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Alger valait bien une bataille ! Capitale de l’Algérie française depuis 127 longues années, la métropole a toujours été considérée comme un lieu épargné par la vague héroïque des combattants pour l’indépendance. Terreau des colons bourgeois, Alger se voulait être l’exemple du colonialisme réussi qui profite aussi aux colonisés. Mais c’était sans compter sur une poignée d’hommes et de femmes, plus courageux que déterminés à faire de l’ancienne El Djazaïr le fer de lance d’une révolution déjà mémorable.
La percée du FLN (Front de libération nationale) dans toutes les villes du pays et l’attachement populaire à la cause nationale allaient faciliter la tâche de ceux qui voulaient déjà investir les villes.
Plus de deux années après le début de la révolution, la France va mal, et l’opinion publique à Paris réclame déjà la tête de ceux qui n’ont toujours pas réussi à maîtriser une situation dite sous contrôle.
«La seule négociation est la guerre», disait fièrement François Mitterrand, alors ministre de l’Intérieur, le 7 novembre 1954. Courant 1956, la guerre est consommée et la redoutable puissance militaire française est plus que jamais ébranlée. Pour y remédier, le président du Conseil Guy Mollet décide alors de passer à la vitesse supérieure.
Abane : «le Diên Biên Phu algérien aura lieu rue Michelet»
Au printemps de la même année, il déclare contre toute attente sa disposition à négocier avec le FLN et son bras armé l’ALN (Armée de libération nationale), mais à condition que ces derniers cessent leurs opérations militaires. Devant le refus logique des moudjahidine, il décide de convoquer plus de cent vingt mille soldats supplémentaires et prolonge la durée du service militaire à deux ans et trois mois. Six mois avant le déclenchement de la bataille d’Alger, c’est une véritable armada qui se trouve en Algérie. Plus de deux cent mille hommes rapatriés d’urgence pour étouffer le mouvement armé.
N’étant toujours pas dans l’œil du cyclone de ses futurs assassins, Abane Ramdane faisait partie de ceux qui avaient dès le début planifié une délocalisation de la révolution dans la capitale. «Le Diên Biên Phu algérien aura lieu rue Michelet», avait-il déclaré comme pour préparer ses ennemis à une confrontation dans Alger. Yacef Saadi et Ali la Pointe constituaient déjà le noyau d’un réseau de commandos dans la Casbah. Déjà au firmament, la détermination algérienne à augmenter la pression allait être renforcée par la barbarie française.
L’attentat de la rue de Thèbes le 10 août 1956 et les nouvelles méthodes des militaires seront le leitmotiv pour en finir avec cette cruauté institutionnalisée.
Le général Ely est alors chargé de mettre en application les nouvelles règles d’interrogatoire dans le cadre des DOP (dispositifs opérationnels de protection). Ses méthodes en disent long sur la stratégie adoptée : passages à tabac, téléphone de campagne EE8, «touque d’eau», génératrice (gégène à pédales) qui débite un courant supérieur à celui de l’EE8.
Le détournement de l’avion d’Air Atlas le 22 octobre 1956, qui transportait de Rabat à Tunis Hocine Aït Ahmed, Ahmed Ben Bella, Mustapha Lacheraf, Mohamed Khider et Mohamed Boudiaf, allait accélérer la cadence. Huit jours plus tard, ce sont les femmes du FLN qui entreront dans l’histoire. Samia Lakhdi et Zohra Drif font voler en éclats le Milk Bar et la Cafétéria. Face à une recrudescence des activités nationalistes, la France fait appel à un faucon de l’armée.
La barbarie version Massu
Le général Jacques Massu, militaire de 49 ans, est alors nommé commandant de la 10e division parachutiste et est chargé de rétablir l’ordre dans Alger ; c’est un 7 janvier 1957, ce sera le début d’une bataille acharnée. Pour assouvir sa soif de l’ordre, il demandera les pleins pouvoirs, le ministre résident Robert Lacoste les lui attribuera sans difficulté aucune. Commencera dès lors une guérilla armée parachtistes-FLN. En maître absolu des opérations militaires, le général Massu divise Alger en quatre secteurs. Cela tombe bien, sa 10e division est composée de quatre régiments. Chacun d’entre eux sera chargé de quadriller un secteur de la ville. Les CTT (centres de triage et de transit) verront ainsi le jour, et les arrestations, perquisitions et interrogatoires deviendront légion. Première victime de cette stratégie de terreur, Larbi Ben M’hidi. Son arrestation le 17 février 1956 et son assassinat déguisé en suicide le 15 mars suivant allaient dévoiler la face cachée des nouvelles méthodes françaises. La réponse du FLN, à travers attaques et attentats de tous genres, accentuera les représailles de l’armée coloniale. L’attentat organisé contre le dancing du casino de la Corniche allait exhorter les Français à redoubler de férocité. Le colonel Godard est chargé d’y veiller. Après des mois de confrontation sanglante, l’étau se resserre peu à peu autour des combattants du Front. Alors que Yacef Saadi et Zohra Drif sont arrêtés le 24 septembre 1957, Ali la Pointe et Hassiba Ben Bouali meurent en héros le 8 octobre dans une maisonnette plastiquée par le colonel Mathieu.
Une bataille livrée par des combattants et vulgarisée par des intellectuels
Terminée à l’avantage de la France, la bataille d’Alger ne sera que le fer de lance de la révolution du 1er Novembre. Après le déclenchement de la guerre de libération en 1954 et les violentes offensives du 20 Août 1955, elle sera considérée à juste titre comme le troisième et décisif épisode d’une épopée algérienne. Une épopée couronnée cinq années plus tard par une indépendance arrachée. Cinquante ans jour pour jour après le déclenchement de cette bataille, c’est vers ses acteurs les plus vaillants que doivent aller toutes nos pensées. Ali la Pointe, Hassiba Ben Bouali, le si petit et si grand Omar, Danièle Minne, Djamila Bouazza, Larbi Ben M’Hidi, Abane Ramdane, Henry Alleg, Maurice Audin, Pierre-Henri Simon, et l’inoubliable Djamila Bouhired. Du bout de leurs fusils pour les uns, du bout de leur plume pour les autres, chacun d’entre eux a contribué à sa façon à faire de la si flamboyante bataille d’Alger l’antichambre d’une souveraineté retrouvée. Leurs sacrifices et leurs combats devront pour cela rester à jamais gravés dans nos mémoires.
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Ding : A l’école de la Bataille d’Alger!
Si, après l’invasion américaine de l’Irak en 2003, les marines furent «invités» à visionner le «film» de la Bataille d’Alger de Gillo Pontecorvo, pour, semble-t-il, éviter des «anomalies» et augmenter les chances de recevoir de la part des descendants de Haroun Rachid des fleurs, en reconnaissance au débarquement providentiel de la démocratie dans l’enceinte d’Abou Ghrib... Sans oser prétendre au droit d’auteurs, notre intelligence «indigène» nous pousse à nous poser des questions sur le «conseil d’Henri Kessinger, ce Harvard aux grosses lunettes de «vue», qui fut l’ingénieur du cessez-le-feu entre Israël et l’Egypte en 1973, en tant que secrétaire d’état aux affaires étrangères sous la présidence républicaine de Richard Nixon, pour quel objectif cet homme politique républicain, intellectuel et «prix Nobel de la paix», d’origine juive-allemande, aurait-il incité le nouvel «empereur» par légitimité divine de la planète terre, à lire «notre» Bataille d’Alger? (Pour la fraîcheur de l’information, il a même lu L’étranger de Camus).
Il veut, paraît-il, ne pas commettre les erreurs de Charles De Gaulle, au sujet de son éphémère «Algérie française»!.
A notre humble avis, l’irremplaçable acteur et témoin, entre autres, le «fils de la Casbah», aurait pu faire la lecture profonde de cet ouvrage à tout récepteur intéressé, tout en l’illustrant par les chefs-d’oeuvre immortels des valeureux auteurs qui choisirent la mort pour donner la vie à «leur» Algérie, même si ce «choix» ne fait pas encore partie dans les chapitres de la critique littéraire du nouvel empire?
Aboul Kacem Chabbi avait dit, dans son célèbre poème «la volonté de la vie», :»lorsqu’un peuple veut la vie, force est au destin de répondre!»... Aussi, deux lectures s’offrent de la bataille de «notre» Algérie, l’une aux héritiers des Abassides et l'«autre au vaniteux empire du donquichottisme:
1- Ce n’est qu’avec l’unification de toutes les forces populaires sous l’égide d’un seul étendard qu’on peut espérer avoir la liberté.
2- Ni Rambo, ni Terminator, ni les nouveaux gladiateurs ne peuvent imposer par la force le nouvel ordre mondial, l’empire romain de Jules César n’est plus qu’ un mythe...!
Reprenant le général GIAP, nous rappelle que: «le colonialisme est un mauvais élève»? !
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par El-Guellil du Quotidien d'Oran
du 6-2-07
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