kuchuck-Ali. Au milieu de la perturbation qui ne tarda pas à s’étendre par toute la régence, Kuchuck-Ali n’eut pas le temps de consolider son usurpation, et l’infatigable Ahmed s’étant créé un parti redoutable parmi les Kabyles, puis ménagé des intelligences dans la place, parvint en très peu de temps à se défaire de lui.
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Une fois réintégré dans son pouvoir, le premier soin d’Ahmed fut de se défaire de cette milice turque qui, dans son incommode indépendance, semblait déjà vouloir, comme naguère à Alger, disposer à son gré de l’autorité suprême. Il l’envoya dans les tribus par petits détachements qu’il fit successivement massacrer. Non encore rassuré par cette mesure radicale, il pensa qu’il ne serait réellement maître du pays qu’après s’être débarrassé de tous les Turcs fixés à Constantine, qui, par leur richesse ou par leur caractère, pouvaient être considérés comme capables d’aspirer à la dignité de bey. Il les fit donc arrêter successivement sous divers prétextes, et, après avoir confisqué leurs biens, les livra à ses chiaoux. Il s’attribua dès lors dans toute leur plénitude les droits de la souveraineté, et prit le titre de pacha qui lui fut bientôt confirmé par la Porte.
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A l’époque de l'expédition de Constantine, Ahmed Bey était âgé de cinquante ans environ; c’était un homme imposant, quoique d’une taille moyenne; ses yeux étaient pleins de feu et de vivacité, ses manières séduisantes; brave, entreprenant, ombrageux et sanguinaire, sur le plus léger soupçon il n’épargnait ni ses plus intimes amis ni même ses proches parents. Ennemi juré des chrétiens, il les confondait tous dans la même haine. Libertin à l’excès, et aussi riche qu’avare, son insatiable convoitise trouvait un perpétuel aliment dans les femmes et dans les trésors de ses sujets ; malheur à ceux qui en possédaient. Ahmed exerçait sans intermédiaire le commandement suprême sur les tribus; il nommait à tous les emplois judiciaires, administratifs et religieux; mettant son pouvoir au-dessus même de la justice, il confisquait selon son bon plaisir les biens de ses sujets ; seulement il donnait tous les vendredis, après la prière de midi, une audience publique, durant laquelle il écoutait les réclamations des habitants de la ville et des outhans.
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Lorsqu’il voulut s’attribuer le pouvoir souverain à Constantine, Ahmed fit massacrer, comme nous venons de le dire, le plus grand nombre des Turcs enrôlés dans la milice; ils les remplaça par des Kabyles pris dans la tribu de Beni-Fergan, à laquelle appartenait Ben-Aïssa, et par des cavaliers du Sahara. Sa parenté avec la famille Ben-Ganah, les justes plaintes qu’excitaient chaque année les brigandages des tribus nomades, lui semblèrent des motifs suffisants pour compter sur la fidélité de ces cavaliers. Sans les constituer en marghzen, il se servit d’eux pour faire des razzia contre les tribus de la province. Ces Arabes, que l’éloignement de leur pays, la différence de leurs mœurs et de leur origine, rendaient, pour ainsi dire, étrangers au reste de la population, traitaient les habitants en peuple conquis; lorsqu’ils recevaient ordre de frapper, ils exterminaient c’était surtout contre les tribus appartenant à la race Chaouïa qu’El-Hadj-Ahmed les employait. Telle était la situation de cette province.
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