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L ’AGA de la milice est le général des troupes qui se trouvent à Alger. Ce n’est proprement qu’un poste d’honneur & une dignité, pour récompenser les services de l’officier qui en est revêtu; car il ne va point en campagne pendant son exercice.
C’est le plus ancien soldat qui occupe cette place. Chacun y parvient à son rang. Après que l’aga a passé deux lunes dans cet emploi, qui est le temps réglé pour cette dignité, afin que plusieurs puissent avoir part à ce haut rang & à cette marque d’honneur a de distinction, il fait place à un autre, & jouit tranquillement de sa paye, sans être sujet à aucun service de terre ou de mer, mais il ne peut aussi parvenir à aucune charge de l’État. C’est la fin de ses travaux, qui n’arrive que dans un âge fort avancé.
Pendant ces deux lunes d’exercice, on lui porte tous les soirs les clefs de la ville. Tous les ordres que l’on donne aux troupes pour la garde des portes & des forts,& pour la discipline, se donnent au nom de l’aga. C’est dans la maison seule que sont punis secrètement les turcs, soit par la bastonnade, soit
par la prison, ou mis à mort, le tout cependant par les ordres exprès du dey.
Il loge dans une maison uniquement destinée pour celui qui est revêtu de cet emploi. Il est entretenu aux dépens du gouvernement, qui paye sa table & les domestiques qui conviennent à son rang. Il a outre cela 2 000 pataques chiques pour sa paye d’aga, pendant les deux lunes de son exercice. Il ne peut avoir dans cette maison ni femme, ni enfants. Il n’en peut sortir que pour assister au Divan général, & la paye qui se fait en son nom de deux en deux lunes. Alors il sort à cheval, & deux chaoux qui le précédent à pied, crient à haute voix : prenez garde à vous, voilà l’aga qui passe. Ils lui font faire place, à cause que les rues sont étroites & fort embarrassées, & lui font rendre un profond respect. Dès que les deux lunes de son exercice sont passés, il rentre dans sa haute paye, dont il jouit tranquillement jusqu’à la mort.
Le chaya, ou le Bachi-Boluk-Bachi, est le plus ancien capitaine des troupes, qui doit succéder à l’aga après ses deux lunes d’exercice; chacun parvient à être chaya successivement & par ancienneté. Il est le chef de l’assemblée des officiers qui se tient vis-à-vis la maison du roi. Il y demeure tant que le dey est à son poste, & il y décide quelques petites affaires tant civiles que criminelles, que le dey lui renvoie lorsqu’il a trop à faire, ou qu’il trouve à propos pour se soulager, & il juge sans frais & sans appel. L’assemblée où il préside est composée des ayas-bachis, qui est un corps très distingué de vingt-quatre anciens capitaines de compagnie, qui ont fait place à d’autres. Le doyen de ce corps devient chaya & puis aga, &tous les autres lui succèdent à leur tour. Ils sont assis dans cette assemblée, selon leur ancienneté. Ce sont les conseillers du Divan, ou conseil souverain. Ils doivent accompagner le dey & être immédiatement après lui, les jours de cérémonie. Ils portaient autrefois des plumes blanches sur le turban par distinction, mais à présent, ils en laissent perdre l’usage. L’exercice du chaya est de deux lunes, après lesquelles il est fait aga de la milice, & un autre aya-bachi prend sa place.
Les mezoul-agas sont ceux qui ont été agas de la milice. Ils sont exempts de tout service. S’ils n’en veulent plus, ils peuvent se retirer, où bon leur semble, & venir recevoir leur paye de deux en deux lunes. Ils ne peuvent aussi se mêler d’aucune affaire que ce soit, & vivent tranquillement sans être inquiétés. Les mezoul-agas sont ordinairement vieux, & l’on respecte leurs services passés. Ils assistent aux Divans généraux, lorsqu’ils le jugent à propos, mais ils n’y ont nulle voix. Quelquefois ils y sont appelés par le dey, pour avoir leurs avis qui sont très utiles en certaitaines occasions.
Les aya-bachis sont les anciens boluks-bachis ou capitaines vétérans d’infanterie, d’où sont élus, comme nous l’avons dit, les chayas & les agas. Les ambassadeurs & envoyés dans les pays étrangers sont ordinairement du corps des ayas-bachis. Ils vont aussi porter les ordres du dey dans le royaume. C’est toujours l'un d’eux alternativement, qui est présent à la visite des bâtiment marchands dans le temps de leur départ. Cette visite est principalement pour voir, s’il n’y a point dans les vaisseaux prêts à partir, d’esclaves cachés pour se sauver. ( haragas :) ).
Les boluks-bachis sont les capitaines de compagnie dont les plus anciens sont fort distingués & parviennent par rang & par ancienneté à être ayas-bachis, après avoir été un an aga ou commandant d’une place, où il y a garnison. Là ils rendent la justice au nom du dey, de même que celui-ci fait à Alger & font exécuter ses ordres; ils sont distingués par un bonnet fort haut, & une croix rouge qui leur pend sur un cuir derrière le dos. On appelle agas des spahis les capitaines des compagnies de cavaleries.
Les oldaks-bachis sont les lieutenants de compagnie. Ils parviennent à leur rang & par ancienneté à être boluks-bachis, & aux autres emplois & dignités plus distingués, n’y ayant aucun exemple qu’on ait fait un passe-droit pour favoriser quelqu’un, ce qui serait un sujet des plus légitimes de révolte pour la milice, & le dey en perdrait certainement la vie. Ils portent par distinction une bande de cuir, qui descend de la tête jusqu’à la moitié du dos.
Les vieillards, ou vekilardgis, sont les commis aux vivres de l’armée. Chaque tente, qui est composée de 20 hommes en a un, qui a soin de fournir & de faire préparer le nécessaire pour manger & boire, & de faire porter la tente, le bagage & les ustensiles. Chaque tente a un cuisinier, sous les ordres du vekilardgi. Ils ont aussi soin des provisions pour les casernes, lorsque les troupes ne sont point en campagne. Ils portent un bonnet blanc en pyramide.
Les peis sont les quatre plus anciens soldats, qui attendent leur avancement à leur tour. Ils portent par distinction un bonnet de cuivre.
Les soulachs, ou soulachis, sont les huit plus anciens soldats après le peis. Ils portent un tuyau ou canon de cuivre sur le devant de leur bonnets, & de grands sabres dorés. Ils servent de gardes du corps au dey, & marchent devant lui à cheval, armés de carabines, lorsqu’il va en campagne.
Les caïtes sont des soldats turcs, qui ont chacun le commandement sur quelques douars de maures, ou d’un petit terrain. Ils en retirent la garame ou taille, & en rendent compte au dey. Il y en a aussi un à chaque marché forain. Ce sont ordinairement des hojas ou cogias, qui sont les écrivains de deylik, auxquels on donne cet emploi.
Les sagaïrds ou sagaïrdgis sont armés d’une lance. Dans chaque armée, il y en a une compagnie de cent hommes dont le commandant est nommé sagaïrdgi-bachi. Leur soin est de chercher, garder & fournir l’eau nécessaire pour l’armée.
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