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Arzew l’ancienne Arsennaria des Romains, est une ville en ruines, située à trois kilomètres environ de la mer. A notre l'arrivée des Français en Algérie, elle était habitée par une tribu kabyle du Maroc qui était venue s’y établir sous la protection du gouvernement turc. Lorsque nous nous emparâmes d’Oran, cette colonie rechercha notre amitié et fournit même à la garnison tout ce qu’elle put lui procurer. Indigné de voir des musulmans être les pourvoyeurs des chrétiens, Abd-el-Kader fit enlever secrètement le chef de cette colonie, et le conduisit à Mascara où il mourut étranglé. Instruit de cet acte de violence et de l’irritation qu’il avait causée parmi les habitants, le général Desmichels se détermina à occuper non Arzew, mais son port (la Mersa) qui est une excellente relâche. Abd-el-Kader voulut disputer cette position et entra dans Arzew avec un petit nombre de troupes, mais il ne dépassa pas les faubourgs, et se borna à en faire évacuer les habitants. Quelques-uns de ces malheureux vinrent s’établir sous la protection française à Oran et à Mostaganem; la plupart se mêlèrent aux tribus arabes de la plaine de Ceïret. L’émir ne pouvait se maintenir dans Arzew, ville ouverte et sans ressources; il l’abandonna après l’avoir occupée quelques jours et se porta sur Tlemcen.
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Arzew appartenait toujours à deux partis hostiles les Turcs et les Koulouglis tentaient la citadelle (le Mechouar), ainsi que les quartiers qui en dépendent; les Maures étaient maîtres du reste de la cité. Cette scission favorisant les projets d’Abd-el-Kader, il somma les Maures de le reconnaître pour souverain; ceux-ci voulurent résister, mais les Turcs et les Koulouglis s’étant joints aux Arabes, ils furent obligés de se soumettre. La conduite qu’avaient tenue les gens du Mechouar fit espérer à Abd-el-Kader qu’eux aussi reconnaîtraient son autorité; il n’en fut rien. Tout en promettant de vivre en paix avec lui, ils refusèrent de lui ouvrir les portes de la citadelle; et, comme il n’avait point d’artillerie pour les y contraindre, il dut se contenter de leurs assurances amicales. L’émir se retira ensuite à Mascara, où son père venait de mourir. Un instant on crut que cette perte allait ruiner sa puissance; mais quoique privé de celui qui avait guidé ses premiers pas, d’Abd-el-Kader sut se montrer digne de la haute position où la fortune l’avait élevé.
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Le général Desmichels mit à profit l’absence d’Abd-el-Kader pour se porter sur Mostaganem qui se trouve à quatre myriamètres par mer et à sept myriamètres par terre du port d’Arzew. Depuis 1830, cette ville était occupée par quelques centaines de Turcs, garnison peu sûre, et qui, au premier moment, pouvait faire cause commune avec l’ennemi. Afin de prévenir cet événement, la frégate la Victoire et six bâtiments de transport partirent de Mers El-Kébir le 23 juillet, portant à leur bord quatorze cents hommes d’infanterie et deux obusiers de montagne. Dans cette circonstance, nos douteux alliés se conduisirent avec adresse; se voyant hors d’état de résister, ils livrèrent la ville ainsi que les forts qui en dépendent.
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Le territoire de Mostaganem comprend trois villes distinctes Mostaganem, Matamore et Mazagran. La première est la plus importante; la seconde en est en quelque sorte la citadelle; la troisième est située à l’ouest, à une distance d’environ sept mille mètres. Les chroniques musulmanes font remonter au XIIe siècle la fondation de Mostaganem. Gouvernée d’abord par le chef sarrasin Yousouf, elle tomba ensuite aux mains d’un autre chef, Ahmed-el-Abd, dont les descendants la conservèrent jusqu’au XVIe siècle. Les Turcs s’en emparèrent sous le commandement de Khaïr-ed-Din, qui en agrandit l’enceinte et la fortifia; de cette époque date l’importance de Mostaganem. Matamore n’était alors qu’une espèce de faubourg; depuis il a été entouré de remparts. Attirées par la fertilité du sol, de nombreuses familles maures vinrent se fixer sur son territoire, où elles entreprirent de grandes exploitations agricoles et importèrent avec succès la culture du coton. Bientôt Mostaganem, Tig-Did, Dig-Dida, Mazagran, dont la domination sarrasine avait jeté les premiers fondements, comptèrent ensemble une population d’environ quarante mille âmes et devinrent le centre d’un commerce florissant. Les invasions espagnoles, les incursions des Arabes, l’incurie ou l’avidité des gouverneurs turcs, paralysèrent tour à tour ce mouvement agricole et industriel, tellement qu’en 1830 ce territoire si fertile produisait à peine les objets nécessaires à la consommation des habitants. L’année suivante, le commandement de Mostaganem ayant été confié au caïd Ibrahim, les tribus environnantes refusèrent de reconnaître son autorité, pillèrent les récoltes, détruisirent les maisons de plaisance qui ornaient les abords de la ville, et vinrent s’établir à Tig-Did. Pour se débarrasser d’un ennemi tellement incommode, les Turcs foudroyèrent Tig-Did, et soutinrent contre les Arabes une lutte acharnée. Ces sanglantes collisions décidèrent les familles maures, c’est-à-dire la population laborieuse, à émigrer.
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