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C’est la réduction de la perception de l’Autre à ces deux figures du
terroriste et de l’appétit sexuel sans limites qui est à l’origine de
notre questionnement et des interrogations de cet essai. A quoi rêve un
Oriental ? De quoi sont nourries les nuits de l’Autre ? De quoi est
entretenu notre imaginaire collectif ? Est-il vrai que nos rêves sont
prisonniers de la violence et du sexe ? Est-il vrai que la terreur et
l’appétit sexuel hantent nos nuits ? Sommes-nous finalement si
différends de cet Autre dont les nuits sont remplies d’espérance, de
sensibilité et d’espoir pour l’avenir ? Nos rêves sont-ils si
différends et singuliers des héritiers de la modernité et des
philosophies de la conscience ? Notre monde, notre imaginaire et nos
sens sont-ils aussi éloignés des leurs ? Nos espérances et nos envies
sont-elles aussi perdues et retirées des leurs ? Nos sensibilités, nos
allégresses et nos joies sont-elles aussi dissemblables et divergentes
des leurs ?
Ces questionnements et ces interrogations sont au cœur de cette
réflexion. Il m’est difficile de leur apporter des réponses. Tout au
plus chercherai-je à en esquisser quelques pistes de réflexion en
remontant à ma propre expérience. Je remonterai loin en arrière dans
mon enfance pour revisiter nos rêves, nos sentiments et notre
imaginaire. Cet essai cherchera à fréquenter ces moments magiques de
l’enfance pour les questionner et les interroger sur nos doutes, nos
hésitations mais également nos espoirs et nos joies. Je remonterai
aussi loin et je suivrai ainsi l’enseignement du grand poète allemand
Rainer-Maria Rilke dans ses lettres à ce jeune poète qui un jour
l’interrogea sur l’acte d’écrire et de rêver le monde dans la poésie.
Dans l’une de ses premières lettres Rilke lui conseillait de revenir à
ses moments merveilleux et enchantés de l’enfance pour remplacer la
médiocrité et la platitude de l’instant présent. Rilke écrivait à Franz
Xavier Kappus au début du siècle passée et lui conseillait “ si votre
quotidien vous paraît pauvre, ne l’accusez pas. Accusez-vous vous-même
de ne pas être assez poète pour appeler à vous ses richesses. Pour le
créateur rien n’est pauvre, il n’est pas de lieux pauvres,
indifférents. Même si vous étiez dans une prison, dont les murs
étoufferaient tous les bruits du monde, ne vous resterait-il pas
toujours votre enfance, cette précieuse, cette royale richesse, ce
trésor de souvenirs ? Tournez là votre esprit. Tentez de remettre à
flot de ce vaste passé les impressions coulées. Votre personnalité se
fortifiera, votre solitude se peuplera et vous deviendra comme une
demeure aux heures incertaines du jour, fermée aux bruits du dehors
”. C’est à ce moment heureux de l’enfance que nous avons décidé de
tourner l’esprit pour mettre à flots nos souvenirs et nos impressions.
Revenir aussi loin pour nous interroger sur notre rapport à cet Autre
lointain et mystérieux ! Remonter aussi loin et à ce moment merveilleux
de l’enfance pour savoir si notre rapport à cet Autre a toujours été
marqué par la violence et la haine ! Reculer et se perdre dans nos
souvenirs d’enfance pour savoir si nous étions différends et éloignés
de cet Autre et si nos rêves n’étaient portés que par la violence et le
désir de jouissance jamais inassouvi. Revenir à l’enfance car “ les
enfants sont toujours, écrit Rilke dans l’un de ses lettres à ce jeune
poète, comme l’enfant que vous fûtes : tristes et heureux ; et si vous
pensez à votre enfance, vous revivrez parmi eux, parmi les enfants
secrets. Les grandes personnes ne sont rien, leur dignité ne répond à
rien ”. Ainsi, ce retour à l’enfance nous permettra de visiter les
rêves secrets que les grandes personnes sauront toujours dérober et
réécrire selon leurs envies ! Remonter ainsi à l’enfance, c’est revenir
à nos rêves à l’état brut et tel qu’ils se sont manifestés !
Mais, aussi loin que je puisse remonter ! Aussi loin que je puisse
revenir en arrière ! Aussi loin que je puisse repasser mes souvenirs de
ces moments enchantés de l’enfance ! Aussi loin que je porte et je me
rappelle nos rêves, nos espoirs et nos desseins futurs ont toujours été
portés par cette volonté de dialogue avec l’Autre. Nos réflexions, nos
analyses ont toujours trouvé dans l’universel de l’Autre un point de
repère et un phare à observer dans les tempêtes et les convulsions de
notre monde ! L’univers de la modernité et de la raison a toujours
constitué pour nous cette lanterne qui a éclairé nos interrogations et
nos questionnements de notre être au monde. Notre rapport à l’Autre n’a
jamais été marqué par cette haine et la bestialité dont les
néo-orientalistes et les néo-conservateurs de tous poils parlent !
Mais, remontons à cette enfance ! Revisitons nos rêves d’antan !
Tournons notre esprit un moment à ce vaste océan d’impressions écoulées
! Remettons à flots ces eaux qui immergent nos souvenirs et nos
sentiments d’antan !
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Hakim Ben Hamouda
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