...par Jean Daniel
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Le directeur du Nouvel Observateur, Jean Daniel, de son vrai nom Jean Daniel Bensaïd, a présenté, hier, à la Bibliothèque nationale (Alger), son dernier ouvrage Avec Camus : Comment résister à l’air du temps.
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Le grand journaliste explique que cet ouvrage n’est pas un mode d’emploi mais une invitation et une introduction. Introduction à l’une des plus belles œuvres du XXe siècle français, celle d’Albert Camus. Mais aussi une invitation au doute et à l’exigence morale sur fond de réflexion sur ce que peut être le journalisme. Pour Camus comme pour Jean Daniel, il n’est pas de journalisme qui ne se sépare d’une culture comprenant la philosophie et la littérature. Le journaliste doit exiger la vérité. Mais, cette vérité, comme nous le fait remarquer Jean Daniel, n’est-elle pas propre à chacun ? Seuls nous restent alors le doute et la négation de l’absolu. Nous voici donc face à une invitation à la réflexion, au rejet de l’absolu, au doute journalistique, à l’exigence de vérité morale nécessairement vacillante. Ainsi, Jean Daniel, qui s’est fait remarquer dans les années 1950, par ses reportages sur la Guerre d’Algérie dans lesquels il dénonce la torture, nous invite ici, dans un langage toujours éclatant, à rencontrer Albert Camus journaliste, évidemment indissociable de l’auteur de Caligula ou du Mythe de Sysiphe. Camus c’est aussi l’homme de ces citations qui raisonnent parfois de manière inquiétante dans le creux de nos oreilles : « Un pays vaut souvent ce que vaut sa presse » ou encore : « Un journal, c’est la conscience d’une nation ». Le livre est riche d’un plaidoyer pour l’information critique qui, selon Camus, est d’abord « le pari passionné que l’on peut intéresser et fidéliser le lecteur en lui donnant à penser, même et surtout en le distrayant, sans jamais flatter son goût pour la paresse ou la vulgarité ». Pour Jean Daniel, Camus journaliste est synonyme du refus de la violence sachant que celle-ci est inévitable et injustifiable. C’est aussi le doute constant qui dénigre toute forme d’absolu. Refus du totalitarisme, du colonialisme, de la terreur. L’élève de Camus explique : « Sans aucun doute ce fut parce qu’il naquit dans une famille pauvre d’Algérie qu’il ne devait rien à l’intelligentsia parisienne, et qu’il dut rompre avec cette dernière pendant cette guerre qui déchira la France. » Il y a alors ces mots, que l’on a toujours mal interprétés parce que jamais cités dans leur intégralité : « En ce moment, on lance des bombes sur les tramways d’Alger. Ma mère peut se trouver dans un de ces tramways. Si c’est cela la justice, alors je préfère ma mère. » Une phrase qui a suscité une vive polémique autour de Camus. L’ouvrage de Jean Daniel, pour sa part, n’a pas laissé indifférent la famille intellectuelle algérienne. Ainsi, l’écrivain Rachid Boudjedra livre son appréciation, en attendant la lecture du livre : « Je peux dire que Jean Daniel était clair dans son engagement pour l’indépendance de l’Algérie. Pas le même cas pour Camus qui, durant toute sa vie, est resté déchiré. C’est un homme faible et fragile. Je peux dire que Camus a raté sa vie. Dans cet ouvrage, Jean Daniel tente d’expliquer, voire justifier la démarche de Camus. » A noter la présence d’un panel de personnalités, à l’instar de Lakhdar Brahimi, Hamid Mehri, Rédha Malek, Chérif Rahmani.
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Mustapha Rachidiou
In El Watan du 14-5-07
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Jean Daniel Bensaïd
Il a rencontré le chef de l’État et donné une conférence de presse
Jean Daniel raconte Camus l’Algérien
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Le président de la République et le rédacteur en chef du Nouvel Observateur, Jean Daniel, s’accordent sur la conception de l’algérianité. C’est du moins ce qu’avoue Jean Daniel qui a été reçu hier par le président Bouteflika avant d’animer une conférence de presse sur son dernier ouvrage consacré à Albert Camus. Avec Camus : comment résister à l’air du temps en est le titre publié en 2006.
Le journaliste a expliqué au Président sa conception, la camusienne, qu’il défend d’ailleurs, au président qui avouera, selon lui, être du même avis et partager la conception.
Lors de sa conférence à la Bibliothèque nationale d’Algérie, l’écrivain, natif de Blida, remontera loin dans l’enfance de Camus pour retrouver la justification de son algérianité, et surtout son attachement à cette appartenance. Issu d’une famille pauvre qui s’installa tôt, en 1830, du côté de Ouled Fayet, Albert Camus continuera sa vie durant à traîner comme un boulet la pauvreté comme source d’inspiration, mais aussi comme une raison de “non-appartenance” au colonisateur. C’est pour cette raison, précisera Jean Daniel, qu’il ne se sent pas héritier ou représenter la France ou le colonialisme. Jean Daniel, qui le rencontre, lui offre l’occasion d’écrire dans Caliban qu’il dirigeait.
Paradoxalement, les deux hommes, même s’ils ne partagent pas la totalité des vues sur les sujets actuels de l’époque, auront à agir dans la même direction pour dénoncer les dépassements, la torture. Camus sera d’ailleurs chargé de faire le reporter, et ses thèmes n’ont jamais été loin de la pauvreté et de la misère. Daniel était chargé de couvrir les évènements de l’époque, pour le même journal L’Express que Camus avait rejoint par soutien à Pierre Mendès France.
L’auteur de l’Étranger et du Mythe de Sisyphe restera attaché à cet enracinement à la terre d’Algérie malgré les honneurs, honneurs de la métropole qu’il refusera d’ailleurs.
Il est comparé en 1945, après les évènements du 8 Mai 45, à Kateb Yacine, un autre écrivain à l’algérianité à fleur de peau. “Les deux épouvantés par la répression coloniale.” Ils dénonceront avec un rare courage la répression coloniale. Mais, relèvera Jean Daniel, les deux hommes ont compris que, “pour l’un, c’est la fin du rêve de l’Algérie française, et pour l’autre, le début de l’indépendance de l’Algérie”. Plaçant sa visite sous le signe “d’un plaisir de solidarité”, le titulaire du Docteur honoris causa délivré par l’Université d’Alger en 2004 n’en dira pas plus sur l’actualité. Devant un parterre composé de personnalités politiques, de journalistes, d’universitaires et d’intellectuels, M. Daniel a salué le courage et la volonté des intellectuels algériens de se réapproprier Camus l’Algérien. On aura remarqué le diplomate Brahimi, Abdelhamid Mehri, Rédha Malek, le ministre Chérif Rahmani, l’écrivain Rachid Boudjedra, ainsi que le DG de la Bibliothèque nationale du Venezuela. Un panel dont la présence en elle-même est révélatrice du respect pour l’homme de Blida et de son œuvre humaniste.
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par Djilali B
In Liberté du 14-5-07
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