.
Au début du XIX° siècle, l'Algérie est depuis plusieurs siècles le repaire des corsaires barbaresques.
Après la Reconquista espagnole, la lutte s'était poursuivie sur mer et sur terre d'Afrique. En 1519, les Espagnols investissent Mers el Kébir, Bougie, Oran et Alger.
Les Chrétiens étaient encouragés à la course par le pape et les monarques européens. Donc, sur mer, Chrétiens et Musulmans continuent à se faire la guerre tout en pratiquant les échanges commerciaux.
En 1516, les frères Barberousse, Aroudj et Khaïr ed Din investissent Alger. En 1519, Aroudj décède et en 1519 Khaïr ed Din offre ses services au sultan de la Sublime Porte, Sélim Ier. Ce dernier, trop heureux d'étendre son empire à si bon compte et surtout d'acquérir un capitaine et une marine hors pair, lui envoie de l'artillerie, 2000 janissaires et un firman impérial. En 1533 Barberousse se rend à Istanbul pour être nommé Kapoudan pacha, c'est-à-dire ministre de la marine ottomane. En 1534, il investit Tunis, repris un an après par Charles Quint en personne.
Khair ed Din développe la course en mer, aidé par les Andalous qui avaient fuit l'Espagne. Il construit la jetée qui relie l'îlot du Peñon à la ville. Les Espagnols, Français, Anglais et Hollandais développent leurs flottes de galères.
.
.
La course
.
Pratiquée par Chrétiens et Musulmans, elle se faisait d'avril à septembre, car on ne naviguait pas d'octobre à mars en Méditerranée. La galère était un vaisseau beaucoup trop fin pour supporter une mer dure.
En dehors des combats navals, elles étaient utilisées pour piller les côtes, notamment de Sicile et de Sardaigne, ce que lui permettaient sa rapidité et sa faible hauteur sur l'eau. Sa coque était enduite de graisse pour améliorer la glisse.
Au XVI° siècle, 35 000 esclaves croupissaient dans le bagne d'Alger, en attendant d'être vendus sur les marchés d'Alger ou embarqués comme rameurs. Les meilleurs de ces derniers pouvaient, s'ils acceptaient de se convertir, devenir raïs.
Nombreux furent les Chrétiens qui devinrent ainsi de grands capitaines des armadas ottomanes : Turgut Reis, El Greco... Une légende du Sud Ouest de la France a longtemps prétendu que tel était le cas de Khaïr ed Din, mais il n'en est rien.
À cette époque, la galère n'est pas cet instrument de tourments qui hante les esprits de notre temps. Il faut d'abord dire que la mauvaise réputation des galères est essentiellement d'origine française. De nombreux écrivains, dont Victor Hugo, ont décrit l'horreur de ces bagnes flottants créés par les rois de France. Ce que l'on ignore généralement, c'est que de tout temps il y eut des galériens qui étaient des hommes libres et heureux de leur sort. Les rameurs de Pythéas, trois siècles avant Jésus-Christ, étaient fiers de leurs efforts librement consentis qui les conduisirent au cercle polaire.
Le métier de galérien présentait tout de même de grands risques. Le garde chiourme excitait de son fouet les rameurs, parfois au rythme d'une flûte. Il plaçait les hommes libres au plus près de la coursive centrale, en extrémité de rame, pour éviter qu'un des prisonniers ou esclaves ne le prenne par les pieds et l'entraîne sous le banc où le pire pouvait l'attendre. Tous les rameurs étaient entravés par des chaînes. Ils devaient donc dormir comme ils le pouvaient sur le banc, la tête contre la rame ou sous la rame. L'odeur à bord d'une galère était épouvantable car les rameurs devaient déféquer sous les bancs. Ainsi une galère était repérable à 5 miles sous son vent grâce à son odeur.
Pendant les combats, les hommes d'armes échangeaient des tirs d'arquebuses ou d'arbalètes. Lorsque le capitaine manœuvrait astucieusement, il harponnait avec sa proue le flanc de la galère adverse, dont les rames étaient brisées, et par voie de conséquences les membres des rameurs enchaînés à celles-ci. La proue, de la galère assaillante, défonçait les apostis de la galère assaillie et servait de passerelle pour l'assaut. Les rameurs de la galère assaillie ne pouvaient que se blottir sous les bancs, tandis que les soldats amis ou ennemis marchaient sur leurs dos !
N'ayant aucune protection, les rameurs étaient très exposés. De plus si la galère coulait, les rameurs enchaînés coulaient invariablement avec elle !
La nourriture des marins et hommes d'armes était uniquement constituée de biscuits cuits avant le départ. Le pain de la terre ferme se serait détérioré rapidement avec l'air marin.
Le repas était toutefois servi de préférence la nuit, afin que les rameurs ne voient pas les possibles dégâts causés à la nourriture. Les razzias permettaient d'améliorer l'ordinaire.
La galère est donc un moyen de transport, mais aussi de course. Nous dirons aujourd'hui une vedette rapide, un intercepteur d'escadre. Basse sur l'eau, de faible tirant d'eau, pouvant se confondre avec l'horizon, elle est redoutable car elle est capable de surgir à l'improviste et de disparaître rapidement une fois le coup fait à terre, rarement en mer. Bateau cependant fragile, sa forme lui interdit une mer forte, donc pas d'Océan. Elle se briserait, se casserait en deux. Aussi n'opère-t-elle que près des côtes et à la belle saison.
La galère pénale française du XVI° siècle est un croiseur auxiliaire d'été mis à sec l'hiver. Ceux qui la montent deviennent les bagnards des ports de Toulon et de Marseille. La galère n'est qu'une des embarcations de la Méditerranée : naviguent aussi galées, galéasses, brigantins, fustes, caraques, beaucoup à voile et à rames, cette propulsion mixte étant adaptée à la Méditerranée.
On s'éloigne peu des côtes, et les manœuvres de port sont faites à la rame. Sitôt la brise de mer atteinte, on rentre les rames et hisse les voiles. Les cargos du temps s'appellent fustes et caraques. Ils sont lourds, lents, difficiles à manœuvrer et marchent à la voile.
Ceux-ci forment la paie d'embarcations plus aisées dans la manœuvre. Pirater est alors une entreprise, il faut attaquer le Génois, l'Espagnol ou le Vénitien avec un chebec ou un brigantin. Et si le butin est de faible valeur - on peut se tromper, n'est-ce pas ? - on ne s'embarrasse pas. S'il a de l'intérêt, il faut en plus disposer d'un bateau rond pour transborder le butin, le conduire au port et vendre la marchandise.
Les captifs pris à bord des vaisseaux chrétiens vont grossir le bagne d'Alger, réservoir d'esclaves qu'on ira revendre ailleurs, jusqu'à Livourne en Italie ou Montpellier en France. Oui, il y a ce genre de commerce, même en terre chrétienne. Juste avant la transaction, les "vendus" réputés musulmans seront baptisés officiellement par les pères trinitaires qui les rachèteront aux corsaires. Officiellement, le baptême les rend libres. Mais pour prix de leur rachat, ils travailleront plusieurs années pour rembourser l'ordre qui les a libérés, soit pour d'autres religieux, soit pour compte d'employeurs auxquels les religieux ont cédé la créance. Ils recouvriront leur liberté à l'issue du contrat qui les lie. ".
.
.
.
Le roi très chrétien s'allie avec l'Ennemi de la Religion
.
À cette époque notre bon roi François Ier avait bien des soucis à se faire. Son puissant royaume était de toute part cerné par ceux de Charles Quint : au Sud l'Espagne, au Nord les Flandres, à l'Est les états germaniques et l'Autriche, et de l'autre coté de l'Atlantique les colonies du Nouveau Monde. Il lui restait une solution : s'allier au sultan Soliman le Magnifique dont les armées étaient parvenues aux pieds des murailles de Vienne. Par les Capitulations, Le Padisha lui accorda le libre accès de Jérusalem pour ses pèlerins et surtout sa brillante flotte aux mains de Khaïr ed Din, selon les termes d'une lettre conservée à la Bibliothèque Nationale.
Barberousse quitte donc en 1543 les arsenaux de la Corne d'or avec ses galères et participe à plusieurs engagements contre Charles et ses alliés. L'hiver arrive, et le Raïs a besoin d'un grand port pour abriter ses galères. Qu'à cela ne tienne, François fait évacuer Toulon et pendant six mois les muezzins turcs vont appeler à la prière du haut des clochers...Puis, pour les beaux yeux de sa toute jeune épouse Maria Gaetano, de 45 ans sa cadette, il s'empare de Nice, mais ses janissaires buttent sur la citadelle.
Une seule fois la paix entre Alger et Paris est troublée par le bombardement d'Alger de 1683, des vaisseaux français ayant été pris par les corsaires algérois. En 1689, Louis XIV signe un traité avec le Dey d'Alger qui prolonge le régime des Capitulations. Ensuite, les vaisseaux français sont épargnés par les Barbaresques. Par ses comptoirs français, la Régence nous approvisionnait en grains, cuirs et laines.
.
.
.
.
.
Louis AGHETTA
.
.
.
.
.
Les commentaires récents