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Les beys sont les gouverneurs de provinces & les généraux d’armée. Ils sont nommés par le dey, qui les continue & les révoque, quand il le juge à propos, sans qu’il soit d’usage que l’ancienneté de service décide de ces emplois considérables.
Il y en a trois dans le royaume, sous le titre de bey du levant, bey du ponant & bey du midi. Le premier réside à Constantine, le deuxième à Oran, & le dernier se tient à la campagne dans un camp, n’y ayant aucune habitation bâtie dans toute l’éten-due de son gouvernement.
Ils commandent souverainement dans les pays qu’ils gouvernent. Ils retirent les impositions & les subsides dans les villes, la garame ou taille à la campagne, le casuel & généralement tous les revenus de la république dans leur district, dont ils doivent venir une fois toutes les années rendre compte au dey, en lui apportant les revenus en espèces, qui se mettent dans le Hazenar ou trésor public.
Ils ont l’autorité suprême hors d’Alger, en suivant les constitutions de l’état & les ordres du dey ; mais ordinairement ils ont carte blanche. Dans Alger ils n’ont pas le moindre pouvoir. On les reçoit avec grande cérémonie, lorsqu’ils arrivent avec le convoi de l’argent; le public juge de l’abondance de l’argent par le nombre des voitures ; & une grande foule de peuple suit toujours le convoi avec des cris de joie. Le dey, à leur arrivée dans la maison du roi, leur fait présent d’un cafetan, mais ils aiment à se passer des honneurs, quand ils peuvent en trouver l’occasion, ne sachant bien souvent, s’ils seront traités gracieusement, ou s’ils y laisseront leur tête. Ce malheur leur arrive assez fréquemment, pour les dépouiller des biens immenses qu’ils acquièrent ordinairement par toutes sortes de voies illicites. Lors qu’ils ne jugent pas à propos d’aller eux-mêmes à Alger, porter l’argent du revenu d’une année, ils envoient à leur place un caïte, sous prétexte de maladie, ou de conspiration contre le gouvernement de la part des arabes & des maures ; & ce caïte, selon ses instructions rend compte de toutes choses.
On peut dire que les beys sont autant de rois dans leur gouvernement, & moins exposés que le dey, dont la tête répond des mauvais évènements, quand même il ne serait pas coupable. Ils ne s’attachent qu’à s’enrichir & à amasser des sommes considérables, ce qu’ils ne peuvent faire qu’auxdépens de l’État, & en faisant tort aux peuples. Ainsi ils craignent toujours de perdre leur vie, lorsqu’ils vont à Alger; surtout, lorsque le dey, qui les a placés, est mort. Celui qui a succédé ayant ordinairement promis les emplois à ses créatures, pour les avoir à sa disposition, & ayant aussi envie d’amasser promptement du bien, ne manque jamais de prétexte pour faire étrangler les beys.
On ne peut pas venir à bout de les déplacer, s’ils ne viennent à Alger à moins qu’on ne les fasse tuer par surprise. Quelques-uns après avoir accumulé beaucoup d’argent, craignant pour leur vie, s’enfuient secrètement, & vont en faire usage dans un autre royaume.
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