Je crois en l’homme, cette ordure. Je crois en l’homme, ce fumier, Ce sable mouvant, cette eau morte.
Je crois en l’homme, ce tordu, Cette vessie de vanité. Je crois en l’homme, cette pommade, Ce grelot, cette plume au vent, Ce boute-feu, ce fouille merde. Je crois en l’homme, ce lèche sang.
Malgré tout ce qu’il a pu faire de mortel et d’irréparable, je crois en lui Pour la sûreté de sa main, Pour son goût de la liberté, Pour le jeu de sa fantaisie. Pour son vertige devant l’étoile, Je crois en lui. Pour le sel de son amitié, Pour l’eau de ses yeux, pour son rire, Pour son élan et ses faiblesses.
Je crois à tout jamais en lui Pour une main qui s’est tendue, Pour un regard qui s’est offert.
Lucien Jacques (tiré de « Petite anthologie spirituelle » d’Anne Ducrocq)
J’aime ce poème, qui dit que c’est dans l’aveu de la faiblesse que se trouve la grandeur humaine !
La plus drôle des créatures, de Nazim Hikmet
Comme le scorpion, mon frère, Tu es comme le scorpion Dans une nuit d’épouvante. . Comme le moineau, mon frère, Tu es comme le moineau Dans ses menues inquiétudes. . Comme la moule, mon frère, Tu es comme la moule Enfermée et tranquille. . Tu es terrible, mon frère, Comme la bouche d’un volcan éteint. Et tu n’es pas un, hélas, Tu n’es pas cinq, Tu es des millions. . Tu es comme le mouton, mon frère, Quand le bourreau habillé de ta peau Quand le bourreau lève son bâton Tu te hâtes de rentrer dans le troupeau Et tu vas à l’abattoir en courant, presque fier. Tu es la plus drôle des créatures, en somme, Plus drôle que le poisson Qui vit dans la mer sans savoir la mer. . Et s’il y a tant de misère sur terre C’est grâce à toi, mon frère, . Si nous sommes affamés, épuisés, Si nous somme écorchés jusqu’au sang, Pressés comme la grappe pour donner notre vin, Irai-je jusqu’à dire que c’est de ta faute, non … … Mais tu y es pour beaucoup, mon frère.
Papa qu'as-tu fait en Algérie ? (détail couverture du livre)
Papa, qu’as-tu fait en Algérie ?: le titre de ce livre, fruit d’une enquête de cinq années à propos d’une guerre et de ses conséquences individuelles et familiales, ne peut qu’interpeller le lecteur. La démonstration est ferme, nuancée, précise. Pour celles et ceux auront le désir de s’engager dans ces 500 pages, d’autres livres peuvent être lus, sur le même sujet traité différemment. Aussi, je ponctuerai mon compte-rendu de couvertures de onze livres de fiction ou de témoignage non cités dans l’ouvrage : Favrelière (1960), Zimmermann (1961), Cabu (1973), Higelin (1987), Mattei (1994), Daeninckx et Tignous (2002), Mauvignier (2009), Jenni (2011), Tencin (2012), Serfati (2015), Giraud (2017). Ils ne contredisent pas les paroles de ceux qui ont répondu à l’enquête de Raphaëlle Branche mais les renforcent.
L’objectif de l’historienne est de retrouver les traces de la guerre d’Algérie dans les familles : l’enquête porte sur le soldat lui-même mais aussi ses proches : « Comprendre ce qui s’est joué dans les familles et comment la guerre a été vécue puis racontée et transmise, c’est éclairer d’une manière inédite la place de cette guerre dans la société française ». Il n’y a pas de vérité inscrite dans le marbre mais un récit évolutif de 1962 à aujourd’hui ; jusqu’en 2000, ce qui a été dominant est le silence : « ce sont des silences familiaux, au sein d’une société française longtemps oublieuse de son passé algérien ». Pour mener à bien ce travail, il faut cerner le dit et le non-dit dans les familles et pour cela, la recherche s’appuie sur l’analyse d’autres guerres : les deux conflits mondiaux et la Shoah, la guerre des États-Unis au Viêt Nam, la guerre de l’URSS en Afghanistan et le retour des soldats soviétiques.
Raphaëlle Branche rappelle d’entrée de jeu que la guerre qui se mène en Algérie est une guerre coloniale dans une colonie de peuplement. L’engagement dans l’armée française a touché toute une génération avec son 1,5 million de conscrits. La fin de cette guerre est une « défaite fondatrice » pour la France. L’enquête se centre sur le soldat et ses proches puisque ces derniers l’observent à son retour à partir d’éléments concrets comme les objets rapportés, les maladies (paludisme, par exemple), les cauchemars, une sensibilité différente, des goûts nouveaux. La correspondance a une place à part. L’enquête concerne l’adelphie, terme venu de la botanique venant ensuite désigner ensuite les enfants d’une même fratrie : Jusqu’à récemment, le mot adelphe était peu utilisé en ce sens, mais il a été repris par la communauté LGBT+ parce qu’il présente la particularité de désigner une personne sans indiquer son genre. Le Conseil Constitutionnel, en 2015, a proposé de conduire une réflexion sur l’usage du terme « fraternité » dans la devise de la République, suggérant « aldelphité » (et « solidarité ») parmi les alternatives.
Trois cents questionnaires ont été envoyés : 39 familles ont répondu et c’est sur ces réponses que l’enquête s’appuie, en s’aidant également d’une enquête orale réalisée en 2005 par Office National des Anciens combattants ainsi que la consultation d’associations ou d’ouvrages se basant sur les méthodes de l’enquête orale comme ceux de Claire Mauss-Copeaux, Appelés en Algérie. La parole confisquée (1999) et Florence Dosse, Les Héritiers du silence. Enfants d’Appelés en Algérie, en 2012.
Les familles sont de deux sortes : la famille de l’Appelé célibataire quand il part et la famille qu’il crée à son retour : « ce sont en particulier ces nouvelles familles qui donnèrent son visage à la France des années 1960 et continuent à la marquer depuis » (17). Ont été exclus du corpus d’étude les conscrits nés en Algérie et aux Antilles ou des militaires de carrière, dans un souci d’homogénéité. L’historienne pense pouvoir participer ainsi à une « Histoire de la France contemporaine » car s’il y a divergences d’un cas à l’autre, il y a aussi des caractéristiques communes : une même génération au sens sociologique, « un destin commun » ; une « normalisation de l’expérience militaire par les familles, sur fond d’indifférence tranquille » ; ces familles se trouvent à une « articulation d’une mutation majeure de la société française » car elles sont prises dans un cadre renouvelé, dans les années 1960, du couple et de la famille. Ce n’est qu’aux deux tiers de son étude que Raphaëlle Branche précise ce que le lecteur a pu déjà constater : « L’étude ne peut être que qualitative et on se gardera de toute généralisation ou même d’estimation chiffrée. Il s’agit plutôt de se demander si des gestes ou des paroles ont été insérés dans une normalité comportementale masculine après la guerre et s’ils ont été identifiés dans les familles, comme renvoyant à l’expérience algérienne » (331). L’ouvrage lui-même se construit chronologiquement en trois grandes parties : le temps de « la guerre » (près de 200 pages) ; les premières années du « retour » (155 pages) ; les transmissions postérieures (« l’héritage », 90 pages). Il n’est pas dans mon propos d’entrer dans la minutie et la précision de cette enquête mais de pointer ce qui m’a retenue dans cet ouvrage exceptionnel.
La guerre
Il faut tout d’abord cerner ce qu’est une génération. Les Appelés qui partent en Algérie sont des enfants qui ont grandi à l’ombre des deux guerres mondiales : la mère est généralement au foyer, le père est l’autorité qui, dans ces années, va être ébranlée. Le fils a une obéissance filiale. La position des garçons n’est pas celle des filles. Partir à la guerre, c’est faire son devoir. Le service militaire obligatoire n’est pas contesté donc partir dans ces années-là en Algérie apparaît comme une situation normale d’autant que le
danger n’est pas évident.
Il est rappelé aussi que le droit à l’objection de conscience n’existe pas. On compte, dans la guerre d’Algérie, 1 % de réfractaires. Le PCF n’encourage pas au refus. Il est intéressant de lire à ce sujet les ouvrages de Tramor Quemeneur (2007) et de Marius Loris (2018). La conscience que c’est une guerre et qu’on peut y mourir vient lentement et progressivement de 1959 à 1961. Le récit de Noël Favrelière, en 1960, Le Désert à l’aube, est quasiment une exception.
Les Appelés ont le souci de garder un vrai contact avec la famille par les lettres. La correspondance a une importance extrême. Avoir du courrier, c’est rompre la solitude. Le téléphone est peu utilisé car il n’a pas du tout la même facilité d’usage qu’aujourd’hui. Le télégramme est réservé aux urgences. Cet entretien régulier des relations familiales passe par la lenteur du courrier, par les colis qui contiennent nourriture, journaux, livres ; par la fréquentation de l’aumônier. Les lettres aux femmes aimées sont plus nombreuses que celles à la famille.
L’Appelé apprend aussi à partager son temps entre ennui et violence car l’arrivée en Algérie lui a montré qu’il ne participait pas à un simple maintien de l’ordre : il affronte très vite la réalité de la guerre. Aussi le calendrier d’avant la guerre est complètement chamboulé : le retour, le métier, le mariage, les enfants à venir. L’abstinence sexuelle est la règle. Les Appelés arrivent dans un pays que, comme la majorité des Français, ils ne connaissent pas : cette réalité méconnue est, au mieux, « exotique ». Ils sont frappés par la lumière et les couleurs – l’Algérie est un beau pays –, mais aussi par la misère de la population. Ils envoient des cartes postales. Ils ont des appareils photos de plus en plus perfectionnés. Ils rapporteront des objets qui, selon les familles, auront une valeur symbolique différente : tapis, poufs, poteries, cuivres, bijoux. On ne considère pas cela comme des cadeaux : le cadeau est que le soldat revienne vivant. Pendant un certain temps, la guerre elle-même est perçue dans du flou : dangereuse et non dangereuse.
Au fur et à mesure aussi des correspondances, on choisit ce que l’on dit aux familles car le soldat côtoie la mort et la honte. Seuls quelques journaux intimes lus montrent que c’est là que s’écrit l’impensable et l’insoutenable : « L’écriture intime offre une protection à ceux qui la pratiquent. Elle est une digue perpétuellement dressée face à un environnement qui peut attaquer leurs valeurs les plus profondes, leur estime d’eux-mêmes, leur confiance en eux et en l’humanité » (197). Le récit du pire est, en général, contrebalancé par une phrase affirmant que le FLN en fait autant. C’est donc dans ces journaux intimes que se disent les tortures et les violations des droits humains. Plus rares sont ceux qui prennent des photos-témoins. Les sentiments qui dominent sont la honte et la lâcheté. Beaucoup ne comprendront jamais ce qui se joue réellement en Algérie.
Le Retour
Au retour, la plupart d’entre eux se fixent d’oublier cette période car l’objectif essentiel est d’être rentré sain et sauf : « Rien n’est plus difficile à réussir qu’un retour ; il y faut une grande force d’oubli : ne pas réussir à oublier son dernier passé ou le dernier passé de l’autre, c’est s’interdire de recoller au passé
antérieur » a écrit Marc Augé dans Les Formes de l’oubli. Le souci de la majorité des soldats libérés est de mettre l’expérience algérienne derrière eux pour se remettre en lien avec les leurs. Le plus difficile souvent est de casser les liens tissés dans l’armée ; certains ont, en le faisant, un sentiment d’abandon. Cette « fraternité » est bien rendue dans le récit de Georges Mattéi en 1994.
Le retour se fait en trois phases : les retrouvailles, la reprise d’une activité professionnelle (le choix surtout car le chômage est très bas donc ils trouvent du travail), l’engagement dans une vie de couple. Raphaëlle Branche cite alors l’exemple – première fiction évoquée (232) –, du film Les Parapluies de Cherbourg, en 1964, premier et rare film à évoquer la guerre d’Algérie comme le rappellent quelques éléments du synopsis :
«
Première partie : le départ Cherbourg en novembre 1957. Geneviève est amoureuse de Guy, mécanicien dans un garage. Sa mère désapprouve la relation quand elle l’apprend. Il est alors appelé pour faire son service militaire en Algérie. Les deux amoureux, qui se sont promis un amour éternel, se font des adieux poignants sur un quai de gare Deuxième partie : l’absence Affecté à un secteur dangereux, Guy écrit rarement. Enceinte, désemparée parce qu’elle a peu de nouvelles, Geneviève épouse Roland Cassard. Ils quittent Cherbourg pour s’installer à Paris. Troisième partie : le retour Blessé à la jambe, Guy est démobilisé en mars 1959 après un séjour à l’hôpital. Rentré à Cherbourg, il découvre ce qui s’est passé en son absence. Il épousera Madeleine ».
Dans son enquête, l’historienne relève que c’est la même injonction qu’on retrouve, quelles que soient les trajectoires personnelles, familiales et sociales : « Il faut regarder vers l’avenir ». Avec les ascendants masculins, particulièrement, il y a une sorte de contrat implicite : « la guerre est dure ; d’autres l’ont connue. Il ne faut pas en parler ». Une des épouses de l’enquête confie : « J’ai épousé un homme qui n’était plus mon fiancé d’avant la guerre […] J’ai épousé un homme que je ne connaissais pas ». Le soldat qui revient découvre tous les changements qui affectent alors la société française tant dans le monde agricole que dans le monde industriel. Deux faits peuvent être rappelés qui soulignent les changements : depuis 1965, les droits des femmes s’affirment et, en 1970, l’autorité paternelle est effacée au profit de l’autorité parentale. Les permissions dont ont bénéficié les soldats n’ont pas réduit l’écart mais tous
espèrent que le retour définitif changera cela.
Mais, dans la majorité des cas, cela ne se produit pas. Les proches remarquent des changements physiques et psychologiques. Ils sont nerveux, bagarreurs, déphasés comme s’ils avaient intégré en eux la violence de la guerre. Un récit de 2012 de Claire Tencin en donne un exemple fort. Le retour n’est pas la fin de la guerre – concrètement, la guerre continue en Algérie –, ils ne sont pas accueillis en héros dans leurs villages mais dans la discrétion ou l’indifférence. Quelques-uns vont s’engager à leur retour soit pour l’indépendance de l’Algérie, soit pour témoigner de ce qu’est cette guerre. C’est ce que fait Daniel Zimmermann, en 1961, avec un texte qui sera très vite saisi et interdit : 80 exercices en zone interdite.
Mais ces engagements sont rares et réprimés. La fin de Corvée de bois de Didier Daeninckx et Tignous en donne un exemple saisissant, en 2002. Il a fallu attendre 1974 pour que le statut d’anciens combattants soit reconnu aux Appelés de la guerre d’Algérie car il n’y a pas eu, dans l’immédiateté, reconnaissance de cette expérience collective qui a cimenté une génération. Il n’y a pas eu de communion collective par rapport à cet engagement : « Le lien armée-nation est réduit à une contrainte dont le sens survit socialement, mais qui ne résonne plus avec les valeurs de la nation ou le fondement d’une communauté politique clairement identifiée ».
L’état de guerre a été nié et remplacé par la notion de « maintien de l’ordre » ; il n’y a pas eu de
mobilisation générale mais des vagues successives de services militaires. Aussi au retour, beaucoup
ressentent solitude et injustice.
Et pour ceux qui rentrent après le cessez-le-feu, c’est encore pire puisque c’est un retour d’une guerre perdue comme l’Algérie est perdue. On note « l’indifférence de l’institution militaire » et ce déni de guerre a de nombreuses implications que l’on peut comprendre si on compare avec les deux conflits mondiaux.
Raphaëlle Branche cite alors un second exemple fictionnel, le récit de Philippe Labro, Des Feux mal éteints, en 1967 qui demande la reconnaissance du statut d’Anciens combattants : « Tous des anciens combattants ! Ils ne portaient ni béret, ni brassard, ils n’iraient ranimer aucune flamme sous aucun arc de triomphe, mais chez tous il y avait quelque chose de changé […] Quelque expérience qu’il ait eue, à peine en était-il sorti que chaque bidasse se voyait enveloppé dans le silence et dans l’oubli, car aucun adulte ne voulait franchement assumer la responsabilité de l’avoir envoyé là-bas, n’acceptait de préciser au nom de
quoi cet enfant avait vécu ce qu’il avait vécu ».
L’historienne rappelle aussi, qu’en 1966, La Bataille d’Alger de Gillo Pontecorvo n’a été acceptée par aucun distributeur. Alexis Jenni, Prix Goncourt 2011, lui a réservé une critique au vitriol dans L’Art français de la guerre, preuve s’il en est que le matériau traité ne passe toujours pas ! L’année après son récit, Philippe Labro fait un film avec une conclusion lapidaire : « Je pensais qu’ils avaient en Algérie perdu leur jeunesse et leur innocence. Qu’avaient-ils gagné ? ». Cabu invente son personnage « Le Beauf » qu’il définit ainsi : « L’ancien d’Algérie dans son aspect le plus négatif ». En 1972, René Vautier sort un film, Avoir vingt ans dans les Aurès, inspiré de l’expérience de Noël Favrelière ; en 1973, Yves Boisset, RAS. Les débats houleux qu’ils déclenchent montrent combien le sujet est encore brûlant.
Livrés à eux-mêmes sans suivi psychiatrique ou autre, les Anciens d’Algérie avancent comme ils le peuvent soit en rompant avec leur vie antérieure et en prenant un autre chemin de vie, soit en s’enfonçant dans les aspects les plus négatifs de l’expérience, soit en prenant des positions antiracistes :
pour certains, vis-à-vis des Algériens qui viennent en France après 1962, il y a une volonté de réparation. Il manque trop d’éléments dans l’enquête pour s’interroger sur névrose et trauma. Les intéressés et les proches notent des télescopages inattendus avec des sons, des paysages, des rencontres d’Algériens qui sont les signaux d’un danger, d’une menace. Un racisme tenace s’installe. On note des cauchemars, l’alcoolisme, la violence, les dépressions, les suicides. En 2009 d’abord avec Des hommes de Laurent Mauvignier puis en 2015, avec celui de Michel Serfati, Finir la guerre, on affronte souffrances et vérités.
L’Héritage
Le père est désormais à inventer d’autant que le désir d’enfant change, début 1970, avec la contraception aussi bien pour les hommes que pour les femmes : « les fondements de la famille française » bougent et, dans cette partie, la recherche s’appuie sur d’autres recherches qui n’ont pas été focalisées sur la guerre d’Algérie. L’épisode algérien se dit par bribes mais rarement dans un récit continu. A l’âge de la retraite, certains pères se livrent plus, en particulier à partir des années 1990 ; et à partir des années 2000, la guerre d’Algérie est plus visible dans l’espace public : « Les pères qui le souhaitent peuvent alors prendre le temps de retrouver la voie des mots ». Certains ont donné des prénoms en lien avec l’Algérie comme Myriam, Olivier. Pour ces enfants, ce qu’ont raconté les pères ne leur permet pas de lier : avoir été en Algérie et guerre. Les objets sont là. Le couscous fait son entrée à la table familiale, des mots d’arabe. Ce n’est que lorsque les enfants comprennent qu’il y a eu guerre que la question qui donne son titre à l’ouvrage, peut être posée (389). Les enfants ont d’autres représentations de la guerre d’Algérie dans une société qui s’intéresse de plus en plus à son passé algérien. Cette visibilité de la guerre d’Algérie est favorisée par la télévision : ainsi, en 1982 le documentaire en 3 parties de Denis Chegaray, « Guerre d’Algérie – Mémoire enfouie d’une génération ». Dès 1983, on enseigne la guerre d’Algérie dans les classes de terminale. En 1992, le film de Bertrand Tavernier, La Guerre sans nom, révélant au grand public la torture, est un électrochoc.
Bien entendu cela ne libère pas une narration continue, une représentation complète. Ce qui se dit, ce sont des « cryptes », « des morceaux d’expérience enfermés à l’intérieur de la personnalité d’un individu » selon la définition de Nicolas Abraham et Maria Torok : « ce qui est encrypté doit être remis en mots, re-lié pour apparaître au grand jour ». L’ouvrage note aussi que, depuis les années 1980 et surtout les années 1990, les psycho-traumatismes de guerre sont reconnus et l’ouvrage de Bernard W. Sigg, Le Silence et la honte en 1988, a été primordial. Les années 2000 marquent un tournant. Les enfants entrent dans le processus de transmission : « il s’agit plus radicalement de s’interroger sur la capacité des générations à communiquer entre elles, quand ceux qui échangent dans un présent donné se rattachent à des temporalités différentes, notamment dans leurs socialisations primaires et leurs expériences fondatrices ». L’enquête a montré qu’au sein d’une même adelphie, images et représentations divergent et cela n’est pas dû seulement à un fonctionnement interne aux familles mais aussi à ce qui vient de l’extérieur.
Dans le binôme guerre/père, se glissent de nombreuses ambivalences : racisme ≠antiracisme, pour ou contre l’armée. La distance qui s’est installée par rapport à ce passé du père devient un réflexe de mise à distance ou, au contraire, une recherche de proximité, en évitant de remettre en cause l’équilibre familial
car lorsque les questions sont trop frontales, elles peuvent provoquer une rupture irréversible.
Ce n’est qu’en 1999, que l’État français reconnaît qu’une guerre a bien eu lieu et pas seulement des « événements ». La torture revient aussi sur le devant de la scène avec le témoignage de l’Algérienne Louisette Ighilahriz et tout ce qu’il déclenche. Mais la question au père : « as-tu torturé ? » ne sera pas posée : « La place de la guerre d’Algérie est un scotome. Ce qu’on ne voit pas et qui est pourtant au centre » (431). Il faut attendre la mort du père pour que des fictions puissent s’écrire : les représentations sont alors élaborées à partir d’une « post-mémoire » comme dans le récit de Brigitte Giraud qui touche plusieurs constats de l’enquête, en 2017.
La conclusion à laquelle parvient l’enquête, à propos des Anciens d’Algérie est que « leurs écrits et leurs paroles (sont) conditionnés par la nature des liens avec leurs proches et leur désir de les préserver « (461). On ne peut donc parler des silences des pères mais des silences des familles. On peut discerner trois configurations : la première c’est lorsque l’expérience de guerre et la famille sont « en consonance ». Il y a alors « un profond partage familial ». Les deux autres configurations, c’est lorsque expérience et famille sont « en dissonance » : les silences peuvent être alors de protection et la possibilité de les dépasser ; ou alors de les dire et de les maintenir au risque de l’équilibre familial. À partir de 2000, des récits s’écrivent et vont s’écrire. « Finir la guerre », écrivait Michel Serfati : peut-être pas vraiment encore !
Raphaëlle Branche, « Papa, qu’as-tu fait en Algérie ? – Enquête sur un silence familial, La Découverte, septembre 2020, 507 p., 25 €— Lire un extrait
Les éditions Ardemment, créées en 2021, privilégient des fictions et essais d’autrices qui ont été « invisibilisées » au cours de l’Histoire mais aussi des textes plus récents, leur objectif étant de « constituer un matrimoine en vis-à-vis du patrimoine dominant ». Elles viennent de publier Affreville de Claire Tencin, un récit très singulier sur la guerre d’Algérie.
Affreville reprend et développe Je suis un héros j’ai jamais tué un bougnoul (2012), monologue douloureux et sans concession d’une fille sur son père. D’un récit à l’autre, Claire Tencin a épaissi le contexte de l’expérience algérienne du père en insérant de nombreuses informations sur la réalité d’alors, blasonnant quelques faits saillants de cette Histoire avec à propos et engagement. Donnant, en fin de parcours, deux références bibliographiques dont la thèse de Raphaëlle Branche sur la torture et l’armée pendant la guerre d’Algérie, le récit nous plonge dans l’ambiance de certaines pages de la même Raphaëlle Branche, Papa, qu’as-tu fait en Algérie ? – Enquête sur un silence familial (2020).
« Je suis un héros, j’ai jamais tué un bougnoul, a-t-il déclaré avec bonhomie en me regardant droit dans l’œil. Quelque chose a basculé dans la cuisine. L’oxymore avait mis un point d’honneur à la sempiternelle jactance haineuse, assis à la place du chef, comme il l’avait toujours été, dominant, éructant, figure de proue de la galère familiale. Depuis l’enfance, je l’entendais rugir de cette place-là au bout de la table, la place du chef comme il aimait dire, ici c’est la place du chef, beuglant toutes sortes d’anathèmes, sortis d’on ne sait où, de sa grosse bedaine énervée, qu’on ne comprenait pas d’où lui sortait cette colère qui ne s’épuisait pas, même pas quand il mangeait, même pas quand il dormait. Cette colère ne le lâchait pas, ni la nuit, ni le jour. Ses ronflements tonitruants de l’autre côté du mur de ma chambre résonnaient comme des hurlements dans mon sommeil ».
Le lecteur reprend son souffle après cet incipit qui décrit « le monstre » et sous-entend, dans le portrait dressé, la colère et la sidération de la narratrice. Le simple mot de « bougnoul » ne peut que renvoyer à la guerre d’Algérie. L’enquête qui suit, car Affreville est une enquête, creuse deux mots : « héros » et « tuer ». Le second titre, Affreville, est moins brutal que le premier… et élargit l’enquête au lieu où le père s’est transformé.
Douze chapitres structurent cette lente et implacable remontée dans le passé du père car mettre à nu la vérité est une épreuve qui ne se fait pas en un jour. Faire revivre le lieu de son « séjour » algérien est une étape qui familiarise avec le pays que la France ne veut pas perdre. Claire Tencin ne se contente pas des impressions du vécu du père mais donne des traces de l’histoire de la ville vue du côté des dominants, dans le chapitre IV : « Sous Napoléon III, on y installe un camp de détenus politiques, les quarante-huitards condamnés aux travaux forcés. Ironique provocation ou rachat d’État ? Déportés à Affreville pour ouvrir des routes dans la plaine du haut Chélif, prise entre le mont Zacar et les premiers contreforts de l’Ouarsenis, les bagnards relaient le terrible travail de défrichement entrepris par les colons ». Après avoir trouvé ce gros bourg laid, le père-gendarme s’est familiarisé avec son activité. Après le 1er novembre 1954, Affreville n’entre pas tout de suite dans la danse mais le feu couve néanmoins.
L’interlocutrice ou plutôt la réceptrice de cette histoire est la fille aînée, née en 1963 au retour de la guerre du père. Alors, il était normal, « rieur, joueur, généreux » ; puis, très vite, la guerre l’a rattrapé pour devenir le quotidien du microcosme familial avec un « père aphasique, la langue coupée, un volcan en sommeil qui allait exploser en borborygmes et en onomatopées au milieu de la cuisine, un volcan qui n’allait pas s’éteindre pendant quarante ans ».
Peu avant sa mort, sa fille l’a enregistré sans écouter ce qu’il avait dit. Puis elle a visionné l’enregistrement sans mettre le son, pas assez armée encore pour supporter sa parole aussi terrifiante pour elle que son silence. Enfin, elle s’est décidée à écouter le son dont elle transcrit l’essentiel sous les titres : « Le juteux chef », « La torture », « suite », « Les opérations ». Elle décrit sa gestuelle et lit d’autres livres ou films dont L’Ennemi intime, « ça fait partie de mes films culte, tout ce qui traite de la guerre d’Algérie est mon affaire, mon fond de commerce affectif ».
Elle va jusqu’au bout de la spirale, elle boucle la boucle : « La mort d’un père est une traversée, le bout de la ligne a rejoint son origine, un héros est né et la fille aînée a refermé le cercle. Les images de la vidéo ont été effacées, les mots ont été dits, les lumières ont été teintes ». Les derniers mots ciblent l’Etat français, responsable du devenir de ces (ses) soldats par un ironique, « Vive la France ! », particulièrement iconoclaste.
La guerre en Algérie, ici celle engagée par la France pour conserver son territoire d’outre-Méditerranée, est un passé actif depuis plus d’un demi-siècle, nous dit, à sa manière, ce monologue d’une force incroyable. Il signe, après tant de récits sur cet aspect de cette guerre-là, une mise en accusation, à hauteur d’homme et de famille, de ce que fut l’aventure coloniale finissante de la France.
On connaît les méfaits de l’amnésie en ce qui concerne les effets non assumés de la violence de la guerre. La violence fait d’autant plus retour que la parole et la mémoire se bloquent et que l’acteur – mais aussi le pays –, refuse de regarder en face les traumatismes du passé engendrant à leur tour des gestes de violence non résorbés parce que non affrontés. Comme la littérature s’intéresse avant tout aux humanités complexes et contradictoires et pas seulement à la justesse d’une lutte – justesse elle-même à géométrie variable selon le point de vue de l’acteur –, le récit est l’écho d’une parole-regard décapante et lucide.
Ma lecture est entrée en écho avec la mise en garde de Frantz Fanon, dans Les Damnés de la terre : « […] Nos actes ne cessent jamais de nous poursuivre. Leur arrangement, leur mise en ordre, leur motivation peuvent parfaitement a posteriori se trouver profondément modifiés. Ce n’est pas l’un des moindres pièges que nous tend l’Histoire et ses multiples déterminations. Mais pouvons-nous échapper au vertige ? Qui oserait prétendre que le vertige ne hante pas toute existence ? » Dans ce chapitre 5 des Damnés de la terre, « Guerre coloniale et troubles mentaux », Frantz Fanon pense d’abord aux « plaies multiples et quelquefois indélébiles faites à nos peuples par le déferlement colonialiste ». Si les cas qu’il présente sont essentiellement algériens, il en est un qui revient à l’esprit en lisant Claire Tencin, le cas n° 5, « Un inspecteur européeen torture sa femme et ses enfants ». Ce n’est pas inutile de le (re)lire.
Revisiter le passé est un impératif pour éclairer et mettre à distance les violences actuelles. C’est ce que fait Claire Tencin en organisant autour de la figure du père tout ce qui a fait de la guerre d’Algérie un héritage mal assumé : le départ vers une France qui n’est pas la France, tous les soldats en ont témoigné ; la confrontation à une sale guerre avec un maintien de l’ordre musclé, la corvée de bois, le viol, la torture…
Le récit de Claire Tencin inaugure un vrai travail de mémoire difficile à affronter, ce qui explique, qu’en 2012, son premier récit n’ait pas eu l’écho qu’il aurait dû rencontrer. Les esprits sont-ils mieux préparés, dix ans après ? Cela ne fait que commencer et autour d’un tel sujet, études, témoignages et fictions doivent encore forger des perspectives complémentaires pour nourrir une « approche nouvelle et actuelle » de cette guerre-là en Algérie. Affreville est une pièce maîtresse de ce travail de mémoire.
Dans son essai de 2022, Sensible, Nedjma Kacimi note, après avoir évoqué « le choc Mauvignier » (Des Hommes) : « ça n’aura échappé à personne. La guerre d’Algérie sort gentiment des souterrains où l’avaient enfouie vivante ceux qui l’avaient menée. Elle ressort par l’opération d’écrivains qui, pincettes en mains et masque chirurgical sur le nez, l’extirpent de la gangue d’un silence amorphe […] Eux, ils y vont, ces écrivains, Joseph Andras, Maïssa Bey, Yves Bichet, Jérôme Ferrari, Laurent Gaudé, Brigitte Giraud, Alexis Jenni, Michel Serfati, Zahia Rahmani ». Elle ne cite pas ces noms au hasard. Et il faut lire De nos frères blessés, Entendez-vous dans nos montagnes, Indocile, Où j’ai perdu mon âme, Écoutez nos défaites, Un loup pour l’homme, L’Art français de la guerre, Finir la guerre, Moze… Elle y associe les noms des historiens lus : Yves Courrière, Benjamin Stora… et puis ceux d’écrivains algériens, Feraoun, Mammeri, Dib, Kateb, mais aussi des acteurs français incontournables comme Alleg et Vidal-Naquet ; d’autres encore. A la fin du livre, elle prévient qu’elle n’en a pas fini… : « je dois encore vous parler de Zohra Drif et de Hassiba Ben Bouali ». Elle devra encore aussi nous parler d’Affreville…
Les pères partent à la guerre et laissent derrière eux la vie dite normale. Plusieurs récits ont déjà confié aux mots de la fiction les maux engendrés par la guerre, en particulier dans le rapport qu’une fille peut entretenir avec un père guerrier. Que faire de ce père, à l’âge adulte, quand son absence ou son retour ont provoqué un traumatisme durable qu’on ne parvient à affronter par l’écriture qu’à l’âge adulte ? La réparation est-elle de la même nature quand on est fille d’appelé ou de gendarme ou fille de militant, quand le père s’est battu dans ce conflit, volontairement ou contre son gré. L’écriture, en permettant de contrôler ce qui hante, de remplir le vide provoqué par le trauma, arrive-t-elle à la maîtrise de la perturbation ?
Ce père, on peut l’admirer tout en accusant son absence comme responsable d’une absence de paternité ; on peut aussi découvrir son passé comme le fait le Rafael d’Arnaud Catherine, en 1999, dans L’Invention du père, qui va en Espagne après la mort du père. L’enquête à laquelle il se livre lui laisse sur les bras un père à l’opposé du héros qu’il espérait, un père proche des franquistes et, somme toute, peu recommandable. La conclusion peut converger avec la démarche de Claire Tencin : « Je n’aime pas mon père, mais je suis avec lui. Je l’accompagne. Il n’a jamais été question de sentiment. On ne peut aimer cet homme-là.[…] Un lien me tenaille, que je ne peux esquiver. J’avance, j’avance. Je suis les pas du temps. Le temps qui l’a foudroyé et m’en délivrera. J’invente l’horizon. Devant moi. »
Est-ce ce désir d’inventer l’horizon, une fois le parcours accompli lorsqu’on a été jusqu’au bout de la connaissance recherchée qui éclaire l’écriture d’Affreville ? Représenter le père, à partir de la question qui ouvre l’enquête de Raphaëlle Branche, « Papa qu’as-tu fait en Algérie ? », rendre visible son image, faire parler ses silences ou ses éructations, réveiller une admiration de la petite fille puis la honte, le dégoût de l’adulte mais toujours tenir, par les mots. Comment construit-on sa vie de fille avec les vociférations qui témoignent que la guerre n’a pas pris fin et que le soldat traumatisé la poursuit au sein de sa famille ?
A
ffreville est un texte postcolonial français d’une force jamais égalée sur ce sujet. La France et l’Algérie en rupture de colonisation invitent à réfléchir aux retombées post-coloniales qui concernent tous les « groupes » en présence et aux fractures identitaires et sociétales provoquées par le traumatisme vécu. Claire Tencin rejoint, avec l’avantage de la littérature de plonger dans l’humain et de faire mouche par un livre coup de poing, les études incontournables sur ce sujet de Florence Dosse, en 2012, Les Héritiers du silence. Enfants d’Appelés en Algérie, celle de Raphaëlle Branche, en 2020, Papa, qu’as-tu fait en Algérie ? Ce second ouvrage a montré que, livrés à eux-mêmes sans suivi psychiatrique ou autre, les Anciens d’Algérie avancent comme ils le peuvent soit en rompant avec leur vie antérieure et en prenant un autre chemin de vie, soit en s’enfonçant dans les aspects les plus négatifs de l’expérience, soit en prenant des positions antiracistes. Un racisme tenace peut s’installer aussi. On note des cauchemars, l’alcoolisme, la violence, les dépressions, les suicides. Ce n’est qu’en 1999, que l’État français reconnaît qu’une guerre a bien eu lieu et pas seulement des « événements ». Il faut attendre la mort du père pour que des fictions puissent s’écrire : les représentations sont alors élaborées à partir d’une « post-mémoire ». Revient-on de la guerre ? C’est une réponse détonante, lucide et percutante que nous offre Claire Tencin. Ayons le courage de lire ce récit incontournable pour qui a le désir d’affronter un passé qui nous concerne toutes et tous, quelles que soient nos convictions, pour combler « ce trou noir dans l’enseignement de notre histoire nationale », qui, comme le dit la narratrice, « m’a toujours agacée et indignée ».
Au moment où Affreville paraît sort aussi un Dictionnaire de la guerre d’Algérie chez Bouquins — et c’est la force d’un livre d’entraîner dans son sillage d’autres lectures à faire ou à reprendre ; un livre n’est pas riche qu’en lui-même mais dans l’étoilement qu’il provoque vers d’autres livres. Le chapitre XII d’Affreville nous plonge dans le viol et ses conséquences : « Peut-être ai-je un frère ou une sœur en Algérie ! C’est possible, tout est possible dans la guerre. […] Et les enfants nés d’un viol ? Nés d’une jeune fille perdue dans un camp de regroupement, ou d’une mère dans la misère que les soldats violaient sans vergogne. C’est le tribut de la guerre, un ventre dans lequel vider sa haine d’un peuple ». Deux entrées du Dictionnaire de la guerre d’Algérie nous interpellent : « Viols des femmes en Algérie » (signé Ouanassa Siari Tengour) et « Garne, Affaire Mohamed » (par Sylvie Thénault). Ce dernier retrace l’histoire de cet homme, né en 1960 des viols répétés d’une jeune fille de 16 ans, dont l’histoire a été médiatisée en 2001 et qui a écrit un livre en 2005, Lettre à ce père qui pourrait être vous. Il a obtenu une indemnisation après tout un parcours très dur, seule victime à avoir obtenu cela. Il avait été adopté, à l’âge de 5 ans, par Assia Djebar et son mari. Sylvie Thénaud écrit : « l’histoire de l’indemnisation des victimes de cette guerre reste à écrire ».
Mercredi, 285e jour de l'agression sioniste contre Ghaza, le nombre de victimes s'est élevé à au moins 38.794 martyrs et 89.364 blessés, a indiqué le ministère de la Santé de l'enclave. La même source a ajouté que l'armée d'occupation a commis, mardi, 4 massacres, faisant 81 martyrs et 198 blessés.
Hier, l'armée génocidaire d'Israël a bombardé plusieurs régions de Ghaza. Les attaques ont commencé tôt le matin à Nuseirat et al-Bureij, dans le centre de l'enclave, et se sont poursuivies à Rafah, Khan Younes, et dans la ville de Ghaza et Deir al-Balah.
Le correspondant d'Al Jazeera a rapporté, hier matin, que l'artillerie et les hélicoptères de l'armée d'occupation israélienne ont bombardé les zones nord-ouest du nouveau camp de Nuseirat et le camp de Bureij.
Des médias palestiniens ont rapporté également des bombardements de véhicules de l'armée d'occupation sur des zones à l'est de Deir al-Balah et tiré des obus fumigènes dans la zone d'Al-Shaaf, à l'est de la ville de Ghaza.
Toujours dans la ville de Ghaza, un correspondant d'Al Jazeera a fait état de 11 martyrs, dont 3 enfants, et de plusieurs blessés, dans une attaque israélienne près d'une école du quartier d'Al-Rimal.
A Rafah, au sud de l'enclave assiégée, deux attaques sionistes ont fait au moins 6 martyrs et plusieurs blessés, a indiqué un correspondant d'Al Jazeera. Le premier bombardement, qui a visé la zone d'Al-Shakoush, au nord-ouest de la ville de Rafah, a fait 2 martyrs et plusieurs blessés. Le second bombardement a eu lieu dans le quartier de Tal al-Sultan, à l'ouest de Rafah, et a fait au moins 4 martyrs dont les corps ont été retrouvés et récupérés par les équipes de la Protection civile à Ghaza, ainsi que plusieurs autres personnes blessées. Le journaliste a ajouté que des bombardements de l'artillerie israélienne ont visé le rond-point d'Al-Awda et les camps de Yabna et d'Al-Shaboura, au centre de Rafah. A Khan Younes, le correspondant d'Al Jazeera a rapporté le martyr de 5 personnes et la blessure de plusieurs autres dans un bombardement sioniste qui a visé une maison dans la ville d'Abasan.
Massacres de mardi à Nuseirat et Khan Younes : bilans à la hausse
Le bilan des deux massacres commis avant-hier par l'armée sioniste a rapidement été revu à la hausse. Selon les nouveaux chiffres communiqués par le bureau des médias du gouvernement de Ghaza, le premier massacre dans l'école Al-Razi affiliée à l'UNRWA à Nuseirat, a atteint 23 martyrs et 73 blessés, alors que le second, dans la région d'Al-Attar à Khan Younes, proche d'une zone de personnes déplacées, était de 17 martyrs et 26 blessés.
«Ces massacres en cours s'inscrivent dans la continuité du crime de génocide lancé par l'occupation contre notre peuple palestinien pour le dixième mois consécutif. L'armée sioniste se concentre sur le ciblage et le bombardement des civils déplacés dans les écoles de l'UNRWA du camp de Nuseirat», a commenté la même source.
Le correspondant d'Al Jazeera English, Hani Mahmoud, décrivait hier, fin d'après-midi, une situation de chaos à l'hôpital Nasser de Khan Younes après l'arrivée des blessés de l'attaque de Nuseirat.
«Le chaos règne à l'hôpital Nasser de Khan Younes après l'arrivée d'un grand nombre de personnes grièvement blessées provenant de l'école bombardée du camp de réfugiés de Nuseirat», affirme Hani Mahmoud, qui ajoute que l'attaque israélienne contre le collège Al-Razi, «situé au cœur du camp (Nuseirat)» qu'il décrit comme une «zone très fréquentée», «s'est produite à une heure de pointe, alors que les rues autour de l'école surpeuplée étaient pleines de monde».
Pour le Mouvement Hamas, le «bombardement délibéré par Israël de personnes déplacées dans l'école al-Razi de l'UNRWA dans le camp de Nuseirat et dans la zone d'Al-Mawasi à l'ouest de la ville de Khan Younes, qui a été déclarée zone sûre», constitue «un acte nazi brutal qui dévaste l'humanité».
«L'occupation fasciste poursuit le crime de génocide après avoir assuré une punition et une responsabilité internationales», affirme encore le communiqué du Hamas pour qui «l'administration américaine, dirigée par le président Biden, porte l'entière responsabilité de ce massacre systématique de notre peuple».» L'administration Biden porte la responsabilité de son soutien politique et militaire continu à l'occupation et de son obstruction à la justice internationale dans la poursuite des criminels de guerre sionistes», ajoute le communiqué. De son côté, le commissaire de l'agence de l'ONU pour l'emploi des réfugiés palestiniens (UNRWA), Philippe Lazarini, a révélé mercredi qu'Israël avait bombardé au moins huit écoles à Ghaza au cours des dix derniers jours, dont six appartenant à l'agence.
L'UNRWA a déclaré aussi que «Israël a bombardé 70% des écoles» gérées par l'agence de l'ONU à Ghaza. «Plus de 95% de ces écoles ont été utilisées comme abris lorsqu'elles ont été touchées. 539 personnes réfugiées dans les installations de l'UNRWA ont été tuées», a déclaré l'UNRWA sur la plateforme X. Considérant que «le mépris flagrant des locaux de l'ONU et du droit humanitaire doit cesser».
Pour sa part, l'organisation humanitaire britannique Save the Children a qualifié d'»horribles» les récentes attaques contre des écoles et des hôpitaux à Ghaza. «Les systèmes de santé et d'éducation sont décimés sous nos yeux», a déclaré l'organisation sur X, qui appelle à un cessez-le-feu. «Les enfants ne peuvent pas continuer à être en première ligne dans ce conflit. Les hôpitaux et les écoles ne devraient jamais être des cibles», affirme encore Save the Children.
Euro-Med Monitor : «Contraindre Israël à cesser ses attaques généralisées»
Dans un communiqué rendu public le 15 juillet après-midi, l'organisation Euro-Med Human Rights Monitor (L'Observatoire), a appelé le «Conseil de sécurité, l'Assemblée générale des Nations unies et toutes les institutions judiciaires internationales» à «agir rapidement» et de «manière décisive» afin de «contraindre Israël à cesser ses attaques militaires fréquentes et systématiques contre les centres d'hébergement abritant des personnes déplacées» à Ghaza.
Cet appel est intervenu au lendemain des attaques sionistes du 13 et 14 juillet contre, respectivement, un camp de toile pour personnes déplacées à al-Mawassi et une école de l'UNRWA à Nuseirat, qui ont fait au total plus d'une centaine de martyrs et des centaines de blessés.
«Au mépris du droit international, Israël a transformé les abris, y compris les installations des Nations unies, en cibles acceptables et a servi de toile de fond à de multiples massacres délibérés devant le monde», ajoute l'Observatoire.
Euro-Med Rights Monitor ajoute que ces attaques «sont une manifestation flagrante du refus de la communauté internationale de mettre fin au crime de génocide, qui se poursuit depuis près de dix mois consécutifs». Ajoutant que «ce crime est le résultat de l'impunité internationale dont jouit Israël depuis des décennies et est la preuve de sa punition collective implacable envers le peuple palestinien».
L'Observatoire appelle donc à»faire pression sur Israël et ses alliés pour qu'ils respectent le droit international et les arrêts de la Cour internationale de justice». «Toutes les nations sont tenues de remplir leurs obligations internationales en adoptant de fortes sanctions contre Israël et en mettant fin à tout autre type de soutien et de coopération politique, financier et militaire. Cela inclut l'arrêt immédiat des transferts d'armes vers Israël, y compris les permis d'exportation et l'aide militaire ; sinon, ces nations seront tenues responsables des crimes commis dans la bande de Ghaza, y compris le génocide», a conclu le communiqué.
Et pourtant rien ne s'est réalisé de ce qu'espérait Netanyahu. Aucun acquis susceptible d'être comptabilisé comme triomphe n'est venu arborer la poitrine d'officiers trouillards d'une armée pourtant suréquipée. Ni la tentative d'assassinat de Trump, ni sa consécration comme candidat officiel entérinée par les républicains, ni l'impasse politique de Macron, ni la canicule n'ont pu restreindre la vision du massacre le plus abominable. Les pires tortures ont été commises avec une cruauté inédite. Du bombardement au bombardement des ruines, du rasage des êtres à la destruction massive, rien n'est venu faire cesser l'abominable et pourtant toutes les stratégies meurtrières ont été vaincues. Ici, sur un sol abreuvé de sang et de pleurs. L'option de la famine comme moyen de guerre vers la soumission, la soif comme moyen de pression vers l'abandon et pourtant rien ne se fit, rien n'arrive à rompre l'opiniâtreté d'un peuple décidé à vivre ou à mourir debout. Et pourtant il meurt en quantité, par grands lots sans que l'humanité n'ait à s'en soucier. La guerre continue et pourtant l'âme de ceux qui meurent renaît bien en ces corps chétifs d'enfants rescapés. La cause nationale reste plus vive et ardente que le souffle d'une vie sous l'hystérie criminelle d'un régime en pleine agonie. Encore que, ce n'est pas au délire du gouvernement extrémiste israélien qui se déchire, d'amoindrir la fermeté rassurée d'un Hamas renforcé plus que jamais pour l'amener à accepter n'importe quoi. La résistance avec toutes ses factions maintient la dragée haute. Pas d'accord sans l'évacuation des troupes d'occupation et un cessez-le-feu immédiat. Il n'y a pas lieu d'attendre un fléchissement dans les conditions à toute trêve tant que les martyrs n'ont rien à perdre. C'est l'entité sioniste qui maintenant se trouve en quête d'une voie pour décomplexer le blocage qui fige le conseil de guerre. Ils ne se parlent plus. Ils ne sont sur aucune ligne commune du comment terminer cette folie. Et pourtant la guerre est inégale, les forces militaires ne sont pas équilibrées et les résistants, les pieds nus, les combattants d'honneur ne pensent pas s'arrêter en si bon chemin.
Il n'est pas question qu'après 10 mois et 12 jours de génocide infini, de tueries systématiques, de terre brûlée, d'un côté, de morts d'officiers supérieurs et autant de mercenaires de Tsahal, de blindés rendus hors d'usage, de condamnations universelles, d'impasse politique, de l'autre, l'on se retire. La vie n'existe plus à Ghaza. La mort y est une routine et les villes ne sont que des charniers, des cimetières où l'on tue à huis clos et pourtant la déflagration ne gêne pas le cri de nouveau-nés. Comme ce monde reste éternellement partial et même fort injuste, à Paris, le 14 juillet, on lance pour la joie des feux d'artifice, ailleurs, la bande brûle de mille feux de bombes. À Milwaukee, dans le Wisconsin, l'on intronise un Trump renouvelé, ailleurs, l'on ne se trompe pas de cibles, l'on calcine les bébés. Et pourtant...
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