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...du temps du Royaume d'Alger.
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Dans la maison de France est logé le consul de sa Majesté très chrétienne accompagné d’un chancelier, d’un aumônier & d’un truchement. Les fonctions de ce consul sont les mêmes que celles d’un résident dans une cour étrangère, d’un envoyé ou ambassadeur. Il est le juge des différents qui surviennent entre les français tant pour le civil que pour le criminel ; & les sentences sont exécutées nonobstant appel, en don¬nant caution, excepté les cas où il s’agit de peine afflictive. Les nations franches, comme les juifs étrangers, les grecs, les arméniens & autres, sont ordinairement sous protection du consul de France, & ont recours à lui dans leurs contestations. Il est défendu à ce consul de faire commerce directement & indirectement. Sa maison est le lieu de consolation de tous les esclaves qui en ont besoin, & de leur secours lorsqu’ils manquent du nécessaire par la faute de leurs maîtres. Il donne sa maison à manger à tous les esclaves qui se présentent aux fêtes de Noël & de Pâques, & fait dresser pour cela des tables dans les galeries autour de la cour. Cet emploi est pénible & délicat, par rapport à la constitution du gouvernement & au génie de la nation, & ne peut être exercé avec utilité que par une personne d’un esprit patient, doux & accommodant. Celui qui en est pourvu aujourd’hui est Mr. Gabriel Durand de Bonnel natif de Paris, doué de toutes les qualités nécessaire pour l’exercer dignement. Il est droit, franc, généreux, vigilant, maniable, toujours prêt à rendre service, aimé au¬delà de toute expression des chrétiens, des maures & des juifs & particulièrement d’Abdi-aga dey, qui règne à présent. Il a été élevé dans ce pays là par Mr. Durand son frère aîné ci-devant consul de France, homme d’un mérite distingué. Il a profité ensuite des talents admirables de Mr. De Clairambault son beau-frère, auprès duquel il fi t les fonctions de chancelier , lorsqu’il fut consul, après Mr. Durand l’aîné.
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La maison d’Angleterre est occupé par un consul, entretenu par sa majesté britannique, avec les mêmes fonctions ci-devant expliquées. Il a un chancelier & un truchement, & est le juge de sa nation.
Il a la permission de commercer & de fournir au gouvernement d’Alger tout ce dont il a besoin pour l’armement de ses vaisseaux & l’entretien de ses magasins, de même que les munitions de guerre qui peuvent être nécessaires pour les camps ou armées : ce qui le rend utile & le fait considérer, & ménager dans les occasions. Celui qui exerce cet emploi, est Mr ; Charles Hudson. Il a succédé depuis deux ans à Mr. Thomas Thompson, qui est mort. On a gagné au change ; car Mr. Hudson est un jeune homme habile, hardi, laborieux & bon anglais. Il était ci-devant consul à Oran.
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Il y avait autrefois la maison & un consul desÉtats généraux des provinces unies des Pays-bas, mais il se retira en 1716. les corsaires d’Alger ne faisant presque plus de prises, la milice fit assem¬bler le Divan, où elle représenta qu’ils ne rencon¬treraient plus de bâtiments ennemis à la mer ; que généralement tous ceux qu’ils trouvaient étaient français, anglais ou hollandais ; & que le pays ne pouvant se soutenir sans faire de prises, il fal¬lait déclarer la guerre à une des trois nations à la pluralité des voix. Elle fut contre la Hollande. On arrêta en même temps un navire de cette nation qui était dans la port, & le dey envoya ordre dans tous les ports du royaume d’en faire de même. Il donna au consul autant de temps qu’il en voulut pour régler se affaires, il le consola & le plaignit. Ce consul était fort aimé du dey, & avait une réputation bien établie parmi les chrétiens, les turcs & les maures.
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Il y a la Maison du Bastion de France, avec un agent entretenu par la compagnie royale du cap Nègre, tant pour le paiement des lismes au dey, que pour son négoce particulier, & pour obtenir du dey les ordres nécessaires en faveur des comptoirs de cette compagnie dans les villes & ports du royaume d’Alger.
Dans la maison de la mission de France il y a deux prêtres dont un a la commission & le titre de vicaire apostolique des royaumes d’Alger, Tunis & Tripoli, & deux frères. C’est une fondation de feue Madame la Duchesse d’Eguillon, pour le soulagement spirituel des esclaves chrétiens, dont le revenu, de 4000 livres tournois par an, & la fonction sont attribués au prêtres de la mission de France.
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La maison de l’hôpital d’Espagne est dirigée par un prêtre religieux de l’ordre de la rédemption des esclaves. On l’appelle le père administrateur de l’hôpital, & il a un adjoint du même ordre, qui est aussi prêtre. Ils ont soin de secourir, de nourrir & d’entretenir tous les esclaves chrétiens malades de quelque nation qu’ils soient.
Cet hôpital avait été de tout temps sous la protection & la direction du consul de France ; mais dans la dernière guerre par les intrigues d’un de ces pères qui était attaché au parti de la maison d’Autri-che, il a été mis sous la protection du consul d’An-gleterre, seulement pour la forme & sans aucune direction. Cet hôpital a été fondé depuis longtemps par un capucin, confesseur de Don Juan d’Autriche,
lequel religieux fut fait esclave par les algériens. Le prince ayant envoyé une somme considérable pour son rachat, ce bon religieux eut assez de charité pour préférer le bien public à sa liberté. Il acheta la grande maison où est cet hôpital, & le cimetière des chrétiens qui est hors la porte de Babalouet. Il fonda un revenu pour l’entretien de l’hôpital, & ordonnant par ses constitutions que les religieux de la rédemption d’Espagne en auraient l’administra-tion, & que tous les esclaves chrétiens y seraient indifféremment reçus & traités sans frais, quelques maladies dont ils pussent être attaqués. Ce capucin ayant ainsi employé l’argent de sa liberté, mourut esclave : rare exemple à la postérité de vertu & de charité !
Les religieux de la rédemption d’Espagne ont toujours eu soin d’entretenir cet hôpital en bon état, & même d’en augmenter les commodités. Les puissances d’Alger l’ont toujours protégé, & ordonné que les maîtres qui y envoient leurs esclaves malades, enverront aussi une piastre pour chacun, laquelle sert à les ensevelir en cas de mort. Mais lorsqu’un esclave a recouvré la santé, il est rendu à son maître avec la piastre.
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Tous les bâtiments chrétiens qui mouillent devant Alger, payent trois piastres courantes pour l’entretien de cet hôpital.
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Les cinq maisons, dont on vient de parler, son franches & libres de tribut & de tous droits, en ce qui concerne les besoins, l’entretien , & les provisions de ceux qui y sont établis.
L’exercice de la religion chrétienne y est permis, sans aucune ose d’empêcher n’y y apporter aucun trouble.
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La maison des missionnaires de France est la paroisse des catholiques romains, qui se trouvent à Alger. L’on y fait un prône en italien, ou plutôt en langue franque tous les dimanches & fêtes, où l’on explique l’évangile du jour & l’on annonce les vigiles, quatre-temps &c. On y chante les louanges de Dieu, & on administre les sacrements avec les cérémonies ordinaires de l’Église romaine.
On peut aller aussi entendre la messe dans la maison de France, & un sermon ou exhortation que l’aumônier fait après.
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Dans l’hôpital d’Espagne on y fait aussi le service divin avec tout l’éclat qui est possible, & tous les prêtres esclaves y vont ordinairement dire la messe. Au surplus, il y a une chapelle dans chacun des bagnes, où l’on célèbre la messe les dimanches & fêtes, avec toutes les cérémonies requises.
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Il y a encore un papasse du rite grec, pour le spirituel de quelques artisans établis à Alger & des esclaves de sa nation, qui a sa chapelle & son appartement dans un bagne.
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Il y a aussi environ 5000 familles de juifs originaires du pays qui payent tribut, les droits & des avanies assez fréquentes. Ils ont leurs synagogues, leurs chefs & leur justice, subordonnée cependant au règlement des turcs. Ils sont tous vêtus de noir uniformément. Il y a quelques familles de juifs de Livourne, vêtus à la chrétienne, sous la protection du consul de France.
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Les protestants n’y ont ni église, ni assemblée, ni ministres. .
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