La Tunisie, le Maroc, l’Irak, le Pakistan, la Libye, le Yémen, la Syrie, le Liban reconnurent immédiatement le G.P.R.A. L’Égypte bien que mécontente, a fini par suivre le mouvement.
Le G.P.R.A a imposé son existence en tant que représentant légitime du peuple algérien
L'annonce de la création du ouvernement provisoire algérien le 19 septembre 1958 au Caire a eu l'effet d'un choc psychologique qui a propulsé d'une manière foudroyante l'Algérie au-devant de la scène internationale. L'idée de la formation d'un gouvernement algérien a germé lors de la réunion des trois partis maghrébins au Maroc. Le 27 avril 1958, s'ouvrit, en effet, à Tanger une conférence des partis nationalistes du Maghreb, qui regroupait des délégués de l'Istiqlal marocain, du Destour tunisien et du FLN algérien. À l'ordre du jour de la conférence figurait en première position la question de «la Guerre de l'indépendance en Algérie». La conférence a non seulement proclamé unanimement le droit du peuple algérien à l'indépendance, mais elle a également voté une résolution finale, le 30 avril, formulée ainsi: «Considérant que le rassemblement du peuple algérien autour du FLN fait de celui-ci l'unique représentant de l'Algérie indépendante recommande la constitution, après consultation des gouvernements tunisien et marocain, d'un gouvernement algérien.» L'annonce de cette création a été reportée à plusieurs reprises à cause des objections qui auraient été formulées aussi bien par le président tunisien Habib Bourguiba que par le roi marocain Mohammed V.
Krim Belkacem intransigeant
Pour eux, cette initiative avait plus d'inconvénients que d'avantages En réalité, ils en redoutaient les répercussions sur leurs rapports avec la France et craignaient que cet organisme, ne soit un nouvel obstacle pour l'avènement de la paix au Maghreb. Mais Krim Belkacem n'était pas de cet avis, c'était lui qui avait hâté la mise en place du G.P.R.A en affirmait alors que «le monde extérieur ne nous respectera et ne nous fera confiance que si nous arrivons à parler le même langage et que nous adoptons un comportement efficace». Présidé par Ferhat Abbas, le G.P.R.A, se compose de dix ministres: Krim Belkacem, Mohamed Lamine Debaghine, Mahmoud Cherif, Lakhdar Bentobbal, Abdelhafid Boussouf, Abdelhamid Mehri, Ahmed Francis, M'hamed Yazid, Benyoucef Benkhedda, Ahmed Taoufik El Madani - auxquels s'ajoutent trois secrétaires d'État à l'intérieur de l'Algérie (Lamine Khène, très jeune membre et seul encore en vie, Omar Oussedik, Mostefa Stambouli) et les quatre «historiques» emprisonnés en France (Hocine Aït Ahmed, Ahmed Ben Bella, Mohamed Boudiaf, Rabah Bitat), désignés «ministres d'État». C'est M'hamed Yazid, qui annonce la création du Gouvernement provisoire de la République algérienne (G.P.R.A). C'est lui qui a été désigné ministre de l'Information et accessoirement porte-parole. Aussitôt proclamé en 1958, simultanément depuis Le Caire, Rabat et Tunis, le nouveau gouvernement en exil obtient la reconnaissance de dizaines d'États souverains qui ont apporté leur soutien indéfectible au combat des Algériens pour leur indépendance.La Tunisie, le Maroc, l'Irak, le Pakistan, la Libye, le Yémen, la Syrie, le Liban reconnurent immédiatement le G.P.R.A. L'Égypte bien que mécontente, reconnut... La conjoncture internationale de l'époque lui avait donné raison. Deux évènements majeurs ont catalysé l'annonce de la création du G.P. R.A: Le premier était l'ouverture à New York de la 13eme session de l'Assemblée générale des Nations unies et le second était l'annonce de la tenue du référendum du 28 septembre proposé par le gouvernement du général de Gaulle, de retour aux affaires.
Un coup dur pour De Gaulle
En effet, l'action du G.P.R.A a largement influencé le débat sur la question algérienne à l'Assemblée générale des Nations unies. Pour la première fois, les Etats-Unis, l'un des principaux alliés de la France, choisissent l'abstention lors d'un débat au Conseil de sécurité. Ce n'était pas sans rasions d'ailleurs que le premier acte diplomatique du G.P.R.A a été de dénoncer, dès le lendemain de sa création, à l'ONU, le référendum sur la nouvelle Constitution annoncé par le général Charles de Gaulle. Un coup dur au général qui cherchait l'appui du président américain Eisenhower. Ce texte qui a posé les fondements de la cinquième République française, devait être interprété, en Algérie, comme manifestant la volonté de la population de rester ou non attachée à la France. Ce premier acte du G.P.R.A a été suivi par de nombreuses autres actions diplomatiques destinées à dénoncer l'occupant français, la puissance usurpatrice, et à faire connaître la cause algérienne. L'objectif escompté était de gagner le soutien et la solidarité de la communauté internationale à travers une participation aux foras internationaux et des visites à des pays solidaires du combat des Algériens pour recouvrer leur indépendance. Sa création a rendu possible la participation de la République algérienne à de nombreuses manifestations, notamment au niveau africain, telles que les conférences d'Accra (Ghana-décembre 1958), Monrovia (Libéria-août 1959), Tunis (janvier 1960) et Casablanca (Maroc-1961).L'intense activité menée par des représentants officiels du G.P.R.A et leurs actions diplomatiques dans les forums internationaux et dans les nombreuses capitales où le gouvernement présidé par Ferhat Abbas, disposait de représentations permanentes, y compris à l'ONU, ont permis à l»Algérie de faire entendre sa voix. Le G.P.R.A connut trois composantes de 1958 à 1962 sous la présidence de Ferhat Abbas puis de Benyoucef Benkhedda, le G.P.R.A a imposé son existence en tant que représentant légitime du peuple algérien dans les négociations d'Evian qui ont abouti à la signature de l'accord de cessez-le-feu le 19 mars 1962, ensuite à l'indépendance.
Aussi célèbre que Maradona, la tour Eiffel ou les Beatles, ce personnage iconique a traversé notre histoire récente avec constance. Le visage, les habits aux couleurs exagérées ou la démarche si particulière sont reconnus par l'humanité entière quel que soit le lieu sur cette planète.
C'est l'occasion pour nous de comprendre cette énigmatique figure qui a accompagné la vie de sujets qui, pour la majorité, n'ont connu qu'elle et qui lui vouent un culte. Ainsi que des millions de personnes dans le monde qui ont fini par nourrir une certaine sympathie, voire de la tendresse.
«Elle va tous nous enterrer !»
Tout le monde connait cette expression que nos grands-parents disaient et que nos descendants diront lorsqu'on se rend compte d'une longévité exceptionnelle d'une personne dont on finit par ne plus penser ou croire à sa fin.
Pour la reine d'Angleterre, c'est probablement ce que j'ai entendu le plus d'elle durant ces trente dernières années. Fidel Castro est parti, Mao est lointain dans notre souvenir, De Gaulle ne nous apparaît qu'en noir et blanc dans notre téléviseur, de Ghandi il ne reste que l'image du petit homme que nous regardions aux actualités du cinéma. Et la reine d'Angleterre est toujours là, parfois aux obsèques de grands de ce monde qu'elle a vu arriver et disparaitre dans un temps qui semble bien court au regard de son apparente éternité. Cette Reine a connu Churchill comme Premier ministre et nous ne comptons plus le nombre de ceux qui ont succédé à ce poste. Elle a rencontré un nombre incalculable de fois la quasi-totalité des dirigeants politiques et des célébrités de ce monde ainsi que les Papes qu'elle a vu mourir et laisser la place au suivant.
Ce week-end passé, le peuple britannique a célébré le jubilé de la reine dans une ferveur générale qu'on connaissait mais qui nous a encore une fois étonné par son ampleur. Des rassemblements dans toutes les villes et villages du royaume, les Britanniques ont été unis dans une communion que seul le lendemain de la victoire lors de la seconde guerre mondiale a pu égaler.
Des pique-niques géants dans les rues qui ont été fermées à la circulation sur demande des comités de quartier. Un concert gigantesque face au Palais de Buckingham, des ventes de produits dérivés par centaines de milliers à l'effigie de la reine et même des mascottes représentant ses chiens préférés qui font partie de son image.
Quant aux télévisions du monde, les retransmissions ont été considérables dans le temps consacré à ce jubilé et les audiences étonnamment élevées. Cependant, la star de l'événement était fatiguée et ne pouvait participer aux festivités, à la grande déception de tous ses sujets.
Dans un effort qu'elle ne pouvait refuser, son apparition fut annoncée au balcon du Palais et nous avons constaté, fallait-il cette fois-ci seulement, ce que représente cette reine dont une grande partie de la foule n'était pas née lorsqu'elle accéda au trône (j'avais 7 ans).
La reine, c'est quoi dans une démocratie ?
C'est le point fondamental de connaissance, celui qui éclaire tout le reste. La plupart du temps, le public associe la royauté au régime autoritaire, despotique et mystique. C'est que nous avons en tête tant d'exemples dans l'histoire et, encore aujourd'hui, à travers le monde.
Le royaume d'Angleterre fut le premier à mettre en place le régime parlementaire. Alors que nous considérons les Grecs anciens comme les inventeurs de la démocratie, nous attribuons la paternité du parlementarisme aux Anglais.
En fait, bien que nous pourrions opposer quelques réserves, on peut affirmer que la France et l'Angleterre, les deux grandes puissances mondiales de l'époque, n'ont pas connu la même rupture historique.
Brutale, et même sanglante, la Révolution française a coupé la tête au roi et, après plusieurs aller-retours, la république s'est installée d'une manière constante en 1875, avec la IIIème république. Mais c'est trop rapidement oublier que l'objectif initial des révolutionnaires français était de se constituer en Assemblée nationale et d'imposer au roi une constitution d'inspiration libérale. Les révolutionnaires n'avaient, au départ, aucune intention de supprimer la royauté car ils savaient la dévotion sacrée du peuple à son égard.
C'est son obstination dans le refus et sa fuite pour rejoindre les coalisés étrangers, soit les royautés européennes, qui a provoqué le régicide. Sans cet épisode, la France aurait été, elle aussi, une monarchie constitutionnelle, toutefois sans certitude pour sa longévité.
Ainsi le parlementarisme repose sur l'idée d'une constitution qui accorde au peuple le pouvoir légitime du vote des lois et du gouvernement. En quelque sorte, les deux piliers de la séparation des pouvoirs de Montesquieu, si on y rajoute le pouvoir judiciaire.
Et le souverain ? Son rôle est d'être la représentation symbolique de l'Etat, celui qui incarne l'unicité du pays et qui jouera les maîtres de cérémonie pour la passation de pouvoir entre les différentes majorités politiques.
Et c'est ainsi qu'il devient le chef de l'Etat, c'est-à-dire celui qui représentera le « pays entier » aux cérémonies intérieures et extérieures.
Il n'a aucun pouvoir exécutif, donc politique. Il peut être un souverain ou un Président de la République, selon le modèle institutionnel. On dira qu'il s'agit d'une « monarchie constitutionnelle » lorsqu'il s'agit d'un monarque (ou une) et d'un « Régime parlementaire » lorsqu'il s'agit d'un Président.
La reine d'Angleterre est l'incarnation de la nation et sa continuité historique car elle représente le socle qui perdure alors que les partis politiques clivent et se combattent.
C'est ainsi que les souverains ou Présidents ont le titre de chef de l'Etat alors qu'ils n'ont aucun pouvoir exécutif. C'est assez surprenant car le titre a totalement un sens différent avec la constitution américaine et française. Et surtout dans le cas français, dont la plupart des anciennes colonies françaises ont hérité l'organisation institutionnelle (mais en dictatures). En France, le Président est le chef de l'exécutif avec un rôle politique prééminent, même presque exclusif comme le pouvoir d'Emmanuel Macron.
Le plus étonnant est que la reine d'Angleterre est également le chef de l'Etat de nombreux pays du Commonwealth même si de grands pays ont renoncé à ce lien et que d'autres, comme l'Australie, annoncent sa fin.
Elizabeth II a donc eu le meilleur, le rôle d'unification, et a évité le pire, soit l'instabilité politique qui ne la maintiendrait pas au pouvoir. Elizabeth II assume ce rôle parfaitement, je dirais même d'une manière caricaturale.
La reine est donc l'image de la nation et sa famille représente toutes les familles. On ne pourrait pas comprendre ce lien fort entre elle et le peuple britannique si on ne se réfère pas au rôle unificateur qu'à joué la défunte mère de la reine au moment de la tragédie de la seconde guerre mondiale. Et voilà comment s'explique en grande partie les immenses festivités du jubilé et de l'attachement profond de la majorité des Britanniques à leur souveraine.
Tout cela n'explique cependant pas tout pour justifier de la tendresse que la foule britannique lui voue. Il y a beaucoup d'autres raisons qui accompagnent et renforcent le développement initial que nous avons exposé. J'en ai choisi deux car la page d'un journal n'est pas extensible.
Never complain, never explain
Ce n'est pas la devise du royaume mais celle du souverain depuis près de deux siècles. On peut la traduire par «Ne jamais s'expliquer, ne jamais se plaindre».
On attribue le plus souvent l'origine de la devise à la grande reine Victoria qui éduquait son fils, l'héritier de la couronne. D'autres l'attribuent au célèbre Premier ministre Disraeli et enfin, à Churchill dont on attribue presque toutes les bonnes phrases qui perdurent dans la mémoire populaire. Pui importe l'origine, la reine Elizabeth a incarné cette devise d'une manière exceptionnelle. C'est pour cela qu'elle a renforcé son image d'icône par ce comportement. Une icone ne doit pas montrer ses sentiments et encore moins, ses humeurs.
Car les sentiments et les humeurs rabaissent la symbolique et remmèneraient la souveraine à un état commun, celui de n'importe quel sujet.
On peut rajouter que les sentiments et humeurs sont déjà une opinion et la reine ne doit être d'aucun camp sinon elle ne serait pas la référence de tous pour unifier le pays.
Bonbon acidulé et chapeaux volière
L'image vestimentaire de la reine, incroyablement connue, nous surprendrait de son excentricité s'il s'agissait d'une personne quelconque. Mais nous associons cette excentricité unique à la reine au point qu'elle soit devenue une marque de l'attachement populaire à son égard.
Couleurs vives, chapeaux improbables avec une construction insensée de végétation et d'oiseaux, certains rétorqueraient que c'est là le kitsch, si caractéristique des Anglais. Les plus méchants diraient que c'est conforme au mauvais gout britannique en matière de mode comme l'est la réputation tout aussi indigne sur leur cuisine.
Le goût vestimentaire anglais est pourtant parmi les plus raffinés au monde. L'élégance des chaussures, étoffes et costumes sont même devenus des génériques du chic.
Il faut bien entendu rechercher l'explication ailleurs. Ce n'est pas faute aux commentateurs du monde de l'avoir recherchée. Personnellement, l'explication la plus convaincante est celle de la reconnaissance visuelle dans une foule que certains avancent.
La reine, où qu'elle soit doit être reconnue dans une foule. Mais cela va plus loin et rejoint tout ce qui vient d'être exposé antérieurement, elle doit être le point de focalisation du regard, celui de la convergence. N'est-ce pas là, justement, la définition de la symbolique de l'unité du pays, concentré sur un point et non dispersé dans une foule, fatalement diverse et souvent divisée ?
Mais, malgré tout, la royauté reste une anomalie
Je suis profondément républicain même si cet article reste ambigu par rapport à ma position personnelle. Je me suis, jusque-là, limité à l'exposé et l'analyse d'une réalité sur le sentiment que provoque ce personnage hors-norme et son utilité dans la stabilité des institutions britanniques.
Tout cela est parfaitement exact et le système institutionnel britannique a montré, avec le rôle unificateur de la reine, son incroyable réussite. Le régime parlementaire est, et sera toujours, une invention britannique, nous ne pouvons que nous incliner car c'est une grande démocratie.
Mais par ailleurs, je n'ai exposé que le côté flamboyant et attachant de cette royauté. Notre tendresse envers cette image qui a traversé notre vie, pour les gens de ma génération, ne doit pas faire oublier tout ce qui se cache et qui ne présage pas forcément d'un avenir pérenne de la monarchie britannique. Il s'agit de toutes les turpitudes de cette famille royale, aussi agitée que choquante dans ses scandales à répétition. Il s'agit également de la fortune familiale immense, presque insolente au point que le pouvoir politique des Britanniques a mis fin récemment à une exception de la reine, elle devra désormais payer des impôts.
Sans compter que le jubilé a permis un intermède qui cache les profondes ruptures britanniques, surtout avec la crise économique et l'incertitude du Brexit. Le Royaume-Uni est au bord de l'explosion avec l'Irlande du Nord et l'Ecosse ainsi qu'avec l'éloignement progressif des pays du Commonwealth.
Mais l'argument le plus fort reste tout de même cette anomalie de l'hérédité, une contradiction absolue avec la démocratie. On me rétorquera que je suis alors en contradiction avec ce que j'ai exposé tout au long de l'article, le Royaume-Uni étant une grande démocratie.
Mon argument inverse et que de très nombreux autres pays démocratiques reposent sur des régimes parlementaires républicains et que cela va tout aussi bien. Il m'est impossible d'accepter qu'une naissance soit la condition d'attribution d'un poste de chef d'Etat, tout aussi honorifique, symbolique et utile qu'il soit. Certes, il s'agit d'une démocratie mais les dictatures népotiques ont le même système. L'humanité a mis des siècles pour que certains pays (hélas, encore minoritaires dans la part démographique mondiale) afin d'arriver à la démocratie et d'en finir avec la noblesse de sang et le pouvoir héréditaire.
C'est vrai, lorsque la reine Elizabeth disparaitra, cela ne devrait hélas pas tarder (peut-être même après la mienne auparavant), je serai touché car elle a traversé ma vie et j'ai finalement une certaine peine nostalgique à cette idée. Mais la tendresse n'est pas l'adhésion à la royauté d'un républicain convaincu à jamais.
C'est seulement parce que je respecte les grandes démocraties que je me suis associé de loin à ce jubilé pour dire, tendrement et sans le proclamer à haute voix, Good save the Queen !
C'est en fait à ma vie que je dis un au-revoir anticipé car la disparition de la reine entamera le crépuscule de la mienne, débutée à Oran, heureuse, insouciante et inconsciente de ce qui allait lui tomber sur la tête.
Homme réfléchi, il a étudié l’islam en profondeur, allant même jusqu’à apprendre l’arabe pour lire le Coran.
Le nouveau roi du Royaume-Uni, Charles III, en Écosse, le 7 septembre 2022 (AFP)
La semaine dernière, Liz Truss a pris la tête du gouvernement le plus islamophobe de l’histoire britannique pour beaucoup.
Un gouvernement qui refuse de travailler avec le plus important organe représentatif des musulmans britanniques, a mis en place un régime de sécurité injuste (Prevent) visant les musulmans, a limogé une ministre parce que son « statut de ministre musulmane mettait ses collègues mal à l’aise ». Un gouvernement accusé cette semaine de traiter les musulmans comme des citoyens de seconde zone.
Sans surprise, plus de la moitié des membres du Parti conservateur au pouvoir entretiennent de folles théories du complot sur l’islam britannique.
Deux jours après que Truss est devenue Première ministre, le roi Charles III a accédé au trône. Homme réfléchi, il a étudié l’islam en profondeur, allant même jusqu’à apprendre l’arabe pour lire le Coran.
Le nouveau roi est le monarque le plus islamophile de l’histoire britannique. Le contraste avec son gouvernement est frappant.
Un discours électrisant
Il y a plusieurs décennies déjà, le prince Charles réfutait la thèse du « choc des civilisations » qui soutient que l’islam est en guerre avec l’Occident. Il affirme au contraire que l’islam, le judaïsme et le christianisme sont trois grandes religions monothéistes qui ont beaucoup plus en commun qu’on ne le pense généralement.
Depuis 1993, le nouveau roi est un mécène du Centre d’études islamiques d’Oxford. Cette année-là, il a prononcé le discours inaugural, intitulé « L’islam et l’Occident ». Ce n’était pas le genre de discours sur la religion que la plupart des gens attendent des politiciens et de la famille royale ; ces derniers ont tendance à se contenter de platitudes creuses.
Alors prince de Galles, il s’est plongé dans une réflexion complexe sur la civilisation islamique et ses relations avec l’Europe. Charles estime que l’islam fait « partie de notre passé et de notre présent, dans tous les domaines de l’activité humaine. Il a contribué à créer l’Europe moderne. Cela fait partie de notre propre héritage, ce n’est pas une chose à part. »
Opposé à la guerre en Irak, compatissant envers les Palestiniens : révélations sur le prince Charles
Il exhortait la population occidentale à voir au-delà des distorsions contemporaines de l’islam : « Le principe directeur et l’esprit de la loi islamique, tirés directement du Coran, devraient être ceux de l’équité et de la compassion. »
Il observait que les femmes avaient obtenu le droit de propriété et d’héritage dans l’islam il y a 1 400 ans, a rendu hommage à la « tolérance remarquable » de l’islam médiéval et a déploré « l’ignorance occidentale de la dette de notre propre culture et civilisation envers le monde islamique ».
Le prince qualifiait les communautés musulmanes britanniques d’« atout pour la Grande-Bretagne » qui « ajoute à la richesse culturelle de notre nation ».
Contrairement à ceux qui exigent que les musulmans abandonnent leur identité pour s’assimiler, le prince de Galles souhaitait un processus d’intégration dans les deux sens : les musulmans doivent « équilibrer leur liberté vitale d’être eux-mêmes avec une appréciation de l’importance de l’intégration dans notre société », tandis que les non-musulmans devraient « respecter la pratique quotidienne de la foi islamique et prendre décemment soin d’éviter les actions susceptibles de blesser profondément ».
C’était un discours électrisant : voici l’héritier du trône disant aux musulmans britanniques, pour la plupart des migrants des anciennes colonies, que leur présence dans le pays n’était pas seulement la bienvenue, mais appréciée.
Difficile d’imaginer un plus grand contraste avec les interventions récentes des politiciens britanniques de premier plan.
Prince « controversé »
Ces dernières années, l’attitude du prince Charles à l’égard de l’islam et du monde musulman ont souvent suscité la controverse.
Un livre du correspondant royal Robert Jobson, écrit avec la coopération du bureau du prince et publié en 2018, révélait qu’il s’ était opposé à l’invasion de l’Irak en 2003, exprimant en privé ses objections au Premier ministre Tony Blair. Selon Jobson, le prince Charles croyait que « marcher en portant une bannière pour la démocratie à l’occidentale était à la fois téméraire et futile ». Celui-ci avait également fait savoir aux ministres qu’il ne souhaitait plus que ses relations avec les dirigeants du Golfe soient utilisées par les entreprises d’armement britanniques afin de vendre leurs armes.
Le prince Charles admire des œuvres d’art islamique moderne à l’école d’art traditionnel Qasr Al-Taz, lors de sa visite du Caire, le 21 mars 2006 (AFP)
Ensuite, il y a sa sympathie envers les Palestiniens, ce qui explique peut-être pourquoi c’est son fils le prince William, et non le prince Charles lui-même, qui a effectué la première visite royale en Israël en juin 2018. Ce n’est qu’en 2020 que le prince Charles a effectué sa première visite en Israël. Il a pris soin de visiter les territoires palestiniens occupés, où il a dit souhaiter « que l’avenir apporte la liberté, la justice et l’égalité à tous les Palestiniens ».
Aucun ministre britannique n’a exprimé des sentiments similaires dans l’histoire récente. En ce qui concerne les musulmans européens, Charles III critique la laïcité de la France et de la Belgique et est en désaccord avec leurs interdictions faites aux femmes de porter le niqab en public. Il n’a pas le temps pour la politique anti-musulmane qui gagne du terrain dans toute l’Europe.
Son travail caritatif a été critiqué. En juin dernier, le prince avait fait la une des journaux après que le Sunday Timesavait révélé qu’il avait accepté une valise contenant un million d’euros en espèces du cheikh Hamad ben Jassim ben Jaber al-Thani, l’ancien Premier ministre qatari. Le fonds de bienfaisance du prince Charles avait démenti tout acte répréhensible et rien ne suggère que ce dernier en ait bénéficié personnellement.
Il a peut-être commis des erreurs de jugement, mais une grande partie des articles de la presse étaient injustes et montraient une méconnaissance du sujet.
Pensez au déluge d’articles sensationnels en juillet sur un don d’un million de livres sterling que son fonds de bienfaisance a reçu de la famille d’Oussama ben Laden en 2013. Il n’y a eu aucun acte répréhensible : la famille ben Laden est l’une des plus établies en Arabie saoudite, et sous-entendre un lien avec le terrorisme et al-Qaïda était absurde.
Un fervent « traditionaliste »
Les commentateurs anti-musulmans se moquent du nouveau roi de Grande-Bretagne pour sa curiosité intellectuelle. Le commentateur néoconservateur américain Daniel Pipes en est un exemple. Son billet de blog intitulé : « Le prince Charles s’est-il converti à l’islam ? » cite de nombreuses « preuves » qu’il est lui-même devenu musulman, notamment le fait que le prince Charles a participé à une cérémonie de rupture du jeûne pendant le Ramadan et sa critique de Salman Rushdie pour avoir insulté les « convictions les plus profondes » des musulmans.
Au siècle dernier, de fausses rumeurs similaires tourbillonnaient autrefois autour de Winston Churchill.
En vérité, le roi est un fervent anglican dont l’engagement profond envers l’islam (ainsi qu’envers le judaïsme et le christianisme orthodoxe) est lié à son intérêt pour le traditionalisme, l’école de pensée ésotérique du XXe siècle dont les premiers partisans se sont élevés contre le monde moderne, croyant que toutes les grandes religions partagent des vérités universelles qui pourraient être des antidotes aux malheurs contemporains.
Le roi Charles III est un fervent anglican qui croit que toutes les grandes religions partagent des vérités universelles susceptibles d’être des antidotes aux malheurs contemporains
Charles III s’est particulièrement intéressé aux œuvres de René Guenon, l’un des penseurs les plus importants du traditionalisme. Écrivant au début du XXe siècle, Guenon – intellectuel français élevé dans la foi catholique et éduqué à la Sorbonne – voyait la modernité occidentale, qui « s’est développée sur des lignes matérielles », comme représentant une « anomalie » dans l’histoire humaine.
« Si [les traditionalistes] défendent le passé », déclarait le prince Charles dans un discours de 2006, « c’est parce que dans le monde prémoderne, toutes les civilisations étaient marquées par la présence du sacré ». En revanche, notre époque actuelle est celle de « la désintégration, de la déconnexion et de la déconstruction ».
Dans une allocution prononcée devant l’Assemblée générale de l’Église d’Écosse en 2000, le prince Charles prévenait que notre époque « risqu[ait] d’ignorer, ou d’oublier, toute connaissance du sacré et du spirituel ». C’est cette préoccupation qui sous-tend son action pour l’environnement. Charles III croit que l’Occident moderne « est devenu de plus en plus avide et exploiteur », suggérant que nous pouvons réapprendre la « tutelle du caractère sacramentel et spirituel vital du monde » de l’islam.
Guenon lui-même regardait vers l’Est, rédigeant plusieurs ouvrages sur l’hindouisme et le taoïsme avant de quitter Paris pour Le Caire. Là, il s’est initié à l’ordre soufi Ahmadiyya Shadhiliyya et a étudié à al-Azhar, l’un des centres mondiaux de l’érudition musulmane sunnite. Devenu musulman, il est mort au Caire en 1951.
Le rôle de Guenon dans la formation de la vision du monde du roi a déconcerté de nombreux commentateurs traditionnels. L’historien militaire Max Hastings en est un bon exemple. En 2010, dans une critique du livre du prince Charles Harmony: A New Way of Looking at Our World, il a écrit dans le Daily Mail que « le principal péril pour notre institution royale dans les décennies à venir réside dans sa tête bien intentionnée, embrouillée et confuse ».
Critiques brutales
Sans se laisser décourager par le regard désapprobateur des médias britanniques, le prince Charles s’est servi de son titre de prince de Galles pour faire avancer ses idées dans la pratique. En 1993, la Fondation du Prince a commencé à abriter le Programme d’arts visuels islamiques et traditionnels.
Le roi Charles III rencontre la Première ministre Liz Truss et des membres de son cabinet au palais de Buckingham à Londres, le 10 septembre 2022 (AFP)
Là, les étudiants ont produit des miniatures mogholes, des carreaux ottomans et de la calligraphie arabe. Deux éminents érudits traditionalistes étaient des professeurs invités – le philosophe Seyyed Hossein Nasr et l’érudit Martin Lings, qui a écrit une célèbre biographie du prophète Mohammed et s’est senti « frappé par la foudre » quand il a lu Guenon pour la première fois. Le programme est devenu l’École des arts traditionnels de la Fondation du Prince en 2004.
L’amour de Charles III pour l’art islamique est visible dans sa vie personnelle. D’où le Carpet Garden, inspiré des jardins islamiques, dans sa maison du Gloucestershire, Highgrove. Il avait expliqué : « J’ai planté des figuiers, des grenades et des oliviers dans le jardin à cause de leur mention dans le Coran. »
Tout cela place le roi Charles III dangereusement en décalage avec le gouvernement Truss et le Parti conservateur qu’elle dirige. Si Charles III revient sur le sujet de l’islam, il est certain qu’il s’ouvrira aux critiques brutales de la droite néoconservatrice qui fixe une grande partie de l’ordre du jour de ce gouvernement conservateur.
Reste à voir si, sur le trône, il continuera à parler de religion aussi ouvertement qu’il l’a fait lorsqu’il était prince de Galles. Il doit garder à l’esprit l’exemple de sa mère, qui s’est astucieusement tenue à l’écart des controverses publiques. Il est néanmoins profondément significatif que nous ayons un roi qui admirait ouvertement l’islam.
Une déclaration audacieuse
Les mosquées à travers le pays ont présenté leurs condoléances pour la mort de la reine Elizabeth II, et de nombreux musulmans ont noté l’attitude du nouveau roi envers l’islam.
Dans son sermon avant la prière de vendredi dernier dans la mosquée écologique de Cambridge, Shaykh Abdal Hakim Murad, le maître de conférences en études islamiques de l’Université Shaykh Zayed, a abondamment cité le discours du prince Charles en 1993 sur « l’islam et l’Occident », faisant remarquer que son intérêt généreux pour l’islam le distinguait d’une grande partie de la classe politique britannique. Notant que le prince Charles avait appris l’arabe pour lire le Coran, il s’interrogeait : « Combien de personnes au Parlement feraient cela ? »
Charles III suivra-t-il le doux exemple de sa mère et soulignera-t-il tranquillement les traditions britanniques de tolérance et de multiculturalisme, contrairement au nationalisme des gouvernements Johnson et Truss ?
Charles III suivra-t-il le doux exemple de sa mère et soulignera-t-il tranquillement les traditions britanniques de tolérance et de multiculturalisme, contrairement au nationalisme des gouvernements Johnson et Truss ?
Certains signes tendent à montrer que ce sera le cas.
Repensez au premier discours du roi Charles III en tant que souverain : « Au cours des 70 dernières années, nous avons vu notre société devenir une société abritant de nombreuses cultures et de nombreuses religions », a-t-il déclaré, avant de promettre : « Quels que soient vos origines ou vos croyances, je m’efforcerai de vous servir avec loyauté, respect et amour. »
C’était une déclaration de pluralisme à la fois audacieuse et sans équivoque. Et quiconque a prêté attention à ses déclarations et actions en tant que prince de Galles saura qu’il le pense sincèrement. C’est une position qui le distingue du gouvernement britannique.
- Peter Oborne a été élu meilleur commentateur/blogueur en 2022 et en 2017, mais aussi désigné journaliste indépendant de l’année 2016 à l’occasion des Drum Online Media Awards pour un article qu’il a rédigé pour Middle East Eye. Il a reçu le prix de Chroniqueur britannique de l’année lors des British Press Awards de 2013. En 2015, il a démissionné de son poste de chroniqueur politique du quotidien The Daily Telegraph. Son dernier livre, The Assault on Truth: Boris Johnson, Donald Trump and the Emergence of a New Moral Barbarism, est sorti en février 2021 et a figuré dans le top 10 des bestsellers du Sunday Times. Parmi ses précédents ouvrages figurent Le Triomphe de la classe politique anglaise, The Rise of Political Lying et Why the West is Wrong about Nuclear Iran.
- Imran Mulla étudie l’histoire à l’université de Cambridge.
Les opinions exprimées dans cet article n’engagent que leur auteur et ne reflètent pas nécessairement la politique éditoriale de Middle East Eye.
Peter Oborne won best commentary/blogging in both 2022 and 2017, and was also named freelancer of the year in 2016 at the Drum Online Media Awards for articles he wrote for Middle East Eye. He was also named as British Press Awards Columnist of the Year in 2013. He resigned as chief political columnist of the Daily Telegraph in 2015. His latest book is The Fate of Abraham: Why the West is Wrong about Islam, published in May by Simon & Schuster. His previous books include The Triumph of the Political Class, The Rise of Political Lying, Why the West is Wrong about Nuclear Iran and The Assault on Truth: Boris Johnson, Donald Trump and the Emergence of a New Moral Barbarism.
Imran Mulla studies History at Cambridge University.
Peter Oborne
, Imran Mulla
Mardi 13 septembre 2022 - 13:43 | Last update:1 week 10 hours ago
Une historienne explique à Middle East Eye que les allégations concernant l’arbre généalogique de la reine sont « des suppositions et des conjectures »
La reine Elizabeth II assiste à une cérémonie de plantation d’arbres dans le bois du Jubilé de diamant dans sa propriété de Sandringham dans le Norfolk, Nord-Est de l’Angleterre, le 3 février 2012 (Reuters)
Rien ne prouve que la reine Elizabeth II était une descendante du prophète Mohammed ou de son clan hachémite dans la péninsule Arabique contrairement aux informations et publications sur les réseaux sociaux qui l’ont proclamé après le décès de la souveraine la semaine dernière, assurent à Middle East Eye une historienne et un éditeur britannique spécialisé dans la généalogie.
Cette théorie prétend que la lignée de la reine rejoint l’arbre généalogique du prophète à travers la princesse musulmane Zaida de Séville au XIe siècle, personnalité mystérieuse qui a vécu à Al-Andalus.
Ces conclusions, partagées par les médias britanniques depuis 2018 et qui ont refait surface après la disparition de la reine, ont été attribuées à Burke’s Peerage, un éditeur britannique spécialisé dans la généalogie et faisant autorité au sujet des ancêtres de la famille royale depuis 1847.
« Malheureusement, nous n’avons pas d’informations généalogiques là-dessus. Nous n’étions pas la source originelle »
- Burke’s Peerage, éditeur
Les journaux citent Burke’s Peerage comme source de l’arbre généalogique qui relie la reine Elizabeth au prophète Mohammed à la suite d’un article d’un historien pour un journal marocain affirmant de telles conclusions.
Cependant, dans un email à Middle East Eye, Burke’s Peerage indique : « Malheureusement, nous n’avons pas d’informations généalogiques là-dessus. Nous n’étions pas la source originelle, même si cela a été répété de manière erronée au fil des ans. »
L’éditeur ajoute que Iain Moncreiffe, un officier britannique et généalogiste, semble être à l’origine de cette allégation.
« Il serait intéressant que les historiens et les chercheurs puissent examiner convenablement ce sujet », estime-t-il.
Les hachémites et Thatcher
Actuellement, il n’y a aucun élément sourcé, faisant autorité et officiel reliant les monarques britanniques au prophète de l’islam.
Ce dernier prétendait que le « grand-père » de la souveraine britannique était un musulman contraint de se convertir au christianisme « lors de l’Inquisition », avant son arrivée en Angleterre. Le grand-père de la reine Elizabeth II, le roi Georges V, a régné entre 1910 et 1936.
Il y a également un communiqué d’octobre 1986 signé par un groupe nommé Musulmans au palais de Buckingham et publié par United Press International (UPI), citant une lettre qui aurait été écrite par Harold Brooks-Baker, directeur de publication de Burke’s Peerage, à l’ancienne Première ministre Margaret Thatcher, lui annonçant que la reine avait des ancêtres musulmans.
« L’ascendance directe de la famille royale qui remonte au prophète Mohammed ne peut suffire à protéger pour toujours la famille royale des terroristes musulmans », dit cette lettre.
« Peu de Britanniques savent que le sang de Mohammed coule dans les veines de la reine. Cependant, tous les dirigeants religieux musulmans en sont fiers. »
Interrogé sur cette lettre, l’éditeur a répondu à MEE : « Malheureusement, nous ne sommes pas au courant de cela, nous n’en avons aucune trace, si tant est qu’elle n’ait jamais existé. Peut-être que ce sujet fera l’objet d’un examen d’une recherche historique pour fournir une réponse primaire. »
Zaida et le jeu d’échecs
La princesse musulmane Zaida, qui a vécu à Séville, est une personnalité importante dans le supposé arbre généalogique de la reine Elizabeth II qui la relierait au prophète Mohammed.
Zaida est présentée comme une réfugiée musulmane qui a fui Séville, s’est convertie au christianisme et s’est fait connaître sous le nom d’Isabelle. Certains pensent qu’il s’agit de la fille du dirigeant de Séville, Al Mutamid ibn Abbad, descendant supposé du clan hachémite. Elle est devenue maîtresse du roi Alphonse VI de Castille, l’ennemi juré de son père.
L’un des enfants de Zaida aurait épousé Richard de Conisburgh, comte de Cambridge, au XIVe siècle. Il serait un ancêtre de la reine Elizabeth II.
« Zaida est un personnage mystérieux puisque nous disposons surtout de spéculations et de légendes, et de moins de faits historiques que ce que nous souhaiterions »
- Patricia Grieve, université de Columbia
Cependant, Zaida reste une personnalité mystérieuse et son histoire est loin d’être limpide.
Patricia Grieve, professeure de sciences humaines à l’université de Columbia, explique qu’il y a énormément de spéculations sur la relation de Zaida et du roi Alphonse VI de Léon-Castille.
« Il y a énormément de suppositions et de conjectures ainsi que certaines légendes », prévient-t-elle.
« Une histoire raconte qu’Alphonse VI aurait “remporté” Zaida lors d’une partie d’échec contre al-Mutamid, son père, roi musulman de Séville. C’est une légende qui tente d’établir une équivalence entre les femmes et les terres et de justifier qu’Alphonse VI n’ait pas remporté de terres contre al-Mutamid, il avait remporté la fille », développe l’universitaire.
La relation de Zaida avec le roi Alphonse VI reste obscure et on ne sait pas si elle était sa maîtresse ou sa femme.
Grieve précise que si Zaida est bel et bien la personnalité qui s’est convertie au christianisme et a adopté le nom d’Isabelle, cela la relierait aux familles royales de l’Europe au-delà de l’Espagne.
« Zaida est un personnage mystérieux puisque nous disposons surtout de spéculations et de légendes et de moins de faits historiques que ce que nous souhaiterions », regrette-t-elle.
« Rien ne peut me surprendre en matière de liens de parenté, même distants dans le temps et très ténus, entre des personnes, y compris la reine Elizabeth II et le prophète Mohammed », conclut-elle.
Middle East Eye n’a pas retrouvé de trace de l’organisation Musulmans au palais de Buckingham. MEE a contacté le journal marocain, Al-Ousboue, pour confirmer ses conclusions, mais n’avait reçu aucune réponse au moment de la publication.
Idéologue prolifique, travailleur acharné, rassembleur charismatique, Mehdi Ben Barka ne pouvait pas disparaître si facilement. En tout cas pas dans les consciences de générations de militants. La mort de l’opposant marocain ne pouvait pas effacer la vie d’une figure de proue, et sans tache, du mouvement anti-impérialiste, victime de l’un des crimes politiques les plus marquants du XXe siècle.
L’homme enlevé à Paris le 29 octobre 1965, celui que le pouvoir colonial français qualifiait de « redoutable agitateur », continue, aujourd’hui encore, de peser sur l’échiquier politique du royaume chérifien. Seule force d’opposition jusqu’au milieu des années 1980, la gauche marocaine a longtemps été divisée entre les tenants d’une « révolution démocratique » et ceux de l’« option révolutionnaire ». La mémoire de Ben Barka dessinait un trait d’union entre ces deux tendances, mais fit aussi l’objet d’une querelle d’appropriation. L’accueil des membres de sa famille ou de leur avocat Maurice Butin, les messages de son fils Bachir, tout cela constitue toujours un enjeu symbolique pour les socialistes marocains qui se définissent comme les « ayants droit » de l’héritage politique et intellectuel de celui qui fut l’interlocuteur de Gamal Abdel Nasser, Mao Zedong, Ahmed Ben Bella, Kenneth Kaunda ou Ernesto « Che » Guevara (1).
On peut comprendre la fascination qu’exerce encore cette personnalité en relisant son discours appelant à l’union des forces progressistes et de tous les mouvements de libération. Cette interpellation subjugua les participants à la Ire Conférence des peuples africains, à Accra en 1957, point de départ d’une carrière fulgurante de tribun et de locomotive internationaliste. Né en 1920 dans la médina de Rabat, élève brillant, diplômé en mathématiques et féru d’économie, l’homme fut d’abord un important leader nationaliste, véritable meneur de l’Istiqlal, le parti indépendantiste, dès 1944. Déporté dans le sud de l’Atlas par les autorités coloniales en 1951, il est libéré en 1954 et devient dans le combat de l’indépendance le défenseur du petit peuple et des campagnes, en ardent promoteur d’une réforme agraire. Mais, après 1956, il refuse de siéger au gouvernement et s’oppose à une dérive aristocratique du régime depuis la présidence de l’Assemblée consultative. S’éloignant du parti, il fonde le néo-Istiqlal, qui devient l’Union nationale des forces populaires (UNFP) en 1959. Accusé de complot, il choisit l’exil une première fois, avant un retour triomphal en mai 1962, sur la demande du nouveau roi Hassan II. Mais victime d’un attentat six mois plus tard, il doit reprendre le chemin de l’étranger et se voit condamné à mort par contumace en octobre 1964 pour ses positions jugées trop favorables à l’Algérie suite à la guerre des Sables (2).
Les deux policiers français, épaulés par des truands et un membre des services secrets français, qui l’enlèvent en plein jour devant la brasserie Lipp, à Paris, ne s’attaquent pas uniquement à un opposant que les courtisans du Makhzen qualifient de « cauchemar du Palais ». La cible de ce coup tordu est alors le pivot d’une dynamique qui œuvre au rassemblement du tiers-monde en répétant inlassablement le triptyque « mobilisation, union, libération ». Ben Barka veut sortir du cadre nationaliste et élargir le combat marocain en l’incluant dans une vision universelle. Sillonnant la planète tel un infatigable commis voyageur de la révolution, il passe d’un continent à l’autre, échappant à plusieurs tentatives d’assassinat. Un jour, il est au Caire pour prononcer un discours définissant et fustigeant le néocolonialisme. Le lendemain, il va à Moscou puis à Pékin pour s’ingénier à apaiser le différend sino-soviétique, avant de s’en retourner à Damas afin de concilier nassériens égyptiens et baathistes syriens. L’une de ses tâches essentielles consiste à convaincre ses interlocuteurs du Sud d’élargir l’Organisation de la solidarité des peuples afro-asiatiques (OSPAA) à l’Amérique latine. Après de longs entretiens à Alger en 1965, Ernesto « Che » Guevara l’impose comme président du comité préparatoire de la Tricontinentale, la conférence de solidarité des peuples d’Asie, d’Afrique et d’Amérique latine, qui doit avoir lieu à Cuba en janvier 1966 (3). Cette réunion anti-impérialiste qui se tient en pleine guerre froide reste un jalon emblématique dans l’histoire du tiers-mondisme, même si l’absence de son principal organisateur en a limité la portée.
Les disparitions ultérieures du général Mohamed Oufkir, chef des services secrets marocains en 1965, condamné en France pour l’assassinat de Ben Barka, puis de son adjoint de l’époque, Ahmed Dlimi (qui vraisemblablement l’exécuta après sa tentative de coup d’Etat de 1972), ont donné de l’épaisseur à l’intrigue. L’enlèvement de Ben Barka, réalisé sur le sol français, suivi d’une mort probable sous la torture, renforce son image de martyr. L’implication de plusieurs services secrets — en particulier celle du Mossad israélien, avérée dès 1966 — lui confère l’aura d’un adversaire des puissances dominantes et colonisatrices. La défense des victimes d’un pouvoir arbitraire a constitué un leitmotiv mobilisateur à de nombreux moments de la vie politique marocaine, notamment lors de l’arrestation ou de la liquidation brutale de militants. Par opportunisme, la mouvance religieuse cherche, à son tour, à s’approprier la mémoire de l’ancien précepteur du roi Hassan II, alors que, comble de l’ironie, nombre d’islamistes n’ont cessé de l’accuser d’athéisme. Dans un contexte marocain où la contestation de l’ordre établi est devenue plus sensible aux discours de l’intégrisme qu’aux références progressistes, la figure du célèbre disparu reste un symbole majeur qui fédère le monde « anti-système », sans distinctions idéologiques. Pendant les manifestations populaires du premier trimestre 2011, ses portraits ont été brandis par l’ensemble des courants politiques descendus dans la rue à la suite des révoltes tunisienne et égyptienne. Ses formules telles que « la seule politique est la politique de la vérité » inspirent encore les orateurs. Le souvenir de cet iconoclaste opère la difficile jonction entre plusieurs générations : celle de la résistance au fait colonial, celle du « faux départ » de l’indépendance, celle des « années de plomb » et, pour finir, celle du « printemps arabe ».
Si la disparition de Ben Barka n’a pas effacé sa mémoire, celle-ci ne désarme pas ses éternels ennemis. D’une part, l’affaiblissement de la gauche du fait de sa participation à différents gouvernements et donc de son assimilation à la corruption et, d’autre part, la montée de l’intégrisme et la diffusion des idées néolibérales au sein des élites locales ont permis aux conservateurs de promouvoir un révisionnisme méthodique. Par une propagande récurrente et multiforme, l’ancien leader incontesté de l’opposition marocaine se voit accusé d’avoir été l’architecte de « l’épuration du mouvement national » ou d’avoir travaillé pour les services secrets tour à tour tchécoslovaques ou israéliens. Il est également traité de « républicain communiste », une double disqualification majeure dans une monarchie à la fois millénaire et musulmane...
Pour autant, l’aura de Ben Barka résiste à ces ragots, car l’homme incarne encore ce Maroc qui aurait pu voir le jour « dans l’indépendance et le socialisme plutôt que dans la marocanisation de la colonisation (4) ». Il n’est d’ailleurs plus tabou pour le pouvoir. Le souverain Mohammed VI a même déclaré que « l’affaire Ben Barka l’intéressait autant que sa famille » et mis en place l’instance Equité et réconciliation pour enquêter sur les exactions commises sous le régime de son père. Dans ce processus de réhabilitation des victimes et de justice transitionnelle, le pouvoir a baptisé les artères de grandes villes du nom de Ben Barka et n’interdit plus aux médias d’évoquer son œuvre ou de diffuser des travaux à sa gloire. Mais cette ouverture reste bien encadrée. Le parcours autorisé de l’icône s’arrête en 1961. Les quatre ans d’opposition farouche qui précèdent son enlèvement n’ont pas droit de cité. Si sa stature de résistant au colonialisme et d’homme d’Etat en tant que président de l’Assemblée consultative de 1956 à 1959 sont mises en exergue, les conditions de sa disparition demeurent un secret d’Etat. De même, malgré le passage au pouvoir de plusieurs gouvernements dirigés par les socialistes, est-il absent des programmes scolaires, alors que des références à des penseurs intégristes, tel Ibn Taymya, sont omniprésentes.
« Mehdi Ben Barka, ce mort aura la vie longue, ce mort aura le dernier mot », avait noté Daniel Guérin, écrivain anticolonialiste et acteur engagé dans ce dossier (5). Cinquante ans après, ceux qui attendent la vérité sur son enlèvement s’accrochent encore à la plus ancienne instruction pénale de la justice française, toujours pas close. « L’abominable secret » évoqué par François Mitterrand reste bien gardé dans cette affaire que le général de Gaulle jugeait « inadmissible, insoutenable, inacceptable » (6), et qui entraîna une brouille de plusieurs années entre les deux pays. Aujourd’hui encore, il ne fait nul doute que Ben Barka demeure la source morale qui dynamise la capacité de régénérescence des idées progressistes dans une nation minée par ces deux idéologies mortifères que sont le fondamentalisme et le néolibéralisme.
Omar Benjelloun
Avocat aux barreaux de Rabat et Marseille, fils d’Ahmed Benjelloun et neveu d’Omar Benjelloun (assassiné en 1975), deux grandes personnalités de la gauche marocaine.
(1) Dirigeants respectifs, au début des années 1960, de l’Egypte, de la Chine, de l’Algérie et de la Zambie, et révolutionnaire d’origine argentine devenu ministre du gouvernement cubain.
(2) Entre le 15 octobre et le 5 novembre 1963, les armées marocaine et algérienne se sont affrontées pour la souveraineté des régions de Tindouf et de Colomb-Béchar. Le cessez-le-feu conduisit au statu quo sur le tracé issu de la colonisation.
Le livre sur un livre — Relire « la Question » (1) — est le texte d ’une maîtrise d’histoire, soutenue à l’université d’Aix-Marseille par un jeune professeur, Alexis Berchadsky, et éditée dans une nouvelle collection chez Larousse, intitulée : « Jeunes talents ». Mais c’est surtout un ouvrage passionnant sur un « livre-événement ».
On se souvient du retentissement qu’avait connu, en pleine guerre d’Algérie, la publication, aux Editions de Minuit, du livre d’Henri Alleg, la Question.
Pour la première fois, dans un style d’une incroyable sérénité et avec un luxe inouï de détails effarants et vrais, un Français de France, un « francaoui », un authentique journaliste, qui fut pendant cinq ans directeur d’Alger-Républicain, racontait comment il avait été arrêté par les parachutistes de la fameuse 10e DP, séquestré durant un mois à El Biar, dans la banlieue d’Alger, et torturé presque quotidiennement à l’eau et à l’électricité dans les caves et les cuisines d’un immeuble désaffecté.
Il révélait aussi le contenu de la plainte qu’il avait réussi à déposer entre les mains du procureur général d’Alger, et qui donnait les noms, les grades et les affectations de ses tortionnaires.
L’intérêt primordial du livre d’Alexis Berchadsky, qui n’était pas né au moment des faits, n’est pas seulement de découvrir la pratique courante de la torture durant la bataille d’Alger ; c’est aussi de montrer l’impuissance à la faire cesser. François Mauriac avait beau écrire dans son bloc-notes de l’Express : « Coûte que coûte, il faut empêcher la police de torturer », les pleins pouvoirs de police étant confiés au général Massu, les tortures continuaient de plus belle. Le général La Bollardière, condamné à soixante jours de forteresse pour s’être élevé contre la torture, se résolut à démissionner de l’armée. Jean-Jacques Servan-Schreiber, Alain Jacob dans le Monde, Pierre Lazareff dans France-Soir, avaient beau témoigner, protester, s’indigner, la « gégène » des « interrogatoires renforcés » continuait à fonctionner dans les locaux spéciaux des parachutistes. C’était devenu un « crime légal » « Ici, c’est la Gestapo ! », hurlait l’un des tortionnaires d’Henri Alleg.
Page après page, arrachées dans un cahier d’écolier, Alleg réussit à faire sortir le texte de ce manuscrit qui, grâce au courage de Jérôme Lindon, le jeune directeur des Editions de Minuit, allait devenir la Question. Il partageait les risques de l’auteur, déjà sous le coup d’une inculpation pour atteinte à la sûreté de l’Etat.
Aucune inculpation, aucun procès
Dix jours après sa sortie, les 5 000 exemplaires du premier tirage étaient épuisés ; quelques semaines plus tard, 30 000 exemplaires avaient été vendus, bien que les journaux qui en rendaient compte fussent systématiquement saisis. Le gouvernement prit alors une décision unique, dont François Mauriac lui-même souligna l’absurdité : il fit saisir le livre chez l’imprimeur, l’éditeur, les libraires. Jérôme Lindon fit aussitôt appel aux plus grands auteurs de la littérature française. François Mauriac, Roger Martin du Gard, Albert Camus, André Malraux, Jean-Paul Sartre signèrent ensemble une « Adresse solennelle à M. le Président de la République ». L’absurdité même de la répression eut un effet inverse de ce que souhaitaient les Mollet, les Massu et autres Lacoste : les rééditions clandestines atteignirent 90 000 exemplaires, et la Question parut dans les meilleurs délais en Angleterre, aux Etats-Unis, en Allemagne, en Italie...
Lorsque André Malraux devint ministre du général de Gaulle, il proclama bien haut : « Il ne doit plus se produire désormais aucun acte de torture. » Mais la gangrène continuait à s’étendre, Massu fut promu général de division, et le lieutenant Charbonnier, tortionnaire d’Henri Alleg, décoré de la Légion d’honneur. Il n’y eut aucune inculpation, aucun procès de la torture, mais des amnisties successives. Seul Henri Alleg fut condamné à dix ans de prison pour « reconstitution de ligue dissoute » ! Après un an de détention à Rennes, il réussit à s’évader de l’hôpital où il avait été admis, et choisit finalement la nationalité algérienne. Mais Alexis Berchadsky peut justement conclure que, dans cette dure bataille de l’écrit contre la torture, c’est la qualité littéraire et l’exceptionnel courage de l’auteur qui l’ont emporté. Raison de plus pour lire et relire la Question. (2).
(1) Alexis Berchadsky, Relire « la Question », coll. « Jeunes talents », Larousse, Paris, 1994, 196 pages, 95 F.
(2) Henri Alleg, la Question, Editions de Minuit, Paris, 1958.
Les services de sécurité algériens, longtemps reconnus pour leur sophistication extrême, traversent une phase de totale instabilité qui s’est traduite en cette rentrée de septembre par une double éviction, celle du patron du renseignement militaire et celle du chef des services extérieurs, deux postes clés au sein de l’État algérien. Autant de purges qui traduisent le retour en force du général Mediene, dit « Toufik », qui fut pendant un quart de siècle, jusqu’à son éviction en 2015 puis son placement en détention, le patron tout puissant des services algériens et à ce titre un l’homme fort du régime.
Dernier coup de théatre au sein des services algérien, on assiste, cette seamne à la nomination du général M’henna à lla tète des services extérieurs algériens, le sixième titulaire à ce poste en trois ans
Fer de lance, sous l’appellation du MALG, de l’armée de libération nationale (ALN), qui a mené mené le pays à l’Indépendance en 1962, les services secrets ont imposé leur prééminence par l’élimination physique de tous ceux qui s’opposaient à leur longue marche, sous la houlette de feu le président Boumedienne, vers leur absolu contrôle du pouvoir algérien.
Depuis des mois, Mondafrique a évoqué le formidable turn over des nominations au coeur de l’armée algérienne, une véritable saga ponctuée par des évictions brutales et des arrestations à répétition. Et ceci depuis 24 février 2019, date du début du Hirak, cette mobilisation populaire qui, après la démission de l’ex président Bouteflika, aurait pu renverser le régime si un leadership s’était dégagé de cette formidable colère populaire.
Chaises musicales
Avant dernière purge au sein de l’institution militaire, on a assisté, le 19 juilletdernier, à un jeu de chaise musicale inédit entre les deux responsables de la Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI, contre espionnage) et la Direction générale de la documentation et de sécurité extérieure (DGDSE; services extérieurs). Les raisons qui expliquent cette permutation entre le général Abdelghani Rachedi, nommé à la tète de la DGDSE et le général Kamel Kehal Majdoub qui le remplace à la DCSI, restent assez obscures.
Le général Rachedi est devenu ainsi, avant d’être lui aussi écarté en septembre dernier, le cinquième gradé, en trois ans, à occuper ces fonctions sensibles dont les titulaires sont chargés, entre autres, de la traque des opposants algériens en France et en Europe.
Le patron du renseignement militiare, très proche du général Chengriha, contrait de donner sa déission en cette rentrée de septembre
Mais l’institution militaire algérienne n’était pas encore ap
paremment parvenue, cet été; à son point d’équilibre. Un nouveau coup de théâtre, le 3 septembre dernier, voit le général Rachedi évincé moins d’un mois après sa nomination. Ce militaire, revenu à Alger à la fin du mois d’aout pour la visite d’Emmanuel Macron alors qu’il était soigné pour un AVC dans un hôpital parisien, vient d’être remplacé par un retraité longtemps proche de l’x DRS du général Toufik, le général Djebar Mhénna, dont Mondafriqe fera le portrait dans les jours qui viennent.
Huit jours après la nomination de Mhénna, c’est à la DCSA, la puissante direction du renseignement militaire et le bras armé du chef d’état major, le général Chengriha, de connaitre elle aussi de sérieuses turbulences. Son directeur, Sid Ali Ouled Zmirli, l’homme de confiance de Chengriha et qui veille, via son frère, sur le séjour parisien du fils de Chengriha (voir l’article ci dessous), est écarté et remplacé par un général à la retraite Abdelaziz Nouiouet Chouiter.
Le retour définitif du général Mediene, alias Toufik :
Dés sa sortie de prison, le 3 janvier 2021, le général Mohamed Mediene, alias Toufik, qui fut le vrai patron de l’Algérie pendant un quart de siècle jusqu’à son éviction en 2015 par le président Bouteflika et sa condamnation à quinze ans de prison un peu plus trad, n’aspirait qu’à prendre sa revanche sur ceux qu’ils l’avaient trahi. Son objectif était reprendre la main sur les services de sécurité qu’il avait dirigés, sous le nom de DRS, pendant un quart de siècle.
Mondafrique a raconté comment le retour aux affaires du général Mediene, dit « Toufik », s’est fait progressivment à partir du moment où, faute d’expertise politique et de vraie capacité de renseignement, le patron des armées, le général Chengriba, a ressenti le besoin dee faire revenir aux affaires les cadors qui entouraient, notamment pendant les années noires (1992-1998), le général Toufik au sein de l’ex DRS. . Progressivement l’alliance se concrétise à travers un certain nombre de nominations plus ou moins officieuses: celle à la Présidence de l’ancien directeur de cabinet du chef du DRS le général Mansour Benamara alias Hadj Redouane, celle du général Abdelaziz MEDJAHED conseiller à la présidence puis au I’INESG (Institut national des études de stratégie globale); celle du colonel Mohamed Chafik MESBAH conseiller des affaires réservées à la présidence.
Les services de renseignement mis au pas
Une fois le président Tebboune sous surveillance et des conditions précises mises à la possibilité d’un deuxième mandat , c’est au tour des services de sécurité d’être mis sous tutelle par les anciens du DRS. La messe est dite désormais, l’Etat profond a été reconstitué.
La mainmise du général Toufik sur le coeur de l’institution militaire s’est faite en plusieurs étapes, toutes parfaitement maitrisées. L’opération a été bouclée par la main mise des « Toufikistes » sur la DCSA, le bras armé de l’armée en matière de renseignement, de poursuites judiciaires et de lutte contre le terrorisme. Le général Abdelaziz Nouiouet Chouiter, ancien patron du GIS, le Groupe d’intervention spéciales des années noires, qui vient d’être nommé, est connu pour sa proximité avec le général Toufik.
La mise au pas des trois directions composant les services de sécurité (DCSA, DGSI, DGDSE), portent la marque des anciens du DRS. À quand un coup de force des partisans du général Toufik contre l’actuel chef de l’état-major, le général Chengriha? Issu de l’Armée de terre, ce dernier n’est pas un des leurs.
À la place du général Chengriha, on commencerait à s’inquiéter !
Le 19 juin, le président algérien Abdelmadjid Tebboune a ordonné l’introduction de l’anglais dans le cycle primaire aux côtés du français. Une décision qu’Emmanuel Macron, en voyage à Alger, il y a quelques semaines, n’a pas réussi à faire annuler. Mais alors quel avenir pour la Francophonie en Algérie ?
Une décision contre la France
A priori, il ne s’agit que de l’introduction d’une deuxième langue étrangère dans le cycle primaire. Mais quand on sait dans quel contexte cela a été décidé, on est en droit de se demander si ça ne vise pas à remplacer, à terme, le français et, par là même, à se détacher graduellement de la francophonie et de la culture française.
Le sentiment partagé par un certain nombre d’observateurs locaux est que le pouvoir en place, en mal de légitimité, semble céder à un puissant sentiment anti-français dans la société, où les appels à remplacer le français par l’anglais dans l’enseignement comme dans la vie publique n’ont jamais été aussi forts que depuis quelques années. En effet, les autorités avaient déjà commencé à imposer l’anglais, notamment dans les correspondances et les enseignes de l’armée et de certains ministères, dont, au premier, celui de l’Enseignement supérieur.
Emmanuel Macron et le Président algérien Abdelmadjid Tebboun en août 2022
Le facteur qui a sérieusement accéléré ce processus de «défrancisation» et l’émergence de ce courant idéologique, fut incontestablement le brusque raidissement des relations franco-algériennes après les fameuses déclarations du président Emmanuel Macron contre le «système politico-militaire» algérien, en octobre 2021. C’est pourquoi de nombreux intervenants accusent le gouvernement de vouloir imposer un choix éminemment politique au détriment de l’avenir pédagogique de millions d’élèves. Ces derniers devraient donc, à partir de cette année, avoir quatre langues à apprendre: l’arabe, le français, le tamazight et l’anglais.
Une rentrée scolaire bousculée
Si le programme s’annonce chargé pour les écoliers, la rentrée scolaire en Algérie,même reportée au 21 septembre, prend des airs de course contre-la-montre pour les professeurs et le corps administratif. En effet, l’apprentissage de l’anglais commençait au collège, désormais introduit dès la troisième année du cycle primaire (l’équivalent du CE2 en France), à raison de deux séances de 45 minutes par semaine, il a fallu dans les quelques semaines séparant la décision présidentielle de la rentrée tout organiser, inventer.
Et le gouvernement algérien a réussi son pari, en moins de deux mois. Pour cela, il a mis au point un programme et confectionné un million et demi d’exemplaires du nouveau manuel destiné aux élèves de troisième année d’école primaire et à le distribuer à travers tout le territoire national. Mieux, il a réussi le tour de force de recruter quelques 5.000 enseignants contractuels et à leur assurer une formation. En sachant que le ministère avait enregistré, dès la première semaine d’août, près de 60.000 postulants.
Rayonnement culturel et économique
Le 21 septembre, les écoliers algériens vont donc apprendre le français et l’anglais, étant, si jeunes, déjà la proie de combats politiques et idéologiques. Ainsi va le camp des partisans de l’anglais, l’influenceur Saïd Bensedira déclare que l’anglais est «la langue universelle» et que le français n’est qu’un «butin de guerre»…
Mais la France tient à préserver son rayonnement culturel, qu’elle travaille de toutes ses forces pour le préserver car elle sait très bien que ses intérêts sont protégés tant qu’elle est culturellement et linguistiquement dominante. Politiquement et économiquement, elle l’est, bien que le français ne soit pas une langue officielle en Algérie, mais il n’est pas non plus complètement étranger à la nation algérienne.
Samir Kahred a suivi ses parents dont le père était ingénieur dans une succursale du groupe Bouygues. Après une scolarité au Lycée français et des études au Caire, il devient journaliste pour des médias locaux et correspond pour lesfrancais.press
C’est le pétrole qui préside aux destinées du pays depuis sa découverte par les Français en 1956 jusqu’à son épuisement par les Algériens dans un avenir jugé très proche soit 2030 selon les prévisions officielles.
Le pétrole était présent dans le prolongement de la lutte de libération nationale, dans les négociations menées avec la puissance coloniale, et dans l’édification de l’Etat algérien naissant. Il va être ce « pot de miel » de l’Etat algérien indépendant qui sera disputé à l’intérieur du pays par les clans rivaux et sera convoité à l’extérieur par les puissances étrangères dominantes pour qui « l’Algérie n’est qu’un drapeau planté sur un puits de pétrole » Le pétrole permet d’affirmer sa légitimité sur la scène internationale et d’imposer son dictat à la population sur le plan interne.
Il permet une longévité plus grande à la tête de l’exécutif. Le pétrole est l’inspirateur et le fondateur du régime politique et du système économique de l’Algérie contemporaine. Il est à l’origine de l’orientation socialiste (parti unique, gratuité des soins, école obligatoire, usines clés ou produits en mains) dans les années 70. Il sera le promoteur du « programme anti pénurie » (équipements électroménagers destinés aux ménages, allocations touristiques pour tous les algériens) au cours des années 80.
Il sera le détonateur de la guerre fratricide dans les années 90 (émeutes en 1988, décennie rouge qui a fait des milliers de morts et de disparus, paix retrouvée après dix ans de guerre civile (une pluie diluvienne de dollars s’est abattue sur l’Algérie ensanglantée nettoyant toute trace de sang sur son passage).
Du berceau à la tombe, la république se noie dans les eaux troubles de la corruption. On ne scie pas la branche sur laquelle on est assis. Il n’y a pas de corrompu sans corrupteur. Les deux se tiennent par la main et font le marché ensemble. Elle est le lubrifiant du régime et l’opium du peuple, Mirabeau disait « la corruption est dans l’homme comme l’eau est dans la mer » Il n’y a pas d’eau douce dans une mer salée. Pour s’en convaincre, il suffit de jeter un regard furtif sur les détritus qui jonchent le sol pour se rendre compte de l’ampleur du phénomène.
L’Etat en Algérie se caractérise par l’inefficacité de la gestion publique et ses corollaires : la violence interne et la dépendance externe. Même dans l’hypothèse favorable d’un pouvoir relativement stable, ce pouvoir se révèle largement impuissant à réaliser les objectifs qu’il s’est fixé, à cause de l’inefficacité de son administration et lorsqu’il parvient à réaliser ses objectifs, c’est au prix d’un gaspillage effrayant. Cette inefficacité de la gestion étatique est due nous semble-t-il à l’incompétence et à la corruption des dirigeants qu’ils soient des dirigeants politiques ou des fonctionnaires.
Cette corruption est d’autant plus importante, qu’à la corruption financière liée au développement de l’économie monétaire et marchande se combinent des formes de corruption qui trouvent leurs origines dans des solidarités plus ou moins tribales. Le loyalisme premier à l’égard de la famille engendre un népotisme qui imprègne les administrations. Le clientélisme, reposant sur l’échange entre personnes contrôlant les ressources inégales est partout roi. C’est un fait établi, l’Etat en Algérie est un Etat sous développé.
Le sous-développement économique est une réalité globale multidimensionnelle. On peut parler de sous-développement politique comme on peut parler de sous-développement économique ou culturel. Il repose sur une rente et non sur une production.
Un Etat qui se fonde sur la force et non sur le droit. Vivant exclusivement de la rente, l’Etat peut se permettre de ne pas développer une production propre en dehors des hydrocarbures et rien ne l’empêche d’établir des relations clientélistes avec les acteurs économiques et sociaux qui se sont multipliés au fil du temps et des sommes amassées.
Partant du principe sacro-saint que tout problème politique, économique ou social a une solution budgétaire. Comme le budget est constitué essentiellement de recettes fiscales pétrolières, l’Etat jouit d’une grande autonomie par rapport à la population puisqu’il est capable de fonctionner et de renforcer ses services sans recourir à l’impôt ordinaire. L’essentiel du jeu économique et sociopolitique consiste donc à capturer une part toujours plus importante de cette rente et à déterminer les groupes qui vont en bénéficier. Il donne à l’Etat les moyens d’une redistribution clientéliste. Il affranchit l’Etat de toute dépendance fiscale vis-à-vis de la population et permet à l’élite dirigeante de se dispenser de tout besoin de légitimation populaire. Elle dispose des capacités de retournement extraordinaire étouffant toute velléité de contestation de la société. Il sera le moteur de la corruption dans les affaires et le carburant des violences sociales.
Il est indispensable et urgent de soumettre les institutions politiques et économiques à un examen critique afin de s’assurer de leur solidité et de leur crédibilité. Une approche paternaliste de la société a eu un effet démobilisateur de la base, comme c’est l’Etat et non pas la société dans son ensemble qui était considéré comme acteur principal de développement, il en a résulté une apathie généralisée.
Cette passivité des populations a renforcé la tendance à centraliser à l’excès l’administration et la planification. Cette centralisation a eu pour effet de conférer un pouvoir démesuré à un petit nombre de fonctionnaires (membres des comités de marchés) qui n’étaient pas toujours capables de résister aux tentations que ce pouvoir suscite immanquablement.
Ces tendances à la centralisation affaiblissent à leur tour la capacité des entreprises économiques à générer des ressources ; par contre elles permirent au secteur privé de réaliser des profits excessifs souvent employés à des dépenses ostentatoires plutôt qu’à des investissements productifs.
Le pouvoir ne s’est pas organisé en fonction des activités et des besoins de la masse de la population, il n’a pas épousé le pays réel, il enrichit et est devenu jouissance.
L’incapacité des dirigeants d’améliorer de façon tangible les conditions de vie et de travail des populations suscita un mécontentement croissant entraînant des revendications de plus en plus pressantes. Les dirigeants commencèrent à voir dans le désir de participation populaire à la vie politique et économique une menace pour leur situation personnelle, et une remise en cause de leur conception du développement.
Il faut, nous semble-t-il engager une discussion plus ouverte et plus franche sur l’ampleur de la corruption et ses effets néfastes sur le développement et la société.
Aucun gouvernement ne peut avoir d’autorité et aucun plan de redressement ne peut être réalisé efficacement sans l’association des populations au processus de décision et de planification de l’Etat, car plus il faut travailler à l’acceptation du système par la population, gagner son adhésion et sa soumission, plus la bureaucratie se fait tentaculaire, plus grande est la partie d’énergie sous traitée aux entreprises économiques et sociales productives pour être consacrée au seul maintien du pouvoir et à la stabilité sociale.
La perte d’énergie ainsi sous traitée peut entraîner un cercle vicieux, plus on est mécontent, plus l’opposition se manifeste sous diverses formes et plus ils doivent travailler pour s’y maintenir, un tel enchaînement peut-il être rompu sans de violentes convulsions dont l’issue finale est si incertaine ! C’est une chose que la phase politique de libération nationale, ç’en est une autre que la phase économique, construire une économie était une tâche bien délicate, plus complexe qu’on ne le pensait.
Dans la plupart des cas, on a laissé s’accroître les déficits et la création des crédits afin d’augmenter artificiellement les recettes publiques, au lieu d’appliquer une politique authentique de redistribution de revenus à des fins productives. Afin d’éviter d’opter pour l’une des différentes répartitions possibles entre groupes et secteurs, on a laissé l’inflation » galoper » à deux chiffres. Cette façon de faire s’est révélée déstabilisatrice.
Dans la conjoncture actuelle, l’équilibre de l’économie algérienne dont la base matérielle est faible dépendra de plus en plus de la possibilité de relever la productivité du travail dans la sphère de la production et dans le recul de l’emprise de la rente sur l’économie et sur la société.
En Israël, l’essor de l’ultranationalisme religieux
Longtemps marginales, les formations nationalistes religieuses influent de plus en plus sur les résultats électoraux. Leurs idées se diffusent dans la société grâce à un intense travail de sape idéologique. Au nom de la spécificité juive, Israël rejettera-t-il un jour l’universalisme et la démocratie ?
Les prochaines élections législatives israéliennes, qui auront lieu le 1er novembre, seront les cinquièmes en un peu plus de trois ans. Les sondages confirment la poussée de la droite nationaliste et de ses alliés des formations sionistes religieuses — surtout chez les 18-25 ans. Les projections donnent une large majorité de soixante et onze sièges sur cent vingt à la coalition dirigée par M. Benyamin Netanyahou. Au sein de celle-ci, les partis Sionisme religieux (Hatzionout Hadatit), de M. Bezalel Smotrich, et Force juive (Otzma Yehoudit), de M. Itamar Ben Gvir, obtiendraient au total onze à quatorze mandats. Cette évolution résulte, entre autres, de l’enracinement de l’idéologie nationaliste religieuse au sein d’une partie de la société israélienne. L’un des principaux promoteurs de ce courant n’est autre que l’Israélo-Américain Yoram Hazony, qui l’a disséminée au sein des ultradroites américaine et européennes. Adopté dès sa parution en septembre 2018 par les milieux conservateurs américains, son ouvrage, The Virtue of Nationalism, est devenu un best-seller, traduit dans une vingtaine de langues (1). Il avait décidé de l’écrire deux ans plus tôt, considérant que le nationalisme avait le vent en poupe après le vote du Brexit au Royaume-Uni et l’élection de M. Donald Trump aux États-Unis. Il est devenu une référence pour nombre d’ultranationalistes dans le monde et serait à l’origine de la « doctrine Trump » en politique étrangère (2). À Budapest, il a porte ouverte chez le président Viktor Orbán, qui le cite régulièrement.
Sa théorie contient la plupart des éléments du nationalisme intégral de Charles Maurras, l’antisémitisme en moins : rejet de l’universalisme, des idéaux des Lumières et des principes issus de la Révolution française ; le tout adapté à la période contemporaine. Selon lui, l’Union européenne se caractériserait par une forme d’impérialisme motivé par sa volonté de recréer le Saint Empire romain germanique. Quant à Adolf Hitler il n’était pas nationaliste, mais… impérialiste.
Quelques mois après la sortie du livre, souhaitant battre le fer pendant qu’il est chaud, Hazony fonde à Washington la Fondation Edmund Burke, qui a pour but de « renforcer le national-conservatisme en Occident et dans d’autres démocraties ». Homme d’État britannique, Burke était, en 1790, le grand critique de la Révolution française et de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen. Le coprésident de cette organisation est M. David Brog, l’ex-directeur général de l’organisation américaine des Chrétiens unis pour Israël, qui compte dix millions d’adhérents.
En juin 2022, la Fondation Burke définit son idéologie en publiant un manifeste intitulé « National-conservatisme. Une déclaration de principes » (3). Le lecteur français y découvrira une forte odeur de pétainisme, mais avec, là aussi, l’absence de références antisémites. Dans le préambule, on peut lire : « Nous considérons que la tradition d’États-nations indépendants et autogouvernés représente le fondement nécessaire à une juste orientation publique vers le patriotisme, le courage, l’honneur, la loyauté, la religion, la sagesse et la famille, homme et femme, le shabbat, la raison et la justice. Nous sommes conservateurs, car nous considérons ces vertus comme essentielles au maintien de notre civilisation. » L’article 4, intitulé « Dieu et [la] religion publique », prévoit : « Là où existe une majorité chrétienne, la vie publique doit être enracinée dans le christianisme et sa vision morale honorée par l’État et les autres institutions publiques et privées. Les Juifs et les autres minorités doivent être protégées. »
Hazony a entamé son parcours religieux et idéologique à Princeton, alors qu’il préparait sa licence. Un soir de printemps 1984, le rabbin Meir Kahane est venu prendre la parole devant 250 étudiants juifs. Fondateur de la Ligue de défense juive (Jewish Defense League), condamné pour terrorisme aux États-Unis, emprisonné à plusieurs reprises en Israël pour avoir préparé des attaques contre des Palestiniens, l’orateur venait d’être élu à la Knesset sur une liste ouvertement raciste. Pour Hazony, ce fut une révélation : « Nous étions comme hypnotisés. (…) Rabbi Kahane était le seul dirigeant juif qui ait montré de l’intérêt envers nos vies, qui soit venu nous dire ce que nous devions faire. Il était le seul qui semblait comprendre combien nous voulions une bonne raison de rester juifs (4). » Hazony expliquera n’avoir jamais adopté la vision politique violente du kahanisme dont le fondateur fut assassiné en 1990. Il adoptera toutefois la théologie néomessianique que Kahane définissait ainsi : « N’oublions pas que nous sommes arrivés en terre d’Israël afin d’y établir un État juif et pas un État de style occidental. Les valeurs juives, pas d’éphémères valeurs occidentales, doivent nous guider. Ni le libéralisme, ni la démocratie, ni une soi-disant vision progressiste ne doivent déterminer ce qui est bon ou mauvais pour nous (5). »
Cinq ans après la rencontre de Princeton, à la tête d’un groupe de familles américaines, avec son épouse et leurs quatre enfants, il rejoint les fondateurs de la colonie Eli, dans le centre de la Cisjordanie occupée. Tout en travaillant à sa thèse de philosophie politique qu’il présentera en 1994, à l’université Rutgers dans le New Jersey, il rejoint la rédaction du Jerusalem Post, le grand quotidien israélien de langue anglaise, qui vient de virer à droite après son rachat par un groupe de presse canadien. David Bar-Ilan, le rédacteur en chef, apprécie la plume du jeune colon israélo-américain et le met en rapport avec M. Benyamin Netanyahou, le président du Likoud.
Critique du marxisme et de la gauche israélienne sioniste
Hazony participe à l’édition de A Place Among the Nations (« Une place parmi les nations »), le livre programme du futur premier ministre dont la version en hébreu paraît en 1995. On y devine déjà sa patte dans sa manière d’adapter l’histoire à ses théories. Par exemple, la version — très contestée par les historiens — selon laquelle ce ne seraient pas les Romains qui auraient expulsé les Juifs de Palestine après la révolte juive de Bar Kokhba, en 135 de l’ère chrétienne, mais les Arabes lors de la naissance de l’islam, en 636-637 (6). Autre exemple de l’influence de Hazony dans cet ouvrage, le passage où M. Netanyahou affirme que « la gauche israélienne souffrirait d’une maladie chronique qui affecterait le peuple juif depuis un siècle : le marxisme qui imprégnait les mouvements juifs de gauche, d’extrême gauche et communistes en Europe de l’Est » (7). Une affliction qui expliquerait pourquoi, après la guerre de juin 1967, des Israéliens de gauche auraient voulu restituer les territoires conquis.
Grâce au soutien financier d’Américains fortunés proches de M. Netanyahou, Hazony crée en 1994, à Jérusalem, le Centre Shalem, un think tank destiné à « répondre à la crise identitaire que subit le peuple juif ». Dans Nekouda, l’organe du mouvement de colonisation, il explique : « Mon but dans la vie, c’est de démontrer que la conception marxiste-sioniste a échoué en Israël. Plus personne n’y croit, et à présent, il nous faut combattre pour l’avenir de la pensée du peuple juif dans son ensemble et en Israël en particulier (8). »
Dans The Jewish State. The Struggle for Israel’s Soul (9), publié six années plus tard, Hazony dévoile et analyse ce qu’il considère être le grand complot contre la nature juive d’Israël. La conspiration remonterait aux années 1920 avec la création de l’Université hébraïque de Jérusalem par de grands intellectuels juifs, parmi lesquels Judah Leon Magnes, Juif américain, rabbin réformé, pacifiste et ennemi du nationalisme, ainsi que le philosophe Martin Buber, apôtre d’une entente avec les Arabes et partisan d’un État binational. Quant à Gershom Scholem, grand historien et philosophe, spécialiste de la mystique juive, il aurait commis le crime de conseiller aux dirigeants sionistes de neutraliser les éléments messianiques au sein de leur mouvement. Selon Hazony, cela retirait tout fondement juif aux revendications politiques sionistes. Plus récemment, Asa Kasher, professeur de philosophie de l’université de Tel-Aviv, se serait rendu coupable de défendre la nature démocratique d’Israël : « Un État juif, au plein sens du terme, est un État dont la nature sociale procède de l’identité juive des citoyens. Dans un État juif et démocratique, la nature de l’État n’est pas déterminée par la force mais par le libre choix des citoyens. » Et l’ancien colon d’Eli (il est désormais installé à Jérusalem) de s’offusquer : « Kasher affirme qu’un État “juif et démocratique” est un pays dans lequel les habitants sont juifs et l’État une démocratie universaliste. En d’autres termes, un État “juif et démocratique” est un État non juif ! » Selon cette logique opposée à l’universalisme, le principe démocratique contribuerait ainsi à déjudaïser Israël.
La liste des ennemis d’un Israël conforme aux vues de Hazony est longue. Les juges de la Cour suprême viennent en tête, avec M. Aharon Barak, responsable de la réforme constitutionnelle, et qui a défini ainsi les valeurs d’Israël en tant qu’État juif : « Ce sont ces valeurs universelles communes aux membres d’une société démocratique. » Les principaux écrivains israéliens n’échappent pas à la stigmatisation. Hazony les accuse de rejeter le concept même d’État juif. Parmi eux, Amos Oz, qui considère le nationalisme comme une malédiction de l’humanité, et A. B. Yehoshua, qui prêche pour la normalité d’Israël. Également ciblé, David Grossmann, qui « enseigne aux Israéliens que la faiblesse rend vertueux, et donc affaiblit la nation ».
Au sein de la Knesset, un « think tank » lobbyiste très influent
En raison de ses liens, aux États-Unis, avec les républicains et la droite juive, Hazony est un élément central de l’écosystème idéologique sioniste religieux qui s’est créé au fil des ans, composé de rabbins messianiques et d’organisations ultranationalistes. La Tikvah Fund, créée en 1998, en finance la plupart avec des fonds venus surtout de riches donateurs américains. Fondé en 2012, le Kohelet Policy Forum est le « think tank » sioniste religieux qui, selon le quotidien Haaretz, dirigerait discrètement la Knesset (10). Il parviendra, à force de lobbying, à faire adopter le 19 juillet 2018 la loi discriminatoire qui dispose : « L’État d’Israël est l’État-nation du peuple juif, qui y exerce son droit naturel, culturel, religieux et historique à l’autodétermination. La réalisation de ce droit à l’autodétermination nationale dans l’État d’Israël est réservée au seul peuple juif. (…) L’État considère le développement des localités juives comme une valeur nationale et agira pour encourager et promouvoir leur création et leur consolidation. » Vingt-quatre ans après la création du Centre Shalem, les idées de Hazony sont devenues la loi d’Israël.
Charles Enderlin
Journaliste.
(1) La version française (Les Vertus du nationalisme) est publiée par les éditions Jean-Cyrille Godefroy et préfacée par l’avocat Gilles-William Goldanel, qui considère Hazony comme un « esprit frère ».
(2) Michael Anton, « The Trump doctrine », Foreign Policy, Washington, DC, 20 avril 2019.
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