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Les arabes sont des peuples, nations, ou tribus descendants des anciens arabes mahométans, qui conquirent l’Afrique, & qui ayant été dépossédés par les turcs, de leurs souverainetés dans le royaume d’Alger, se retirèrent dans les montagnes ou déserts avec leurs troupeaux & leurs autres effets. Il y ont maintenu leur liberté, & se sont faits un domaine d’un pays qu’ils ont cultivé avec beaucoup de peine & de soin. Ils se sont toujours piqués de ne pas mêler leur sang avec celui des autres peuples, & ils s’estiment les plus nobles de tous ceux de d’Afrique. Il y en eut qui restèrent dans les villes, pour ne pas quitter leurs maisons & leurs terres ; les premiers ont un grand mépris pour eux & les appellent Hadares ou courtisans ; & comme les derniers se sont alliés avec les étrangers, ils sont tous réputés maures.
Bien des personnes ne font aucune différence entre les turcs, maures & arabes du royaume d’Alger.
Il y a même plusieurs auteurs qui confondent les arabes avec les maures. Les turcs mêmes qui sont à Alger, confondent les arabes & les maures de la campagne, & les appellent tous maures.
Lorsque les turcs se furent rendus maîtres du royaume d’Alger, n’ayant pas encore une exacte connaissance de l’intérieur du pays, les arabes qui occupaient les montagnes & les déserts s’étaient emparés des passages des royaumes de Fez & de Tunis, ce qui obligeait les trois puissances voisines de traiter avec eux pour avoir ces passages libres. Les turcs ayant ensuite reconnu le fort & le faible du pays, élevèrent des fortifications aux endroits nécessaires, & se rendirent redoutables par les armes à feu dont les arabes sont dépourvus. Ils augmentent leurs troupes, & devinrent puissants par l’industrie des maures & des juifs chassés d’Espagne. ils contraignirent enfin quelques unes de ces nations arabes à leur payer elles-mêmes un tribut annuel, & les autres à rester tranquilles & cachés dans leurs habitations peu accessibles. C’est pourquoi lorsque la saison approche, que les trois armées d’Alger vont en campagne, ceux qui habitent les forêts & les déserts, enterrent leurs grains & les effets qui ne sont pas portatifs, dans de grands souterrains qu'ils ont creusé à cet effet, & errent avec leurs troupeaux jusqu’à ce que les troupes se soient retirés. C’est ce qui oblige à présent les turcs de porter pour les troupes des provisions d’huile, de bœufs & de moutons, que les arabes & les maures sont pourtant obligés de fournir. Mais lorsque les arabes sont surpris par les troupes, elles en exigent un double tribut.
Les arabes habitent le mont Atlas, & ceux qui errent dans les déserts près du royaume de Tunis, sont la plupart assez riches par le commerce qu’ils font avec les royaumes de Tunis & de Fez. Ils vivent avec distinction. Ils ont de belles tentes, des habits fort propres, de très beaux chevaux & en quantité. Ils s’appliquent principalement à l’agriculture, à la chasse des bêtes féroces, à l’astronomie, & à la poésie. Leurs vers qu’ils mettent en chansons expriment toujours leurs amours, leurs chasses ou leurs combats d’une manière pompeuse. Les poètes y sont toujours assez bien récompensés de leurs princes ou cheikhs, & distingués par des marques d’honneur. Ils sont polis entre eux & grands faiseurs de compliments, mais d’une fierté sauvage à l’égard des étrangers, parce qu’ils méprisent toutes les nations différentes, par le mépris qu’ils font de toute autre que la leur.
Ils portent des chemises de gaze fine, des caleçons, des vestes & par dessus un burnous de couleur rouge ou bleue, des tresses de soie à la couture qui est par devant, & une grande houppe de laine ou de soie au bout du capuchon. Ils en ont aussi avec des tresses d’or, des agrafes de soie, d’argent ou d’or. Ils sont extraordinairement adroits à la lance & au javelot, par l’exercice continuel qu’ils en font contre les bêtes féroces.
Lorsqu’ils font la guerre avec leurs voisins, ils mènent au camp leurs femmes & leurs enfants, afin que leur présence & la honte de les perdre & les voir emmenés captifs, les anime à bien faire leur devoir.
Les femmes des principaux chefs sont habillées fort noblement. Elles portent des chemises de gaze fine, des caleçons comme les hommes & une espèce de veste d’étoffe de soie. Elles ont par dessus une longue robe de couleur qui va à mi-jambe avec des manches extrêmement larges. Lorsqu’elles doivent paraître en habits de cérémonie, elles mettent sur leurs épaules un long manteau de couleur ordinairement rouge ou bleu, dont elles attachent les deux bouts sur les épaules avec des boucles d’argent. Elles portent de grandes boucles d’argent aux oreilles ; elles en ont de même aux doigts, aux bras & au bas de la jambe.
Celles qui ne sont pas distinguées portent des habillements à peu près de même, mais ils sont de laine, au lieu que de soie.
Leurs cheveux sont tressés & entrelacés avec des tours d’ambre ou de corail. Elles ont aussi au col quantité des même tours, qui pendent jusqu’au sein. Lorsqu’elles sortent, elles ont une espèce de masque, qu’elles mettent lorsqu’elles rencontrent des hommes. Mais s’ils sont de leurs parents ou alliés, elles l’ôtent & ne le remettent point par politesse.
Le fard est assez en usage parmi les filles, elles le font avec des couleurs qu’elles préparent elles-mêmes, & s’en mettent au visage, au sein & au bout des doigts. Elles se teignent les paupières & les sourcils, se font de petites taches rondes sur les joues ou des triangles. Elles y dessinent même des fleurs ou des fleurs de laurier, de myrte, ou autres choses semblables, ce qui passe pour un ornement propre à relever la beauté.
Ces nations se piquent de parler l’arabe dans sa plus grande pureté, & se vantent aussi de suivre de même la religion de Mahomet, mais on remarque pourtant que les marabouts les jettent dans de grandes superstitions.
Les princes ou cheikhs de ces arabes prennent eux-mêmes soin de leurs troupeaux, lorsqu’ils les laissent paître ou qu’ils les conduisent, ils s’occupent à faire des vers & des chansons sur les douceurs de la vie champêtre & libre, dont ils font des parallèles avec celle des anciens patriarches, grands amis de Dieu. Ils font des recueils de ces ouvrages, & s’en servent dans les écoles pour l’instruction des enfants.
Ils vivent fort sobrement de légumes, de fruits de leur terre, du lait, du miel & des agneaux de leurs troupeaux. Ils font eux-mêmes leurs tentes, qui sont fort propres, & de belles nattes de feuilles de palmier qui leur servent de tapis de pied.
Les arabes sont fort curieux en chevaux. Ils ont sans doute les meilleurs qu’on puisse trouver, tant pour la légèreté que pour la beauté, & il n’y a point de peuple aussi habile à les dompter & à s’en servir. C’est une passion que les enfants ont en naissant ; & lorsque les spahis turcs rencontrent sur leur route quelques arabes montés, ils ne font pas de façon de troquer leurs chevaux avec eux, s’ils peuvent attraper ces arabes qui s’en méfient, & qui se tirent sou-vent d’affaires par la légèreté de leurs montures. Ce sont eux qui ont ces beaux chevaux qu’on appelle chevaux d’Arabie, qui proviennent de chevaux sauvages, dont les arabes en domptèrent les premiers en grand nombre, & les amenèrent en Afrique, où ils en firent des haras. C’est là le sentiment de ces peuples, & tous les historiens en font foi, comme le rapporte Jean Léon l’Africain.
Il y a dans les forêts des déserts que les arabes habitent, des chevaux & des ânes sauvages, mais ils ne peuvent les prendre que dans des pièges, rien n’étant égal à l’agilité de ces animaux. Ils les tuent lorsqu’ils sont embarrassés & en mangent la chair, qu’ils estiment très délicate surtout celle des ânes.
Il y a dans ces forêts des lions, des léopards, des tigres, des ours, des autruches, des porcs-épics, des sangliers, des cerfs, des caméléons, des élans, des chèvres au musc, des civettes, des gazelles, des vaches sauvages faites tout autrement que les privées, des chats qu’ils appellent garde-lions, parce que, disent-ils, ils font la garde hors de l’antre & la découverte de la proie, en avertissant le lion, & ne mangent qu’après qu’il en est rassasié. On y trouve plusieurs autres animaux sur lesquels les historiens africains se sont fort étendus. Dapper en parle amplement dans la description de l’Afrique.
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