.
Histoire de la négociation
.
Dans la déclaration de la proclamation du FLN diffusée le 1er novembre 1954, dans la partie consacrée aux moyens de lutte, a été implicitement mentionné: «afin d'éviter les fausses interprétations et les faux-fuyants, pour prouver notre désir réel de paix, limiter les pertes en vies humaines et les effusions de sang, nous avançons une plateforme honorable de discussion aux autorités françaises si ces dernières sont animées de bonne foi et reconnaissent, une fois pour toutes, aux peuples qu'elles subjuguent le droit de disposer d'eux-mêmes».
A travers cette déclaration, le parti nationaliste savait pertinemment, que seul un dialogue sincère pouvait déboucher sur une solution équitable qui aurait permis à tous les natifs d'Algérie de vivre dans une parfaite symbiose, et au régime colonial de revoir sa copie basée sur la domination.
Ainsi, le combat auquel appelait le FLN n'était qu'un moyen pour ramener les responsables français à négocier une paix sans qu'aucune partie ne soit humiliée. En effet, les rencontres entre les deux parties avaient commencé en 1955 et elles ont eu lieu, plus souvent, en catimini pour ne pas démoraliser les troupes pour les uns, et pour ne pas paraître comme un bradeur de l'empire pour les autres.
Deux périodes, en tout cas, ont caractérisé le déroulement de ces contacts : l'une, début 1955 - fin 1956 où il y avait eu de nombreux changements à la tête du conseil français car le régime de la quatrième république ne faisait pas assez de poids par rapport aux lobbies d'Alger, et l'autre, fin 1959 - début 1962, correspondant au retour du général De Gaulle au pouvoir. Entre ces deux périodes, il y avait eu une étape très douloureuse correspondant à l'interruption des contacts, notamment du côté français pour privilégier l'action militaire. La plupart des victimes, d'après les archives, étaient enregistrées pendant cette période-là. En effet, dès le 1er mars 1955, le commandant Monteil, après avoir eu l'aval du gouverneur général, avait demandé à Ben Khedda alors en prison ce qu'il aurait fallu faire pour que le dialogue soit établi. Ben Khedda, n'ayant pas encore rejoint le FLN, avait proposé que trois mesures au moins soient prises dans l'immédiat : « D'abord, que le gouverneur donne un indice concret de désir sincère d'appliquer le statut de 1947 en organisant, par exemple, des élections libres. Ensuite, qu'il décide quelques libérations significatives. Enfin, que l'on donne l'exemple d'un esprit nouveau dans les rapports entre l'administration et les Algériens ». Du côté algérien, c'est Ferhat Abbas qui avait suggéré aux responsables du front de lui laisser une dernière chance pour rétablir la paix et ce, avant de dissoudre son parti, l'UDMA : « laissez-moi faire une dernière tentative pour essayer d'arrêter cette guerre qui va être catastrophique pour tout le monde car la victoire ne sera pas facile ». A cette époque cruciale, à Paris, les hauts responsables avaient fait clairement entendre à Abbas que la simple idée de négociation aurait suffi à mettre le feu aux poudres. A vrai dire, personne n'y était favorable du gouverneur (Soustelle) au président du conseil (Edgar Faure) en passant par Mitterrand (ministre de l'intérieur), qui, depuis le 1er novembre 1954, disait à qui voulait l'entendre : « la seule négociation, c'est la guerre ». A des formules paternalistes de certains libéraux conjuguées à la ferme détermination des responsables d'anéantir l'insurrection, les contacts avaient cessé totalement sine die. Cette position avait basculé les Algériens les plus réticents, et le FLN tenait pour tièdes ou traîtres ceux qui envisageaient autre chose que la poursuite de la lutte armée.
Après l'investiture du président du conseil, Guy Mollet, des contacts avaient été ménagés par l'intermédiaire des Egyptiens en mars 1956. En effet, lors d'un voyage du ministre des Affaires étrangères français, Christian Pineau, en Asie, celui-ci s'était arrêté au Caire pour y rencontrer le président Nasser. Il lui avait proposé l'ouverture des pourparlers secrets avec le FLN. La délégation extérieure installée au Caire, composée de Khidder, Aït Ahmed, Ben Bella et Debaghine, avait désigné le premier pour rencontrer son homologue français Joseph Begarra, membre du comité directeur du SFIO.
Pour la France, il s'agissait seulement d'accorder une autonomie de gestion pour l'Algérie, la libération des détenus politiques, garanties aux éléments de l'ALN et ce, suivant une triptyque chronologique : « cessez-le-feu, élection, négociation ». Khidder avait rappelé alors : « les interlocuteurs algériens ne devaient être que ceux désignés par le FLN, lequel n'accepterait de négocier avec la France que si le principe d'un Etat algérien jouissant de tous les attributs de la souveraineté était accepté ». Toutefois, pour tester le poids de son interlocuteur, Khidder avait demandé si la délégation extérieure pouvait se rendre en Algérie pour recueillir l'aval du maquis. Et là, les délégués français commençaient à éluder la question car ils n'étaient ni mandaté à discuter de ce sujet, ni en mesure de garantir la sécurité des chefs algériens. Malgré ce point d'achoppement, les contacts avaient repris le repris le 26 juillet 1956, en Yougoslavie, après l'intervention du président Tito. Face à Pierre Commin, secrétaire général du SFIO, la délégation extérieure avait mandaté Ahmed francis et M'hamed Yazid. Le seul point sur lequel les délégués tombaient d'accord était sur l'ouverture de discussions préliminaires, secrètes et directes entre les représentants du gouvernement français et le FLN. Par ailleurs, un autre rendez-vous avait été programmé en Italie le 17 août 1956. La délégation française, conduite par Commin, avait alors expliqué sa position : « conformément au principe inclus dans le préambule de la constitution française, l'Algérie sera dotée d'une large autonomie de gestion limitée à des compétences définies et comportant un exécutif et un législatif ».
La définition des compétences communes - c'est-à-dire française - étaient: les Européens, les affaires étrangères, la défense, les questions économiques et financières. La délégation algérienne conduite par Khidder et comprenant Kiouane et Yazid avait répondu de façon péremptoire : « avant toute discussion sur le fond, la condition sine qua none exigée par le peuple algérien en guerre pour la libération est la proclamation de l'indépendance ». La dernière rencontre de la première phase des négociations s'était déroulée à Belgrade, le 22 septembre 1956. Le préalable de l'indépendance mis en avant par la délégation algérienne avait mis fin à une série de contacts secrets sous le gouvernement de Guy Mollet. L'étape intermédiaire entre les deux phases des négociations correspondait à la lutte sans merci. En effet, après le rapt aérien des chefs historiques de la délégation extérieure, en route vers une conférence maghrébine, avait signifié un triomphe des maximalistes des deux camps. D'un côté, la joie du comité de la wilaya 2 (Constantinois) à la nouvelle de l'arraisonnement de l'avion d'Air Atlas signifiait pour longtemps l'enterrement de toute idée de compromis. De l'autre côté, les milieux militaires et colonialistes français gagnaient pour l'heure la partie en ce que toute négociation avait été dès lors suspendue.
Le rapt aérien des chefs historiques avait permis, également, d'épargner l'éclatement du FLN suite au refus de Ben Bella et Boudiaf de reconnaître les décisions du congrès de la Soummam définissant, à la fois, la doctrine et la stratégie à adopter en énonçant la politique et les orientations de la révolution algérienne. Ben Bella avait fustigé la dérive laïciste qui remettait en cause le caractère non islamique des futures institutions politiques du pays. Pendant plus de deux ans, la France avait misé sur la seule action militaire en essayant de casser l'organisation politico-militaire du FLN. Des dérapages et des abus avaient été le lot quotidien des Algériens, notamment des populations civiles. En effet, la bataille d'Alger avait été l'un des grands crimes contre l'humanité que l'histoire coloniale ait connue. En parlant de la dérive des paras, Yves Courrière, l'a résumée ainsi : « Pour les paras un type qui claque sous la torture, il faut le faire disparaître. Ainsi, au 10ème DP, au 1er RPC, à la villa Sesini, on applique le même procédé. En outre, ces officiers obtiennent des renseignements beaucoup plus rapidement que ceux des autres unités. Les officiers font tous les soirs leur tournée. Avec des camions bâchés ils récupèrent dans tous les centres d'interrogatoire ceux dont le coeur a flanché ou ceux qui ne valent pas mieux. Et on embarque tout le monde, cadavres ou demi-morts, jusqu'à une fosse - elle deviendra un charnier - à une trentaine de kilomètres d'Alger, entre Zéralda et Koléa. Sur le bord de la fosse les militaires liquident au pistolet ou au poignard les demi-cadavres. La mer est également bien pratique. Des hélicoptères vont au large se débarrasser des cadavres importuns. On les balance dans le vide, un parpaing aux pieds. Il y en aura 4000 civils pendant la bataille d'Alger ». Les offensives du plan Challe avaient exsangue les maquis de l'intérieur et avaient engendré une terreur chez les civils qui n'avaient d'autres choix que de quitter le pays pour une destination quelconque - le Maroc et la Tunisie étaient les plus préférés -. Il y avait eu, au total, plus de deux millions de déplacés. Bien que l'intérieur ait subi un quadrillage militaire suivi d'une répression inouïe, c'était l'organisation extérieure qui avait été la plus ébranlée avec l'affaire Lamouri (tentative des officiers de la wilaya 1 et de la base de l'Est pour renverser le GPRA, pour éliminer Krim Belkacem et Mahmoud Chérif. Ce dernier, colonel, venant de l'UDMA, nommé à la tête des Aurès n'était pas apprécié par ses subalternes), l'affaire Amira (ancien du PPA de Sétif, ami intime de Lamine Debaghine, Amira avait été scandalisé par la nomination de Ferhat Abbas à la tête du GPRA. Convoqué par les services de Boussouf et interrogé après une fouille minutieuse de sa chambre, Amira était retrouvé sans vie, quelques heures plus tard, devant le siège du GPRA au Caire. Cette affaire avait provoqué la démission du ministre des Affaires étrangères, Debaghine), le déménagement du GPRA du Caire sur Tunis et la paralysie croissante du gouvernement provisoire - 6 mois environ - à laquelle le recours aux dix colonels avait paru être une issue à la survie du GPRA. Toutefois, malgré le retour du général au pouvoir, la stratégie militaire avait été maintenue et privilégiée car, le retour du général aux affaires s'était accompli sous l'impulsion des ultras et des militaires qui pensaient, vaille que vaille, garder l'Algérie française. Le premier appel du général, depuis son retour au pouvoir, datait du 28 septembre 1959. Il s'adressait à tous les combattants algériens que ce soit à l'intérieur ou à l'extérieur du pays : « j'ai parlé de la paix des braves. Qu'est-ce à dire ? Simplement ceci : que ceux qui ont ouvert le feu le cessent, et qu'ils retournent sans humiliation à leur famille et à leur travail ». Décidément, la fin de la guerre ne pouvait pas être conclue si rapidement bien que le général ait été le farouche défenseur de la souveraineté de son pays après l'occupation allemande de 1940. Malgré la rigidité de la position française, le FLN avait décidé, juste après la formation de son gouvernement, d'abandonner le préalable de l'indépendance. Bien que la solution n'ait pas pu être conclue en dehors d'une discussion avec le GPRA, le général s'était toujours opposé à la représentativité exclusive du gouvernement provisoire sur le peuple algérien. Il avait essayé de dégager une troisième force modérée, disait-il, qui aurait servi de faire valoir à sa politique algérienne. A ce moment-là, en tout cas, la solution militaire était apparue comme un emplâtre sur une jambe de bois. Ainsi, deux ans après le retour du général, une délégation algérienne, composée de Ahmed Boumendjel et Seddik Ben Yahia, avait rencontré les représentants du général le 26 juin 1960, à Melun. La délégation française était composée du colonel Mathon, Roger Moris et le général Gastines. Pour le gouverneur de l'Algérie à cette époque-là, Paul Delouvrier disait : « d'ailleurs, le président de la république n'avait rien fait pour que ces entretiens aboutissent. Il voulait aller de l'avant mais pas trop vite. Le choix du négociateur principal, Roger Moris, dont les opinions Algérie française étaient connues de tous, et les consignes draconiennes qu'il lui avait données, auguraient mal du résultat des conversations ». Il a fallu attendre le 20 février 1961 pour qu'une autre rencontre ait lieu. En effet, George Pompidou accompagné de Bruno de Leusse et Claude Chayet avaient rencontré, dans le plus grand secret, Boumendjel et Boulharouf dans une petite ville de Lucerne. Trois thèmes essentiels ne pouvaient pas faire l'objet d'aucun consensus minimum des deux parties : le Sahara, la trêve et la base de Mers El-Kébir. Le seul point positif était la décision d'ouvrir des négociations officielles à Evian. En effet, les deux délégations s'étaient retrouvées à Evian, comme convenu, du 20 mai 1961 au 13 juin 1961. A la treizième rencontre, le chef de la délégation française, Louis Joxe, revenant de paris, après une suspension de 48 heures, avait procédé en ouverture de séance à un constat d'échec. Pour la délégation algérienne, la réaction avait été exprimée par Rédha Malek, porte-parole de la délégation, au cours d'une conférence de presse : « cette Algérie nouvelle que propose la France est un monstre et un fantôme. Le FLN ne peut accepter un Etat algérien amputé des quatre cinquième de son territoire dominé par certaines enclaves militaires et miné de l'intérieur par la cristallisation d'une partie de la population autour d'intérêts coloniaux révolus ». Un mois plus tard, le 20 juillet 1961, les deux délégations s'étaient retrouvées à Lugrin. La question du Sahara avait été le frein à tout avancement des pourparlers. Le chef de la délégation française avait alors fini par avouer à la délégation algérienne : « Si vous voulez la fin du conflit, il faudrait vous contenter d'une Algérie indépendante réduite à sa partie Nord. Le Sahara ferait ensuite l'objet de discussion entre la France et les riverains ». Après une semaine de discussion, les pourparlers étaient suspendus à l'initiative de la délégation algérienne. Bien que les positions aient été éloignées, les contacts secrets étaient maintenus. Pendant quatre mois de dialogue, les deux délégations sont arrivées à la dernière étape programmée aux Rousses dans le Jura, du 12 février 1962 au 20 février 1962. La délégation algérienne, conduite par Krim Belkacem, a rencontré son homologue française conduite par Joxe. Dans cette rencontre, il s'agissait de rapprocher le plus possible les positions des deux délégations sur tous les points litigieux cités précédemment. Autre fait nouveau, le général De Gaulle avait fixé une condition à sa délégation avant de partir : aboutir à un accord coûte que coûte. Le 11 février, lorsque des divergences ont à nouveau surgi, le général a téléphoné à Joxe en lui disant : « l'essentiel est d'aboutir à un accord comportant le cessez-le-feu puis l'autodétermination, du moment que cet accord n'entraîne pas des bouleversements soudains dans les conditions actuelles relatives aux intérêts matériels et politiques des Européens, aux conditions pratiques dans lesquelles s'opère sur place l'exploitation du pétrole et celle du gaz ». Le document ratifié à Evian, lors de l'ultime rencontre du 7 mars 1962 au 18 mars 1962, a permis de mettre fin à une guerre qui a duré sept ans, trois mois et dix-huit jours. Il est stipulé que l'Algérie sera un Etat souverain à l'intérieur et à l'extérieur après le référendum. L'Etat algérien se donnera, librement, ses propres institutions et choisira le régime politique et social qu'il jugera conforme à ses intérêts. Le 18 mars, en début d'après-midi, les trois négociateurs français ont apposé leur signature auprès de celle de Krim Belkacem. Pour les autres plénipotentiaires algériens, la signature - seule - de Krim suffit au nom de tout le peuple algérien.
.
Le cessez-le-feu est décidé pour le lendemain 19 mars à midi.
Il va de soi, pour conclure, que malgré l'existence de plusieurs phases de négociations pendant la guerre, l'action militaire a été menée de façon ininterrompue et, des fois, de manière à raccourcir la période des pourparlers. Le rapt de l'avion des historiques est à ce titre explicite. Pendant la première phase, la politique française a été dictée par des lobbies colonialistes d'Alger. Ils ont réussi à obtenir les pouvoirs spéciaux permettant au général Salan de conjuguer les pouvoirs civil et militaire. Avec le retour du général De Gaulle, l'autorité civile a été rétablie, mais les lobbies avaient assez de poids pour juguler tout processus menant à la négociation. Il a fallu plus de deux ans au général De Gaulle pour imposer sa volonté de dialoguer avec les chefs du FLN suivant une stratégie propre à lui. Pendant ce temps-là le peuple algérien avait su attendre avec détermination le moment de s'affranchir du joug colonial. Bien qu'il y ait eu d'énormes tensions entre les dirigeants algériens sur la conduite de la guerre, à Evian, la solidarité et la cohérence des diplomates ont permis de gagner la bataille politique. En effet, l'Algérie avait réussi, en 1954, à poser le problème en portant les armes et à l'emporter, en 1962, grâce à la détermination du peuple soutenant jusqu'au bout ses diplomates.
.
.
Sources : Gilbert Meynier: histoire interne du FLN, Rédha Malek: l'Algérie à Evian, Yves Courrière : les fils de la toussaint et le temps des léopards. Revue du monde musulman et la méditerranée : l'Algérie incertaine.
.
.
.
.
par Aït Benali Boubekeur
.
.
.
.
.
.
Commémorons le quarante-cinquième anniversaire de la signature des Accords d'Evian du 18 mars 1962 par cette introduction du livre *1 de feu Benyoucef Ben Khedda ! «..Aucun gouvernement, fût-il le plus proche, n'a été associé aux négociations avec la France. Maître de son jeu, le GPRA *2 mena, jusqu'au bout, cette entreprise, en dehors de toute interférence extérieure, et sans solliciter de quiconque le moindre concours dans l'élaboration des décisions et la confection des dossiers.
C'est pour toutes ces raisons que la Révolution Algérienne pouvait revendiquer les Accords d'Evian et s'en montrer toute aussi fière que de ses autres accomplissements historiques... ». Il reste difficile pour tout chroniqueur de reporter des événements de façon diachronique, même avec un cadre référentiel disponible mais qui peut, lui aussi, occulter - de façon involontaire - des faits et peut être aussi des hommes qui n'ont pas été médiatisés par l'Histoire et les journaux de l'époque.
De là, apparaît déterminant le travail des historiens et spécialistes en sciences humaines et sociales, tant dans la récupération du matériau historico-social avec toutes les techniques de collecte et d'investigation que cette entreprise d'évocation et de fixation de la mémoire collective suppose... Quant à l'analyse des données et l'interprétation des résultats, elles restent respectivement assujetties aux compétences mobilisées et aux orientations politiques subjectives qui favorisent souvent l'intérêt immédiat et « clanique » au détriment de la recherche de l'objectivité et de la Vérité..
Lorsque le regretté Krim Belkacem appose sa signature au nom de la délégation du GPRA, le soir du 18 mars 1962, l'ultime étape des négociations et le texte final ont déjà été avalisés à Tripoli, le 27 février 1962, par le CNRA *3. Ce dernier vote à l'unanimité de ses membres moins quatre voix *4.... Les « cinq » historiques, emprisonnés à Aulnoy, ont voté oui par procuration : Ben Bella, Aït ahmed, Bitat, Boudiaf et Khider.
En fait, ce long processus de négociations a débuté par un premier contact entre le FLN et le gouvernement français, en avril 1956, sous l'auspice du Professeur André Mandouze décédé récemment. Puis, il y a les rencontres du Caire, Belgrade, Rome et Brioni en cette même année 1956. L'aviation française y met fin en kidnappant l'avion des « cinq » historiques le 22 octobre... L'année 1960 voit arriver les manoeuvres du général De Gaulle avec cette « paix des braves » (tractations avec des cadres de la wilaya IV), puis, l'échec de Melun le 29 juin 1960 avec Benyahia et Boumendjel émissaires du GPRA, et enfin, le déterminisme des grandes manifestations populaires du 09 et 11 décembre qui commencent à Aïn-Témouchent et se terminent en symbiose à Alger avec les masses qui plébiscitent définitivement le FLN. Il n'y a pas meilleure sémantique que cette phrase *1 de Ben Khedda pour qualifier l'événement : « c'est parce qu'elle a trouvé en lui un interlocuteur crédible, que la France a pu négocier avec le FLN ».
Quarante-cinq ans après, il est indéniable que la pérennité des dispositions des Accords d'Evian n'est plus à démontrer même si elles furent parfois amputées, dévoyées, différées et mises en veilleuse par ceux-là même qui rechignèrent à voter pour et joindre leurs voix à la majorité des membres du CNRA.
En France, à ce jour, persiste un lobby qui a son poids dans la balance électorale et qui voudrait bien se re-positionner par un impérialisme français ayant une quote-part dans le nouveau partage que propose la mondialisation sous tutelle américaine, balayant et occultant l'esprit même du 19 mars 1962. La pertinence de l'analyse de Sadek Hadjerès - « Atlantisme : l'Algérie face au piège » -s ur le harcèlement des cercles bellicistes des USA pour l'octroi de bases aux GI'S de passage sur les terres du million de martyrs nous renvoie à « L'Alternative » *5 du Dr Salah Mouhoubi, vingt ans plus tôt, je cite : «..La France a intérêt à voir en l'Algérie un partenaire qu'il faut aider à se développer. Une Algérie prospère, puissante et indépendante est indispensable à la France sur le double plan : politique et économique. L'Algérie a intérêt aussi que la France soit puissante afin.. qu'elle ne tombe pas dans l'orbite américaine qui élargirait la zone de confrontation Est/Ouest dangereuse pour les deux pays... ».
Aussi, afin d'étoffer cette présentation de certaines dispositions de ces Accords historiques, signés à l'unanimité moins quatre voix par le CNRA *3, il nous est important et référentiel de citer certains de ses articles. Le volume de la matière de ces dispositions ne nous permet pas d'être exhaustif ; néanmoins, avec cette mondialisation économique et culturelle s'annonçant « au pas de charge » à l'américaine et « aux mules de moquette euro-méditerranéenne », l'Algérie ne court-elle pas le risque de s'isoler devant les injonctions pressantes des USA aux portes d'Alger alors qu'elle dispose d'un cadre juridique hérité du 19 mars 1962 que la légitimité historique et révolutionnaire lui a légué.. ?
Nous laisserons l'honneur posthume à Monsieur Benyoucef Benkhedda pour conclure cet article : «... ni les dénigrements partisans, ni les attaques politiciennes dont ces Accords ont été à la fois l'objet et le prétexte, n'ont réussi à travestir la vérité. Rien, au demeurant, dans ces textes qui pût juridiquement constituer une cession irréversible, ou créer une entrave insurmontable. Les principes étant saufs, tout le reste devenait affaire d'initiative, de dynamique révolutionnaire.. » *1 - p. 09/10.
«.. L'Histoire retiendra en ce qui concerne ce dernier acte de la Guerre d'Algérie le courage politique et le sang-froid de nos délégués à Evian. Ils se sont montrés dignes des combattants de l'Armée de Libération Nationale, des militants de l'organisation politique du FLN et de l'ensemble de notre peuple.. » *1 - p11.
.
.
.
ANNEXE:
.
- Déclaration des garanties :
Première partie - Dispositions générales :
- De la liberté de circuler entre l'Algérie et la France :
Sauf décision de justice, tout Algérien muni d'une carte d'identité, est libre de circuler entre l'Algérie et la France...
- Déclaration de principes relative à la coopération économique et financière :
- Titre II- Echanges:
ART.7 - Les ressortissants algériens résidant en France et notamment les travailleurs auront les mêmes droits que les nationaux français, à l'exception des droits politiques.
- Titre III - Relations
monétaires :
ART.8 - L'Algérie fera partie de la zone franche. Ses relations avec cette zone seront en outre définies contractuellement sur la base des principes énoncés aux articles 9, 10 et 11 ci-après.
ART.9 - Les opérations de conversion de monnaie algérienne en monnaie française et vice versa, ainsi que les transferts entre les deux pays, s'effectuent sur la base des parités officielles reconnues par le Fonds monétaire international.
- Déclaration de principes sur la coopération pour la mise en valeur des richesses du sous-sol du Sahara :
- Titre I - Hydrocarbures liquides et gazeux:
A) Garantie des droits acquis et de leurs prolongements.
& 1 - L'Algérie confirme l'intégralité des droits attachés aux titres miniers et de transport accordés par la République française en application du Code pétrolier saharien.
Le présent paragraphe concerne l'ensemble des titres miniers et de transport délivrés par la France avant l'autodétermination ; toutefois, après le cessez-le-feu, il ne sera pas délivré de nouveaux permis exclusifs de recherche sur des surfaces non encore attribuées, sauf si les zones intéressées ont fait l'objet d'un avis de mise à l'enquête publié avant cette date au « Journal officiel » de la République française.
a) Par « titres miniers et de transport » ; il faut entendre essentiellement :
1. Les autorisations de prospection ;
2. Les permis exclusifs
de recherche, dits permis H ;
3. Les autorisations
provisoires d'exploiter ;
4. Les concessions d'exploitation et les conventions correspondantes ;
5. Les approbations de projets d'ouvrages de transport d'hydrocarbures et les autorisations de transport correspondantes.
b) Par « Code pétrolier saharien » , il faut entendre l'ensemble des dispositions de nature applicables à la date du cessez-le-feu, à la recherche, à l'exploitation et au transport des hydrocarbures dans les départements des Oasis et de la Saoura et notamment au transport de ces hydrocarbures jusqu'aux terminaux marins.
- TITRE III - Organisme technique de mise en valeur des richesses du sous-sol saharien :
& 13 - La mise en valeur rationnelle des richesses du sous-sol saharien est confiée, dans les conditions définies aux paragraphes suivants, à un organisme franco-algérien, ci-après dénommé « l'Organisme ».
& 14 - L'Algérie et la France sont les co-fondateurs de l'Organisme qui sera constitué dès la mise en vigueur des présentes déclarations de principes.
- Déclaration de principes relative à la coopération culturelle:
- Titre I - La coopération :
Article premier - La France s'engage, dans la mesure de ses possibilités, à mettre à la disposition de l'Algérie les moyens nécessaires pour l'aider à développer l'enseignement, la formation professionnelle et la recherche scientifique en Algérie.
Art. 2 - Chacun des deux pays pourra ouvrir sur le territoire de l'autre des établissements scolaires et des instituts universitaires dans lesquels sera dispensé un enseignement conforme à ses propres programmes, horaires et méthodes pédagogiques, et sanctionné par ses propres diplômes ; l'accès en sera ouvert aux ressortissants des deux pays.
... Les programmes suivis dans ces établissements comporteront un enseignement de la langue arabe en Algérie et un enseignement de la langue française en France.
- Titre II - Echanges culturels :
Art. 9 - Chacun des deux pays facilitera l'entrée, la circulation et la diffusion, sur son territoire, de tous les instruments d'expression de la pensée en provenance de l'autre pays.
Art. 10 - Chacun des deux pays encouragera sur son territoire l'étude de la langue, de l'histoire et de la civilisation de l'autre, facilitera les travaux entrepris dans ce domaine et les manifestations culturelles organisées par l'autre pays.
- Déclaration de principes relative à la coopération technique :
Article premier
- La France s'engage :
a) A prêter à l'Algérie son appui en matière de documentation technique et à assurer aux services algériens une communication régulière d'informations en matière d'études, de recherche et d'expérimentation ;
b) A mettre à la disposition de l'Algérie, dans la mesure des moyens disponibles, des services et des missions d'études de recherches ou d'expérimentation en vue soit d'accomplir pour le compte de cette dernière, suivant ses directives, des travaux déterminés, soit de procéder à des études, de participer à des réalisations ou de contribuer à la création ou à la réorganisation d'un service ;
c) A ouvrir très largement aux candidats présentés par les autorités algériennes et agrées par les autorités françaises l'accès des établissements français d'enseignement et d'application et à organiser à leur intention des stages de perfectionnement, des cycles d'enseignement et de formation accélérés dans des écoles d'application, au sein de centres particuliers et dans les services publics ;...
- Déclaration de principes relative aux questions militaires :
Art. 4 - La France utilisera pour une durée de cinq ans les sites comprenant les installations d'In Ekker, Reggane et de l'ensemble Colomb-Béchar - Hamaguir, dont le périmètre est délimité dans le plan annexé, ainsi que les stations techniques de localisation correspondante.
Art. 6 - Les installations militaires énumérées ne serviront en aucun cas à des fins offensives.
.
- *1 - « Les Accords d'Evian » Benyoucef Ben Khedda, Office des Publications Universitaires, Alger/Ben Aknoun, 1986.
- *2 - GPRA : Gouvernement provisoire de la République Algérienne.
- *3 - CNRA : Conseil National de la Révolution Algérienne.
- *4 - Houari Boumèdiène, Kaïd Ahmed et ali Mendjli de l'EMG, Mokhtar Bouyezzem (Si Nacer) de la Wilaya V.
- *5 - « La politique de coopération Algéro-Française - Bilans et perspectives » du Dr Salah Mouhoubi, Publisud/OPU, Paris/Alger, 1986, p. 286.
.
.
.
.
.
par Houssine Mourad Salim Psychologue
.
.
Les commentaires récents