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Retour sur Assia DJEBAR : Ecrivaine, dramaturge et cinéaste.
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De son vrai nom Fatima-Zohra lmalayène, Assia Djebar est née le 4 août 1936 à Cherchell dans une famille de la petite bourgeoisie traditionnelle. Son père avait fait des études à l'Ecole normale d'instituteurs de Bouzaréah où il a été condisciple de Mouloud Feraoun. Du côté de la mère, dans la tribu des Beni Menacer, on trouve un aïeul, Mohammed Ben Aïssa El Berkani, qui était lieutenant (khalifa) de l'Emir Abdelkader à Médéa. L'arrière-grand-père, Malek Sahraoui El Berkani, neveu du khalifa et caïd des Beni Menacer, avait pris la tête d'une rébellion en juillet 1871, parallèlement à la révolte des Kabylies. Il a été tué au combat le 2 août 1871. La fillette a fréquenté l'école coranique et l'école primaire française à Mouzaïa dans la Mitidja, où son père était instituteur. En 1946 elle est au lycée de Blida comme interne pour faire ses études secondaires; elle en est une brillante élève. Elle obtint en 1953 son baccalauréat (latin, grec et philosophie), Fatima-Zohra lmalayène entre au lycée Bugeaud à Alger en 1953 et fait sa propédeutique à l'Université d'Alger. Elle est en 1954 au lycée Fénélon à Paris, tandis que le 1er novembre 1954 est déclenchée la guerre de libération nationale. En juin 1955 elle passe avec succès le concours d'admission à l'Ecole normale supérieure de Sèvres. C'est la première fois qu'une algérienne entre à la célèbre Ecole normale. Durant l'été 1956 c'est la grève des étudiants en Algérie. Par solidarité nationaliste, l'étudiante ne passe pas les examens de licence, mais écrit en deux mois son premier roman, La Soif (Palis. Julliard, 1957) qu'elle signe Assia Djebar, de manière à laisser le nom de la famille en dehors de cette activité : " Je ne voulais pas que mon père et ma mère sachent que j'ai écrit un roman " - Son frère, âgé de dix-sept ans, est arrêté au maquis. Il sera ensuite détenu dans plusieurs prisons de France. L'indépendance acquise, ce frère deviendra ambassadeur quelques années après 1962. En janvier 1957, Assia Djebar écrit son deuxième roman, Les impatients (Paris, Julliard, 1958).
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Elle se marie en mars 1958. Son mari est alors dans la clandestinité, Elle le suit à Tunis. Là, elle prépare, sous la direction de Louis Massignon, un diplôme d'études supérieures en histoire. Elle collabore en même temps à El Moudjahid, organe du FLN. Elle enquête auprès des réfugiés algériens à la frontière algéro- tunisienne, C'est ainsi que paraîtra dans El Moudjahid en 1959 une série de textes-documents: Journal d'une maquisarde, rédigés par elle-même mais dont elle n'était pas strictement l'auteur puisqu'elle avait mis en ordre des récits qui lui avaient été faits. Ces pages ont été reprises plus tard dans El Djeich en 1967. En 1959, elle est assistante d'histoire de l'Afrique du Nord à l'Université de Rabat, où elle trouve comme doyen son ancien professeur à la Sorbonne, Charles-André Julien.
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Elle écrit en 1960 la pièce de théâtre Rouge l'aube et des poèmes. Elle écrit aussi son troisième roman, Les Enfants du nouveau monde (Paris, Julliard, 1962). En octobre 1962 nous la trouvons enseignante à la Faculté des Lettres d'Alger (histoire moderne et contemporaine de l'Afrique du Nord). Elle va collaborer aux différents périodiques algériens qui vont être publiés, ainsi qu'à la radio algérienne. Elle séjourne à Paris en 1965 et publie bientôt son quatrième roman : Les Alouettes naïves (Paris, Julliard, 1967).
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Sa pièce Rouge l'aube, dans une adaptation scénique de Walid Carn (pseudonyme de Ould Rouïs, son mari) est traduite en arabe et représentée lors du premier Festival culturel parafricain en juillet 1969. Durant cette même année, elle poursuit ses activités de critique littéraire et cinématographique dans la presse algérienne. Mais en même temps, elle se livre à des activités théâtrales à Paris comme assistante de mise en scène et comme adaptatrice.
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De retour à Alger en 1974, elle est maître assistante à l'Université, donnant des cours de scénographie théâtre et sur des problèmes cinématographiques. Elle divorce en 1975. Assia Djebar réalise en 1977 pour la télévision algérienne un long métrage, la Nouba des femmes des mont Chenoua après trois mois d'enquête auprès des femmes de la tribu maternelle et six mois de tournage. Le film sort en 1978. Il obtient en 1979 le Prix de la Critique internationale (FIPRECI. à la biennale de Venise). Il est peu après présenté à Paris. Assia Djebar se remarie en 1980 avec l'écrivain Malek Alloula. Elle publie alors des nouvelles. Femmes d'Alger dans leur appartement (Paris, édit des femmes, 1980).
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Elle co-traduit de l'arabe en français le roman de l'égyptienne Nawal el Saâdaoui, Ferdaous, une voix en enfer (Paris, des Femmes, 1981) avec une importante préface. En 1982, sort un nouveau film : La zerda et les chants de l'oubli, film à caractère historique et musical.
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Assia Djebar est employée, au Centre culturel algérien à Paris, ainsi qu'au fonds d'action sociale (FAS) à Paris, aidant les immigrés. Elle participe à des colloques universitaires, voyage et poursuit son œuvre romanesque. C'est ainsi que paraissent les deux premiers volets d'une série de quatre romans : L'Amour, la fantasia (Paris- J. C Lattès- 1985) et Ombre sultane (ibid, 1987). Après ces deux romans deux autres doivent se suivre, mais Assia Djebar fait une pause pour écrire, Loin de Médine (Paris. A. Michel. 1991), roman sur les " filles d'Ismaël ", en bref sur les neufs veuves du Prophète et d'autres femmes apparaissant dans les Chroniques de Tabari. Relisant ces Chroniques et les apports d'autres traditionalistes, l'auteur restitue l'imaginaire collectif arabe concernant les débuts de l'islam. En 1995, elle publie chez Albin Michel, le troisième volet de son " quatuor " intitulé Vaste est la prison. La même année, elle reçoit le prix Maeterlinck à Bruxelles.
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Achour Cheurfi Mémoire Algérienne- Editions Dahleb - Alger 1996. pp. 322-323-324
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Nota Bene :
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Dans Vaste est la prison, la narratrice se présente comme l’arrière petite-fille du caïd des Beni Menacer, Malek el-Berkani, famille dont elle raconte l’histoire tout au long de la troisième partie de ce texte :
Je lis l’inscription en arabe. La stèle a été inaugurée quelques années auparavant : elle marque le centenaire de la dernière insurrection, dans ces montagnes, au siècle dernier, en 1871. En l’honneur, dit l’inscription, de Malek el-Berkani. Je rêve ; je souris. Ne pas dire à l’équipe que je suis simplement par ma mère et le père de ma mère (est-ce la généalogie la plus féconde, celle qui entrecroise la filière maternelle et celle d’un des pères ?) la descendante directe de ce combattant […].
Donc Fatima-Zohra est également membre de la tribu des Berkani, descendante de ces hommes et femmes dont St. Arnaud a brûlé la zaouia.
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Le sang ne sèche pas,
Simplement il s’éteint.
Assia Djebar, Vaste est la prison
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