Le monarque républicain a pris une décision seul, il se retrouve maintenant seul. En son pouvoir souverain et sans partage, le roi avait joué la France en un coup de poker, il l'a fracassée. Il voulait une majorité absolue, il a pulvérisé son parti. Il voulait la stabilité institutionnelle de son pouvoir, il se retrouve face à un risque de désordre encore pire qu'il ne l'était auparavant.
La France est passée à côté du désastre, le parti fasciste n'a pas la majorité absolue tant espérée par lui. Mais je souhaiterais me prononcer avec un recul et une parole extérieurs à la liesse des partisans et électeurs qui se sont mis en barrage pour contrer la peste noire de l'histoire. La porte a été fermée, au loup mais il n'a pas fui, il est encore plus fort et attend son heure. Pourquoi un tel pessimisme, ou une réserve ? Car la joie qui s'exprime n'est en fait qu'un soulagement que le RN n'ait pas obtenu la majorité absolue. Cette joie n'a pas encore laissé place à la raison qui va lui remettre le regard sur la réalité. Regardons les résultats avec un esprit distancié et analysons le comment et le pourquoi un homme seul a tenté une telle folie. Il s'agira beaucoup plus de lui, dans cet article, car c'est l'homme qui dirigera la France pour encore trois ans.
Le Rassemblement National a perdu ?
Je n'ai peut-être pas compris l'arithmétique. Il avait 89 sièges, il en a maintenant 143. Curieuse défaite. Le camp présidentiel comptait 245 sièges, il se retrouve avec 156 sièges. Le Président a porté un coup fatal à ce qu'il restait encore de viable dans le parti qui l'avait porté au pouvoir. Le RN n'attendait que cela, c'est déjà un obstacle qui n'est plus sur son chemin pour la suite.
Quant au grand gagnant de ces élections, Le Nouveau Front Populaire compte désormais 174 sièges. Le NFP, ce n'est pas celui dont les membres s'écharpent, depuis des mois, avec des noms d'oiseaux et qui se sont mis d'accord en quatre jours avec des tas de bisous? Pourtant les longs gourdins cachés derrière leur dos sont visibles à un kilomètre. Un siècle de bagarre dans la gauche, les fameuses « deux gauches irréconciliables », et quatre jours pour une réconciliation, ce n'est pas un mariage précipité ?
Le dernier mariage que la gauche avait célébré datait du début du règne de Mitterrand en 1981. Il avait fini très rapidement par un divorce violent.
Le Président Macron a joué la France par un coup de poker, elle n'a pas été ruinée, a évité la catastrophe mais hypothéqué ses chances dans un avenir incertain.
Un décompte en sièges plus catastrophique que ce qu'il était avant la dissolution, il me faut beaucoup d'imagination pour qualifier le résultat de victoire.
Une déraison incompréhensible
Il n'avait prévenu personne si ce n'est informer la Présidente de l'Assemblée Nationale et le Président du Sénat comme l'impose la constitution. Ils n'avaient aucun pouvoir de bloquer sa décision. De plus il ne les avait avertis que très tardivement, à la vieille de sa décision. Puis la colère de la classe politique comme celle de la population s'était manifestée dès l'annonce d'une dissolution incomprise et dangereuse. Aucun espoir qu'elle ne cesse désormais, juste après la fête.
Emmanuel Macron avait pris acte des résultats catastrophiques des élections européennes. Il avait alors pensé que la nouvelle force du Rassemblement National allait décupler sa capacité de blocage. Mais comment cela se peut-il puisque l'élection européenne n'avait absolument aucun effet sur le nombre de sièges dans l'Assemblée nationale ?
Jupiter redescend de l'Olympe
L'image du dieu mythologique et son règne absolu est assez classique et nous pouvons la reprendre à bon compte. C'est d'ailleurs le Président Emmanuel Macron lui-même qui souhaitait être un « Président jupitérien » dans un entretien en 2016, accordé au magazine Challenges' au moment de sa conquête du pouvoir.
Ses deux prédécesseurs avaient eux aussi été poursuivis par une qualification qui collera à leur image. Nicolas Sarkozy avait été « l'hyper président », celui qui avait théorisé qu'il fallait « créer chaque jour un événement pour que chaque jour nécessite une intervention de la parole présidentielle ». Il était partout, se mêlant de tout et ne laissant aucun espace d'intervention à son gouvernement. C'est pourtant exactement ce que fera Emmanuel Macron.
Quant à François Hollande, il s'est qualifié lui-même de Président « normal » pour se démarquer de l'exubérance de son prédécesseur. Emmanuel Macron, son ministre de l'Economie, avait vécu une normalité du Président qui avait provoqué la fronde de ses partisans et le harcèlement des journalistes qui ont fini par l'étouffer (en amplifiant le rejet populaire à son égard) jusqu'à son abandon d'une nouvelle candidature. C'est la raison pour laquelle Emmanuel Macron avait estimé qu'il fallait éviter les deux écueils et redonner à la fonction la dignité de son rang. Il voulait restaurer l'horizontalité jupitérienne du pouvoir et prendre de la hauteur par rapport aux médias avec lesquels il souhaitait avoir « une saine distance ».
Il voulait se démarquer des deux autres Présidents mais il a créé une déclinaison commune en devenant un « hyper président anormal et rejeté ». Tout cela est démoli, Jupiter redescend de son Olympe.
Le syndrome du premier de la classe
La montée fulgurante d'un homme jeune et sa stupéfiante réussite, en si peu de temps, pour devenir Président de la République avait été jugée comme exceptionnelle. L'homme avait été salué dans son exploit et une route lui était désormais tracée.
Selon ses propres mots, il voulait « gouverner autrement », sortir du tunnel de la « vieille politique » et mettre fin aux blocages des partis politiques qu'il avait connus avec François Hollande face à la crise des « frondeurs » de son propre camp. Il voulait intégrer la France dans le mouvement mondial de la « Start-up nation », redonner à la France sa capacité à s'ouvrir au monde, à créer les conditions de sa modernité et sortir du traditionnel combat historique et stérile entre la gauche et la droite. Il voulait des « premiers de cordée », c'est-à-dire placer au sommet de la pyramide ceux qui ont la capacité de créer, d'innover et d'entraîner un « ruissellement vers le bas », c'est-à-dire au profit des autres. Il avait cru que c'était l'excellence qui gouvernait le monde. Il avait oublié que si cette dernière était indispensable par le dynamisme d'une jeunesse diplômée et la compétence de hauts cadres, il fallait un projet politique qui crée les conditions d'adhésion et d'entrainement d'une société. Il avait cru qu'un pays se gouvernait comme une entreprise.
Ni à droite ni à gauche, nulle part
Pour arriver à cet objectif ambitieux, Emmanuel Macron voulait écarter les corps intermédiaires et créer un centre puissant. Dans toutes ses déclarations, une expression qui va lui coller à la peau « en même temps ». Chaque décision se voulait être ni-ni, ni les vieilles lunes de droite ni celles de gauche. Il avait cru alors avoir trouvé ce territoire central si recherché et jamais réellement découvert, celui qui unit une société. Un fantasme de la politique française qui avait fait dire à François Mitterrand aux journalistes : « le centre est au fond du couloir, à droite ». Puis une autre fois, « curieux que ce centre qui vote à droite ».
Son projet de créer ce centre mythique fut alors d'affaiblir les deux partis de gouvernement qui alternaient au pouvoir depuis 1981, avec l'arrivée de François Mitterrand et de les attirer vers lui. Il avait réussi à débaucher un certain nombre de leurs cadres, séduits par ce jeune homme aux visions d'avenir. En fait, ils souhaitaient surtout quitter deux partis en déclin et prendre leur chance avec un nouveau souffle promis. Ainsi il a détruit les traditionnels partis républicains et de gouvernement. À gauche, le Parti Socialiste et à droite, Les Républicains, qui sont devenus des coquilles presque vides. Il devrait s'en mordre les doigts car ils auraient été ses chances actuelles d'une éventuelle coalition en sa faveur.
À s'acharner à détruire l'existant politique, il n'a créé ni le « ni-ni », ni le « gouverner autrement », ni construire un centre solide. Finalement, il est arrivé nulle part.
Le pouvoir et la solitude du Prince
Goethe affirmait que «la solitude est enfant du pouvoir » et Machiavel que « le pouvoir corrompt, le pouvoir absolu corrompt absolument» (Le Prince, 1513).
Bien entendu, pour Emmanuel Macron on doit écarter la corruption dans le sens de l'appropriation matérielle illégale mais retenir celle de l'esprit. Pour sa défense, on peut également dire que la lourde responsabilité et les décisions quotidiennes importantes pour gérer les affaires de l'Etat nous rapprochent d'une seconde affirmation de Goethe « toute production importante est l'enfant de la solitude ». On doit aussi écarter l'image du pouvoir isolé dans le Palais de l'Elysée. « La république est dans ses meubles » disait Mitterrand lorsqu'il avait reçu des chefs d'Etat, à Versailles. Tous les édifices prestigieux ont été la propriété de la noblesse de sang et d'argent, construits par le fruit du labeur et du talent du peuple. Installer les hommes du pouvoir républicain et leurs administrations dans ces palais est la marque de la magnificence de l'Etat, donc celle du peuple. Cependant, en sens contraire, on peut reprocher à tous les Présidents de la cinquième république d'avoir été envoutés par la puissance qui les isole davantage. Tous les intimes et compagnons qui ont permis au Prince d'accéder au pouvoir ont vécu avec le temps son éloignement progressif et un enfermement dans sa certitude d'être la source de développement et de la protection du pays.
Et maintenant, que peut la solitude ?
Une remarque préalable, cet article est rédigé avant qu'une décision soit prise par Emmanuel Macron. Qu'importe, d'une part il est peu probable que la décision soit prise demain et par ailleurs, cela permet d'analyser toutes les options possibles dans une telle situation. Une seconde dissolution ? La constitution ne le lui permet pas avant un an. La démission ? Emmanuel Macron a déclaré qu'il ne l'envisage pas. Et puis, ce serait donner les clés de la Présidence de la république à Marine le Pen, en considération du mode de scrutin.
Un gouvernement de techniciens ? Il le pourrait, comme ce fut le cas très souvent en Italie, mais ce n'est pas la culture politique française. Certains prétendent que la seule exception fut le Premier ministre Raymond Barre mais ils ont oublié que celui-ci avait des ancrages politiques et une expérience d'élu, maire de longue date de la ville de Lyon, troisième métropole de France. Si l'image du technicien lui était attribuée c'est parce qu'il fut un grand professeur d'économie (le plus grand disait-on à cette époque).
La recherche d'une coalition majoritaire qui lui serait favorable ? À constater l'effort immense pour la gauche de construire le Nouveau Front Populaire alors que les positions politiques de chacune des composantes sont aussi éloignées que les étoiles entre elles. La coalition ne tiendrait pas plus longtemps que les promesses du menteur. J'ai bien peur que la gauche ne s'enthousiasme trop tôt et s'éloigne du chemin de l'unité. Elle est loin d'être atteinte malgré cette soirée de victoire.
La nomination du leader du parti majoritaire ? L'usage le voudrait mais il n'est pas obligé. Il aurait donc le choix entre Bardella et Mélenchon ? Pour une victoire, j'en ai connu des plus stables et durables.
Nommer un Premier ministre en dehors des partis majoritaires ? Dès la première motion de censure, il serait balayé comme une feuille au vent d'automne. Utiliser tous les autres pouvoirs que lui confère la constitution ? Ils sont puissants mais le Président serait alors obligé de refuser tous les textes gouvernementaux ou du Rassemblement National.
Le blocage permanent est-il dans le rôle de la fonction et de l'intérêt de la France pendant une année, avant la prochaine dissolution ? En conclusion, donner les clés à un jeune premier de la classe qui n'avait aucun parcours politique (dans le sens du militantisme), aucun parti politique enraciné dans les territoires et aucun projet autre que celui du rêve chimérique de détruire l'existant, c'était assurément donner un gros jouet à un enfant gâté. Il l'a fracassé.
Il y a cinq siècles, la colonisation de peuplement de l'Amérique du Nord, qualifiée de conquête de l'Ouest par les Occidentaux avait mené au génocide des Amérindiens.
Le déni de ce génocide a encouragé d'autres crimes semblables et qui, depuis, se sont succédé, sans compter jusqu'à celui de Ghaza dont la particularité est d'être vivant pour le monde entier. Il se passe sous les yeux de tout le monde à travers les écrans y compris sous les yeux du président de la CPI. Dans ce cas, pourquoi faut-il des centaines d'hommes de loi pour que ce dernier puisse qualifier à son tour les bombardements de Ghaza de génocide, de crime de guerre ou de crime contre l'humanité ?
M. Khan, n'étant ni sourd, ni aveugle, ni insensible à l'assassinat de milliers d'enfants, nous oblige à croire que son jugement et celui de sa commission, répondent donc à d'autres critères que le droit et qui relèvent du rapport de force. Nous pouvons invoquer le procès de Nuremberg qui le prouve. Dans ce cas, le rapport de force ne sera en faveur de la Palestine que lorsque Tel-Aviv ne pourra plus payer ses assassins, qu'elle qualifie de soldats sans préciser qu'ils tuent des enfants par milliers. La CPI semble le dernier recours pour condamner le génocide en cours une fois que le constat de la prise en otage de l'ONU par l'Etat terroriste de l'Occident est devenu flagrant aux yeux de tous les peuples.
Les bombes israéliennes larguées sur Ghaza rendent inaudible la voix de la 2e puissance mondiale contrairement à l'URSS qui occupait ce rang. C'est parce que le génocide des Amérindiens n'a pas été jugé que ceux des autres peuples des colonies ont été possibles. Face à l'impunité, l'assassin s'est érigé en maître du monde, usant de la première loi de la nature, celle du plus fort. Des intellectuels qui défendent le système politique dominant attribuent au capitalisme le parrainage de la nature pour dire qu'il est éternel, divin, pour nous y maintenir, en attribuant des droits aux assassins dans les prétoires, sur les écrans et dans les livres jusqu'à voir des élus et responsables des Etats occidentaux en maille avec la justice de leur propre pays.
Oui, vous aurez raison de dire que les grandes manifestations et particulièrement celles de Londres vont secouer le cocotier financier de la City pour la prolongation du cessez-le feu et finir par imposer un point de vue différent de celui de Tel-Aviv qui quémande plus de six milliards de dollars pour payer ses nombreux soldats. Biden, dans ses dernières déclarations, commence à s'y soumettre. Oui mais à quel prix quand on sait que dans le passé, la 2e puissance mondiale qui était l'URSS, dirigée par le maréchal Boulganine, avait sommé la Grande-Bretagne, la France et Israël de se retirer du canal de Suez, illico presto, dans la journée même de l'ultimatum ? Récemment, un général français affirme que si son pays ne reconnaissait pas le génocide rwandais, c'est parce qu'il était prêt à recommencer. Effectivement, tant qu'on ne condamne pas la colonisation de peuplement, les peuples démunis comme ceux des colonies demeurent en danger de mort.
Cette solidarité soviétique avec le peuple égyptien est loin d'effacer sa reconnaissance en 1948 de la colonisation de la Palestine par Israël. Ce crime politique découle de l'analyse de classe faite par Marx sur la colonisation de peuplement, qu'il était loin de qualifier d'injuste, bien au contraire. Peut-on se soucier d'une classe ou d'une autre avant de préserver le peuple du génocide ou du moins de sa déshumanisation. Existe-t-il un clivage politique lors d'une invasion ou face à une occupation étrangère, sinon celle des traîtres et ses derniers ne peuvent former une classe qu'aux yeux des sociologues de la droite et de l'extrême droite ?
Tout ça pour dire que si l'initiative d'Alger ne mention pas le principal coupable puisqu'elle parle de poursuivre les responsables militaires et politiques du régime sioniste devant la CPI sans mentionner le colonialisme de peuplement qui s'avère tout le long de l'histoire depuis cinq siècles synonyme de génocide.
Il faut rappeler que le Parti communiste dirigé par Lénine exigeait, à l'adhésion des partis à la 3e Internationale, le droit des peuples à l'autodétermination. Cette revendication a été adoptée par d'autres pays d'Asie à Bakou en 1920 et reprise à Bandung en avril 1955, en présence de l'Algérie combattante représentée par Aït-Ahmed Hocine, Dahleb Saad, Yazid M'hamed et Boulahrouf Tayeb. Elle est inscrite à l'Assemblée générale des Nations unies le 16 décembre 1966. Elle stipule que tous les peuples ont le droit de disposer d'eux-mêmes. L'ONU n'a pas pu appliquer ce droit au peuple palestinien pour la simple raison que le rapport de force n'est plus en faveur des mouvements de la libération depuis la perte de l'URSS. Les Occidentaux maintiennent leurs relations avec les autres, avec la loi du plus fort et non les lois universelles qu'eux-mêmes avaient élaborées dans la majorité des cas.
C'est à la veille de l'indépendance de l'Algérie que la France a failli être emportée par l'OAS. Un détail pour l'illustrer : les automobilistes parisiens avaient été invités par le pouvoir à occuper les pistes d'atterrissage de l'aéroport du Bourget pour pallier à toute éventualité d'un coup de force de l'OAS venant d'Alger ou de Corse par les airs sachant que des généraux parmi les plus gradés étaient à la tête de cette organisation qui s'opposaient à l'indépendance pour garder l'Algérie française. Les Français en Algérie, ces pieds-noirs, avant l'indépendance, étaient plus d'un million, et quelques mois après, ils n'étaient plus que des centaines. Personne n'avait prévu ce départ massif et surtout pas les pouvoirs en place. C'est pour dire qu'il est difficile d'anticiper les situations au lendemain d'un conflit.
Il faut rappeler que l'ex-candidat Sanders Bernis disait, lors de sa campagne électorale : « Le peuple israélien a le droit de vivre dans la paix et la sécurité. C'est également le cas du peuple palestinien ». Tandis que Trump, à quelques mois de la fin de son mandat, voulait mettre la résistance palestinienne et ses soutiens hors circuit à jamais avec l'accord d'Abraham.
Son successeur, Joe Biden, met en application les deux traités que compose l'accord d'Abraham pour renforcer la colonisation de peuplement et met à mal toutes les solidarités envers la cause palestinienne. Les bombardements de Ghaza relancent la solidarité avec la Palestine à travers le monde entier, et le 27 du mois en cours, même la jeunesse étasunienne scande : «Ô, tueur d'enfants», «Palestine libre» et «Biden, Biden, vous ne pouvez pas vous cacher. Nous vous accusons de génocide», et ce, en référence à son rôle dans le soutien aux massacres israéliens à Ghaza». D'autres ont dénoncé Michael Tutchin, chef de l'AIPAC et assiègent son bureau. D'innombrables soutiens à travers le monde jusqu'à des centaines de milliers, parfois à leur tête leurs président comme Miguel Diaz-Canel à Cuba, prouvent que la Résistance palestinienne revient de loin, grâce à ses évadés du 7 octobre des camps de concentration d'Israël et ses fidaïyine en action quotidienne pour cheminer la victoire. Contre la colonisation de peuplement, la victoire est au bout du fusil.
« Hind et tous ceux qui se trouvaient dans la voiture ont été tués, a déclaré à l’AFP son grand-père, Baha Hamada. Ils ont été retrouvés par des membres de (notre) famille qui sont allés à la recherche de la voiture et l’ont trouvée près de la station-service. »« Pendant plus de trois heures, la fillette a désespérément imploré nos équipes de venir la sauver de ces chars (israéliens) qui l’entouraient, subissant les tirs et l’horreur d’être seule, prisonnière, au milieu des corps de ses proches tués par les forces israéliennes », a relaté le Croissant-Rouge palestinien (PRCS). Son grand-père est le dernier à avoir entendu le son de sa voix, lors d’un échange téléphonique. « Elle était terrifiée et elle était blessée au dos, à la main et au pied », avait-il raconté à l’AFP.pour cibleInterviewée par l’AFP, la mère de Hind, Wissam Hamada, a dénoncé « les mécréants Netanyahou, Biden et tous ceux qui ont conspiré contre Gaza et sa population », disant vouloir les interroger « devant Dieu sur ce jour où (s) a fille a lancé des appels à l’aide (…) sans que personne ne vienne à son secours ». Le Hamas a appelé « les institutions des droits de l’homme et les Nations unies à une enquête sur ce crime odieux ».C’est un fait dramatique établi par les statistiques : les enfants sont les plus massivement touchés lors de tous les conflits depuis la Seconde Guerre mondiale. Le gouvernement de Benyamin Netanyahou le sait parfaitement : ils ne sont donc pas des victimes « collatérales » mais
Le nom de Hind Rajab s’ajoute à la longue liste des enfants tués dans la guerre déclenchée par le gouvernement israélien après les attaques du Hamas le 7 octobre. « Des milliers d’enfants auraient été tués et des milliers d’autres blessés », selon l’Unicef, qui demande sur X : « Combien d’enfants devront mourir avant que ce cauchemar ne prenne fin ? » Toujours selon l’agence onusienne, la moitié du 1,7 million de déplacés estimés à Gaza sont des enfants.
Le PRCS avait alors dépêché deux secouristes, dont on était sans nouvelles également. Samedi matin : leurs dépouilles ont également été retrouvées dans leur ambulance, tout près de la voiture dans laquelle a succombé Hind Rajab, a annoncé dans un communiqué l’organisation, qui a également accusé « les forces d’occupation » (israéliennes) de les avoir « délibérément visés », ce « alors que l’ambulance avait été autorisée à aller sur place » pour secourir l’enfant. Les photos de l’ambulance calcinée ont été publiées sur les réseaux sociaux.
L’ambulance qui devait la soigner prise pour cible
Il y a deux semaines, la gamine, seule survivante de sa famille, lançait son SOS en pleine opération de l’armée israélienne dans la ville de Gaza. La voiture dans laquelle elle se trouvait venait de croiser le chemin d’un char israélien.
La dépouille de la fillette a été retrouvée, samedi, près de deux semaines après son SOS lancé en pleine opération militaire israélienne dans la ville de Gaza et alors que sa famille venait d’être tuée dans la voiture où elle se trouvait.
Un cimetière de Gaza profané (photo ajouté par Michel Dandelot) en provenance du site Courrier International
Israël commet des crimes odieux à Gaza depuis le début de la guerre actuelle. Parmi ces crimes, il y a l’invasion des cimetières et la profanation des tombes.
À un moment où Israël avait imposé une coupure d’Internet et des communications, son armée a récemment conduit des chars dans la zone à l’ouest de Khan Younis, au sud de Gaza.
Le complexe médical Nasser est situé dans cette zone. Beaucoup de mes proches sont enterrés dans un cimetière voisin.
Pendant la panne d’Internet, nous comptions sur la radio pour nous informer. C’est ainsi que nous avons été informés que l’armée israélienne avait creusé et rasé des tombes au bulldozer.
Quand ma mère a appris cette nouvelle, elle nous a rappelé que des membres de sa famille avaient été enterrés dans le cimetière en question.
Mon frère s’y est rendu et a vu qu’Israël avait détruit les tombes de mon grand-père et de ma grand-mère. Nous avons beaucoup pleuré quand nous avons appris cela.
Ragheb, mon grand-père, est mort il y a presque exactement deux ans. Il détestait beaucoup les guerres.
Chaque fois que nous subissions une attaque majeure, il essayait de nous dire que les jours difficiles passeraient. Il nous apporterait son soutien.
Malgré sa grande patience, les précédentes guerres d’Israël contre Gaza ont affecté sa santé mentale.
Pendant la guerre actuelle, j’ai dit à ma mère que mon grand-père aurait été extrêmement triste s’il était encore en vie et témoin des horreurs infligées à Gaza.
Les personnes âgées souffrent terriblement d’être déplacées et de la peur des bombardements.
Il est douloureux de voir la tombe d’un être cher détruite. On a l’impression qu’Israël efface tout ce qui concerne le peuple de Gaza.
La guerre contre les morts ?
S’agit-il maintenant d’une guerre contre les morts, ainsi que contre les vivants ?
Il n’y a pas de combattants dans les cimetières. Ou n’importe quelle personne vivante.
La perte de tombes ajoute au chagrin de Gaza.
L’Observatoire Euro-Med des Droits de l’Homme a accusé Israël de cibler la plupart des cimetières de Gaza.
Ces attaques violent le droit international, qui exige que les morts soient respectés en temps de guerre.
Khaled al-Sir, 55 ans, est un habitant de Khan Younis
Après une nuit de violence intense – principalement dirigée contre le complexe médical Nasser et ses environs – Israël a retiré ses chars de la zone attaquée. Dans la matinée, al-Sir est allé vérifier l’état d’un cimetière local.
« Nous avons constaté que les tombes avaient été détruites », a-t-il dit. « Certains d’entre eux n’avaient plus de corps à l’intérieur. L’armée israélienne les avait volés.
« J’ai vu un jeune homme pleurer à côté du cimetière parce qu’il n’arrivait pas à trouver la tombe de sa mère », a ajouté al-Sir.
« Il a dit qu’il avait l’habitude de venir visiter sa tombe tous les jours et de lui raconter sa journée, ce qui le rendait heureux et ce qui l’attristait. Cela soulagea son chagrin pour elle. Comment peut-il se rendre sur sa tombe maintenant qu’elle n’en a pas ?
Raeda Salama, 35 ans, a été choquée d’apprendre que la tombe de son père avait été attaquée.
« Ma mère a beaucoup pleuré quand elle a appris que la tombe de mon père avait été détruite », a déclaré Salama. « C’était comme s’il était mort à nouveau. »
« Elle avait l’habitude d’aller lui rendre visite tous les mois, de lui faire des bonbons et de les distribuer aux gens du cimetière, en leur demandant de prier auprès de mon père. En détruisant sa tombe, l’occupation israélienne lui interdit désormais de lui rendre visite.
a215405263icheldandelot1 dans Accueil le 13 Février 2024 à 08:52
Dans le cimetière à ciel ouvert qu’est devenue la bande de Gaza, reposent les âmes de plusieurs dizaines de journalistes, tués en bravant le blocus médiatique imposé par Israël depuis le 7 octobre 2023. On sait peu de choses d’eux, à part leur nombre et leur attachement inébranlable à leur mission d’information. En rassemblant des fragments de vie, Mediapart a tenté de reconstituer leurs histoires. Afin que l’on se souvienne d’eux, pas seulement par leur nombre, mais aussi par leur nom, leur visage, leur destin.
El Azzouzi, Donatien Huet, Prisciana Le Meur, Jean-Claude Simpson et Simon Toup
11 février 2024
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Journalistes à Gaza : les visages du carnage
Dans le cimetière à ciel ouvert qu’est devenue la bande de Gaza, reposent les âmes de plusieurs dizaines de journalistes, tués en bravant le blocus médiatique imposé par Israël depuis le 7 octobre 2023. On sait peu de choses d’eux, à part leur nombre et leur attachement inébranlable à leur mission d’information. En rassemblant des fragments de vie, Mediapart a tenté de reconstituer leurs histoires. Afin que l’on se souvienne d’eux, pas seulement par leur nombre, mais aussi par leur nom, leur visage, leur destin.
Par Yunnes Abzouz, Rachida El Azzouzi, Donatien Huet, Prisciana Le Meur, Jean-Claude Simpson et Simon Toupet 11 février 2024
8181. Muhammad Abdelfattah Atallah
Après la mort de son frère dans un bombardement visant sa maison familiale au nord de la bande de Gaza, Muhammad Abdelfattah Atallah avait décidé de faire une pause et de rejoindre un endroit plus sûr, ne désespérant pas de reprendre son activité de journaliste lorsque le feu de l’aviation israélienne aurait baissé d’intensité. Il a été tué le 29 janvier 2024 par un raid israélien sur le camp de réfugié·es d’Al-Shati, où il avait fui les bombardements aux côtés de plusieurs membres de sa famille, aussi tués par la frappe.
Âgé de 24 ans, Muhammad travaillait comme rédacteur pour le site d’information Al-Resalah. Il écrivait aussi pour le site Raseef22. « Il s’intéressait particulièrement aux récits de vie quotidienne des Gazaouis, malgré le blocus, la corruption et les intérêts politiques contraires dans l’enclave », raconte Ayman Sharrouf, rédacteur en chef de Raseef22.
Il souhaitait servir d’amplificateur aux voix palestiniennes étouffées et ignorées, et voulait montrer qu’en dépit des montagnes de difficultés quotidiennes, Gaza était pleine de vie et d’espoir. « Malheureusement, il a été tué avant d’être devenu le journaliste qu’il rêvait d’être ; et le plus horrible, c’est qu’il pensait survivre », déplore Ayman Sharrouf auprès du Comité pour la protection des journalistes.
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8080. Iyad el-Ruwagh
Animateur pour la radio Al-Aqsa Voice, affiliée au Hamas, Iyad el-Ruwagh a été tué le 25 janvier 2024 par une frappe sur le camp de Nuseirat, dans le nord de Gaza, avec quatre de ses enfants : Loay, Nada, Yazan et Ahmed. Il avait publié sur Facebook plusieurs articles sur l’enfer dans lequel se trouvait sa famille. À une personne qui quittait l’enclave, il avait demandé de sauver le plus jeune de ses enfants en le portant auprès de leur mère, sa femme, réfugiée dans le Sinaï, en Égypte, avec leur cinquième, Mohamed, grièvement blessé par un précédent bombardement. Inconsolable, celle-ci a publié sur Facebook plusieurs textes sur son bien-aimé et leurs enfants assassinés.
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7979. Yazan al-Zuweidi
Yazan al-Zuweidi est mort le 14 janvier 2024 avec son frère et son cousin, tués par une frappe sur Beit Hanoun, ville du nord de Gaza défigurée par la guerre. Il se dirigeait vers sa maison afin de voir ce qu’il en restait quand il a été foudroyé. Journaliste et caméraman, il travaillait depuis six ans pour la chaîne arabe privée Al-Ghad, basée au Caire, en Égypte. Malgré le déluge de feu, il n’a jamais cessé le journalisme. Il a filmé inlassablement le massacre, la dévastation, sans jamais fuir vers le sud. Il avait 27 ans.
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7878. Mohamed Jamal Sobhi al-Thalathini
Mohamed Jamal Sobhi al-Thalathini travaillait pour la chaîne de télévision Al-Quds Al-Youm, affiliée au Hamas. Il est mort le 11 janvier 2024 chez lui, dans le sud de Gaza, sous les bombes israéliennes. Dévasté, un de ses anciens professeurs a salué la mémoire d’un « étudiant brillant ».
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7777. Ahmed Bdeir
Ahmed Bdeir avait deux passions : le journalisme et le théâtre. Marié, père d’un enfant, il écrivait pour le journal en ligne Al-Hadaf, affilié au Front populaire de libération de la Palestine, ainsi que pour plusieurs autres médias palestiniens, avec un penchant pour la politique, la littérature, les arts.
Ses collègues célèbrent un journaliste profondément engagé, documentant les crimes de l’occupation. Il avait commencé par vendre des journaux pour subvenir aux besoins de sa famille et de son père malade. Il est mort le 10 janvier 2024, touché par un obus à Khan Younès, près de l’hôpital Al-Aqsa.
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7676. Hamza al-Dahdouh
Reporter caméraman pour Al Jazeera, et fils du journaliste vedette Wael al-Dahdouh, chef du bureau d’Al Jazeera à Gaza, Hamza al-Dahdouh a été tué le 7 janvier 2024 par un missile israélien. Son collègue Mustafa Thuraya, vidéaste pigiste pour la chaîne qatarie mais aussi pour l’Agence France-Presse (AFP) et d’autres médias internationaux, a également perdu la vie. Ils ont été tués alors qu’ils roulaient en voiture, près de Rafah, au sud de l’enclave. Un troisième journaliste qui voyageait avec eux, Hazem Rajab, a été grièvement blessé.
Vêtu de son gilet presse, son père, Wael al-Dahdouh, qui avait déjà perdu le 28 octobre 2023 son épouse et deux autres de ses enfants lors d’une frappe israélienne sur le camp de réfugié·es de Nuseirat, lui a rendu un vibrant hommage lors de ses obsèques : « Mon fils aîné était un homme bon, patient, généreux et attentionné. Il n’était pas une partie de moi, il était moi tout entier, l’âme de mon âme. »
Dans des images déchirantes, on voit sa sœur cadette supplier leur père : « S’il te plaît, reste avec nous, papa. Il ne nous reste plus personne d’autre que toi. » En quatre mois de guerre, la famille Al-Dahdouh a perdu plusieurs de ses membres. Comme son père, Hamza al-Dahdouh refusait de quitter l’enclave palestinienne.
« Nos larmes ne sont pas des larmes de défaite ou d’abandon, nous continuerons à faire notre travail de journaliste », a juré Wael al-Dahdouh. Célébré en héros du journalisme à travers le monde et devenu le porte-voix d’un peuple supplicié, il a depuis été évacué vers un hôpital du Qatar pour y être soigné après avoir été lui-même blessé. Al Jazeera accuse l’armée israélienne de « systématiquement cibler » ses équipes.
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7575. Mustafa Thuraya
Vidéaste pigiste notamment pour l’AFP, Mustafa Thuraya a été tué le 7 janvier 2024 avec le journaliste d’Al Jazeera Hamza al-Dahdouh par un tir israélien sur leur voiture dans le sud de Gaza, alors qu’ils étaient en mission pour la chaîne qatarie et qu’ils recueillaient des témoignages de civils déplacés. L’armée israélienne a justifié son tir en accusant les deux trentenaires d’être des « agents terroristes » affiliés au Hamas et à son allié le Jihad islamique. Au départ, elle a assuré les avoir ciblés parce qu’ils auraient transporté un terroriste dans leur véhicule, puis a changé de version et affirmé qu’ils utilisaient un drone.
« Cibler des civils est illégal, dénonce le Comité pour la protection des journalistes, qui appelle à une enquête indépendante. Les journalistes utilisent des équipements comme des caméras et des drones pour leur travail. Cela n’en fait pas des terroristes et ne devrait certainement pas en faire des cibles. »
La mère de Mustafa a transporté le corps de son fils, enveloppé dans un linceul blanc, priant pour son salut : « Que Dieu l’accepte en martyr. »
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7474. Akram ElShafie
Reporter et rédacteur pour l’agence de presse palestinienne Safa, Akram ElShafie est décédé le 5 janvier 2023 des suites de ses blessures. Fin octobre, il a été touché par des balles israéliennes alors qu’il était sur le terrain. Son entourage a tenté en vain de le faire évacuer de Gaza. La demande a été rejetée par l’État hébreu.
Pour son dernier reportage, le journaliste de 53 ans avait raconté la coopération et la solidarité des naufragé·es de la bande de Gaza, en dépit de la guerre.
Reporter pour la chaîne Al-Quds Al-Youm, affiliée au Hamas, Jabr Abu Hadrous a été tué le 29 décembre 2023 par une frappe aérienne israélienne sur le camp de réfugié·es de Nuseirat, au nord de Gaza. Il se trouvait chez lui avec sept membres de sa famille.
Lors de la veillée funèbre, ses proches et ses collègues ont brandi son corps sur un brancard avec son micro, son casque et son gilet pare-balles marqué « Press » (en anglais), avec un message à l’adresse du « monde silencieux ». « Tous les journalistes du monde sont protégés lorsqu’ils portent un gilet “Press”, sauf nous à Gaza. Ici, le gilet est un signal pour tuer les journalistes. »
Mohamed Khaireddine travaillait pour la chaîne de télévision Al-Aqsa, affiliée au Hamas. Il a été tué le 28 décembre 2023 sous le feu de l’aviation israélienne à Beit Lahia, au nord de Gaza. Il se trouvait chez lui avec une douzaine de membres de sa famille, dont le journaliste Ahmed Khaireddine.
Reporter caméraman pour les chaînes Al-Quds Al-Youm et Quds, affiliées au Hamas, Ahmed Khaireddine a été tué le 28 décembre 2023 lors d’un raid aérien israélien contre sa maison familiale à Beit Lahia, au nord de Gaza, avec douze membres de sa famille, dont le journaliste Mohamed Khaireddine. C’était le premier jour de repos qu’il s’accordait depuis le début de la guerre.
Dans un témoignage vidéo, son frère, Basil, journaliste pour la chaîne Palestine Today, raconte qu’Ahmed, comme tous les journalistes gazaouis, travaillait entre la vie et la mort, assistant à l’hécatombe de ses confrères. « Une dizaine de journalistes ont été tués cette semaine, mais ça ne nous découragera pas. Israël n’arrivera pas à nous anéantir, malgré la violence de ce qu’il nous fait endurer », a-t-il plaidé.
Photojournaliste pour le média Al-Rai, propriété du gouvernement du Hamas, Mohamed al-Iff a été tué le 24 décembre 2023, lors d’un bombardement sur la ville de Gaza, comme plusieurs membres de sa famille, dont son cousin Mohamed Azzaytouniyah, travaillant lui aussi pour Al-Rai.
Ingénieur du son pour la radio locale Al-Rai, propriété du gouvernement du Hamas, Mohamed Azzaytouniyah a été tué le 24 décembre 2023 lors des mêmes frappes qui ont coûté la vie à son cousin, Mohamed al-Iff, photojournaliste pour le même média.
Ahmad Jamal al-Madhoun était le directeur adjoint du journal local et de l’agence de presse gouvernementale du Hamas Al-Rai. Il est mort sous les bombes d’Israël dans le nord de Gaza, le 24 décembre 2023.
Mohamed Naser Abu Huwaidi avait 29 ans. Il couvrait les conséquences de la guerre dans la région de Shajaiah, au nord de Gaza, pour le journal privé Al-Istiklal, lorsqu’un raid aérien israélien l’a tué, le 23 décembre 2023.
Mohamed Khalifeh dirigeait la chaîne de télévision Al-Aqsa, affiliée au Hamas. Il est mort le 22 décembre 2023 sous les bombes israéliennes dans sa maison avec sa femme et trois de leurs enfants, dans le camp de réfugié·es de Nuseirat, dans le centre de Gaza.
Adel Zorob travaillait pour plusieurs médias, dont la radio Al-Aqsa Voice, affiliée au Hamas. Il a été tué le 19 décembre 2023 par une frappe contre son domicile à Rafah, dans le sud de Gaza, avec 25 membres de sa famille.
Adel Zorob racontait aussi la guerre sur sa page Facebook et dans plusieurs groupes de discussion WhatsApp. Sa famille avait refusé de fuir les bombes d’Israël et d’être déplacée.
Dans une vidéo qui cumule plusieurs millions de vues, Adel Zorob porte dans ses bras et brandit le corps inanimé de son tout jeune petit-fils, tué dans un bombardement avec sa sœur et dix membres de sa famille. Il s’emporte, ivre de douleur : « Depuis le 7 octobre, le feu s’abat sur nous et nous comptons nos morts. Voilà à quoi ressemblent nos martyrs. Cet enfant venait tout juste d’avoir deux mois. »
« Si vous vivez dans un endroit sûr, vous êtes bénis de Dieu. N’oubliez pas de Le remercier », écrivait Abdallah Alwan début décembre. Il priait pour que ce soit son cas. Il est mort le 18 décembre 2023, foudroyé à son domicile par l’aviation israélienne à Jabalia.
Spécialiste de la voix off, il travaillait pour plusieurs médias, notamment la plateforme Midan appartenant à Al Jazeera. Il était aussi l’un des animateurs de la radio de l’université islamique. Le matin de son décès, il écrivait sur Facebook : « Chaque jour, nous pensons que la nuit qui vient de s’écouler a été la pire nuit de la guerre. Mais tous les jours sont pires les uns que les autres. » En dépit de nos efforts, nous ne sommes pas parvenus à trouver une photo d’Abdallah.
Reporter pour le site Palestine Now, dont il était l’un des piliers, Assem Kamal Moussa est mort le 17 décembre 2023 sous le feu de l’aviation israélienne à Khan Younès, dans le sud de Gaza. Célébré pour son professionnalisme et son humanité, il avait ouvert sa maison à ses collègues qui avaient fui le Nord.
Journaliste pour plusieurs médias, dont la télévision locale Al-Kofiya, affiliée au Fatah, et la chaîne privée locale Baladna TV, Haneen Kashtan a été tuée par une frappe sur le camp de réfugié·es de Nuseirat, dans le nord de Gaza. Elle est morte le 17 décembre 2023 au terme d’atroces souffrances qu’elle essayait de minimiser auprès des siens, de son fils tout particulièrement. Elle le rassurait de sa voix, approchant du trépas : « Bientôt, la guerre sera finie. Il n’y aura plus de bombes dans le ciel de la Palestine. »
Haneen Kashtan a essayé de tenir jusqu’à son dernier souffle. Elle disait dans un post désespéré quelques jours plus tôt sur Facebook sa peur de mourir déchiquetée par les bombes israéliennes.
Caméraman pour Al Jazeera, Samer Abu Daqqa a été tué le 15 décembre 2023 par un drone alors qu’il filmait les ravages de l’armée israélienne dans une école des Nations unies abritant des déplacé·es dans le centre de Khan Younès, dans le sud de Gaza. Coincé avec d’autres blessé·es dans cette école encerclée par les tanks et les snipers israéliens, il n’a pu être évacué et sauvé. Il est mort après avoir agonisé pendant plusieurs heures.
Son collègue, Wael al-Dahdouh, chef du bureau et icône d’Al Jazeera, qui a perdu son épouse, deux enfants et un petit-fils depuis le début de la guerre, a été blessé lors de la même frappe. Il a, lui, depuis, quitté l’enclave pour le Qatar, où il est toujours soigné.
Sur Al Jazeera mais aussi sur les réseaux sociaux, comme dans ce montage sur Instagram, les hommages à Samer Abu Daqqa pleuvent. Sa mère l’avait vu la veille de sa mort : « Il était venu me dire au revoir hier. Il était mort de faim. »
Journaliste freelance, notamment pour le site Eyes Media Network, Duaa Jabbour a été tuée le 9 décembre 2023 par une frappe de l’armée israélienne sur sa maison avec son mari et ses enfants àKhan Younès, dans le sud de Gaza. Dans sa dernière publication sur Facebook, elle écrivait : « Survivre au quotidien est épuisant. » En dépit de nos efforts, nous ne sommes pas parvenus à trouver une photo de Duaa.
Journaliste freelance pour des médias palestiniens et internationaux, dont l’agence de presse turque Anadolu, Ola Atallah a été tuée le 9 décembre 2023 par une frappe aérienne israélienne contre la maison où elle s’était réfugiée avec sa famille dans le quartier d’El-Daraj de Gaza City. Elle a été tuée avec neuf membres de sa famille, dont son frère et ses oncles.
Le 27 novembre 2023, elle décrivait dans le journal Al-Morasel l’enfer de la guerre à Gaza, les destructions, les traumatismes. Bien connue sur les réseaux sociaux, son dernier tweet du 8 décembre demandait : « Combien de nuits de terreur et de mort faudra-t-il encore compter à Gaza ? »
Hassan Farajallah, qui occupait un poste important au sein de la chaîne de télévision Al-Quds, affiliée au Hamas, a été tué le 3 décembre 2023 par un bombardement israélien dans la bande de Gaza alors qu’il était en train de publier un reportage sur YouTube. Il transmettait sa passion du journalisme à de nombreux étudiants et étudiantes qui pleurent aujourd’hui sa disparition.
On le voit aussi dans une publication Facebook prodiguer des conseils d’orientation aux élèves d’une école pour filles. L’une de ses anciennes élèves lui a rendu hommage : « Tu étais un ami, un professeur et un mentor. Tu nous as enseigné et nous avons beaucoup appris de toi. Le cours s’est terminé, mais la leçon n’a pas pris fin. »
Journaliste palestinienne du réseau Al-Majedat, Shaima al-Gazzar a été tuée le 3 décembre 2023 avec plusieurs membres de sa famille lors d’une frappe aérienne israélienne sur la ville de Rafah, dans le sud de Gaza. Elle passait son temps sur le terrain à documenter la lutte des Palestinien·nes pour survivre dans l’enclave écrasée par la pauvreté. En dépit de nos efforts, nous ne sommes pas parvenus à trouver une photo de Shaima.
Caméraman palestinien pour la chaîne de télévision Al-Aqsa, affiliée au Hamas, Abdhallah Darwish a été tué le 1er décembre 2023 par une frappe aérienne israélienne dans la bande de Gaza.
Caméraman pour l’agence de presse Anadolu, Montaser al-Sawaf est mort le 1er décembre 2023 sous les bombes israéliennes avec son frère et d’autres membres de sa famille dans le quartier d’Ed-Durc, au sud de Gaza. Après avoir été gravement blessé, et agonisant, Montaser a attendu une ambulance une heure et demie avant d’être transporté à l’hôpital par un véhicule privé. Deux semaines plus tôt, le journaliste avait perdu sa femme, deux de leurs enfants et ses parents dans un bombardement sur leur domicile, dans Gaza City.
Journaliste indépendant et professeur de journalisme aux universités de Gaza et d’Al-Aqsa, Adham Hassouna a été tué le 1er décembre 2023, ainsi que plusieurs membres de sa famille, par une frappe aérienne israélienne dans Gaza City. Ses anciens élèves pleurent la disparition d’un homme qui leur a ouvert la voie du métier.
« Depuis mes débuts, tu as été une grande source de motivation pour tout ce que j’ai réalisé dans ma vie universitaire. Tu as cru en moi et mes capacités et tu m’as toujours dit que je deviendrais une grande journaliste », a décrit une de ses étudiantes.
Journaliste caméraman pour la chaîne de télévision Al-Aqsa, affiliée au Hamas, Mostafa Bakeer a été tué le 24 novembre 2023 par une frappe aérienne israélienne à Rafah, dans le sud de Gaza. En dépit de nos efforts, nous ne sommes pas parvenus à trouver une photo de Mostafa.
Photojournaliste, Mohamed Mouin Ayyash a été tué le 23 novembre 2023 par une frappe israélienne sur son domicile dans le camp de réfugié·es de Nuseirat, dans le centre de Gaza. Fondateur et directeur de l’agence de presse Gaza Now, il couvrait le conflit depuis 2014. Son dernier message sur le réseau social X rapportait la mort de ses parents, de sa sœur, de ses deux frères et d’autres membres de sa famille pulvérisés par l’aviation israélienne. Ses amis pleurent « un homme et un journaliste de grande valeur, qui laisse derrière lui sa petite fille et sa femme ».
Journaliste pour la chaîne de télévision Al-Quds, affiliée au Hamas, Mohamed Nabil al-Zaq a été tué par un raid aérien israélien sur Shejaiya, dans le nord de Gaza, le 22 novembre 2023.
Journaliste libanaise, correspondante pour la chaîne Al Mayadeen, affiliée au Hezbollah, Farah Omar, 25 ans, a été tuée le 21 novembre 2023 par une frappe israélienne ainsi que son caméraman, également libanais, Rabih al-Maamari, 29 ans. Pour leur PDG, ils ont été « délibérément visés, ce n’était pas un hasard ».Ils réalisaient un reportage sur l’escalade des hostilités guerrières et assuraient un direct une heure avant leur mort.
Depuis Machghara, village de la plaine de la Bekaa d’où elle est originaire, son père a appelé« tous les journalistes à poursuivre leur travail et à transmettre la vérité sans craindre l’ennemi ».Sa mère a martelé que leur fille « avait combattu l’ennemi avec ses mots » : « Ils l’ont crainte et l’ont tuée. »
De son côté, l’armée israélienne a affirmé « être au courant d’accusations concernant des journalistes tués par des tirs des forces de défense israéliennes », ajoutant que les tirs ont eu lieu dans une zone de combat active. « Il est dangereux de se trouver dans cette zone », a encore commenté l’État hébreu.
Caméraman libanais pour la chaîne Al Mayadeen, affiliée au Hezbollah, Rabih al-Maamari, 29 ans, a été tué avec sa collègue Farah Omar, 25 ans, le 21 novembre 2023 par une frappe israélienne à la frontière entre le Liban et Israël. Pour leur PDG, ils ont été « délibérément visés, ce n’était pas un hasard ».Ils réalisaient un reportage sur l’escalade guerrière à la frontière libano-israélienne et assuraient un direct une heure avant leur mort.
Des centaines de proches et de collègues se sont recueillis au siège de leur média devant leurs cercueils, lors d’une procession funèbre publique.
Selon les éléments recueillis par les Observateurs de France 24, si les images de l’attaque suggèrent que les journalistes ne portaient pas leur gilet « Press » au moment où les avions israéliens les ont visés, la caméra en feu sur un trépied les identifiait clairement comme journalistes.
L’aviation israélienne a anéanti ses espérances et a fini par lui prendre la vie. La journaliste et créatrice de podcasts Ayat Khadoura a été tuée le 20 novembre 2023 par une frappe sur sa maison à Beit Lahia, dans le nord de Gaza.
Dans son dernier message au monde, publié sur son compte Instagram, elle confie les larmes aux yeux et la voix chevrotante : « Nous sommes des êtres humains, et comme tout être humain dans ce monde, nous avions de grands rêves. Mais aujourd’hui, nos rêves sont brisés. Comme dans un seul corps meurtri et mourant, nos rêves devaient relever le monde arabe. Mais malgré les images et les informations, rien ni personne n’arrête cette horrible guerre qui nous extermine. »
« Bilal Jadallah a aidé le Comité pour la protection des journalistes (CPJ) à documenter le ciblage et l’assassinat systémique de journalistes par les Forces de défense israéliennes et il semble qu’il en ait été lui-même victime dimanche », a déclaré Sherif Mansour, coordinateur du programme du CPJ pour le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord.
Bilal Jadallah, directeur de la maison palestinienne de la presse, a été tué le 19 novembre 2023 dans l’explosion de sa voiture à Gaza, visée par une frappe de l’aviation israélienne. Le Syndicat des journalistes palestiniens estime que l’armée israélienne a délibérément tué Bilal et a demandé une enquête indépendante pour éclairer les circonstances de sa mort.
Le journaliste avait largement contribué avec le CPJ à démontrer que depuis vingt-deux ans, Israël tue régulièrement des journalistes à chaque éruption de violence dans la bande de Gaza et n’avait jamais eu à rendre de comptes pour cela.
Abdelhalim Awad, travailleur des médias et chauffeur pour la chaîne Al-Aqsa TV, affiliée au Hamas, a été tué le 18 novembre 2023 lors d’une attaque contre son domicile dans la bande de Gaza. Awad travaillait à plein temps depuis le début de la guerre à Khan Younès et était parti rendre visite à sa famille la semaine au cours de laquelle il a été tué.
Deux jours avant de périr dans le raid israélien visant le camp de réfugié·es de Bureij, le 18 novembre 2023, Sari Mansour n’avait plus aucun moyen de communiquer avec sa femme. Le réseau venait d’être coupé, et Sari était sur le terrain, avec son collègue Hassouneh Salim, tentant de raconter les destructions causées par les bombardements israéliens.
Le journaliste et directeur de l’agence de presse palestinienne Quds News prend alors un stylo et une feuille de papier et couche quelques mots à destination de sa femme : « C’est un moyen de communication ancien, mais c’est tout ce qu’il nous reste quand les SMS ne marchent plus », regrette-t-il dans une vidéo posthume.
« Je demande à Dieu qu’il me donne l’occasion de vivre pour te retrouver et de vivre encore beaucoup de moments heureux avec toi », écrit-il dans sa lettre. « Mais serais-je exaucé ? Je voudrais qu’on puisse revivre les moments de bonheur qu’on a connus », déclame Sari, espérant que sa femme saura trouver le moyen de consulter son message.
Son message est raturé. Il avait d’abord conjugué au futur mais s’est ensuite ravisé, ne misant pas trop sur l’avenir, qu’il sait menacé par le déluge de bombes s’abattant sur Gaza.
Sa femme l’imite et écrit à son tour une lettre, qu’elle espère lui faire parvenir. « Les enfants et moi t’attendons depuis ce matin, et tu n’es pas venu. Viens. Nous sommes très tristes, je te jure... Viens demain déjeuner avec nous, et nous ferons du kebab ou de la kabsa. Viens. Dors avec nous et amène Hassouna avec toi. »
« Je te fais symboliquement épouser la terre martyre de Palestine, toi qui devais te fiancer. Tu vas rejoindre pour l’éternité la terre de Palestine. » Les amis de Hassouneh Salim enterrent avec sa dépouille l’alliance que le photojournaliste indépendant n’a jamais pu porter.
Lui qui devait se marier a été tué le 18 novembre 2023 avec son collègue et ami Sari Mansour dans le raid israélien ayant visé le camp de réfugié·es de Bureij, au centre de Gaza.
Son frère lui a également rendu hommage sur Facebook, indiquant que Salim connaissait les risques mais « avait refusé de garder le silence sur les massacres en cours à Gaza » et n’aurait renoncé pour rien au monde à sa mission d’information.
À 68 ans, il était considéré comme le doyen des journalistes de la bande de Gaza. Mostafa El Sawaf, auteur et journaliste palestinien, a été tué le 18 novembre 2023 par un bombardement visant sa maison située dans Gaza City, aux côtés de sa femme et de deux de ses fils.
Mostafa exerçait depuis les années 1980. Il a d’abord travaillé comme journaliste, puis comme rédacteur en chef pour plusieurs médias palestiniens, arabes et internationaux. Il a notamment occupé le poste de correspondant du réseau BBC et de chef du bureau à Jérusalem du quotidien de référence libanais An Nahar. Mostafa a également fondé le premier quotidien publié dans la bande de Gaza, Sawt Al-Jami’a, et en fut le rédacteur en chef.
Un reporter a déploré sur les réseaux sociaux la mort du « père de tous les journalistes palestiniens et dont le parcours [les] a tous inspirés ».
Amro Salah Abu Hayah, un travailleur des médias employé par la chaîne de télévision Al-Aqsa, affiliée au Hamas, a été tué le 18 novembre 2023 par une frappe de l’aviation israélienne, à Gaza.
« Poursuivez vos rêves où que vous soyez, car la vie est un voyage sans fin fait de réussites et d’échecs », a publié sur sa page Facebook personnelle Mossab Ashour. Le photographe palestinien partageait avec ses amis sa joie d’avoir participé à un télécrochet musical sur Al Jazeera.
Mossab a été tué dans le raid aérien sur le camp de réfugié·es de Nuseirat, situé dans la bande de Gaza. Son corps n’a été découvert que le 18 novembre 2023, alors que sa disparition était déclarée depuis plusieurs jours.
« Nous avons perdu la liaison avec notre équipe à proximité de l’hôpital Al-Shifa, dans la bande de Gaza. Nous n’avions plus eu aucune nouvelle d’eux depuis. Nous venons d’apprendre la mort de notre caméraman et la blessure d’un autre collègue », annonce en plein direct le présentateur de la chaîne Al-Qahera News TV le 13 novembre 2023.
Ahmed Fatima, photographe pour le média égyptien Al-Qahera News TV et collaborateur de la maison palestinienne de la presse, a été tué ce jour-là par une frappe de l’armée israélienne sur la bande de Gaza. Selon le directeur de la chaîne, Ahmed couvrait la situation près de l’hôpital Al-Shifa, alors encerclé par l’armée israélienne, soupçonnant le centre hospitalier d’abriter un centre de commandement du Hamas.
Un fidèle téléspectateur de la chaîne égyptienne pour laquelle Ahmed travaillait a déploré sa mort sur X : « NON, pas Ahmed Fatima !!! C’était l’homme le plus doux qui soit ! Le plus courageux des journalistes informant le monde dans les pires moments ! C’est la première guerre où je m’attache à des journalistes et les regarde mourir un par un, jour après jour. C’est insupportable, tout comme le silence de l’establishment journalistique occidental. »
Le compte X « Martyrs de Gaza », qui s’appuie sur des messages consultables sur les réseaux sociaux pour reconstituer les récits de vie des victimes des bombardements à Gaza, a détaillé au sujet d’Ahmed Fatima : « Il avait l’habitude d’embrasser les enfants de l’hôpital Al-Shifa pour les rassurer et tenter d’apaiser leur peur. Il était bon, gentil et aimé de tous ses collègues. »
Yaacoub al-Barsh, directeur exécutif de la radio locale Namaa, est mort après avoir été blessé le 12 novembre 2023 par une frappe de l’armée israélienne sur sa maison dans le nord de la bande de Gaza.
Yaacoub partageait sur ses réseaux sociaux son amour du ballon rond et particulièrement pour le club de foot de Jabalia, le Nama Club Sports. Il publiait des images des exploits de son club de cœur et étalait sa fierté d’en être l’un des dirigeants et d’avoir accompagné sa réussite depuis sa création, il y a quinze ans.
Le compte Facebook d’Ahmed al-Qara est la démonstration qu’avant le 7 octobre, en dépit des pénuries et d’un quotidien entravé, les Gazaouis entrevoyaient des moments de bonheur partagés. Les sourires et la fierté des étudiant·es dont il capturait les remises de diplôme illuminaient ses réseaux sociaux.
Photojournaliste indépendant, travaillant notamment pour l’université Al-Aqsa de Gaza, Ahmed al-Qara a été tué le 10 novembre par une frappe de l’aviation israélienne à l’entrée de la ville de Khuza, à l’est de Khan Younès, dans la bande de Gaza. L’un des nombreux diplômés qu’il a filmés lui a rendu hommage sur Facebook : « C’était l’une des personnes les plus gentilles que j’ai rencontrées dans ma vie. »
En plus de son travail de journaliste, il intervenait également comme maître de conférences à l’université Al-Aqsa. Selon ses proches, il rêvait de devenir un journaliste célèbre pour porter la voix et les espoirs de la Palestine à travers le monde. Ses étudiant·es ont aussi souligné son engagement professionnel généreux : « Nous témoignons tous de votre dévouement dans votre travail », a écrit l’un. « Vous étiez de bon conseil et saviez toujours trouver la bonne façon de nous aider. Je le jure devant Dieu, nous n’avons connu qu’un homme bon et souriant », a écrit une autre en guise d’hommage.
Yahya Abu Manih, journaliste de la radio Al-Aqsa, affiliée au Hamas, a été tué le 7 novembre 2023 par une frappe de l’aviation israélienne sur la bande de Gaza. En dépit de nos efforts, nous ne sommes pas parvenus à trouver une photo de Yahya.
Mohamed Abu Hassira, journaliste de l’agence de presse Wafa, administrée par l’Autorité palestinienne, a été tué le 7 novembre 2023 par une frappe israélienne tirée sur son domicile à Gaza, avec 42 membres de sa famille.
26 octobre 2023. « Avant de mourir dans un bombardement, d’être enseveli sous les décombres ou d’être déchiqueté en morceaux, on pourrait bien mourir de faim ! », se désole Mohamed al-Jaja sur ses réseaux sociaux, informant ses lecteurs et lectrices de la fermeture de la plupart des boulangeries à Gaza.
29 octobre. Mohamed, travailleur des médias et consultant pour la Maison palestinienne de la presse, donne à ses proches de ses nouvelles, après deux jours de coupure des communications à Gaza. « Physiquement, nous sommes toujours en vie, mais mentalement et émotionnellement, nous sommes loin d’aller bien ! », écrit-il.
3 novembre. Mohamed partage une vidéo de manifestants pacifistes venus interrompre une audition du Sénat américain sur la demande de financement du président Joe Biden pour Israël. Les mains levées, peintes en rouge, ils réclament un cessez-le-feu à Gaza. « Stop au génocide à Gaza ! », commente Mohamed.
4 novembre. Mohamed al-Jaja pleure la mort de son cousin et de sa famille. « Ô ma solitude »,clame-t-il.
5 novembre. Mohamed est tué, aux côtés de sa femme et de ses deux filles, dans le bombardement de sa maison à Al-Nasr, un quartier situé au nord de la bande de Gaza.
Mohamad al-Bayyari, journaliste palestinien de la chaîne de télévision Al-Aqsa, affiliée au Hamas, a été tué le 2 novembre par une frappe de l’aviation israélienne sur Gaza City. En dépit de nos efforts, nous ne sommes pas parvenus à trouver une photo de Mohamad.
Lorsque Salman Basher apprend la mort de son confrère Mohammed Abu Hatab en plein direct, il fond en larmes et arrache de douleur son casque de protection et son gilet « Press ». « Ces gilets pare-balles et ces casques ne nous protègeront pas, ce ne sont que des slogans que nous portons, ils ne protègent pas les journalistes, se lamente-t-il, alors que sa collègue en plateau éclate en sanglots. Nous n’avons aucune valeur, nous mourrons les uns après les autres. La seule différence entre nous, c’est le temps qui nous sépare de notre mort. »
Trente minutes plus tôt, Mohammed Abu Hatab se tenait face à la caméra à la place de son confrère, relatant le quotidien horrifique des civils gazaouis. « Partout, à chaque coin de rue, à chaque coin de maison, il n’y a que des pleurs et des gémissements », rapportait-il en duplex de l’hôpital Al-Nasser, à Khan Younès.
Trente minutes plus tard, le journaliste de Palestine TV est tué, le 2 novembre 2023, avec onze membres de sa famille par une frappe israélienne visant sa maison à Khan Younès, dans le sud de la bande de Gaza.
« Tout ce qui m’importe aujourd’hui, c’est que notre voix et notre cause atteignent le plus grand nombre et que nous obtenions davantage de soutien. » Majd Fadl Arandas, photojournaliste pour le média en ligne Al-Jamaheer, consacrait toute son énergie depuis le 7 octobre à documenter les souffrances des civils palestiniens soumis à un déluge de feu.
Et pas seulement. Il avait aussi à cœur de montrer l’éclat d’espoir et la rage de vivre des Gazaoui·es, vivant entre pénuries et bombes. « Je veux montrer des photos de gens qui jouent, rechargent leur téléphone, rient et mangent au milieu de toute cette catastrophe », confiait-il dans un message vocal envoyé au directeur de la galerie photo dubaïote Gulf Photo Plus, à laquelle il contribuait.
Au fond, son objectif était de « documenter la vie quotidienne des civils gazaouis, pour que le monde voie la beauté de Gaza malgré les difficultés endurées et causées par dix-sept ans de blocus israélien ». Une ambition qui a tragiquement pris fin le 2 novembre 2023, lorsque l’aviation israélienne a frappé le camp de réfugié·es de Nuseirat, tuant Majd Fadl Arandas.
Plusieurs photographes qui l’ont côtoyé lui ont rendu hommage sur Instagram : « Majd était photographe et journaliste et il a été récemment contraint de vendre son appareil photo pour pouvoir survivre à Gaza, assiégée par Israël. Il a continué à photographier avec son téléphone portable et espérait économiser pour acheter un nouvel appareil photo. Il était gentil et doux, et beaucoup de ses collègues photographes dans la région se souviendront de sa gentillesse et de son intelligence. »
Iyad Matar, journaliste travaillant pour la chaîne de télévision Al-Aqsa TV, affiliée au Hamas, a été tué le 1er novembre 2023 avec sa mère par une frappe israélienne sur la bande de Gaza. En dépit de nos efforts, nous ne sommes pas parvenus à trouver une photo d’Iyad.
Imad al-Wahidi, un travailleur des médias et directeur de la chaîne de télévision Palestine TV, gérée par l’Autorité palestinienne, a été tué le 31 octobre 2023 avec les membres de sa famille par une frappe de l’aviation israélienne sur la bande de Gaza.
Un collègue de la chaîne Palestine TV a pleuré sa disparition en publiant sur Facebook une photo du défunt journaliste, accompagnée de ce commentaire : « Mon ami, mon frère et collègue, Imad al-Wahidi, que Dieu ait pitié de toi. Je jure que ton décès me rend tellement triste… Je n’arrive pas à le croire. Que Dieu ait pitié de toi, mon ami et frère. »
Majed Kashko, un travailleur des médias et directeur de la chaîne de télévision Palestine TV, gérée par l’Autorité palestinienne, a été tué le 31 octobre 2023 avec les membres de sa famille par une frappe de l’aviation israélienne sur la bande de Gaza.
Nazmi al-Nadim, directeur adjoint des finances et de l’administration de Palestine TV, a été tué le 30 octobre 2023 avec des membres de sa famille par une frappe de l’armée israélienne sur sa maison dans la région de Zeitoun, à l’est de la bande de Gaza.
Son collègue de Palestine TV, Mahmoud al-Khairy, a réagi par ces mots en apprenant la mort de Nazmi : « Nos cœurs ont fondu et la douleur s’est estompée, et nous n’avons plus assez de larmes pour pleurer nos proches défunts. »
Le journaliste palestinien Yasser Abu Namous, travaillant pour le média Al-Sahel, a été tué le 27 octobre 2023 dans le bombardement de sa maison familiale à Khan Younès, dans la bande de Gaza.
Connu de tous comme un journaliste professionnel, apprécié pour ses grandes qualités humaines, il avait grandi en orphelin, après qu’un bombardement israélien l’eut privé de son père et enseignant, Subhi Abu Namous, et de sa mère, Naama.
L’épouse de Yasser a pleuré sa disparition sur les réseaux sociaux : « Mon esprit n’a pas accepté que Yasser, mon bien-aimé, mon cœur, passe la nuit loin de moi pour toujours. Comme son rire et sa voix me manqueront ! »
Les habitantes et habitants de Gaza ont formé une procession funèbre pour lui rendre hommage, transportant son corps enveloppé dans un linceul blanc sur un brancard.
Le 7 octobre 2023, alors que le fracas des bombes résonne déjà dans la bande de Gaza, quelques heures après la terrible et meurtrière attaque des commandos du Hamas, Duaa Sharaf, journaliste pour la station de radio Al-Aqsa affiliée au Hamas, se laisse emporter par sa colère sur les réseaux sociaux. À Recep Tayyip Erdoğan, président turc, qui déclare : « Nous appelons les parties à faire preuve de retenue et à éviter les mesures susceptibles d’aggraver les tensions », elle répond : « Peux-tu te taire ? »
Le 26 octobre, elle est tuée aux côtés de son jeune fils Obeida dans la frappe qui touche sa maison dans le quartier gazaoui de Yarmouk. Ses proches lui rendent hommage, inondent sa dernière publication de messages affectueux et demandent pardon pour sa fureur. « Tu as rejoint le convoi des martyrs de Gaza », écrit l’un. « Que Dieu te fasse miséricorde, te pardonne et t’accueille dans ses jardins spacieux », implorent d’autres.
Jamal al-Faqaawi, journaliste palestinien pour la fondation Mithaq Media, affiliée au Jihad islamique, a été tué le 26 octobre 2023 par une frappe de l’aviation israélienne sur son domicile à Khan Younès, dans le sud de la bande de Gaza.
Journaliste pour la chaîne de télévision Al-Aqsa TV, affiliée au Hamas, Saed al-Halabi a été tué le 25 octobre 2023 dans le bombardement de sa maison par l’aviation israélienne dans le camp de réfugié·es de Jabalia, au nord de la bande de Gaza.
Journaliste pour la chaîne de télévision Al-Aqsa TV, affiliée au Hamas, Ahmed Abu Mhadi a été tué le 25 octobre 2023 par une frappe de l’aviation israélienne sur la bande de Gaza. Malgré nos efforts, nous ne sommes pas parvenus à trouver une photo d’Ahmed.
Elle venait à Gaza faire à sa famille la surprise de sa visite. Elle n’en est jamais repartie. Salma Mkhaimer, journaliste indépendante de 31 ans, a été tuée le 25 octobre 2023 dans une frappe israélienne visant la ville frontalière de Rafah, aux côtés de son bébé, de son père, de sa mère et de plusieurs autres membres de sa famille.
Elle vivait à Amman, capitale jordanienne, avec son mari et son enfant, et s’était rendue à Gaza, la ville de son enfance, pour y voir sa famille. Elle était diplômée de l’université islamique de Gaza en langue arabe et journalisme.
Journaliste pour le site d’information Al-Resalah, Mohammed Imad Labad, 26 ans, a été tué le 23 octobre 2023 par une frappe de l’aviation israélienne sur le quartier Sheikh Radwan, à Gaza City.
Sa collègue, Rola Abu Hashem, lui a rendu hommage sur Instagram par ces quelques mots : « Nous nous souviendrons de Mohammed comme d’un jeune homme poli, travailleur et serviable. Il attendait de commencer une nouvelle phase de sa carrière et de réaliser ses rêves en compagnie de sa compagne, avec qui il venait de se fiancer, écrit-elle. Mais l’occupation ne lui en a pas donné l’opportunité, il est devenu martyr alors qu’il était assis à côté de son grand-père devant leur maison. »
21 octobre 2023. Frédéric Métézeau, journaliste pour Radio France, s’enquiert de la santé de son ami et fixeur Roshdi Sarraj, qui vit sous les bombes depuis deux semaines. « Merci mon frère, je t’envoie de l’amour et la paix depuis Gaza », lui répond-il. Le lendemain, il est tué près de sa maison à Tell Al-Hawa par une frappe israélienne, à une dizaine de mètres de sa femme, Shrouq, et de sa fille d’un an, Dania, assistant toutes les deux à la mort de Roshdi, impuissantes.
Roshdi Sarraj, 31 ans, travaillait comme fixeur pour plusieurs médias français, quand il n’était pas occupé à photographier ou à raconter pour son agence Ain Media la vitalité et l’inventivité de la société gazaouie.
« On avait la même envie, celle de documenter le siège de Gaza, les difficultés monstrueuses de ses habitants, se souvient Frédéric Métézeau. Mais on voulait aussi montrer que les Gazaouis ne vivaient pas seulement la guerre, mais faisaient de l’art, avaient la culture du bien-manger, s’intéressaient à la technologie, à la plongée sous-marine. Il me montrait toute cette société qui savait s’organiser et contourner le blocus. »
Céline Martelet, journaliste française qui a aussi beaucoup travaillé avec Roshdi, tissant une puissante amitié avec lui, a proposé de l’inscrire sur une liste de journalistes souhaitant être évacués de la bande de Gaza. « Nous ne partirons pas… Et nous sortirons de Gaza… pour [aller] au ciel, et seulement au ciel », avait-il l’habitude de répondre.
« Prie juste pour nous. Si nous mourons, ne sois pas triste, tu pourras être fier de savoir que nous avons résisté jusqu’à notre dernier souffle », lançait-il, avec sa femme, à qui s’inquiétait pour eux.
Caméraman pour la chaîne de télévision Al-Aqsa TV, affiliée au Hamas, Abu Aathra a été tué le 19 octobre 2023 avec son frère dans un bombardement de l’armée israélienne à Rafah, dans le sud de la bande de Gaza.
L’un de ses amis a partagé sa photo sur Facebook, comme pour laisser une trace numérique de son existence et pour que son souvenir vive : « Au revoir, Khalil, que Dieu te protège… Nous ne savons plus qui pleurer parmi vous, mes amis. »
« Oh mon Dieu, quelle tristesse ! Il a capturé mes souvenirs quand j’étais enfant. Toutes mes photos, depuis mes cinquante premiers jours jusqu’à ce que je grandisse, ont été prises par lui », a pleuré un habitant de Gaza sur la page Facebook de Sameeh al-Nady.
Sameeh, journaliste et directeur pour Al-Aqsa TV, chaîne affiliée au Hamas, a été tué le 18 octobre 2023 par une frappe de l’armée israélienne. Sur Facebook, l’une de ses dernières publications est une photo de ses jumeaux arborant leur toque de diplômé. Il y exprimait sa fierté pour leurs excellents résultats au baccalauréat.
Le 17 octobre 2023, Mohammad Balousha ainsi que sa petite fille Layan, son père Jameel, plusieurs de ses frères et sœurs et leurs enfants, ont été tués par une frappe de l’armée israélienne dans le quartier Al-Saftawi, au nord de la bande de Gaza.
Mohammad cumulait les fonctions de journaliste et de directeur financier et administratif pour le bureau gazaoui de la chaînePalestine Today. Il était connu pour être une personne aimable et efficace, dévouée à son travail, dotée d’une certaine éthique et de belles qualités humaines, selon le réseau Quds News, une agence de presse palestinienne alimentée par le travail de correspondants et correspondantes bénévoles à travers la Palestine.
Quatre jours avant de perdre la vie dans un bombardement de l’aviation israélienne au nord de la bande de Gaza le 17 octobre 2023, Issam Bhar, journaliste pour Al-Aqsa TV, un média affilié au Hamas, recommandait à ses amis la récitation de sept versets du Coran pour « se mettre à l’abri de l’affliction ».
Celui qui venait de lancer une chaîne YouTube et une page Facebook de récitation coranique dispensait aussi des cours de religion aux jeunes enfants de Gaza. Ses étudiants lui ont largement rendu hommage sur sa page Facebook, partageant les messages d’espoir de leur professeur envoyés quelques jours avant sa mort sur WhatsApp. « Tranquillisez-vous et augmentez vos prières, mes frères », leur écrivait-il.
Abdulhadi Habib, journaliste pour les agences de presse Al-Manara et HQ, a été tué le 16 octobre 2023 avec plusieurs membres de sa famille lorsqu’une frappe a détruit sa maison près du quartier de Zeitoun, au sud de la ville de Gaza.
Peu avant le déclenchement de l’offensive israélienne sur Gaza, Abdulhadi partageait sur son compte Facebook le désespoir que lui inspirait cette vie d’enfermement dans l’enclave assiégée, dont il n’a jamais pu sortir. « On ne sait pas, peut-être que Dieu nous apportera quelque chose de bien après ça », écrivait-il.
Sur ce même compte Facebook, il partageait aussi ses joies, comme en 2021, lorsqu’il fut diplômé en technologie des médias et de la communication au Collège universitaire des sciences appliquées de Gaza, après un premier diplôme en 2006.
Ses amis ont pleuré sa perte sur les réseaux sociaux. « Nos cœurs sont brisés », a écrit l’un d’eux.
En janvier 2023, Yousef Maher Dawas publiait un essai intitulé Qui nous rendra les vingt années que nous avons perdues ?. Il y raconte la destruction du verger de sa famille par une frappe israélienne en mai 2022, où trônaient divers arbres fruitiers, parmi lesquels des oliviers, des citronniers et des clémentiniers. « [Leur perte] a détruit un élément important de notre passé. L’histoire de notre famille. Notre patrimoine », déplorait-il.
Le jeune journaliste pour le site Palestine Chronicle a été tué le 14 octobre avec plusieurs membres de sa famille dans la destruction de sa maison par une frappe israélienne à Beit Lahia, au nord de la bande de Gaza. Yousef contribuait aussi au projet « Nous ne sommes pas que des nombres », qui s’attache à raconter l’humanité qui se cache derrière le bilan désincarné du carnage à Gaza.
Pour que le souvenir de Yousef vive, et afin qu’il ne soit pas qu’un mort de plus, ses proches lui ont rendu hommage dans plusieurs articles. « Un sourire radieux l’accompagnait en permanence, reflet de sa gentillesse, de sa compréhension et de son amour, se souvient son collègue Hamza Ibrahim. Yousef n’était pas seulement un ami ; il était un phare, une âme désintéressée qui se donnait corps et âme à ses amis et à sa communauté. »
Dans une vidéo, le jeune homme parle de son désir de visiter d’autres villes de Palestine, « plus encore que Paris ou les Maldives ».
La page Facebook de Salam Mema est un livre ouvert sur sa vie. Elle y publiait avec une fierté non contenue des photos de ses trois enfants, Hadi, Ali et Shaam, et de son mari. « Ils sont le soutien, le foyer, le refuge, la tranquillité et la joie de vivre... Ô mon Dieu, ils sont un morceau de mon âme, alors protège-les pour moi avec Tes yeux qui ne dorment jamais », écrivait-elle sur son dernier post.
La journaliste indépendante de 32 ans a été tuée le 13 octobre 2023 dans le bombardement de sa maison située dans le camp de réfugié·es de Jabalia, au nord de la bande de Gaza. La frappe a aussi décimé sa famille : son mari, sa fille de deux ans, Shaam et son fils de 7 ans, Hadi, ont aussi été tués, laissant Ali, âgé de cinq ans, comme seul survivant.
Mema, aussi membre du comité des femmes journalistes de Gaza, n’est pas morte sur le coup. Elle est restée prise au piège sous les décombres de sa maison pendant trois jours. Elle n’a pas pu être secourue à temps.
Son amie Nisreen Razayne a pleuré sa perte dans le Washington Post, se souvenant d’elle comme d’un « ange », une mère aimante et une collègue solidaire. « Elle n’était pas une soldate, a-t-elle encore déclaré. Mon esprit ne peut plus rien encaisser. »
Husam Mubarak, journaliste à la radio Al-Aqsa, affiliée au Hamas, a été tué le 13 octobre 2023 lors d’une frappe de l’aviation israélienne dans le nord de la bande de Gaza.
« Il était toujours au bon endroit, au bon moment. Peu importe l’heure, il était toujours prêt à enfourcher sa moto pour aller sur le terrain et capturer la première image », se souvient Ayat Asmat, au sujet de son collègue Issam Abdallah, tué le 13 octobre 2023 dans le sud du Liban, alors qu’il couvrait la montée des tensions entre Israël et le Hezbollah, à la frontière.
« Assam était comme un papillon, il savait tout faire, écrire, filmer, photographier. Sa mort est une énorme perte pour la profession », déplore son amie Ayat, qui dit avoir perdu comme un membre de sa famille.
Elle raconte auprès de Mediapart que le photojournaliste et vidéaste de l’agence Reuters prenait beaucoup de précautions, portait toujours son équipement qui l’identifiait comme journaliste, et était surtout très attaché à sa mission d’information. « Lors des manifestations anti-couvre-feu aux Pays-Bas en 2021, il a été blessé par la police. Avant d’être conduit à l’hôpital, il a insisté pour éditer et envoyer ses photos d’abord », se remémore Ayat.
Plusieurs enquêtes de médias indépendants, dont l’AFP et Reuters, ont mis au jour la responsabilité de l’armée israélienne dans le bombardement qui a tué Issam et blessé six reporters. Leurs investigations désignent un obus de char que seule l’armée israélienne possède dans cette région et prouvent que le groupe de journalistes a été délibérément ciblé alors qu’ils étaient clairement identifiables comme des reporters.
« L’impunité d’Israël, qui cible délibérément ceux qui tentent de raconter de manière impartiale la guerre, est extrêmement décourageante pour les journalistes au Moyen-Orient », soupire Ayat.
Shehab, journaliste pour la radio Sowt Al-Asra (« La Voix des prisonniers »), ainsi que sa femme et ses trois enfants, sont morts le 12 octobre 2023 dans le bombardement de leur maison à Jabalia, dans le nord de la bande de Gaza. En dépit de nos efforts, nous ne sommes pas parvenus à trouver une photo de Shehab.
Travaillant comme journaliste indépendant pour plusieurs agences de presse internationales, Abu Matar a été tué le 11 octobre 2023 lors d’une frappe de l’aviation israélienne dans la ville de Rafah, dans le sud de la bande de Gaza. Il couvrait l’offensive israélienne contre l’enclave palestinienne lorsqu’il a été tué.
Saeed al-Taweel était rédacteur en chef du site Al-Khamsa News. Il a été tué le 10 octobre 2023 lorsque l’aviation israélienne a frappé un immeuble résidentiel dans le quartier de Rimal, à Gaza. Saeed était sur place avec plusieurs confrères journalistes pour raconter la détresse des civils gazaouis soumis à un tapis de bombes, quelques jours après l’assaut du Hamas sur le sol israélien.
Peu de temps avant sa mort, il diffusait sur son compte Facebook son dernier reportage, documentant l’évacuation d’un immeuble de la tour Haji, avant que celui-ci ne soit bombardé. Lors d’un cortège funèbre, des confrères ont rendu hommage à Saeed et aux deux autres journalistes palestiniens tués dans la frappe. Leurs corps, enveloppés dans des linceuls blancs, surmontés de casques portant l’inscription « Press », ont été portés dans les rues gazaouies, défigurées par les bombes.
Des connaissances ont salué la mémoire de Saeed sur Facebook : « Saeed est tombé en martyr et l’information à Gaza s’est éteinte avec lui. »
Mohammed Sobh, 34 ans, était photographe pour l’agence de presse Khabar. Le 10 octobre 2023, Mohammed se rend avec ses collègues dans le quartier de Rimal, pour couvrir l’évacuation d’un immeuble d’habitation, que l’aviation israélienne a prévu de frapper. « Ils ont pris toutes les précautions nécessaires », précise Saleh al-Nazli, rédacteur en chef de Khabar, au Washington Post, ajoutant qu’ils arboraient leur gilet de protection floqué « Press » et des casques.
Avec d’autres confrères, Mohammed s’abrite sous un immeuble, « à une distance suffisante de la tour qui risquait d’être prise pour cible », raconte encore son rédacteur en chef. Mais l’immeuble qui leur servait de refuge est aussi touché par une frappe israélienne. Mohammed est tué, avec deux autres journalistes, dans le bombardement.
Son rédacteur en chef se souvient de lui comme d’un « journaliste passionné » qui « aimait profiter de la vie », et qui emmenait souvent son fils de 6 ans, Rizq, à la plage de Gaza. Une connaissance de Mohammed a commenté une de ses photos sur les réseaux sociaux, indiquant qu’il avait pour projet de visiter Naplouse, en Cisjordanie : « Il m’a dit que son rêve était de visiter cette ville. »
Hisham Alnwajha, 28 ans, était journaliste à l’agence de presse Khabar. Il a été blessé le 10 octobre 2023 lorsque des avions de l’armée israélienne ont frappé un immeuble résidentiel dans le quartier de Rimal, à Gaza. Hisham était sur place avec plusieurs confrères journalistes pour couvrir l’évacuation de la tour Haji lorsque celle-ci a été bombardée.
Peu après l’attaque, l’épouse de Hisham a indiqué sur Facebook qu’il était blessé, implorant ses amis de prier pour lui. Quelques heures plus tard, le site d’information palestinien Al-Watan annonce son décès. Le couple était parent de jumeaux.
Le jour de sa mort, il avait publié sur sa page Facebook, vêtu de son gilet « Press », un message vidéo d’espoir. Déplorant « le déferlement de violences inouï qu’Israël déverse sur Gaza en bombardant les civils », il exprimait à ses proches son souhait de les « revoir bientôt et de[les]retrouver en paix et en bonne santé ».
Le journaliste égyptien Abdelfattah Tarek a fait la rencontre de Hisham grâce aux réseaux sociaux et a ensuite noué avec lui une puissante amitié. Celui-ci venait régulièrement lui rendre visite et raffolait des crêpes au miel que confectionnait sa mère.
Il confie à Mediapart son chagrin : « Lorsque Hisham est décédé, le choc a été immense, j’ai beaucoup pleuré. J’ai essayé de le joindre par message, en vain. Hisham n’était pas seulement un ami loyal mais aussi un frère bienveillant, et son souvenir restera vivant dans mon cœur. Il était un journaliste professionnel qui exprimait sans crainte son amour pour Gaza et son désir de la défendre à travers sa profession. »
Assaad Shamlakh, journaliste indépendant de 20 ans, a été tué le 8 octobre 2023 avec neuf membres de sa famille par une frappe israélienne visant leur maison à Sheikh Ijlin, un quartier du sud de la bande de Gaza.
Mohammad al-Salhi, photojournaliste pour l’agence Fourth Authority News, a été abattu le 7 octobre 2023, alors qu’il couvrait les événements survenus près d’un camp de réfugié·es palestinien·nes, au centre de la bande de Gaza.
Son épouse a partagé sur son compte Facebook une photo de son défunt mari enveloppé dans un linceul. « La nouvelle de ta mort n’a pas été facile pour moi, a-t-elle écrit. Cela m’a brisé le cœur et ce fut le moment où ma vie a pris fin. J’ai voulu t’appeler pour que tu me prennes dans tes bras et apaises mon chagrin, mais pour la première fois, tu n’as pas répondu à mon appel. »
Mohammad Jarghoun, 28 ans, était journaliste pour Smart Media. Il a été abattu le 7 octobre 2023 par l’armée israélienne, alors qu’il couvrait la montée des tensions au sud de la bande de Gaza, à l’est de Rafah.
Il avait obtenu en 2018 son diplôme en relations publiques et médias. Cette même année, il s’était particulièrement employé à raconter la grande marche du retour, qui a coûté la vie à plus de 200 Palestiniens, tombés sous les balles des snipers de l’armée israélienne alors qu’ils manifestaient pour réclamer le droit au retour des réfugié·es palestinien·nes.
Il écrivait en 2018 sur son compte X, quelques jours avant le début de la marche : « À partir d’aujourd’hui, ma page personnelle et tous mes comptes sur les réseaux sociaux seront consacrés à la Grande Marche du retour. J’y participerai avec ma plume et mon corps. J’écrirai pour et sur elle. »
Ibrahim Lafi, photojournaliste pour l’agence Ain Media, a été abattu le 7 octobre 2023 alors qu’il se trouvait en reportage au point de passage d’Erez, à la frontière entre la bande de Gaza et Israël.
À 21 ans, il travaillait avec le journaliste palestinien Roshdi Sarraj, lui aussi tué par l’armée israélienne. Ibrahim concevait son travail de photoreporter pour l’agence Ain Media comme un moyen de capter et de documenter la détresse des habitant·es de Gaza. Les larmes d’un homme en deuil, les immeubles réduits en poussière, les enfants jouant au milieu des décombres : ces scènes de vie, communes à Gaza, occupaient une part importante de son travail.
Mais il avait aussi à cœur de montrer que malgré les drames humains, Gaza était pleine de vie. Sur son compte Instagram, il publiait les images d’oiseaux, de chevaux, de mariages, d’arcs-en-ciel. « Ibrahim était très talentueux et créatif. Il rêvait de devenir un journaliste international et un réalisateur de films couvrant des événements dans le monde entier », a rapporté son confrère Roshdi Sarraj.
Quelques heures avant de partir pour son dernier reportage, Ibrahim Lafi publiait une photo de bâtiments en ruine, accompagnée du commentaire suivant : « Ils ne nous ont pas seulement massacrés, ils ont massacré nos rêves et nos espoirs. »
Un collectif de 100 000 avocats représentant les Ordres professionnels de Tunisie, de Palestine, d’Algérie, de Jordanie, de Mauritanie et depuis peu de Libye, ont pris part à l’action judiciaire engagée vendredi dernier devant la Cour pénale internationale (CPI) contre l’entité sioniste pour les crimes de génocide, contre l’humanité et de guerre.
Une action à laquelle se sont joints le Syndicat national des magistrats (SNM) et l’avocat français Gilles Devers, fervent défenseur de la question palestinienne et de celle du Sahara occidental.
Lors d’une conférence de presse animée conjointement hier à Alger, le président de l’Union nationale des Ordres des avocats d’Algérie (Unoa), Me Brahimi Tairi, et Me Gilles Devers ont expliqué que la première étape de cette procédure consiste à déposer un important dossier documenté sur les crimes commis par Israël à Ghaza, mais aussi les attendus de l’ordonnance de la Cour internationale de justice (CIJ), rendue le 26 janvier dernier, sur la base desquels les magistrats ont affirmé une «plausibilité» de crimes de génocide.
Intervenant le premier, Me Tairi a affirmé que le collectif algérien est composé 65 000 avocats et 6000 magistrats auxquels s’est joint un autre collectif international, qui comprend les Ordres d’avocats palestiniens, tunisiens, jordaniens, mauritaniens et depuis peu libyens : «Nous avons un collectif global de 100 000 avocats qui a alerté sur les crimes commis par l’entité sioniste et qui continue à les commette.»
Me Tairi à rendu hommage à l’Afrique du Sud qui a poursuivi Israël devant la CIJ, mais aussi Me Gilles Devers pour «le travail colossal qui a été fait». Il a précisé en outre que l’initiative a commencé à voir le jour après la recommandation de l’assemblée générale des avocats, et exhortant l’Unoa à déposer plainte auprès des instances internationales contre l’entité sioniste pour les crimes de génocide, contre l’humanité et de guerre : «L’appel que le président (Abdelmadjid Tebboune, ndlr) a lancé à l’adresse des hommes de droit a mis l’action au-devant de la scène avant que la conférence internationale sur la Palestine ne soit organisée à Alger en début de cette année.
Cette première étape de la procédure a consisté à remettre au bureau du procureur l’ensemble des preuves collectées et appuyer ainsi l’enquête déjà ouverte en 2021 et qui est en cours. La troisième étape sera le bureau des victimes. Grâce à notre réseau, nous allons constituer une banque de données sur les victimes directes et les blessés, auxquels le procureur doit rendre visite pour les entendre.
La troisième étape est de voir comment saisir les tribunaux à compétence universelle pour poursuivre les dirigeants d’Israël.» Me Tairi a rappelé «qu’étant donné que l’Algérie n’est pas Etat-parti de la CPI, elle ne peut saisir directement la juridiction. Et devant la CIJ, elle ne peut être partie dans le dossier en raison du fait qu’elle ne reconnaît pas l’entité sioniste. Si elle le fait, elle reconnaîtra de fait celle-ci.
Elle peut cependant demander l’une précision ou une lecture de la convention, sans pour autant que l’entité sioniste ne soit partie dans le dossier». L’avocat a ajouté, par ailleurs, que la prochaine action du collectif est de voir comment poursuivre les pays qui continuent à soutenir Israël en dépit des actes de génocide commis à Ghaza.
«Je suis optimiste»
Lui emboîtant le pas, Me Gilles Devers a rappelé que son travail sur le Sahara occidental et celui sur la Palestine se ressemblent. «En fait, je défends les mêmes principes et la même réalité de colonisation et de violation du droit international (...). Ce sont deux peuples qui se battent contre la colonisation qui leur a volé leurs terres. Il y a 100 Palestiniens qui risquent de mourir cette nuit et 50 d’entre eux sont des enfants. Si nous pouvons dire cela à Alger ou dans certains pays arabes, en Europe, ce n’est pas le cas», a souligné l’avocat.
Celui-ci s’est déclaré «optimiste» au vu de son analyse des procédures. «En tant qu’avocat et vu mes connaissances, je ne peux qu’être optimiste. C’est le principe même de notre métier. Les avocats ne sont pas les ennemis des juges.
Ils les aident à faire leur travail. Donc, nous venons aider le bureau du procureur et être juste pour ne pas faire apparaître un pessimisme idiot. Je suis très optimiste.» Me Devers à affirmé, par ailleurs, que la plainte du 9 novembre dernier devant la CPI a été actée par 600 avocats, dont ceux du barreau d’Algérie. Pour l’avocat, il y a «une nouvelle configuration jamais vue jusqu’à présent».
«(…) La CIJ a jugé en 2021 que la Palestine est un Etat. Nous somme là pour décrire les choses comme elles sont. C’est un Etat sous domination. Cela lui donne accès à tous les traités et au droit international. La Palestine a déposé plainte et ratifié le traité. Il faut rendre hommage à Mahmoud Abbas de l’avoir fait. Maintenant, le terrain est balisé. Il y a une enquête alors que les faits se poursuivent. Avant il n’y avait rien. Ils attendaient que ça finisse. Il y a une équipe qui se déplace et fait son enquête. Jamais les enquêtes contre Israël n’ont été aussi avancées.»
Me Devers a évoqué les demandes de mandats d’arrêt contre le Premier ministre, Benyamin Netanyahu, son ministre de la Défense, le chef de l’état-major de l’armée, en disant que le procureur est sur la voie de répondre aux questions relatives à leur responsabilité dans les crimes pour émettre des mandats d’arrêt à leur encontre dans les semaines ou les mois à venir. Selon lui, la requête de l’Afrique du Sud a été prise en charge dans un temps record, puisque les enquêtes de ce genre prennent au moins deux ans. Il a expliqué que la CIJ n’a de compétence que pour les Etats.
Elle ne peut pas décider d’un cessez-le-feu parce qu’il ne s’agit pas d’une guerre entre deux Etats, mais d’un conflit armé entre un Etat et des groupes armés auxquels elle ne peut s’adresser : «(…) La CIJ a marqué une brèche sur le mur et notre rôle est de faire que cette brèche soit élargie.» Avant de conclure, Me Devers a annoncé que sa prochaine bataille est la plainte «pour Jérusalem». «En 2021, la CIJ a dit que Jérusalem est sous occupation.
C’est le point de vue du droit. Tout est documenté, la bataille de Jérusalem est capitale. Nous ferons juger les conséquences de la Nakba. Nous voulons arracher le droit de retour pour 7,5 millions de Palestiniens. Jérusalem est leur capitale. Si on leur interdit de rejoindre Jérusalem, c’est que leur droit au retour n’est pas protégé. Notre action est la défense des droits des victimes de la Nakba. Il y a eu 14 expériences similaires gagnées, pourquoi pas pour la Palestine ?»
Mahmoud Darwich (1941-2008) est devenu le porte-voix de la cause palestinienne parce que sa poésie est acte de résistance à portée universelle. Mais la poésie palestinienne est multiple et a vu, depuis la Nakba de 1948 jusqu’à Gaza ces derniers mois, plusieurs générations de femmes et d’hommes écrire sur un futur de liberté et d’indépendance.
Dès 1948, la poésie s’est imposée en Palestine occupée face aux autres genres littéraires. Ce n’est pas seulement le signe d’un attachement des écrivains palestiniens à un mode ancien et populaire d’expression dans le monde arabe, mais l’expression d’une volonté de résister aux règles de l’occupation israélienne qui prolongeaient celles du mandat britannique en Palestine (1917-1948). Face aux mesures de répression des forces coloniales, la poésie, qui se transmet et se mémorise aisément, est mieux armée que les autres genres littéraires pour contourner la censure.
C’est d’ailleurs à travers de véritables festivals de poésie ou mahrajanat que la première génération de poètes post 1948 a pu atteindre un large public demeuré sur les terres de Palestine. Parmi les auteurs qui ont participé et se sont révélés lors de ces festivals, se trouvent les grands noms de la poésie palestinienne de cette génération : Taoufik Ziyad (1929-1994), Samih al-Qasim (1939-2014), Mahmoud Darwich (1941-2008), Salim Joubran (1941-2011) et Rashid Hussein (1936-1977). Tous avaient atteint l’âge adulte dans les années qui ont suivi la Nakba de 1948. Ils étaient généralement issus de la classe ouvrière et militaient aussi pour l’amélioration des conditions de vie des ouvriers et des paysans. Ce qui fait de la poésie palestinienne un genre traditionnellement marqué à gauche.
La majorité de ces poètes ont été formés en arabe et en hébreu, en Palestine occupée ou à l’étranger. Seule la poétesse Fadwa Touqan (1917-2003), autodidacte, aurait été initiée à la poésie par son frère Ibrahim Touqan (1905-1941), lui-même poète. Beaucoup étaient des enseignants dans des écoles gérées par les autorités israéliennes. Ces institutions, tout comme les festivals de poésie et d’autres rassemblements publics comme les mariages et les fêtes religieuses, étaient surveillés de près par les services de sécurité coloniaux qui s’efforçaient de contenir le nationalisme palestinien.
À travers leur poésie, ces auteurs ont joué un rôle important dans la production et la diffusion d’idées à portée politique. Leur participation aux festivals était de fait un geste de résistance. Leurs poèmes, écrits le plus souvent dans le respect des codes de la prosodie arabe traditionnelle, étaient faciles à chanter et à retenir. Ils étaient déclamés devant un auditoire nombreux, coupé du reste du monde arabe et des Palestiniens forcés à l’exil, et traumatisé par les massacres commis par l’armée israélienne. Les poèmes exprimaient le plus souvent espoirs et rêves révolutionnaires de liberté et d’indépendance, mais ils abordaient aussi des thèmes plus graves liés au sentiment de dépossession, et aux violences physiques et symboliques subies.
C’est au cours de ces festivals que se développe le concept de résistance, de sumud ou persévérance face à l’adversité, concept qui deviendra un thème majeur de la poésie palestinienne notamment chez Taoufik Ziyad avec son célèbre poème Ici nous resterons dont cet extrait résonne comme un manifeste politique et poétique :
Ici nous resterons
Gardiens de l’ombre des orangers et des oliviers
Si nous avons soif nous presserons les pierres
Nous mangerons de la terre si nous avons faim mais nous ne partirons pas !
La participation aux festivals a valu à plusieurs auteurs comme Taoufik Ziyad et Hanna Ibrahim (1927- ) d’être arrêtés puis emprisonnés ou assignés à domicile. Ils n’ont pas renoncé pour autant à composer des poèmes, et la colère et l’indignation traversent de nombreux textes. En témoigne cet extrait d’un poème du charismatique Rashid Hussein que Mahmoud Darwich surnommait Najm ou l’étoile, et auquel Edward Saïd rend un hommage appuyé dans l’introduction de son ouvrage sur la Palestine2 :
endront des chansons populaires, connues de tous en Palestine occupée et ailleurs, comme celui intitulé Carte d’identité, composé par Mahmoud Darwich, en 1964 :
Si les anthologies et recueil imprimés demeurent assez rares jusqu’aux années 1970 et ne représentent, d’après le chercheur Fahd Abu Khadra, qu’une infime partie des poèmes composés et publiés entre 1948 et 1958, certains poètes auront recours aux organes de presse de partis politiques pour diffuser leurs écrits. Le Parti des travailleurs unis (Mapam) a par exemple soutenu et financé la revue Al-Fajr (l’Aube), fondée en 1958 et dont le poète Rashid Hussein était l’un des rédacteurs en chef. Subissant attaques et censure, la revue sera interdite en 1962.
Les membres du Parti communiste israélien (Rakah) ont pour leur part relancé la revue Al-Itihad (L’Union) en 1948, qui avait été fondée en 1944 à Haïfa par une branche du parti communiste. À partir de 1948, Al-Itihad ouvre ses colonnes à des poètes importants comme Rashid Hussein, Émile Habibi (1922-1996), Hanna Abou Hanna (1928-2022). Ces revues ont joué un rôle crucial pour la cause palestinienne en se faisant les porte-voix d’une poésie de combat. Longtemps regardés avec méfiance et suspectés de collaborer avec les forces coloniales par le simple fait d’être restés, c’est Ghassan Kanafani (1961-1972), auteur et homme politique palestinien qui a redonné à ces auteurs la place qu’ils méritent, en élaborant le concept de « littérature de résistance »5 . Cette littérature est considérée par certains comme relevant davantage d’une littérature engagée que d’une littérature de combat, restreinte par le poète syrien Adonis (1930- ), à tort nous semble-t-il, au combat armé.
Cette poésie a par ailleurs souvent été critiquée pour être davantage politique que « littéraire », comme si l’un empêchait l’autre. À ce sujet, Mahmoud Darwich fait une mise au point salutaire :
Mais je sais aussi, quand je pense à ceux qui dénigrent la « poésie politique », qu’il y a pire que cette dernière : l’excès de mépris du politique, la surdité aux questions posées par la réalité de l’Histoire, et le refus de participer implicitement à l’entreprise de l’espoir6.
Pour finir, il est important de noter que les poèmes de cette période n’évoquent pas seulement la Palestine et son combat pour l’indépendance. Y apparaissent d’autres causes de la lutte anticoloniale, notamment celle du peuple algérien, ou des Indiens d’Amérique. Dans un poème de 1970, Salem Joubran (1941-2011) interpelle ainsi Jean-Paul Sartre qui a défendu la cause algérienne mais reste silencieux quant à la colonisation de la Palestine :
À JEAN-PAULSARTRE
Si un enfant était assassiné, et que ses meurtriers jetaient son corps dans la boue,
seriez-vous en colère ? Que diriez-vous ?
Je suis un fils de Palestine,
je meurs chaque année,
je me fais assassiner chaque jour,
chaque heure.
Venez, contemplez les nuances de la laideur,
toutes sortes d’images,
dont la moins horrible est mon sang qui coule.
Exprimez-vous :
Qu’est-ce qui a provoqué votre soudaine indifférence ?
Autre figure souvent citée, celle de Patrice Lumumba auquel on rend hommage après son assassinat par les forces coloniales belges. Rashid Hussein déclame ce poème lors d’un festival de poésie :
L’Afrique baigne dans le sang, avec la colère qui l’envahit,
Elle n’a pas le temps de pleurer l’assassinat d’un prophète,
Patrice est mort... où est un feu comme lui ?...
Il s’est éteint, puis a enflammé l’obscurité en évangile8 .
CULTIVER L’ESPOIR ET RENOUVELER LE COMBAT
Les générations de poètes qui ont suivi celle de 1948 perpétuent les thèmes de résistance et de combat en leur donnant un souffle politique nouveau. À mesure que les guerres se succèdent, que la situation des Palestiniens de 1948 se détériore, que les camps de réfugiés se multiplient et s’inscrivent dans la durée et que la colonisation de la Palestine se poursuit — en violation des résolutions de l’ONU et du droit international - les thèmes abordés renvoient à la situation intenable de tous les Palestiniens où qu’ils soient. Entre dépossession, exils forcés, conditions précaires et inhumaines dans les camps de réfugiés, emprisonnements arbitraires, massacres, faim, mort, tristesse, les textes cultivent également l’espoir comme en échos au fameux poème de Mahmoud Darwich de 1986, Nous aussi, nous aimons la vie :
Nous aussi, nous aimons la vie quand nous en avons les moyens.
Nous dansons entre deux martyrs et pour le lilas entre
En 2011, la poétesse Rafeef Ziadah, née en 1979, compose en réponse à un journaliste qui la somme d’expliquer pourquoi les Palestiniens apprennent à leurs enfants la haine, un poème intitulé Nous enseignons la vie, monsieur (« We teach life, Sir »), qu’elle récite à Londres et dont la vidéo sera amplement partagée :
Aujourd’hui, mon corps a été un massacre télévisé.
Aujourd’hui, mon corps a été un massacre télévisé qui devait tenir en quelques mots et en quelques phrases.
Aujourd’hui, mon corps a été un massacre télévisé qui devait s’inscrire dans des phrases et des mots limités, suffisamment remplis de statistiques pour contrer une réponse mesurée.
J’ai perfectionné mon anglais et j’ai appris les résolutions de l’ONU.
Mais il m’a quand même demandé : "Madame Ziadah, ne pensez-vous pas que tout serait résolu si vous arrêtiez d’enseigner tant de haine à vos enfants ?
Pause.
Je cherche en moi la force d’être patiente, mais la patience n’est pas sur le bout de ma langue alors que les bombes tombent sur Gaza.
La poésie se montre critique aussi de l’Autorité palestinienne qui après les Accords d’Oslo se montre défaillante, gère les fonds qui lui sont alloués de manière peu transparente et ne parvient pas à juguler la montée du Hamas que plusieurs poètes palestiniens, traditionnellement de gauche, déplorent. Voici un exemple d’un poème sans concessions et à l’humour corrosif, intitulé L’État de Abbas, rédigé en 2008 par Youssef Eldik (1959-) :
Celui qui n’a pas mal au derrière
Ou qui ne voit pas comment le singe se promène,
Qu’il entre dans l’État de Abbas.
Cet état est apprivoisé –
aucune autorité dans cette « Autorité »
Si un voleur ne se présente pas devant le tribunal
ils le remplacent par son voisin ou sa femme
car le gazouillis de l’oiseau sur les fils téléphoniques
résonnent comme « Hamas ! »
Notre type de justice s’applique à toutes créatures
Mais si les thèmes se perpétuent, ils prennent aussi une nouvelle dimension, notamment au sein de la diaspora palestinienne vivant en Amérique du Nord, qui désormais écrit en anglais et se met au diapason des nouvelles luttes décoloniales et écologiques internationales. Cette poésie est assez peu connue en France. Quelques poèmes ont été traduits par l’incontournable Abdellatif Laâbi dans une anthologie publiée en 2022 et consacrée aux nouvelles voix mondiales de la poésie palestinienne12. Laâbi avait déjà publié en 1970 une première Anthologie de la poésie palestinienne de combat, suivie vingt ans plus tard de La poésie palestinienne contemporaine.
Dans cette nouvelle poésie contemporaine, on notera les recueils de Remi Kanazi (1981-) poète et performer qui, dans une langue nerveuse et moderne, utilise souvent l’adresse, puise dans le langage moderne des hashtags et des réseaux sociaux, et s’inspire de la rythmique incisive du hip-hop, reprenant peut-être aussi inconsciemment les codes de la poésie arabe de ses prédécesseurs qui déclamaient leurs vers lors des festivals de poésie. Voici deux exemples de sa poésie percutante13. L’un est extrait du poème intitulé Hors saison :
mais vos proverbes ne sont pas de saison
des anecdotes plus jouées
que les contes d’un pays
sans peuple (...)
vous ne voulez pas la paix
vous voulez des morceaux
et ce puzzle
ne se termine pas
bien pour
vous
L’autre poème est intitulé Nakba :
Elle n’avait pas oublié
nous n’avons pas oublié
nous n’oublierons pas
des veines comme des racines
des oliviers
nous reviendrons
ce n’est pas une menace
pas un souhait
un espoir
ou un rêve
mais une promesse
Le thème de la terre traverse bien évidemment l’ensemble de la poésie palestinienne puisqu’elle est au cœur de la colonisation de peuplement dont ils sont victimes depuis 1948. Il est également mobilisé par des poètes de la diaspora mais sous un angle sensiblement différent. Il ne s’agit plus de revenir sur la catastrophe de 1948 pour déplorer une dépossession en des termes qui reprennent la terminologie capitaliste donc colonialiste et d’exprimer d’une volonté de réappropriation des terres. Il s’agit désormais de penser la Nakba en tant que catastrophe et lieu de rupture écologique. Cette rupture écologique a touché la Palestine en 1948 mais elle touche la Planète entière. C’est ainsi que Nathalie Handal (1969- ), dans un hommage qu’elle rend à Mahmoud Darwich, imagine ce que lui dirait le poète disparu dans une veine poétique et universelle :
Je lui demande s’il vit maintenant près de la mer.
Il répond : « Il n’y a pas d’eau, seulement de l’eau, pas de chanson, seulement de la chanson, pas de version de la mort qui me convienne, pas de vue sur le Carmel, seulement sur le Carmel, personne pour l’écouter »14.
Naomi Shihab Nye (1952- ) pour sa part décentre l’humain pour redonner force et pertinence à son propos écologiste. Dans le poème Même en guerre, elle écrit :
Dehors, les oranges dorment, les aubergines,
les champs de sauge sauvage. Un ordre du gouvernement,
Elle fait le lien entre les oranges, les aubergines, la sauge et probablement des dormeurs sans méfiance, juste avant un raid de l’armée israélienne. Et si les mains sourient, c’est probablement par dépit et pour défier les autorités coloniales et leurs décisions arbitraires. Il n’y a là aucune hyperbole, les autorités israéliennes ayant en effet interdit aux Palestiniens de 1948 de cueillir plusieurs herbes, notamment le zaatar, pour en réserver l’exploitation et la vente aux colons israéliens.
GAZA, POÉSIE ET GÉNOCIDE
Depuis octobre 2023, la poésie palestinienne est en deuil, toutefois elle reste au combat. Si la poésie française a eu son Oradour16, chanté et commémoré par des poètes comme Georges-Emmanuel Clancier (1914-2018), la poésie palestinienne ne compte plus le nombre de villages et localités dévastés depuis plus de trois mois auxquels il faut ajouter toutes les guerres et attaques infligées à la bande de Gaza depuis 1948. À la fin du second conflit mondial, le philosophe Theodor Adorno avait affirmé qu’il était impossible d’écrire de la poésie après Auschwitz. Si l’on a retenu cette affirmation, on oublie souvent qu’Adorno est plus tard revenu sur ses propos, considérant que face à l’inhumain, à l’impensable, la littérature se doit de résister.
Avec plus de 23 000 morts et 58 000 blessés dénombrés à ce jour, la littérature palestinienne perd elle aussi des hommes et des femmes. Refaat Alareer (1979-2023), professeur de littérature à l’Université islamique de Gaza et poète, avait fait le choix de la langue anglaise pour mieux faire connaître la cause palestinienne à l’étranger. Il a été tué lors d’une frappe israélienne dans la nuit du mercredi 6 au jeudi 7 décembre. Le 1er novembre il a écrit un poème traduit et publié dans son intégralité par Orient XXI et dont voici un extrait :
S‘il était écrit que je dois mourir
Alors que ma mort apporte l’espoir
Que ma mort devienne une histoire
Quelques semaines plus tôt, le 20 octobre 2023, c’est Hiba Abou Nada (1991-2023), poétesse et romancière de 32 ans, habitante de Gaza qui est tuée. Voici un extrait d’un poème, écrit le 10 octobre, quelques jours avant sa mort :
Je t’accorde un refuge
contre le mal et la souffrance.
Avec les mots de l’écriture sacrée
je protège les oranges de la piqûre du phosphore
et les nuages du brouillard
Je vous accorde un refuge en sachant
que la poussière se dissipera,
et que ceux qui sont tombés amoureux et sont morts ensemble
Poésie tragique d’une femme assiégée qui offre refuge à l’adversaire. On y retrouve le thème de la persévérance mais aussi de la générosité et de l’amour de la vie en dépit de l’adversité, des violences subies, du génocide en cours et de sa mort imminente.
Fondée en 2022 et basée à Ramallah, la revue littéraire Fikra (Idée) donne voix en arabe et en anglais aux auteurs palestiniens. Depuis le début des exactions contre la population civile de Gaza, elle a publié les poèmes de Massa Fadah et Mai Serhan. Le poème écrit par cette dernière et intitulé Tunnel met en accusation l’Occident et son hypocrisie vis-à-vis de la cause palestinienne :
Piers Morgan ne cesse de poser la question,
« qu’est-ce qu’une réponse proportionnée ? »
Dites-lui que cela dépend. Si c’est une maison
de saules et de noyers, alors c’est à l’abri des balles, un souvenir. Si c’est un mot
c’est un vers épique, et il n’y a pas
de mots pour l’enfant blessé, sans famille
qui lui survit - seulement un acronyme, une anomalie
Dites-lui que si c’est un enfant, il ne devrait
pas hanter ses rêves, l’enfant n’était
pas censé naître d’une mère, mais
d’une terre. Cet enfant est une graine, rappelez-le-lui,
la graine est sous terre, chose têtue,
plus souterraine que le tunnel.
D’autres plateformes, comme celle de l’ONG Action for Hope, s’efforce de donner voix à des poètes palestiniens qui, sous les bombes ou forcés à fuir, continuent d’écrire et de faire parvenir des textes bouleversants de vérité et de courage. À travers l’initiative « Ici, Gaza » (« This is Gaza »), des acteurs lisent des textes en arabe sous-titrés en anglais ou en français. Un livret de poèmes a été mis en ligne en arabe et anglais pour donner à cette poésie une plus grande portée en atteignant des publics arabophones et anglophones.
La poésie refuse de se résoudre à l’horreur mais aussi à tous les diktats, ceux de la langue, de la forme, de la propagande et des discours dominants. Cela a toujours été sa force quelles que soient les époques et les latitudes. Elle a résisté aux fascismes, aux colonialismes et autoritarismes et a payé ses engagements par la mort, l’exil ou la prison. De Robert Desnos (1900-1945) mort en camp de concentration à Federico Garcia Lorca (1898-1936) exécuté par les forces franquistes, de Nâzim Hikmet (1901-1963) qui a passé 12 ans dans les prisons turques à Kateb Yacine (1929-1989) emprisonné à 16 ans par la France coloniale en Algérie, de Joy Harjo (1951- ) qui célèbre les cultures amérindiennes, à Nûdem Durak (1993- ) qui chante la cause kurde et croupit en prison depuis 2015, condamnée à y demeurer jusqu’en 2034, partout où l’obscurantisme sévit, la poésie répond et se sacrifie.
On tremble pour ce jeune poète de Gaza, Haidar Al-Ghazali qui comme ses concitoyens s’endort chaque nuit dans la peur de ne pas se réveiller le lendemain, auteur de ces lignes bouleversantes :
Il est maintenant quatre heures et quart du matin, je vais dormir et je prépare mon corps à l’éventualité d’une roquette soudaine qui le ferait exploser, je prépare mes souvenirs, mes rêves ; pour qu’ils deviennent un flash spécial ou un numéro dans un dossier, faites que la roquette arrive alors que je dors pour que je ne ressente aucune douleur, voici notre ultime rêve en temps de guerre et une fin bien pathétique pour nos rêves les plus hauts.
Je m’éloigne de la peur familiale vers mon lit, en me posant une question : qui a dit au Gazaoui que le dormeur ne souffre pas ?18
MERYEM BELKAÏD
Professeur associé en études francophones et postcoloniales à Bowdoin College aux Etats-Unis.
Quatre mois après les massacres du Hamas, le double standard à l’œuvre en Palestine historique catalyse un effondrement moral et politique mortifère. Une réalité qui affleure aussi dans l’hommage prévu mercredi par Emmanuel Macron aux victimes franco-israéliennes.
ImmédiatementImmédiatement après avoir été alertés sur des accusations de participation à des massacres de civils d’une ampleur inédite, les pays occidentaux réagissent d’une voix quasi unanime : désolidarisation publique vis-à-vis de ceux qui auraient laissé agir consciemment ou non les meurtriers, sanctions financières lourdes prises sans délais, déclarations empreintes de sévérité et de solennité…
Cette réaction forte n’est pas une riposte à la mort de dizaines de milliers de civils dans la bande de Gaza, dont une grande majorité de femmes et d’enfants. Ni à ces bombardements qui frappent depuis des semaines le sud d’une enclave où se sont réfugiées des centaines de milliers d’habitant·es du nord du territoire, à la demande même de ceux qui les massacrent aujourd’hui.
Elle est une réponse à un rapport émanant du gouvernement israélien dont les détails demeurent inconnus, mais qui indiquerait qu’une dizaine des 13 000 employé·es de l’UNWRA (l’agence de l’ONU chargée des réfugié·es palestinien·nes) à Gaza aurait participé aux attentats du 7 octobre. Ils ont aussitôt été mis à pied par l’agence et l’ONU a annoncé l’ouverture d’une enquête. Certains des éléments de l’accusation ont été mis en question par plusieurs enquêtes émanant d’organes de presse sérieux, notamment SkyNews et Channel 4.
Les investigations sur les agissements de personnels travaillant pour une agence de l’ONU, dont dépendent des millions de Palestinien·nes, sont évidemment nécessaires. Toutefois, mise en regard de la passivité politique et de l’absence de sanctions vis-à-vis d’un gouvernement israélien aujourd’hui responsable de la mort de bientôt 30 000 êtres humains en quatre mois, cette décision est un nouveau signe du double standard mortifère à l’œuvre en Palestine historique.
Dans le monde post-7 octobre, on peut ainsi promettre le tombeau et l’indifférence à des milliers de civils palestiniens en suspendant les financements d’un des derniers organismes à permettre leur survie, comme l’ont fait en particulier les États-Unis, l’Italie, l’Australie, le Canada, la Grande Bretagne, la Finlande, l’Allemagne ou le Japon…
L’alignement de la France
La France a louvoyé en annonçant, dimanche 28 janvier, qu’elle « n’a pas prévu de nouveau versement au premier trimestre 2024 et qu’elle décidera le moment venu de la conduite à tenir en lien avec les Nations unies et les principaux donateurs ». Quelques rares pays ont refusé de se joindre à l’hallali dévastateur, à l’instar de l’important contributeur qu’est la Norvège.
Cette suspension des financements de l’agence qui assure les besoins primaires de millions de Palestiniens et de Palestiniennes, dans une bande de Gaza où la famine et les maladies d’un autre âge rôdent, mais aussi de réfugié·es dans de nombreux pays de la région, n’est en effet pas seulement une catastrophe humanitaire.
Elle constitue le prolongement d’une punition collective menée par un gouvernement israélien extrémisé qui détruit la Palestine, menace son propre pays d’effondrement moral et politique et achève d’exposer les failles et les faillites des organisations internationales et du droit du même nom.
Pour le formuler comme le chroniqueur marqué à gauche Gideon Levy dans un article récent du journal israélien Haaretz, titré sur les 11 500 enfants morts à Gaza depuis le début de la guerre, « aucune explication, aucune justification ou excuse ne pourra jamais dissimuler cette horreur. Ce serait mieux si la machine de propagande israélienne n’essayait même pas de le faire […]. Une horreur d’une telle ampleur n’a d’autre explication que l’existence d’une armée et d’un gouvernement dépourvus de toute frontière fixée par la loi ou la morale ».
La France, à sa manière, contribue à ce double standard. Ainsi, lors de sa conférence de presse du 16 janvier, Emmanuel Macron a annoncé qu’un hommage national serait rendu aux victimes françaises des massacres du Hamas le mercredi 7 février. Que le président de la République souhaite honorer la mémoire de « 41 de sesenfants » tués dans ces attaques et rappelle le sort des trois otages ayant la nationalité française qui se trouvent encore à Gaza est bien sûr légitime.
Mais peut-on raisonnablement croire que parmi les 27 000 Palestiniennes et Palestiniens morts depuis le début de la guerre à Gaza, aucun·e ne dispose de la nationalité française et ne mériterait ni hommage ni pensée ? Sans même parler de l’idée de distinguer les mémoires des vies brisées en fonction de leur nationalité…
Lundi 5 février, au détour d’une question posée lors d’un briefing avec des journalistes, l’Élysée a tenté un vague numéro d’accrobranche de dernière minute en annonçant, de façon floue, qu’un « temps mémoriel » serait consacré à une date ultérieure – non fixée – aux « victimes françaises des bombardements à Gaza ».
Et que dire du fait que sur les façades de nombreuses mairies de notre pays, on puisse encore lire des banderoles demandant légitimement la libération des otages aux mains du Hamas, mais toujours sans un mot pour les victimes palestiniennes ?
Le massacre en cours à Gaza n’autorise en aucun cas à réduire la souffrance et le trauma d’Israël à portion congrue, qu’il s’agisse de la réactivation mémorielle d’une inquiétude existentielle ou du sort des otages. Mais le massacre commis par le Hamas et d’autres groupes armés palestiniens ne peut plus être un blanc-seing pour détourner le regard du sort des Gazaouis, considérés comme des « animaux humains » ou des terroristes en puissance par le gouvernement israélien. Et comme des dommages collatéraux par la plupart des gouvernements occidentaux.
L’attitude du gouvernement français, sans apporter de soutien aussi inconditionnel que celui des États-Unis ou de l’Allemagne au gouvernement israélien, est soit hypocrite, soit complice. Les déclarations d’Emmanuel Macron et de ses allié·es – dont la présidente de l’Assemblée nationale Yaël Braun-Pivet, qui s’est rendue en Israël à l’automne dernier – l’ont prouvé ces derniers mois.
Plus récemment, les diplomates n’ont pas manqué de remarquer que le ministre des armées Sébastien Lecornu s’est rendu deux fois en Israël, laissant l’impression que le militaire primait sur le Quai d’Orsay. Et quand l’actuel ministre des affaires étrangères Stéphane Séjourné se rend finalement à Tel-Aviv et à Ramallah, lundi 5 février, en demandant pour Gaza le « respect du droit humanitaire, un cessez-le-feu durable et une entrée massive de l’aide », c’est après avoir refusé de considérer qu’il pourrait y avoir un « génocide », avant même la décision rendue par la Cour internationale de justice sur ce sujet.
Dans le champ de mines émotionnel et politique que constitue la séquence ouverte le 7 octobre dernier, le droit international devrait pourtant constituer la principale boussole. Or, non seulement les pays dits occidentaux y renoncent en grande majorité mais, comble du cynisme pour les Palestinien·nes au supplice, l’inefficacité de son application fait qu’il ne peut jouer véritablement ce rôle.
Pour le dire comme l’historien israélien Ilan Pappe dans un texte récent, « historiquement, le langage et les définitions utilisés par la CIJ dans son premier arrêt constitueront une énorme victoire symbolique sur la voie de la libération de la Palestine. Mais ce n’est pas pour cette raison que l’Afrique du Sud s’était adressée à la CIJ. L’Afrique du Sud voulait que la Cour mette fin au génocide. Par conséquent, d’un point de vue opérationnel, la CIJ a perdu une occasion d’arrêter le génocide, principalement parce qu’elle a continué à traiter Israël comme une démocratie et non comme un État voyou ».
La CIJ a en effet renoncé à demander la mise en œuvre d’un cessez-le-feu immédiat dans sa décision rendue le 26 janvier dernier à La Haye, tout en ordonnant à Israël de prendre des mesures conservatoires visant à protéger le peuple palestinien d’« un risque réel et imminent d’un préjudice irréparable. »
Le processus génocidaire, une réflexion qui évolue
La qualification de « génocide » – ou le refus de le faire – pour désigner ce qui se passe à Gaza a déjà fait couler tellement d’encre qu’on hésite à en rajouter encore. Tout a été dit de la différence entre la qualification juridique et l’usage politique qui pouvait en être fait, comme de la difficulté de déterminer « l’intentionnalité » qui sépare les crimes de génocide des crimes contre l’humanité, davantage que la nature des actes commis.
Cependant, les audiences de la CIJ, retransmises en direct à la télévision, ont obligé Israël à regarder en face de quoi le pays était accusé. Sans entraîner une remise en cause de la guerre à Gaza, mais sans nier qu’il existe parmi une bonne partie du gouvernement et de la population israélienne un clair désir de nettoyage ethnique à l’encontre des Palestinien·nes, avec une intentionnalité relevant de politiques génocidaires, ces audiences enclenchées par le pays de Nelson Mandela ont malgré tout résonné fortement dans le pays.
On a ainsi pu lire un passionnant article décortiquant les raisons pour lesquels les Israélien·nes se pensaient, à tort, immunisé·es contre l’accusation de génocide, en rejoignant certaines thèses contestées de l’historien Daniel Jonah Goldhagen. Dans son ouvrage intitulé Les Bourreaux volontaires de Hitler. Les Allemands ordinaires et l’Holocauste, publié en 1996, ce dernier jugeait que la Shoah s’était fondée sur un antisémitisme « éliminationniste » très ancien et profondément ancré dans quasiment toute la société allemande.
La possibilité de commettre un génocide paraissait, selon cette thèse, difficile à envisager comme un basculement de personnes lambda, mais plutôt comme un long processus de haine attisé par les années.
Au contraire, l’ouvrage de Christopher Browning, Des hommes ordinaires. Le 101e bataillon de réserve de la police allemande et la solution finale en Pologne, paru en 1992, montrait, comme l’historiographie aujourd’hui dominante, que des traumas historiques et des politiques étatiques pouvaient facilement faire basculer une civilisation « normale » dans des crimes inhumains. L’article d’Haaretz conclut qu’il fallait se situer du côté de Browning pour comprendre pourquoi le peuple israélien n’était pas vacciné contre le risque de commettre un génocide, mais aussi pourquoi il demeurait en mesure de l’éviter.
Honorer les morts, réparer les vivants
Dans ce contexte où le droit international s’avère impuissant à protéger la population de Gaza, tout geste ajoutant à une mortifère concurrence des victimes, alors même que la guerre actuelle est chargée d’une rivalité entre la mémoire de la Shoah et celle de la colonisation, une sensibilité inégale aux deux pires événements du XXe siècle, ne fait alors qu’empirer les choses, quelles que soient les intentions qui le motivent.
Et dans ce contexte où, plus profondément, l’humanité s’effondre sous nos yeux, l’action politique se compromet et le droit international ne nous est d’aucun secours, que reste-t-il alors à faire pour honorer les morts et réparer les vivants ?
On peut et doit sans doute d’abord dire et redire le caractère inédit, en termes de siège et de piège, de ce qui est en train de se passer à Gaza. On connaît, certes, maintes situations où le ratio de morts par jour a été pire : plus de 800 000 Tutsis tués en cent jours au Rwanda au printemps 1994 ; plus de 200 000 personnes exécutées en six semaines par les troupes japonaises à Nankin à partir de décembre 1937 ; plus de 150 000 morts dans le bombardement d’Hiroshima en août 1945 ; plus de 100 000 morts en quelques mois lorsque les troupes russes s’en prennent à Grozny en 1999…
Néanmoins les dégâts humains et matériels dans l’enclave palestinienne sont désormais comparables aux pires exemples de l’histoire, que ce soit Dresde avec 25 000 tués en février 1945 ou Marioupol avec plus de 20 000 morts pendant un siège de trois mois.
L’argument israélien, difficile à entendre pour quiconque regarde les images qui nous parviennent encore de Gaza, repose sur des prémisses discutables et une stratégie qui l’est tout autant. Pour Israël, les morts de Gaza sont des complices du Hamas, des boucliers humains de ses chefs ou, au pire, des dégâts collatéraux d’une guerre totale contre un ennemi caché dans un territoire densément peuplé et urbanisé.
Il est sans doute vrai, dans une perspective anthropologique, que tuer au corps à corps ou brûler vif des êtres humains, comme ce fut le cas le 7 octobre, n’a pas la même signification que de déclencher une frappe depuis un char, un avion ou la salle de commande d’un drone, même si l’on annihile, ce faisant, une famille entière.
Mais il est tout aussi vrai, d’un même point de vue anthropologique, que les vies palestiniennes et israéliennes se valent et qu’à ce compte, l’opprobre vis-à-vis d’Israël ne peut que légitimement monter en flèche au fur et à mesure que les tueries de Palestinien·nes continuent.
Officiellement, les massacres en cours à Gaza n’ont pas pour but d’anéantir une population, mais de démanteler le commandement militaire du Hamas. Mais outre que celui-ci n’a toujours pas été éliminé après quatre mois de guerre, les études sur les effets des bombardements sur les populations civiles montrent que ceux-ci ne produisent aucune désolidarisation vis-à-vis de leurs gouvernants.
Même quand ces derniers règnent et par l’adhésion et par la peur. Et même lorsqu’ils sont accusés par ceux qui les bombardent d’être les responsables des bombes qui touchent les populations civiles.
C’est en réalité le contraire qui se produit le plus souvent, en renforçant le rejet par les bombardé·es de ceux qui les tuent depuis le ciel. C’est en tout cas ce qui ressort aussi bien du travail du politiste Robert Pape, dont le livre Bombarder pour vaincre (La Documentation française, 2011 pour la traduction française d’un ouvrage initialement publié en 1996) fondé sur l’étude de trente-trois campagnes aériennes allant du Japonen 1944-1945 jusqu’à l’Irak en 1991, comme de celui de l’historien Thomas Hippler dans son ouvrage intitulé Le Gouvernement du ciel. Histoire globale des bombardements aériens (Les Prairies ordinaires, 2014).
Bien qu’il soit probable que la rancœur vis-à-vis du Hamas augmente en ce moment dans la bande de Gaza, au vu des destructions humaines et matérielles, et sachant que le mouvement avait perdu beaucoup de sa popularité avant le 7 octobre, il y a cependant de fortes chances que ce cadre général ne soit pas remis en cause dans le cas de Gaza.
Les atrocités commises en ce moment portent donc en germe des abysses susceptibles d’engloutir non seulement encore des milliers de vies palestiniennes, mais aussi l’équilibre du Proche-Orient et jusqu’à la légitimité même d’Israël à exister, dont on sent qu’elle s’effrite au-delà du cercle de celles et ceux qui n’ont jamais accepté l’idée d’un foyer juif refuge en Palestine dans les frontières de 1967. Et ce, au moment même où les actes antisémites explosent partout dans le monde…
Un grand nombre d’Algériens ne renieraient pas le slogan : « Avec la Palestine, qu’elle ait tort ou raison », lancé par l’ancien président Houari Boumédiène. Mais ils sont désormais sans voix, mal représentés par un pouvoir frileux qui ne pèse plus sur la scène internationale.
Le président palestinien Mahmoud Abbas (2e à gauche) rencontrant le président algérien Abdelmadjid Tebboune (2e à droite) et le chef du Hamas Ismail Haniyeh (à droite) lors du 60e anniversaire de l’indépendance de l’Algérie, le 5 juillet 2022 à Alger.
Thaer Ghanaim/PPO/AFP
Alger, ville où l’Etat de Palestine a été proclamé le 15 novembre 1988. Alger la « Mecque des révolutionnaires », selon la formule du leader indépendantiste de Guinée-Bissao Amilcar Cabral rappelée régulièrement, non sans nostalgie. Mais la ville blanche est condamnée au silence depuis le début de la guerre génocidaire sur Gaza, et l’intensification de la colonisation et de la répression en Cisjordanie.
Dans « l’Algérie nouvelle », slogan du régime censé le différencier de l’ère Bouteflika (de 1999 à 2019), les autorités ont rétabli de fait l’interdiction absolue de manifester qui avait été décrétée par un simple communiqué du gouvernement de la présumée « vieille Algérie » en 2001, après qu’une manifestation dans la capitale ait tourné à l’émeute.
Déstabilisé par le caractère non-violent des manifestations du Hirak entamées le 19 février 2019 et ayant conduit à la démission du président Abdelaziz Bouteflika, le régime a profité de la cessation des manifestations pour cause de Covid en mars 2020 pour se lancer dans une répression tous azimuts.
PAS DE MARCHE EN SOLIDARITÉ
Sans aucune gêne, les autorités ont mobilisé l’appareil judiciaire pour étouffer toutes les libertés, à commencer par le droit de manifester. « L’espace civique a été si sévèrement restreint par les autorités que même les quelques libertés acquises depuis les années 1990 ont été annihilées », souligne Ziad Abdel Tawab, vice-président de l’Institut du Caire pour les études des droits de l’homme, cité par Human Rights Watch.
Le 13 octobre 2023, alors que la guerre sur Gaza tourne déjà au grand carnage, des tentatives de marche de soutien aux Palestiniens sont réprimées sans ménagement, le pouvoir excipant de son soutien à la cause palestinienne pour laisser entendre qu’il n’y avait pas besoin de manifester. Mais la frustration et l’exaspération sont perceptibles sur les réseaux sociaux, où l’on ne se prive pas de relever qu’au Maroc, pays qui a normalisé ses relations avec Israël, d’imposantes manifestations ont pu avoir lieu.
Abderrezak Makri, ancien président du Mouvement de la société pour la paix (MSP) proche des Frères musulmans a pour sa part appelé à manifester mais s’est fait embarquer par les forces de l’ordre. Dans une vidéo, il s’insurge contre cette interdiction de manifester pour la Palestine qui va, selon ses mots, « à l’encontre des valeurs algériennes ». Il invite aussi le pouvoir à organiser lui-même les manifestations : « Sortez et on sera derrière vous ! On ne cherche pas le leadership sur le dos de la noble cause palestinienne ! » L’appel est entendu, et le 19 octobre 2023, des manifestations fermement encadrées mais néanmoins très suivies par des Algériens voulant marquer leur solidarité avec Gaza, sont organisées dans tout le pays. Mais il n’y en aura pas d’autres.
UN APPUI SANS CONSISTANCE
Neuf jours plus tard, Makri publie un message amer sur X (anciennement Twitter) :
Les peuples manifestent actuellement dans les différentes villes du monde en cette nuit terrible où les gens de Gaza sont exterminés, et où des héros se sacrifient pour leur pays et pour Al-Aqsa… Et voilà notre capitale silencieuse, soumise, le régime a réussi à apprivoiser tout le monde, félicitations !
L’islamiste Abderrazak Makri, également secrétaire général du Kuala Lumpur Forum for Civilizational Thought1 et candidat putatif à la présidentielle algérienne de décembre 2024, est loin d’être un opposant radical. Il découvre néanmoins le 28 novembre 2023 qu’il fait l’objet d’une interdiction de sortie du territoire national (ISTN), la nouvelle arme utilisée, souvent en dehors des règles du droit, pour empêcher les opposants de quitter le pays.
Sur son site internet, il impute cette « agression officielle » à son soutien à la cause palestinienne. Ce n’est sans doute pas la seule raison, mais le sujet palestinien est sans aucun doute source de malaise pour le régime. Officiellement, l’Algérie ne transige pas : le Hamas est un mouvement palestinien de résistance nationale légitime face à l’occupation, et le pays rejette toute normalisation avec Israël. Mais dans les faits, au-delà des tentatives – vaines - de ressouder les liens entre le Fatah et le Hamas, et le paiement régulier d’une contribution financière à l’Autorité palestinienne, le soutien de l’Algérie est sans consistance.
UNE AURA PERDUE
Sur les réseaux sociaux, restés de fait le seul espace d’expression relativement libre, beaucoup d’Algériens ne sont pas surpris de voir que c’est l’Afrique du Sud et non leur pays qui saisit la Cour Internationale de justice (CIJ) en raison du génocide en cours à Gaza. Si les compétences pour mener une telle saisie ne manquent pas, l’Algérie a néanmoins perdu de son aura politique au niveau international. La « Mecque des révolutionnaires » a cessé d’être la grande référence du tiers-monde2.
Pour beaucoup d’Algériens, la cause est entendue : si l’Afrique du Sud « ose » porter la cause palestinienne devant la CIJ, cela tient fondamentalement au fait qu’elle est une démocratie incontestable, capable d’agir en conformité avec son histoire, sans tenir compte des réprobations américaines et occidentales.
Tout comme d’autres régimes dits « progressistes » du monde arabe, supplantés par les monarchies au sein de la Ligue arabe, Alger a raté une sortie par le haut du système autoritaire mis en place à l’indépendance. Le décalage entre les grandes ambitions de la révolution algérienne et la terne réalité d’un régime autoritaire était déjà béant avec les émeutes de la jeunesse d’octobre 1988 ; il est devenu abyssal avec la guerre civile des années 1990. Durant cette période de repli, l’action politique à l’extérieur s’est limitée à essayer de sauver l’image passablement dégradée du régime, tandis que la question du Sahara occidental devenait plus que jamais l’axe central de la diplomatie, supplantant de fait la cause palestinienne.
Choisi par les militaires en 1999, notamment pour redorer l’image de l’Algérie à l’étranger, Bouteflika voyage beaucoup, parle beaucoup. Mais l’effet retombe vite. À partir de 2012, le pays est devenu aphone avec un président malade, incapable de s’exprimer et maintenu au pouvoir contre le bon sens. Cette période de grande déprime accentue l’absence de l’Algérie au plan international. Le pays revient sur le devant de la scène en 2019 avec le Hirak, tranchant par son pacifisme avec une tradition de contestation violente. Cependant, l’opportunité d’opérer un changement réel est rejetée par les élites au pouvoir.
Même si les médias mis au pas brodent sur le « grand retour de l’Algérie » sur la scène internationale, les revers diplomatiques s’accumulent : candidature rejetée pour l’adhésion au groupe des BRICS3 malgré un périple du président Abdelmadjid Tebboune à Moscou et Pékin, échec du bras de fer engagé durant 19 mois avec Madrid après l’alignement de Pedro Sanchez sur le Maroc sur la question du Sahara Occidental, relations devenues difficiles avec les voisins du Sahel, le Mali et le Niger…
DERRIÈRE L’EMPHASE, LE PROFIL BAS
Le régime algérien navigue à vue entre la Russie, la Chine et les États-Unis sans qu’aucune vision n’émerge. La volonté de ne pas s’aliéner Washington est, au-delà des discours nationalistes à consommation interne, d’autant plus évidente que le lobby pro-israélien favorable au Maroc peut causer de sérieuses nuisances. Beaucoup s’étonnent aussi des balades dans le pays très médiatisées sur les réseaux sociaux de l’ambassadrice américaine alors que Gaza est sous les bombes.
Il s’agit de ne pas faire de vagues vis-à-vis des États-Unis, surtout que l’allié russe présumé n’a pas évité à l’Algérie la déconvenue du rejet de sa demande d’adhésion aux BRICS. L’échec a été d’autant plus ressenti par le pouvoir que l’adhésion, considérée comme acquise, a été présentée par les médias du régime comme la « confirmation » du grand retour de l’Algérie sur la scène internationale. « L’allié » russe maintient au demeurant de bonnes relations - notamment commerciales - avec le Maroc. Il apporte également un appui concret, via le groupe Wagner, à la junte militaire au Mali, dont les rapports se sont grandement dégradés avec l’Algérie4.
Le géographe Ali Bensaad souligne dans un billet de blog5 le rôle des Émirats arabes unis dans les difficultés que connaît l’Algérie avec ses voisins du Sahel. Selon lui, Abou Dhabi alimente un « nouveau front militaire » au Sahel où l’influence algérienne est en « net recul », le but étant « d’ouvrir la voie à une reconfiguration des alliances notamment au profit du Maroc et d’Israël ».
Il n’est pas surprenant dès lors que, sur la question palestinienne, c’est le profil bas qui domine. Khaled Satour, juriste au regard critique, relevait sur son blog que l’Algérie s’est abstenue au Conseil de sécurité sur la résolution soumise le 10 janvier 2024 par les États-Unis pour légitimer les attaques contre les houthis, dont l’action à haut risque s’avère être le soutien le plus concret aux Palestiniens à Gaza. Il souligne :
L’intervention [du représentant de l’Algérie] a été d’une inconsistance remarquable, usant de circonlocutions « diplomatiques » à peine compréhensibles pour exprimer sa désapprobation de la coalition militaire montée avec dix autres pays par les États-Unis contre le mouvement yéménite, en évitant soigneusement d’évoquer la situation à Gaza ; et qui s’est contentée d’une abstention alors qu’un vote négatif, s’il n’empêchait pas l’adoption de la résolution, aurait du moins signifié une opposition politiquement significative.
Le journaliste Nadjib Belhimer note aussi sur sa page Facebook qu’un vote négatif de l’Algérie n’aurait pas eu d’incidences mais « qu’il a un coût politique que les autorités algériennes ne sont pas prêtes ou capables d’assumer ». Le vrai problème, souligne-t-il, est le fossé entre un discours officiel à consommation interne qui met la barre haut et la réalité : « Pour la millième fois : arrêtez la propagande qui ne sert à rien et retrouvez la vertu de vos anciens qui agissaient beaucoup et parlaient peu ».
Au lendemain des brillantes plaidoiries sud-africaines à la CIJ, l’écrivain Amin Khan a écrit sur sa page Facebook :
Hier, l’Algérie combattante a été décisive dans la libération de l’Afrique sous domination coloniale. Aujourd’hui, l’Afrique du Sud est décisive dans la libération du peuple palestinien et des autres peuples de la Région sous domination coloniale ou néocoloniale.
En répondant en exclusivité à Orient XXI, le secrétaire national du PCF livre une analyse du conflit renvoyant dos-à-dos gouvernement israélien et Hamas. Le député du Nord exhorte la France à sortir de son effacement sur un sujet que le président qualifiait il y a peu - nous révèle-t-il - de second rang. Il parle ici de ce qui divise la gauche : le terrorisme, l’apartheid israélien, la solidarité avec la Palestine.
Orient XXI -Depuis le 7 octobre, un débat autour du Hamas traverse la gauche. Si tout le monde s’accorde au PCF pour parler d’attaques terroristes, il y a des divergences d’analyse pour le qualifier de mouvement terroriste. Peut-on interdire un mouvement qui représente près de la moitié des Palestiniens ?
Fabien Roussel - Tout le monde ne qualifie pas les actes du 7 octobre d’attaques terroristes et je le regrette. Et je dis, avec la même force, qu’elles ne justifient en rien les bombardements massifs et incessants sur Gaza. Pour gagner la paix, il faut cesser le deux poids deux mesures de tout côté. Quiconque affirme porter une perspective de paix doit également dire sans ambiguïté que ce que subit le peuple palestinien à Gaza et dans les territoires occupés est une blessure pour l’humanité, aussi atroce que les crimes commis le 7 octobre. Ma conviction est que le gouvernement d’extrême-droite de Nétanyahou ou le Hamas, quel que soit leur poids dans leurs opinions respectives, ne permettront pas de trouver une solution politique à ce conflit, car tous deux sont opposés à la coexistence pacifique des deux peuples au sein de deux États.
POUR EMMANUEL MACRON, UN CONFLIT DE « SECOND RANG »
OXXI. -Il y a aussi un grand abandon de Gaza et des Palestiniens, par l’Union européenne, ainsi que par une partie du monde arabe avec les accords d’Abraham. Que faut-il faire pour remettre la question palestinienne au centre du jeu ?
F. R.- Quand le président de la république a réuni les chefs de partis à Saint-Denis le 28 août 2023, bien avant le 7 octobre, cela a duré treize heures au total, dont trois heures de discussions préliminaires sur la situation internationale, l’Ukraine, l’Arménie... À la fin de cet échange, alors que le Président voulait enchainer le débat sur la situation française, je l’ai arrêté et j’ai dit : « Monsieur le Président, il faut parler de la Palestine. La France s’honorerait de prendre une initiative politique pour remettre cette question au cœur de l’actualité internationale car je crains une explosion, c’est terrible ce qui se passe là-bas ». Le Président a balayé ma demande d’un revers de main en disant que cette guerre était un conflit de « second rang », pour reprendre son expression, et que même les pays arabes ne mettaient plus la question palestinienne au rang de leurs priorités, alors pourquoi la France le ferait-elle ? Je regrette ce choix des pays arabes et des États-Unis, mais je regrette tout autant la position de la France, qui n’était pas obligée de s’aligner sur le sujet.
OXXI. - Le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes et à résister se discute-t-il ? Aucune guerre de libération n’a été exempte de l’utilisation d’actions terroristes si l’on définit celles-ci comme des attaques contre les civils. Cela a été notamment vrai en Algérie, au Vietnam…
F. R.- Je ne suis pas d’accord. Je ne suis pas historien, et je ne veux pas parler à leur place, mais j’ai demandé aux historiens du parti communiste de me sortir les archives pour vous répondre. Le parti communiste français (PCF) a défendu et soutenu le FLN et s’est battu pour la décolonisation de l’Algérie et son indépendance1. Les rares fois où il y a eu des civils délibérément tués, nous nous en sommes désolidarisés. Que ce soit en Algérie, que ce soit au Vietnam, des peuples colonisés ont fait le choix de recourir à la lutte armée pour s’en prendre à une armée mais pas aux civils. Ils n’ont pas organisé des viols, ils n’ont pas délibérément tué des enfants, ils n’ont pas froidement assassiné des civils désarmés par centaines. Quand j’entends, parfois, que le terrorisme c’est l’arme du pauvre, je me soulève contre cette idée. Je ne la partage pas du tout.
Après je ne suis pas dupe de l’usage du mot terrorisme, et je sais aussi que les États-Unis sont les premiers à en abuser. Ils l’ont posé sur le front de Nelson Mandela quand il était en prison, mais ensuite ils sont allés pleurer sur sa tombe. Ils l’ont posé sur le keffieh de Yasser Arafat, puis ils l’ont accueilli à la Maison-Blanche. Aujourd’hui ils font de Cuba un pays terroriste parce qu’il a accueilli les négociateurs de la paix en Colombie. Je connais la charge politique de ce mot. Mais pour nous communistes, qui sommes le parti de la Résistance, nous ne confondrons jamais le combat pour la libération et l’indépendance d’un peuple et des actes de barbarie qui s’en prennent délibérément à des civils.
OXXI. -L’Afrique du Sud a porté devant la Cour internationale de justice (CIJ) une plainte contre Israël pour « actes de génocide contre le peuple palestinien à Gaza ».
F. R.- Je ne crains pas d’employer les mots de « risque génocidaire ». Plus de trente rapports d’organisations des Nations unies parlent très précisément de « risque génocidaire ». La saisine de la Cour internationale de justice par l’Afrique du Sud, un pays qui a réussi à mettre fin à l’apartheid est, outre sa portée symbolique, une excellente initiative. C’est peut-être le moyen de faire prendre conscience à de nombreux pays, notamment ceux de l’Union européenne et les États-Unis, qu’ils pourraient par leur silence être complices de crimes. Ce peut être aussi à court terme un des moyens d’imposer un cessez-le-feu.
Pour ces deux raisons, je salue cette initiative, d’autant que les propos de ministres racistes et suprémacistes israéliens appelant à éliminer le peuple palestinien, traitant les Palestiniens d’animaux doivent nous faire mesurer l’extrême gravité de ce qui se déroule en ce moment dans cette région du monde, et donc du devoir qui est le nôtre de mobiliser nos compatriotes. Il ne peut plus y avoir deux poids deux mesures et d’indignation sélective en matière de droit international.
OXXI. -Plusieurs pays accusent l’Occident et donc la France d’être dans une logique de deux poids deux mesures. Que répond-t-on au président colombien Gustavo Petro, pour qui l’Afrique du Sud incarne désormais le triptyque Liberté, Égalité, Fraternité, ce qui est assez vexant pour la France.
F. R.- Ce n’est pas vexant, c’est une réalité. J’ai aussi interpellé le président de la république à ce sujet, en lui disant que la France s’honorerait d’établir des passerelles diplomatiques globales, car c’est notre histoire. Le PCF a demandé au président de reconnaitre l’État de Palestine, comme l’a fait l’Espagne, pour faire un pas supplémentaire, mais il s’y refuse.
POUR LA SUSPENSION DES ACCORDS ENTRE L’UNION EUROPÉENNE ET ISRAËL
OXXI. - Quel doit être le message de la gauche sur Israël-Palestine aux élections européennes de juin prochain ? On sait qu’Israël est associé à l’Union européenne par de nombreux accords.
F. R.- Je crains l’embrasement généralisé et le chaos dans cette région du monde. La paix ne viendra ni du gouvernement Nétanyahou ni du Hamas. Il faut un cessez-le-feu, une solution à deux États. Ce sont les Nations unies qui ont imposé la création de l’État d’Israël. Ce qui a pu être fait en 1948 peut être fait aujourd’hui pour imposer un État palestinien aux côtés d’un État israélien dans les frontières de 1967, avec Jérusalem-Est comme capitale et la décolonisation de la Cisjordanie. C’est parce qu’il manque une perspective politique que la guerre se poursuit. La liste conduite par Léon Deffontaines aux élections européennes portera cette exigence de cessez-le-feu, de libération des otages et de sanctions économiques européennes contre Israël par la suspension de l’accord d’association UE-Israel tant que les bombardements contre Gaza n’auront pas pris fin, et appellera à une solution à deux États. Je le dis parce que tout le monde ne le dit pas.
OXXI. -L’usage du mot apartheid à propos d’Israël a été largement porté par votre parti, notamment par le député Jean-Paul Lecoq, dans une résolution au Parlement que vous avez votée, puis dans une résolution à votre Congrès. Pourtant, un de vos proches Christian Picquet conteste son usage.
F. R.- La résolution du parti porte sur la dénonciation d’un régime d’apartheid à l’encontre du peuple palestinien. En Cisjordanie c’est très concret. Il y a deux catégories de résidents là-bas : des colons qui ont tous les droits, et des colonisés qui n’en ont aucun. Les colonies sont des havres de paix, mais les villes palestiniennes juste à côté vivent l’enfer, les maisons y sont détruites, et les oliveraies y sont saccagées. Donc ne craignons pas d’utiliser ce mot d’apartheid pour caractériser ce qui se passe en Cisjordanie. Mais ce n’est pas le cas en Israël, où des députés communistes et arabes côtoient des élus d’extrême droite…
OXXI. - Pourtant ils se font menacer d’être expulsés de la Knesset. Vous venez d’ailleurs d’en rencontrer quelques-uns en visite en France.
F. R.- Certes mais ils sont élus au Parlement, ce n’est pas une petite nuance. Les communistes israéliens m’ont alerté sur la pression qu’ils subissent de la part du gouvernement. Ainsi, le député Ofer Cassif est menacé d’expulsion de la Knesset pour avoir soutenu l’Afrique du Sud dans sa démarche. Là encore, la France et l’Union européenne ne peuvent pas rester silencieuses. Le drame c’est que la gauche israélienne partisane de la solution à deux États est extrêmement affaiblie. Le drame c’est que ceux qui défendent au sein de l’OLP un État de Palestine libre, laïque et démocratique sont très affaiblis eux aussi. Malgré tout, nous resterons aux côtés des partisans d’une solution à deux États, Israéliens comme Palestiniens, et nous combattrons l’annexion de la Cisjordanie par l’État d’Israel, comme le porte l’extrême droite israélienne. Cependant nous combattrons aussi le projet d’un État islamiste porté par le Hamas qui est une terrible menace pour le peuple palestinien lui-même.
OXXI. –En Israël, les manifestations de la société civile ont repris ces derniers jours. La question de la libération des otages est au cœur de ces protestations, et on a l’impression d’un pays, vous avez employé le mot tout à l’heure, au bord du chaos.
F. R.- J’ai rencontré il y a quelques jours un réserviste israélien sur un plateau de télévision. Je ne partage pas tout ce qu’il a dit mais il fait partie de ces centaines de milliers d’Israéliens qui ont manifesté pendant des semaines contre le gouvernement de Nétanyahou…
OXXI. -Il fait aussi partie de ces Israéliens qui tuent des Palestiniens à Gaza.
F. R.- Je pense qu’il ne faut pas avoir une vision simpliste, en noir et blanc de ce qui se passe là-bas. Je me garderai de juger qui que soit. Si des Palestiniens disent aujourd’hui que le Hamas n’est pas une organisation terroriste, et si un soldat israélien dit je suis allé là-bas mais je combats Nétanyahou, je ne me permettrais pas de les juger, même si j’ai un point de vue différent. Le point de convergence avec ce réserviste israélien, c’est quand il dit : "tant qu’il n’y aura pas de perspectives politiques, la guerre continuera".
OXXI. - Vous comprenez qu’aujourd’hui pour beaucoup de Palestiniens, le Hamas est en train de faire bouger les lignes…
F. R.- Je ne suis pas à leur place, c’est eux qui prennent les bombes. Et c’est le peuple israélien qui a été meurtri dans sa chair. J’ai lu cette autrice franco-israélienne, Laura Moses-Lustiger. Elle dit que la souffrance israélienne la rend aveugle à celle des Palestiniens. Je me garde de porter des jugements sur les uns et sur les autres.
L’ACCUSATION D’ANTISÉMITISME, « UNE ARME AFFREUSE, HORRIBLE, INDÉCENTE »
OXXI. -L’antisémitisme est un combat historique du Parti communiste français depuis les années 1950. Mais comment décorréler la lutte contre ce fléau des amalgames entre antisémitisme et « antisionisme », mot pratiquement criminalisé mais jamais clairement défini.
F. R.- La lutte contre l’antisémitisme est dans nos gênes. La loi Gayssot qui pénalise le racisme et l’antisémitisme a été écrite par un communiste. C’est une des raisons pour lesquelles nous avons fait le choix de marcher le 12 novembre 2023 contre l’antisémitisme, même si cette marche était pleine de pièges et que j’en ai voulu aux présidents des deux chambres de la manière dont elle avait été organisée. Pour autant il ne faut pas tortiller pour dénoncer, condamner et lutter contre l’antisémitisme. Ensuite, je dénonce le fait que quand les communistes et d’autres militants prennent des positions pour soutenir le peuple palestinien, ils sont accusés d’antisémitisme. C’est insupportable. Nétanyahou, son gouvernement, sa diplomatie mettent la pression sur la diplomatie française et européenne : s’ils n’apportent pas un soutien inconditionnel à Israël, alors ils sont antisémites. C’est une arme affreuse, horrible, indécente, ignoble que je dénonce. Notre diplomatie a été tétanisée par cela, tout comme beaucoup de responsables politiques français. Pas nous. Il n’y a pas deux peuples que je renvoie dos-à-dos. Il y a un gouvernement israélien qui fait le choix d’occuper le territoire palestinien. Il y a un occupant et un occupé.
Et en même temps, je suis fier d’appartenir à un parti qui a toujours combattu l’antisémitisme, et tous les racismes sans faire de distinction. Et nous continuerons de le faire dans le dialogue que nous avons avec la société française, dans toutes ses composantes, sans jamais confondre la communauté juive avec le gouvernement israélien.
OXXI. - Si vous arrivez au pouvoir, vous abrogez la directive Alliot-Marie qui criminalise en partie les actions de solidarité avec la Palestine ?
F. R.- Il y a une loi, elle est suffisante, c’est la loi Gayssot. Je dénonce la criminalisation de militants qui œuvrent pour la paix, alors que des responsables politiques d’extrême droite font la promotion de Pétain.
OXXI. - Tout en défilant le 12 novembre…
F. R.- ... sans qu’ils ne soient jamais condamnés. J’avais présenté une résolution à l’Assemblée pour que la loi Gayssot soit appliquée avec plus de fermeté et avec des peines d’inéligibilités pour certains élus. Et surtout je veux dénoncer la complicité entre les extrêmes droite israélienne, française et européenne. Aujourd’hui Nétanyahou trouve avec Bardella et Le Pen ses meilleurs soutiens en France. Bardella, dans les réunions de chefs de partis avec le Président dit qu’il ne faut pas réclamer un cessez-le-feu, et que les dirigeants israéliens ont le droit de pourrir la vie des Gazaouis en violant le droit international. C’est extrêmement grave, je suis très inquiet de cette convergence idéologique. Ces extrême-droites menacent la démocratie et la paix du monde.
« SI JE SUIS INVITÉ, J’IRAI AU DÎNER DU CRIF »
OXXI. -Depuis le 7 octobre, le mouvement de solidarité en France semble assez faible. Le PCF a toujours été un acteur important de la solidarité avec la Palestine. Que faire pour la relancer aujourd’hui ?
F. R.- Pour que la communauté internationale se bouge, il faut que les peuples se manifestent. J’ai constaté comme vous que la mobilisation n’a pas toujours été au rendez-vous. Il y a d’abord eu une répression dure et scandaleuse de la part du ministère de l’intérieur, alors que nous aurions dû aller tous ensemble manifester, et exprimer autant notre soutien au peuple israélien meurtri dans sa chair le 7 octobre qu’au peuple palestinien qui subit une vengeance sauvage. S’il n’y a pas eu ces mobilisations très larges, c’est aussi parce qu’il y a eu des débats à gauche sur la qualification du Hamas et des attentats du 7 octobre, mais aussi à propos de la perspective politique concrète, par exemple la nécessité de reconnaître l’État de Palestine aux côtés de l’État d’Israël. Cela a semé le trouble sur le contenu de ces mobilisations et je le regrette.
OXXI. - Si vous êtes invité au prochain dîner du CRIF, vous y allez ?
F. R.- Si je suis invité, j’irai, bien sûr.
OXXI. -Enfin que répondez-vous à Jean-Claude Lefort, un historique du PCF et de la cause palestinienne, qui démissionne du parti en vous reprochant de ne pas l’avoir soutenu dans sa démarche pour empêcher Darmanin de qualifier Salah Hammouri de « terroriste », accusation israélienne sans preuves.
F. R.- Ce n’est pas vrai, j’ai multiplié les interventions par oral et par écrit auprès du président de la république, auprès de Gérald Darmanin pour défendre les droits de Salah Hammouri. Il est cher au cœur des communistes de se mobiliser et de continuer à le faire pour qu’il puisse jouir de l’ensemble de ses droits.
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