Le 20 mars 2003, la coalition menée par les États-Unis lance une série de bombardements meurtriers sur l’Irak, préparant l’invasion du pays qui mènera à un conflit où périront des milliers de civils.
De la fumée s’élève au-dessus du ministère du Plan touché par un missile à Bagdad le 20 mars 2003. La capitale irakienne vient de subir de violents bombardements menés par les États-Unis. La guerre contre l’Irak a commencé. (AFP/Ramzi Haïdar)
Des Marines américains s’agenouillent et prient, le 20 mars 2003, alors que le 2e Bataillon du 8e Régiment se prépare à quitter le Camp Shoup, au nord de la ville de Koweït, en direction du nord pour commencer leur avance dans le sud de l’Irak. (AFP/Cris Bouroncle)
Des étudiants manifestent contre le président américain George W. Bush et la guerre menée par les États-Unis contre l’Irak, le 21 mars 2003, à Sao Paulo, au Brésil. Des manifestations similaires s’organisent à travers le monde entier. (AFP/Mauricio Lima)
Prisonniers irakiens capturés par le 40e Commando des Royal Marines après que les troupes britanniques ont pris la péninsule de Fao, en Irak, le 21 mars 2003. (AFP/Terry Richards)
Un soldat de la 101e Brigade d’aviation aéroportée jette des biscuits à des bédouins sur la route vers Bagdad, le 23 mars 2003. (AFP/Jim Watson)
Un Irakien portant son fils pleure alors qu’il parle au téléphone à des proches au Koweït après que la ville de Safwan, dans le sud de l’Irak, a été envahie par les forces de la coalition le 22 mars 2003. (AFP/Odd Andersen)
Des membres de l’Association des femmes irakiennes liée au parti Baas au pouvoir se tiennent à l’entrée du bâtiment de leur parti à Bagdad, le 23 mars 2003. (AFP/Sabah Arrar)
Un véhicule militaire américain passe devant un puits de pétrole en feu au champ pétrolifère d’al-Ratka, dans le sud de l’Irak, le 22 mars 2003. (AFP/Odd Andersen)
Un soldat américain ouvre de force une porte, le 23 mars 2003, alors que les troupes effectuent des fouilles maison par maison près de l’Euphrate, à la périphérie de la ville de Nasiriyah, dans le sud de l’Irak, où les troupes alliées ont trouvé une certaine résistance dans leur avance vers la capitale irakienne Bagdad. (AFP/Cris Bouroncle)
Un officier du ministère de l’Intérieur irakien porte une fille couvrant son nez de la fumée alors qu’il marche sur les débris d’une maison détruite dans le bombardement américain du quartier d’al-Aazamiya à Bagdad le 24 mars 2003. (AFP/Ramzi Haïdar)
Des Marines américains évacuent le 26 mars 2003 une femme irakienne aveugle et un homme blessé par balle à la suite d’affrontements avec les forces irakiennes près de la ville méridionale de Nasiriyah. (AFP/Éric Feferberg)
Les forces britanniques en mission pour établir un contact avec les résidents locaux rendent visite à une mère avec un petit garçon de vingt jours dans un village au sud de Bassorah, le 26 mars 2003. (AFP/Dan Chung)
Des Irakiennes crient des slogans lors d’une manifestation anti-américaine après la prière du vendredi midi devant la mosquée Abdul Kader al-Gilani à Bagdad le 28 mars 2003 après une nuit de terreur causée par les bombardements. (AFP/Ramzi Haïdar)
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S’il fut un élu de Perpignan, Pierre Sergent fut surtout une figure majeure de l’Organisation de l’armée secrète, groupe terroriste d’extrême droite. (Ulrich Lebeuf/M.Y.O.P.)
A Perpignan, le maire RN, Louis Aliot, inaugure une exposition sur «l’illusion de la paix en Algérie» après avoir renommé une esplanade « Pierre Sergent », officier de l’organisation terroriste. Soixante et un ans après les accords d’Evian, cet hommage radicalise les militants d’extrême droite, dénonce un collectif dont Michèle et Pierre Audin ainsi que Benjamin Stora.
Ce dimanche 19 mars 2023, nous commémorons le 61e anniversaire de l’acte fondamental posé par la signature des Accords d’Evian négociés entre le GPRA et le gouvernement français : l’entrée en vigueur d’un cessez-le feu officiel entre les belligérants qui annonce la fin de la guerre d’Algérie et ouvre la voie à l’Indépendance.
Nostalgique de l’Algérie française, Louis Aliot, maire RN de Perpignan, marque cette date en inaugurant une exposition intitulée « 19 mars 1962 : l’illusion de la paix en Algérie ». Et ceci, quelques mois après avoir décidé d’honorer Pierre Sergent en donnant le nom de celui-ci à un espace de Perpignan. Or, s’il fut un élu de la ville, Pierre Sergent fut surtout une figure majeure de l’OAS (« Organisation de l’Armée Secrète »), groupe terroriste d’extrême-droite qui tenta par la violence de maintenir la tutelle coloniale de la France sur l’Algérie.
L’objectif principal que s’était assigné l’OAS se solda par un échec puisqu’en 1962 s’achèvent 132 ans de colonisation française en Algérie. Cette sortie du colonialisme est une victoire pour les nationalistes algériens et leurs alliés. Le 5 juillet 1962, jour de la proclamation de l’indépendance, les drapeaux et les youyous dans les rues d’Algérie sont bien plus que des explosions de joie : ils sont un acte de souveraineté et de dignité.
Chez une partie des centaines de milliers d’appelés embarqués dans une guerre qui les dépassait, 1962 est une source de rancœur et un carburant au racisme. Mais elle constitue pour la majorité d’entre eux une libération et la promesse d’un retour prochain au pays, retour obscurci par le souvenir amer des violences infligées et parfois subies. Ce sont ces appelés qui, mobilisés dans les associations d’anciens combattants, sont à l’origine de l’inscription de ce 19 mars dans notre calendrier commémoratif national.
Pour d’autres acteurs de ce conflit, le 19 mars 1962 annonce des bouleversements d’un autre ordre. En 1962, le feu ne cesse pas. Au contraire, la violence se déchaine : contre des harkis pris pour cible par des nationalistes algériens, au sein du camp nationaliste entre les militaires de l’ALN et les militants du FLN, mais également contre les milliers de victimes frappées par la fureur des ultras de l’Algérie française, notamment regroupés au sein de l’OAS.
Créée en 1961 dans la clandestinité, l’OAS lance ses membres dans une course à l’abime afin d’empêcher l’indépendance. L’organisation terroriste multiplie les attentats au point que, le 15 mai 1962 à Alger, on compte un attentat toutes les dix minutes. Les attentats sont aveugles ou ciblent des militants indépendantistes, des policiers, des officiers gaullistes, des chrétiens de gauche, des communistes, des socialistes, des barbouzes envoyés par le gouvernement ou encore des soldats du contingent. Les bombardements au mortier des quartiers algériens se multiplient et des voitures piégées y explosent régulièrement. Enfin, l’OAS développe l’almanach du meurtre en désignant successivement des catégories d’Algériens à éliminer : le jour des instituteurs, le jour des pharmaciens, le jour des fonctionnaires etc. Cette stratégie de la radicalisation et du chaos pousse nombre de Français d’Algérie à l’exil. En effet, les nombreuses exactions à l’endroit des Algériens contribuent à ce que certains d’entre eux aient des réactions violentes à l’endroit des Français d’Algérie, à l’exemple de la sanglante journée du 5 juillet 1962 à Oran. En outre, cette stratégie est elle-même composée d’exactions à l’endroit des Français d’Algérie réticents ou opposés au jusqu’auboutisme de l’OAS.
L’OAS tente également de déplacer le conflit en métropole. Pierre Sergent, officier ayant participé au « putsch des généraux », crée et dirige la branche métropolitaine de l’organisation terroriste. Avant même que cette branche ne soit formalisée, le maire d’Evian, Camille Blanc, est assassiné par l’OAS le 31 mars 1961 pour avoir accepté que sa ville serve de cadre aux pourparlers de paix. Le 7 février 1962, le ministre de la Culture, André Malraux, échappe à un attentat qui laissera néanmoins Delphine Renard défigurée. En tout, l’OAS fait 71 morts et 394 blessés sur le sol métropolitain. C’est cette activité qui conduisit à la condamnation à mort par contumace de Pierre Sergent, ultérieurement amnistié.
Cet engagement meurtrier et antirépublicain n’a pourtant pas dissuadé Louis Aliot de donner le nom de Pierre Sergent à une esplanade de sa ville.
Cet hommage rendu à un terroriste, défenseur d’un système colonial raciste et violent n’est pas une maladresse. Il rentre bien plus sûrement dans une stratégie de réhabilitation de l’OAS et de ses actes criminels comme le montrent les arguments employés le 22 septembre dernier lors de la séance du conseil municipal ayant voté cet hommage. Ce n’était en effet pas l’ancien élu (FN) de la ville de Perpignan ou de la région Languedoc-Roussillon qui était loué mais bien l’activiste à l’origine d’actes criminels.
Que l’on ne s’y trompe pas. Au-delà du fait que cet hommage rendu à Pierre Sergent réveille des douleurs, la réhabilitation du passé colonial et des combattants de l’Algérie française est un cheval de Troie de l’idéologie d’extrême droite. Cette dernière s’attache à faire le lien entre le combat pour l’Algérie française et un combat contemporain pour la « France française ». Cette dernière est décrite comme assiégée par la présence d’une immigration post-coloniale. La diffusion de cette mentalité d’assiégés fait courir le risque d’une fracture au sein de notre société. Elle vise à distinguer les Français selon leurs généalogies, à placer ceux d’entre eux qui se vivent comme de lointaine ascendance française dans une position de victimes et à pousser ces derniers à une mobilisation générale pour défendre leur territoire et leur identité. Dans ce contexte, la violence n’est plus une attaque mais un acte de résistance légitime.
Cette stratégie d’extrême droite – dans laquelle s’inscrit l’hommage à Pierre Sergent – arme, légitime et radicalise déjà de nombreux militants. C’est ce qu’attestent les références fréquentes à l’OAS ou à l’Algérie française au sein de groupes d’extrême-droite radicalisés, voire terroristes, qui ont émergé, tenté de frapper ou agi de façon criminelle ces dernières années.
Face à la réhabilitation de l’OAS notamment incarnée par la volonté de renommer « Esplanade Pierre Sergent » un espace de la ville de Perpignan, nous tirons la sonnette d’alarme. Réhabiliter les criminels, c’est réhabiliter leurs crimes. Et réhabiliter ces derniers, c’est créer les conditions de leur répétition.
Signataires : Linda AMIRI, maître de conférence en Histoire contemporaine, Université de Guyane ; Nils ANDERSSON, ancien éditeur ; Michèle AUDIN, écrivaine ; Pierre AUDIN, fils de Josette et Maurice Audin ; Patrick BAUDOUIN, président de la LDH (Ligue des droits de l’Homme) ; Emmanuel BLANCHARD, historien, Université Versailles Saint-Quentin, Sciences Po Saint-Germain-en-Laye ; Pascal BLANCHARD, historien, CRHIM/UNI ; Louri CHRETIENNE, président de « La FIDL, le syndicat lycéen » ; Catherine COQUERY VIDROVITCH, professeure en Histoire de l’Afrique ; Léon DEFFONTAINES, secrétaire général du Mouvement des jeunes communistes de France ; Karima DIRECHE, historienne, directrice de recherche CNRS ; Kaltoum GACHI, co-rpésidente du MRAP ; Jean-François GAVOURY, président de l’Association nationale pour la protection de la mémoire des victimes de l’OAS ; Camille HACHEZ et Clovis DAGUERRE, secrétaires fédéraux des Jeunes écologistes ; Samuel HAYAT, politiste ; Samuel LEJOYEUX, président de l’UEJF ; Gilles MANCERON, historien ; Georges MORIN, enseignant universitaire, président de Coup de soleil ; Paul Max MORIN, politiste ; Imane OUELHADJ, présidente de l’UNEF ; Jean-Philippe OULD AOUDIA, président de l’association « Les amis de Max Marchand, de Mouloud Feraoun et de leurs compagnons » ; Denis PESCHANSKI, historien ; Jacques PRADEL, président de l’Association nationale des pieds noirs progressistes et leurs amis ; Tramor QUEMENEUR, historien, chargé de cours aux universités de Paris 8 et de Cergy ; Emma RAFOWICZ, secrétaire nationale des Jeunes Socialistes ; Alain RUSCIO, historien ; Nina SERON et Julian CALFUQUIR, référents nationaux du Réseau de jeunes du Parti de gauche ; Eric SIRVIN et François-Xavier RICARD, président et membre du CA des Anciens appelés en Algérie et leurs amis contre la guerre ; Isabelle SOMMIER, professeure de sociologie, Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne ; Dominique SOPO, président de SOS Racisme ; Benjamin STORA, historien ; Sylvie THENAULT, historienne, directrice de recherche au CNRS.
Tribune d’un collectif d’historiens et de personnalités dont Patrick Baudouin, président de la LDH
Si le séjour de Jean-Marie Le Pen dans l’Algérie en guerre a été bref – de janvier à fin mars 1957 –, le lieutenant du 1er régiment étranger de parachutistes (REP), attaché à la division Massu, a laissé dans l’ex-colonie française de terribles souvenirs. Elu député poujadiste à l’âge de 28 ans, ayant voté l’envoi du contingent en Algérie décidé par le gouvernement de Guy Mollet, Jean-Marie Le Pen s’engage en 1956 pour six mois. Il débarque en pleine bataille d’Alger. Basé à la Villa des Roses (aujourd’hui remplacée par un jardin public sur les hauteurs d’El-Biar), il fait officiellement du renseignement.
Les Algériens qui ont eu à faire à lui, dans le cadre des opérations de « maintien de l’ordre », suivant la terminologie employée par les autorités françaises à l’époque, et qui acceptent de témoigner, gardent l’image d’un homme « extrêmement violent » et, par-dessus tout, d’un « tortionnaire » [1]. Le cas de Abdenour Yahiaoui est particulièrement éclairant.
Jean-Marie Le Pen n’a cessé de justifier l’utilisation de la torture et il a déclaré à plusieurs reprises y avoir eu personnellement recours [2]. Depuis une dizaine d’années, la justice donne raison à ceux qui ont dénoncé les actes de torture commis par Jean-Marie Le Pen, en les relaxant de poursuites en diffamation. La plus haute juridiction française, la Cour de cassation, a ainsi confirmé, en novembre 2000, un arrêt de la Cour d’appel de Rouen en faveur de Michel Rocard. La Cour a d’ailleurs estimé qu’en accusant à la télévision Jean-Marie Le Pen d’avoir torturé, l’ancien premier ministre « avait poursuivi un but légitime en portant cette information à la connaissance des téléspectateurs » [3].
Quelques mois plus tard, en juin 2001, la Cour de cassation confirmait un arrêt de la Cour d’appel de Paris en faveur de Pierre Vidal-Naquet. Nous reprenons ci-dessous le témoignage de Me Roland Rappaport, conseil de Pierre Vidal-Naquet, publié en Une du Monde, le 26 juin 2001 [4].
[Mis en ligne le 28 novembre 2012, mis à jour le 6 octobre 2014]
Dans une interview publiée par le quotidien Combat le 9 novembre 1962, Jean-Marie Le Pen avait reconnu : « Je le sais, je n’ai rien à cacher. J’ai torturé parce qu’il fallait le faire ». Mais, dès le lendemain, il avait tenu à préciser que le terme de « torture » ne pouvait s’appliquer aux « méthodes de contraintes » qu’il avait utilisées en Algérie quand il servait comme sous-lieutenant [5].
Quelques décennies plus tard, la Cour de cassation, en les relaxant de poursuites en diffamation, a donné raison à Michel Rocard et Pierre Vidal-Naquet qui avaient dénoncé les actes de torture commis par Jean-Marie Le Pen.
Nous versons au dossier une vidéo, réalisée en 2007, comportant de nombreux témoignages, ainsi que le compte-rendu paru dans Le Canard enchaîné du 5 décembre 2012 du livre Le Pen, une histoire française (Robert Laffont) de Philippe Cohen et Pierre Péan – un ouvrage qui a pu être qualifié de « réhabilitation » du leader d’extrême-droite [6].
Jean-Marie Le Pen a toujours nié avoir commis des actes de torture pendant la période de janvier à mars 1957 où il était en Algérie, engagé volontaire dans le 1er Régiment étranger parachutiste. Et pourtant, il a bien déclaré au quotidien Combat, le 9 novembre 1962 : « Je n’ai rien à cacher. J’ai torturé parce qu’il fallait le faire. [7] » S’estimant diffamé par des déclarations affirmant qu’il avait participé à la torture pendant la guerre d’Algérie, il a perdu en justice : dans une décision confirmée en appel le 6 octobre 2004 [8], la justice a débouté Le Pen de toutes ses plaintes et a reconnu la « crédibilité certaine » des témoignages recueillis sur sa participation à la torture pendant la guerre d’Algérie. Un élément matériel peut aujourd’hui être invoqué : le poignard qu’il avait égaré dans la nuit du 2 au 3 mars 1957, lors d’une de ses « virées » dans la casbah d’Alger.
Réagissant à la publication mardi 9 décembre du rapport du Sénat américain sur les tortures perpétrées par la CIA, Marine Le Pen, présidente du Front national, a estimé mercredi que la torture pouvait être « utile » pour lutte contre le terrorisme. L’ACAT – Action des chrétiens pour l’abolition de la torture – rappelle que toute apologie de la torture doit être condamnée.
La famille Le Pen paraît divisée sur le sujet de l’apartheid. L’ancêtre, Jean-Marie, semble avoir un faible pour une telle organisation de la société : ne vient-il pas de déclarer y voir « au départ une volonté de promotion des deux communautés ».
Sa petite fille, Marion Maréchal Le Pen, ne semble pas partager son avis. Interrogée lundi 16 décembre 2013 à BFM TV sur l’héritage politique de Nelson Mandela, la députée Front national du Vaucluse avait déclaré : « Dans nos colonies, nous n’avons jamais appliqué l’Apartheid. On peut en faire une fierté ». Une affirmation qui laisse perplexe et qui ouvre des abysses sans fond à la réflexion.
Quant à Marine Le Pen, elle a surtout fait preuve d’une capacité étonnante à mentir.
(Photo : Olivier "toutoune25" Tétard / Wikipedia CC BY-SA 3.0)
Alors que ce mercredi 8 mars, Emmanuel Macron rend un hommage national à la célèbre avocate et figure féministe, Gisèle Halimi (un hommage contesté), il ne faut pas oublier que Gisèle Halimi, avocate, femme politique et écrivaine, décédée le 28 juillet 2020 à l'âge de 93 ans, avait dénoncé l'usage de la torture par les militaires français au cours de la Guerre d'Algérie, ce qui lui avait valu arrestation et détention.
Elle avait défendu "corps et âme" la militante du FLN, Djamila Boupacha, arrêtée en 1960 à Alger pour "association de malfaiteurs et tentative d'homicide volontaires".
Emprisonnée, Djamila Boupacha, figure de la Guerre d'Algérie, avait été torturée et violée par des militaires français.
Détenue à la prison de Barberousse, elle rencontra la jeune avocate parisienne Gisèle Halimi. Cette dernière prend alors fait et cause pour Djamila et lui évite la peine de mort.
Djamila Boupacha est transférée en France jusqu'à son amnistie où elle est libérée le 21 avril 1962, à la suite à la signature des Accords d'Evian entre la France et l'Algérie.
Je vous conseille de regarder en replay, sur ARTE-TV, le téléfilm émouvant de Caroline Huppert "Pour Djamila".
Il y a 61 ans, le 18 mars 1962, les Accords d’Evian étaient signés entre le Gouvernement provisoire de la République algérienne (GPRA) et le gouvernement français, mettant fin ainsi à 132 ans de colonisation française et près de huit ans de guerre.
Le lendemain, 19 Mars 1962, à midi, le cessez-le-feu conclu entre les deux parties entrait en vigueur conformément à l’article premier du document de 93 pages qui scellait ces accords de paix (lire ici).
Les discussions entre l'Etat français et les représentants des combattants algériens auront durée plus de deux ans avant que l'accord soit scellé entre les deux parties.
Un cessez-le-feu qui ne mettra pas fin immédiatement aux 92 mois d’horreur, de sang, de larmes et de destructions. Une guerre effroyable, aux multiples drames des deux côtés de la Méditerranée. Une guerre pudiquement nommée par la France "les évènements d'Algérie" qui aura causé la mort de centaines de milliers d'Algériens, de près de 30 000 soldats français, de plus de 100 000 harkis, et d'environ 6 000 civils européens...
L'Algérie deviendra indépendante le 5 juillet suivant, mais entre les accords d'Evian et la souveraineté chèrement obtenue par les Algériens, l'OAS (Organisation armée secrète), qui avait été créée par les ultras de l'Algérie française pour empêcher les négociations entre la France et le futur gouvernement algérien, pratiqua la politique de la terre brûlée et provoqua l'exode de près d'un million d'Européens...
Voici un court extrait du récit sur mon enfance au cours de la guerre d'Algérie dont la publication est prévue au second semestre 2023 et qui a pour titre "Sirocco et Pastèque" :
"Avec la politique de la terre brûlée des ultras d'extrême-droite de l’OAS, soutenus par une bonne partie des pieds-noirs, la guerre civile n’a jamais été aussi présente, en cette année 1962.
La terreur est présente au quotidien. Je ne vais plus à l’école pendant des semaines, ou par intermittence. On ne joue plus aussi souvent sur la place. Nous voilà reclus dans nos logements en attendant de jours meilleurs. On invite des copains à la maison. Et peu à peu, ils seront de moins en moins nombreux. Jusqu’à disparaître définitivement.
La peur se lit sur chaque visage d’enfants, d’adultes.
Le paradoxe, bien difficile à saisir pour nous, enfants, c’est que nos parents nous ont parlé de Paix et que cette période devient plus terrible que la Guerre.
Dans ce chaos général, mon père continue d’expliquer, à qui veut bien l'entendre, que les accords d’Évian sont la dernière solution pour que les Européens puissent coexister avec les Algériens, et non pas les dominer.
Comme dans la grande majorité des villes d’Algérie, ma ville devient la cible incessante d'attentats de l’OAS. La nuit, nous sommes réveillés par des explosions plus ou moins proches. Une nuit c’est dans notre immeuble. La bombe fait sauter notre porte d’entrée. Par chance, cette fois-ci, uniquement des dégâts matériels…
C’est dans les quartiers où vivent les Algériens que les attentats sont les plus spectaculaires, les plus meurtriers..."
Ne m'appelez pas Nice, Charlie, Paris ou Toulouse Ne m'appelez pas non plus du nom des assassins Quand le sang coule Appelez-moi chagrin Appelez-moi larmes douleur révolte
Je suis Kaboul, Jérusalem, Damas, Mossoul, Munich Je suis L'enfant quand le poignard s'enfonce La femme aux yeux tristes dont on éteint le regard Les 84 personnes qui ont péri Les 331 blessés qui s'acharnent à vouloir vivre et encore aimer Les dix enfants volés Ce rire encore collé à une photo Cette femme qui ne reverra jamais sa mosquée Ce père et son fils si loin de leur Texas Ces deux enfants qui ne fêteront jamais leurs cinq ans Je suis Un père en deuil et une mère en larmes Une grand-mère qui ne sait plus vivre Le cri qui ne veut pas partir Cet homme qui protégea les siens Ceux qui s'interposèrent pour que d'autres vivent Cette nuit où les étoiles eurent mal Cet oubli qui ne viendra pas Cette nuée des âmes Qui s'insurge contre tous les détenteurs de vérités Contre tous ceux qui jugent et s'arrogent le droit de tuer Contre tous ceux qui souillent le droit sacré de vivre D'aimer et d'être libre et d'avoir une conscience
Appelez-moi destin Car je suis celui qui sait Que les enfants de l'échec sont une obole à l’intégrisme Que les infirmes de la conscience Vendent la prière et le meurtre à la criée
Appelez-moi ineptie Car je suis celui qui regarde Les marchands de haines prospérer sur Internet Dans l'impunité et l'indifférence de ceux qui en font commerce
Appelez-moi Nice, Toulouse, Bataclan, Orlando ou Paris Appelez-moi Kaboul, Jérusalem, Damas, Mossoul ou Munich Appelez-moi, Afrique, États-Unis, Asie, Tunisie, Algérie J'ai le nom et le sang de millions d'hommes Qui grésille au fond de ma mémoire Où que j'aille, de Port El Kantaoui à l'extrême sud de l'Afrique Encore et encore, je cherche l'humain
Appelez-moi détresse Car je suis celui qui sait Qu'entre la bestialité et l'homme il y a la conscience Appelez-moi doute, fatalité, malchance, aveuglement Appelez-moi Homme, si être homme encore a un sens
Appelez-moi espoir Appelez-moi avenir Car je suis celui qui croit Que l'on peut encore restaurer le cœur de l'homme Et encore lui donner des étoiles, des projets et du rêve
À Nice, Toulouse, Bataclan, Orlando, Paris Kaboul, Jérusalem, Damas, Mossoul, Munich Et dans les mille autres ailleurs où court le crime Vous serez toujours là, à peupler les donjons de ma mémoire Où que j’aille, je porterai votre sang et vos rêves
Enfants d’ici Enfants d'ailleurs Convoquez l'amour, le respect, la tolérance, la joie Je cherche l'humain Où que j’aille, encore et encore, Toujours je chercherai des frères
Pèlerin sans croix sans croissant, sans étoile Sur une route où les intégrismes sont légions Sur cette route où la lumière est sous voile J'affirme que l'humanité sera laïque Diverse généreuse et fraternelle Ou qu'elle ne sera pas.
Malgré la faible assistance au parc Pasteur d'Orléans, à l'occasion de la cérémonie en mémoire des victimes d’Algérie, et des combats en Tunisie et au Maroc, le devoir de mémoire se perpétue toujours. Même si ce n’est pas de manière évidente car il faut le provoquer.
Ce dimanche 19 mars matin, dans le parc Pasteur, à Orléans, la cérémonie du souvenir et de recueillement à la mémoire des victimes civiles et militaires de la guerre d’Algérie et des combats en Tunisie et au Maroc se déroule. Il y a du beau monde parmi les officiels : la préfète, le général de gendarmerie, le commandant de la base aérienne de Bricy, un sénateur, une députée, un adjoint au maire. Il y a même un speaker qui annonce le déroulé de la cérémonie. Si l’harmonie d’Orléans a délégué un tambour et des clairons, La Marseillaise est exécutée par une bande-son. Il y a donc de la solennité dans l’air. Et c’est logique.
Des balles de tennis
Pourtant, deux jeunes femmes et un jeune homme sont en train de jouer au tennis, sur le court juste à côté du monument aux Morts. Ils ont au moins la décence de ne pas pousser des cris ou de s’énerver après les turpitudes de la balle jaune. Il n’empêche. La cérémonie est ponctuée par les rebonds de cette fameuse balle jaune. Ils sont comme dans leur bulle et ne semblent guère se soucier de ce qui se passe juste à côté.
Ah le devoir de mémoire ! Parmi la maigre assistance, il y a une jeune femme pour qui on ne transige pas avec cette notion. Nathalie Granger se fait un devoir justement d’assister à de telles commémorations. "Jacqueline Granger-Mamonnat, ma grand-mère, faisait partie de la fédération nationale des déportés, internes, résistants et patriotes du Loiret. Elle est décédée le 1er février et je l’accompagnais, depuis toute petite aux cérémonies commémoratives. Venir a du sens pour moi. Je prends son relais", détaille-t-elle. "René Mamonnat, le père de ma grand-mère, a été déporté à Buchenwald
Durant la cérémonie. Alors que le speaker annonce "Les autorités vont quitter l’emplacement de la cérémonie", et que ces autorités prennent le chemin de la sortie du parc Pasteur, Régine Engström, la préfète, ne prend pas tout le monde de court mais un peu quand même. Elle décide de sortir du sentier la ramenant vers sa voiture pour aller sur la pelouse où se trouve une quinzaine d’anciens combattants.
"J’ai remercié la préfète d’avoir pris ce temps"
Parmi lesquels un homme, arrivé avec sa femme équipée de bâtons de marche. Car, oui, dans le parc Pasteur, il y a aussi des joggeurs et des marcheurs. "Tu veux y aller ?", lui avait-elle demandé. "Je ne connais plus personne", avait-il répondu. Il s’est finalement mêlé à la troupe. Sans oublier celui-ci qui demande s’il peut marcher sur la pelouse avant de franchir le pas en tant qu’ancien combattant. La préfète, qui a donc quitté les rangs, salue un à un les hommes qui lui font face.
Les officiels lors du dépôt de gerbes. "Bonjour. Mes respects. Merci d’être là." S’il est difficile de tendre l’oreille pour ne pas voler ce moment d’intimité institutionnelle, les anciens combattants se confient à Régine Engström. Du moins, ils partagent leurs souvenirs. "C’est important d’avoir un ami pour partager ça, de ne pas le garder pour soi", répond-elle à un interlocuteur. "On vit dans un beau pays grâce, notamment, à l’engagement des armées", rajoute-t-elle par rapport aux remarques sur la guerre en Ukraine.
Après coup, Guy, un habitant de Loury, qui s’apprête à aller manger chez ses enfants, est encore sous le coup de l’émotion : "C’est la première fois que ça m’arrive. Du moins à cette cérémonie. J’ai remercié la préfète d’avoir pris ce temps. Je pense qu’elle est déjà passée à autre chose, mais bon…" Guy a servi 24 mois en Algérie. Ce qui lui en reste ? "Des cauchemars. Je ne peux pas regarder les films de guerre. Et la télé, pas trop, en ce moment, quand je vois ce qui se passe".
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