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...et Gouvernement du Levant
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Le royaume d’Alger a été divisé en plusieurs souverainetés, provinces, gouvernements, seigneuries, ou républiques, suivant les révolutions qui y sont arrivées, & la volonté des peuples qui s’en sont rendus maîtres tour à tour, par la force des armes. C’est pourquoi les auteurs en différents temps, en parlent différemment.
Les turcs qui en sont aujourd’hui les maîtres, ou plutôt les tyrans, quoiqu’en très petit nombre eu égard à la grandeur du pays & au nombre des habitants, l’ont divisé en trois gouvernements.
Il y a peu de villes fermées & d’autres habitations bâties. Presque tous les peuples qui y sont en grand nombre, logent sous des tentes à la campagne. Un certain nombre de familles, qu’on appelle nations ou tribus, s’assemblent sous l’autorité d’un cheikh ou chef, qui répond du Carache, ou taille pour sa troupe, & compose un douar, village ou campement qui change de lieu, selon les temps & les saisons, soit pour la commodité des semences, soit pour le pâturage & la nourriture des bestiaux.
Tout le gouvernement de ce royaume dépend de le ville d’Alger, où se tient la cour. Sa domination le répand dans les trois provinces, ou gouvernements, sous l’autorité de trois beys ou gouverneurs généraux commandants les armées, que l’on distingue par bey du levant, bey du ponant & bey du midi.
Sous le gouvernement du levant sont les villes de Constantine, où se tient le bey & sa cour, de Bône, de Djidjelli, de Bougie, de Sétif, de Tébessa, de Zamoura & de Biskra, où les turcs tiennent garnison. Dans l’étendue de ce gouvernement, sont aussi les pays de Couco & de Labez, autrefois deux royaumes différents. Mais les habitants ne reconnaissent point la domination d’Alger, parce que ces pays sont inaccessibles aux troupes des turcs ; ils y vivent en liberté sous l’autorité d’un cheikh, tel que chaque douar veut bien l’élire. Il y a aussi le comptoir de la Calle, colonie française sous la direction de le compagnie du bastion de France.
Sous le gouvernement du panant sont les villes d’Oran où se tient le bey & sa cour ; de Tlemcen, où était la résidence du bey, lorsqu’Oran appartenait à l’Espagne, de Mostaganem, de Ténès & de Cherchell, où il y a garnison.
Sous le gouvernement du midi il n’y a aucune ville ni habitation bâtie. Tous les peuples y sont campés avec ses troupes.
Il y a encore, outre les villes dont on a parlé, des débris de plusieurs autres ; mais elles sont entièrement ruinées & sans aucune fortifica¬tion.
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Gouvernement du levant
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Constantine seule ville qui reste de la province qui porte son nom, a été longtemps le siège des princes arabes qui en étaient souverains. Elle fut fondée par les numides, sous le nom de Cirta. On prétend qu’elle fut nommée Constantine par une fille de l’empereur Constantin le grand, qui la fit rebâtir, & la mit dans un grand lustre. Les maures la nomment Cussuntina.
Cette ville est bien fortifiée, & dans uns situation avantageuse à trente lieues françaises du rivage de la mer. On connaît qu’elle a été sa splendeur & sa magnificence par de très beaux monuments, des ouvrages les romains. L’empereur Caligula en avait fait la capitale de la Mauritanie césarienne.
Cette province est frontière du royaume de Tunis, & est renfermée entre le mont Atlas, la mer Méditerranée & la province de Djidjelli.
Le bey du levant y fait sa résidence. Il a une garde de 300 spahis ou cavaliers turcs, & de 1500 maures entretenus à ses dépens ; ces troupes ne faisant point partie de la milice entretenue par l’état.
Près de Constantine & dans son ressort sur la côte Méditerranée, sont les débris de la ville de Collo, bâtie par les romains, & détruite par les guerres qui se sont succédées. Il reste encore un château bâti sur un rocher, où il y a garnison & un aga qui commande. Il y a dans le village un commis de la compagnie du Bastion de France, qui y a une maison ou comptoir, & qui est fort protégé par le gouvernement d’Alger suivant les traités. Il achète des maures et peu à peu des cuirs de bœufs, de la cire & de la laine, & lorsqu’il y en a une quantité insuffisante pour les changer, il en informa le directeur de la Calle, qui envoie des bâtiments à la rade pour y charger ces marchandises.
Sur les montagnes de Collo, il y a une grande quantité de singes très féroces & très difficiles à domestiquer. Les maures ont le secret d’en prendre autant qu’ils veulent ; mais ils ne le font que lorsqu’ils en ont l’occasion d’en vendre. Il y en a qui sont de hauteur d’homme, lorsqu’ils sont debout. Sur la même côte on voit des restes de quelques maisons d’une fort ancienne ville appelée Stora, où il y a un golfe spacieux & fort commode. C’est là où les génois & puis les français ont commencé le commerce, que la compagnie du Bastion de France a continué & étendu. On voit dans toute cette province beaucoup de ruines des villes & châteaux bâtis par les romains.
Le territoire de cette province est coupé par des montagnes fort hautes, habitées par des arabes & des maures jaloux de leur liberté, & qui forment une espèce de république. Ils sont divisés en nations, & commandés par des cheikhs qui s’unissent, lorsque le bey de Constantine veut violer leurs droits. Ils peuvent composer une armée de 30 000 à 40 000 hommes ; mais ils n’ont point d’armes à feu, & seulement des sagaies ou lances & des flèches.
Lorsque les femmes de ces montagnes ne sont pas contentes de leurs maris, ou qu’elles sont maltraitées, elles se réfugient d’une montagne à l’autre c’est ce qui donne souvent l’occasion à la guerre entre deux ou plusieurs nations, surtout lorsque les femmes emportent avec elles des bijoux, de l’argent ou d’autres effets de quelque valeur.
Constantine a eu des rois, depuis que les arabes mahométans s’emparèrent de l’Afrique jusque dans l’année 1420 que les tunisiens s’en rendirent maîtres. Mais en 1520 Barberousse après la conquête d’Alger, ayant conquis Collo, les habitants de Constantine voyant leur commerce tout à fait ruiné par cette prise, se donnèrent à ce conquérant, & depuis elle fait partie du royaume d’Alger.
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Bône (Anaba) port de mer, l’ancienne Hippone, était autrefois la capitale d’une province de la dépendance des rois de Constantine. Cette ville bâtie par les romains, & renommée par son évêque Saint Augustin, était autrefois belle & florissante.
Les gens du pays prétendent, qu’elle n’est pas la même que l’ancienne Hippone ; que cette dernière ayant été prise, reprise & détruite plusieurs fois dans les différentes guerres, on avait bâti de ses ruines, une ville à une petite lieue de là, nommée Baled el Ugned, ou la place des jujubes, à cause qu’il y en a beaucoup d’arbres autour de la ville, que l’on prend à présent pour l’ancienne Hippone.
Il est assez probable que ce n’est pas la même ; car à la distance d’une petite lieue, il y a dans un champ de figuiers, des ruines qu’on dit être l’église Episcopale de Saint Augustin. On voit encore parmi ces ruines une statue de marbre toute mutilée, & dont on ne peut connaître le représentation. Il y a auprès une source d’une eau très belle & excellente, que les gens du pays appellent communément la fontaine de Saint Augustin, de même que les figuiers. Les matelots italiens & provençaux qui y abordent, ne manquent pas d’aller boire de cette eau, & de faire leur prière à genoux devant cette statue mutilée pour adresser des prières à saint Augustin.
Cette ville fut prise sur les tunisiens & annexée au royaume d’Alger, lorsque Barberousse s’en rendit maître. En 1535 elle fut reprise par les tunisiens, mais peu de temps après les algériens s’en rendirent encore les maîtres & l’ont gardée depuis. Au-dessus de la ville il y a un petit fort qui la domine, avec une garnison de 300 soldats turcs, sous les ordres d’un aga qui commande la place.
Le rade de Bône où l’on mouille ordinaire¬ment, est le port génois à une lieue à l’ouest de le ville, devant laquelle le mouillage ne vaut rien, outre qu’il n’y a pas de fonds.
On trouve dans son ressort les restes d’une ville maritime, qu’on nomme Melle, mais elle est de peu de considération, de même que Tabarka, qui est à 20 lieues à l’est de Bône appartenant à présent aux tunisiens, & séparant la côte maritime d’Alger d’avec celle de Tunis. Vis-à-vis de cette ville, il y a une île de même nom, à demi-lieue de la terre ferme. Cette île fut autrefois conquise par l’Es-pagne ; elle appartient à présent en souveraineté à Mrs. Lomellini nobles génois qui y tiennent un gouverneur. Il y a un fort, uns garnison, plusieurs maisons de particuliers qui y habitent, & un comptoir pour la pêche du corail & le commerce avec les maures.
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Tout auprès de Tabarka il y a une petite place, qu’on appelle la Calle, comptoir appartenant à la compagnie du Bastion de France. Il y a un fort & quelques pièces de canon ; un grand corps de logis pour loger les personnes qui sont au service de cette compagnie ; un jardin, un hôpital, une chapelle, & un cimetière. C’est là où se tiennent les bateaux qui pêchent le corail, lo long de la côte de Barbarie.
En 1560 les marseillais firent bâtir à peu de distance de cette place, une espèce de fort, qui servait de magasin pour les grains qu’ils achetaient,& de retraite aux pêcheurs du corail ; mais ce fort fut démoli par les troupes d’Alger, qui accusèrent les français d’avoir enlevé tous les blés & causé la famine.
En 1628 Louis XIII envoya un de ses architectes pour construire un fort sous le nom de Bastion de France. Cet architecte en jeta les fondements, mais les arabes & les maures l’empêchèrent de continuer, renversèrent ses travaux & l’obligèrent de se rembarquer. Quelques années après sa majesté le fit rebâtir, & les français s’y établirent; mais cet endroit n’étant pas commode pour son port, la compagnie du Bastion de France s’est depuis accommodée avec les algériens pour obtenir la Calle, petite place voisine, reste d’une belle & ancienne ville. Cette compagnie a fait un traité avec le dey d’Alger, pour y négocier tranquillement avec les arabes & les maures.
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Gigery (Djidjell), village à l’est d’Alger, où il y a une forteresse qui commande un grand territoire. C’était autrefois une province dépendante du royaume de Bougie. Il est bâti sur une langue de terre qui avance dans la mer, & forme avec des rochers qui s’y trouvent deux havres assez commodes, un à l’est & l’autre à l’ouest. Il n’y a point de ville ni d’habitation fermée dans le territoire qui en dépend, & les habitants ne s’y tiennent que dans les douars. Ce territoire enferme une haute montagne de 25 à 30 lieues de longueur appelée le mont Aurax d’un accès extrê¬mement difficile. Elle set habitée par des arabes nommés Kabeylzen :), fiers, jaloux de leur liberté & indomptables à cause de quelques endroits inaccessibles de la montagne, où ils se retirent pour se mettre à l’abri des insultes. Ils font esclaves, sans distinction, tous les étrangers qui abordent sur leurs côtes depuis l’année 1664 que les français furent obligés d’abandonner Gigery. Avant ce temps-là ils y avaient un comptoir, ; & la compagnie du Bastion de France y tenait des commis pour acheter des cuirs, de la cire & des grains. Mais la France étant en guerre avec le royaume d’Alger, le roi ordonna au duc de Beaufort amiral, de faire construire un fort auprès de la mer pour s’y maintenir, & tenir en bride les arabes . il en fit jeter les fondements, & ayant appris qu’un grand nombre de ces arabes avaient formé un camp pour le venir attaquer, il prit la résolution de les combattre, à la tête de 800 hommes. Mais la longueur & la diffi culté des chemins lui firent changer de dessein. S’étant mis en mer par ordre de la cour pour croiser sur les vaisseaux d’Alger, les barbares profitèrent de son absence pour attaquer les français dans leur fort, qui fut bientôt renversé. Le sieur Du Fretoy, commandant, marcha à la tête de la cavalerie suivi de l’infanterie, contre les ennemis, quoi qu’infiniment supérieurs en nombre aux français. Ceux-ci furent battus, obligés d’abandonner Gigery & de s’embarquer sur des bâtiments qui étaient dans le port avec tout ce qu’ils purent sauver. On en attribua la faute au comandant de l’infanterie, dont le sieur Du Fretoy se plaignit de n’avoir pas été bien secondé. Les barbares avertis de la retraite précipitée des français, s’avancèrent pour les combattre à leur tour, les surprirent en désordre & massacrèrent ou firent esclaves 400 hommes qu’on avait mis dans un poste avancé pour leur tenir tête, dans le temps qu’on embarquait le bagage & l’artillerie, dont ils resta aux algériens une bonne partie. Cette province fut acquise au royaume d’Alger par Barberousse en 1514.
Lorsque quelque bâtiment fait naufrage sur les côtes de Gigery, les habitants de la montagne descendent en foule, & viennent s’emparer de ce qu’ils peuvent sauver, de quelque nation que soit le bâtiment, quand même il serait turc. Mais, en ce cas là, ils renvoient les mahométans avec les provisions nécessaires pour se conduire jusqu’en un lieu, où ils puissent trouver du secours. Ils font esclaves les chrétiens, les grecs & les juifs, quand même la régence d’Alger serait en paix avec la nation à laquelle le bâtiment naufragé appartient ; le dey d’Alger n’en peut rien tirer que comme ami & non comme souverain.
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Bougie, que les africains appellent Bugeya, est une ville maritime entre Gigery & Alger, assez forte & bien peuplée, capitale de la province ou territoire qui porte son nom. Elle est située sur le penchant d’une haute montagne, & a une baie assez commode. C’était autrefois un royaume sous la domination des arabes. Cette ville fut bâtie par les romains, & les Goths s’étant rendus maîtres de l’Afrique y établirent le siège de leur empire. Abni, roi sarrasin, les en chassa en 762. Joseph, premier roi de Maroc, conquit ce royaume, & le donna à Hucha Urmeni prince de sa race, laquelle régna jusqu’au XIIe. Siècle. Alors le roi de Tenes le conquit, & le donna à Albuferez un de ses fils, à la race desquels elle demeurera jusqu’en 1510 que Pierre comte de Navarre prit la ville sous Ferdinand V roi d'espagne, & la fortifia.
L’an 1512, Barberousse y mit le siège avec douze galères & 3000 maures & arabes, que le roi dépossédé y amena ; mais le pirate ayant été blessé, l’abandonna. Il y revint en 1514 & après s’être emparé de la ville & d’un fort, un secours qui arriva
fort à propos aux espagnols le fi t encore se retirer. Après la défaite de l’empereur Charles V devant Alger, les algériens profitèrent de l’occasion & marchèrent avec toutes leurs troupes vers Bougie. Ils prirent le château de la marine & la citadelle de l’empereur ; de sorte que Alonso de Peralta gou¬verneur pour l’Espagne, se voyant renfermé dans la ville, & battu par les forts qui le dominaient, demanda capitulation. Elle lui fut accordée, & il se rendra avec 400 hommes en Espagne, où le roi lui fit trancher la tête.
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Steffa ou Disteffa, ville à présent peu considérable, est au sud de Bougie ; elle était autrefois de sa dépendance. Elle est située dans une plaine de grande étendue, très agréable & très fertile en fruits, en fleurs & en plantes. Son terroir touche aux montagnes de Labez, dont il sera parlé par la suite.
Tebef & Zamora sont aussi des restes des anciennes villes de la province de Bougie. Elles sont à présent peu de chose.
Le pays de Bougie est presque entouré de montagnes, de même que celui de Gigery, dont les quartiers en sont distingués par les noms de Benijubar, d’Auraz & de Labez. Ces montagnes ne sont peuplées que de familles les plus ancien¬nes d’arabes, maures ou sarrasins, & la plupart, de ces montagnards portent, suivant un ancien usage, une croix ineffaçable sur la main, & plusieurs en portent une à chacune des joues, sans pouvoir en donner d’autre raison, sinon, que c’est une coutume que leurs ancêtres leur ont laissée. Mais la raison de cela est que les Goths s’étant rendus maîtres de ce pays, & n’exigeant aucune contribution des chrétiens, & ne leur faisant aucun mal, chacun voulait passer pour tel. Ainsi pour arrêter la fureur du soldat, on lui montrait de loin cette marque de christianisme, qui s’est perpétuée jusqu’à présent par l’usage.
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Biscara est de la province de Zeb dans la Numidie, au sud du royaume de Labez. Les algériens en y faisant des courses toutes les années pour enlever des esclaves, s’en sont enfin rendus maîtres, pour pouvoir pénétrer dans le pays du sud avec plus de facilité. On y voit les restes d’une ancienne ville, dont ce pays porte le nom, où il y a toujours garnison pour contenir les habitants de cette province, qui campent sous des tentes. Le pays est fort misérable. Ce sont les biskaras qui apportent dans les ports de mer du royaume d’Alger, les lions, les tigres, & les autres bêtes féroces qu’on y trouve domestiquées, & ils les vendent aux étrangers qui veulent en avoir. Il y a toujours dans Alger un nombre de ces arabes, connus sous le nom de biskaras, qui y viennent pour faire les plus vifs ouvrages. Ils charrient de l’eau dans les maisons, ils nettoient les lieux, les puits, ramonent les cheminées, portent les fardeaux ; & lorsqu’ils ont gagné une dizaine d’écus, ils retournent chez eux, où ils sont regardés comme très riches, l’argent y étant presque invisible. Nous parlerons dans la suite de l’ordre qu’il y a à l’égard de ces gens là, de leurs fonctions pour le bien & la sûreté de la ville d’Al-ger, & du profit qu’ils y donnent.
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Le pays du Couco qu’on appelle communémént la montagne de Couco, était autrefois un royaume qui a donné des princes d’une grande réputation, qui aidèrent à conquérir l’Espagne. mais à présent les arabes berbères & azagues, qui habitent cette montagne, quoique fiers de leur origine, & aimant l’indépendance, sont dans la bassesse & la misère. Ils n’ont point de commerce avec leurs voisins, de peur d’être réduits par les algériens dans l’escla-vage, où sont la plupart des autres arabes & maures de la Barbarie. Quoique le dey d’Alger fasse tout son possible pour en retirer les tributs, garames ou tailles qu’il exige des autres, il ne peut en venir à bout, à cause de la difficulté de la montagne où les troupes ne peuvent aller sans s’exposer à tomber dans des embuscades. On ne peut y parvenir que d’un côté avec beaucoup de peine ; & les arabes qui l’habitent peuvent facilement, en faisant rouler des rochers seulement, abîmer une grande armée.
Ce pays est situé entre Alger & Bougie. Il tire son nom d’une ancienne ville à présent détruite. Elle était le séjour des rois qui y avaient fait construire de superbes palais. Cette ville était entourée de rochers au pied de la montagne, qui était couverte de villages & de hameaux fort peuplés. Elle avait un port appelé Tamagus, où elle faisait le commerce du miel, de la cire & des cuirs avec les marseillais.
Les habitants de cette montagne, qui est leur unique retraite, sont ennemis irréconciliables des turcs, depuis le commencement du XVIe siècle que Selim Eutemi prince arabe, ayant été appelé pour gouverner les algériens à cause de son mérite, fut tué par Aroudj Barberousse, Sere-meth-ben-el-Cadi pour alors roi de Couco, parent du prince, craignant que l’usurpateur ne s’emparât aussi de son royaume, fit alliance avec l’Espagne & promit d’aider aux espagnols à faire des conquêtes dans la royaume d’Alger, & il les favorisa de tout son pouvoir.
En 1541 lorsque Charles V fut arrivé devant Alger avec une puissante armée, ce roi de Couco lui envoya des provisions & 3000 arabes armés pour lui faciliter les chemins,& servir de guides aux troupes ; mais dès que le secours fut parti, le roi ayant appris le mauvais succès de l’empereur, les rappela incessamment. Les algériens voulurent se venger de cette action. Hassan pacha envoya une armée de 3000 turcs pour assiéger le roi de Couco dans sa ville, qui ne se sentant pas assez fort demanda la paix. Elle lui fut accordée moyennant une somme considérable; & en attendant cette satisfaction, afin d’obliger les troupes d’Alger à se retirer il leur remit en otage Hamed-ben-el-Cadi son fils. Peu de temps après les deux nations se réconcilièrent & s’allièrent par le mariage d’Hassan avec la fille du roi, qui fut conduite à Alger.
Cette alliance attire beaucoup d’habitants du Couco dans la ville d’Alger, pour lesquels le pacha avait beaucoup de complaisance ; & leur ayant même permis d’acheter des armes dans la ville, ils venaient en foule pour s’en munir. Les soldats turcs jaloux de ces voisins, qui pouvaient dans l’occasion se servir de ces armes contre eux, se mutinèrent, & n’ayant pu obtenir du pacha que cette permission fut révoquée, ils se révoltèrent contre lui, s’en saisirent & l’envoyèrent lié à Constantinople, où ils le firent représenter à l’empereur Soliman second, que ce pacha voulait se faire roi d’Alger, par le secours des habitants du Couco. Ces deux états se firent souvent la guerre ; mais elle fut toujours terminée à l’avantage des algériens.
Les montagnes du Couco sont abondantes en grains, fruits & bestiaux. Il y a de belles vallées, de charmants coteaux, d’agréables prairies, & d’abondantes sources de très bonne eau. C’est là où se réfugient ordinairement avec leur argent les deys d’Alger lors qu’ils craignent le mort, ou qu’ils veulent abandonner le pesant fardeau du gouvernement. Ils y passent tranquil¬lement le reste de leurs jours dans la tranquillité et dans l’abondance, où ils ne s’y arrêtent qu’en attendant l’occasion de passer au royaume de Tunis ou en Levant.
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Labez, autrefois royaume, est un pays de montagnes, confinant à l’est de Couco, habité par des peuples semblables. Ils ont les mêmes mœurs & les mêmes maximes ; mais comme ils ne peuvent empêcher l’abord des troupes d’Alger, ils sont obligés de payer le tribut au dey. Ce tribut consiste ordinairement en chevaux. Cette montagne n’est aps beaucoup fertile en grains , ni en fruits, & il n’y a presque que du glayeul, qui est une espèce de jonc dont on fait les nattes, qu’on nomme en arabe Labez ; & c’est de là qu’est venu le nom au royaume de Labez.
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