Description العربية: إعتقال العربي بن مهيدي (الجزائر, الجزائر) (25 فبراير 1957 ). English: Arrest of Larbi Ben M'hidi (Algiers, Algeria) (February 25, 1957). Français : Arrestation de Larbi Ben M'Hidi (Alger, Algérie) (25 février 1957).
Le chef d'Etat russe Vladimir Poutine a reçu ce jeudi Abdelmadjid Tebboune, son homologue algérien, pour renforcer leurs relations "stratégiques".
L'Algérie reçue en grande pompe à Moscou. Le président russe Vladimir Poutine a exprimé jeudi son souhait de renforcer le "partenariat stratégique" entre Moscou et Alger, en recevant au Kremlin son homologue algérien Abdelmadjid Tebboune.
"Les relations avec l'Algérie revêtent une importance particulière pour notre pays et sont d'une nature stratégique", a déclaré Vladimir Poutine au début de leur entretien qui était retransmis à la télévision.
"A l'issue de nos négociations, nous signerons une déclaration sur l'approfondissement de notre partenariat stratégique, qui marquera le début d'une nouvelle étape dans nos relations", a-t-il ajouté.
RELATIONS PRIVILÉGIÉES DEPUIS LA GUERRE D'ALGÉRIE
Peu avant, le chef de l'Etat russe avait accueilli Abdelmadjid Tebboune en grande pompe sous les ors de la salle de réception Saint-Georges, au Grand palais du Kremlin.
Alger et Moscou entretiennent des relations privilégiées depuis que l'Union soviétique a appuyé les indépendantistes algériens lors de la guerre contre l'ancienne puissance coloniale française (1954-1962).
Aujourd'hui, les échanges commerciaux entre l'Algérie et la Russie avoisinent les trois milliards de dollars et la coopération militaire est active, Moscou étant un important fournisseur d'armement du plus grand pays d'Afrique par sa superficie.
UN PAS DE PLUS POUR LA RUSSIE EN AFRIQUE, AU DÉTRIMENT DE LA FRANCE
Ces deux puissances gazières coopèrent également sur le plan énergétique, Vladimir Poutine affirmant jeudi que la coordination entre les deux pays "contribue à la stabilisation" des prix mondiaux. Depuis le début du conflit en Ukraine, la Russie, désormais isolée en Occident, s'efforce de renforcer ses relations en Asie, en Amérique latine et en Afrique.
La Russie cherche à s'imposer comme le partenaire privilégié de plusieurs Etats en Afrique, parfois au détriment de la France, pays qu'elle renvoie régulièrement à son statut d'ex-puissance coloniale.
Abdelmadjid Tebboune devait également effectuer une visite d'Etat en France en juin mais selon des informations de presse, ce déplacement, initialement prévu en mai, risque d'être de nouveau reporté.
ALGÉRIE: AMIRA BOURAOUI, FIGURE DE L’OPPOSITION, EST ARRIVÉE EN FRANCE APRÈS AVOIR FUI LE PAYS
Dans "Apolline Matin" ce mercredi sur RMC et RMC Story, Nicolas Poincaré revient sur l’accueil en France d’Amira Bouraoui, opposante au régime algérien, qui a fui le pays via la Tunisie, où elle avait été arrêtée.
Amira Bouraoui vient d'être accueillie en France à l’issue d’un parcours qui ressemble à une évasion. C’est l’une des figures de l’opposition au régime algérien. Cette femme de 46 ans, une grande gueule qui n’a pas peur de grand-chose, dit connaître tous les commissariats d’Alger tellement elle a souvent été arrêtée.
Elle était au départ médecin gynécologue, mais elle a été interdite d’exercer à cause de ses activités politiques. Elle s’est alors reconvertie dans le journalisme et tenait une chronique sur Radio M, une web radio très critique envers le pouvoir. Elle a ouvertement critiqué, il y a quelques années, le vieux président Bouteflika, qui voulait se représenter une cinquième fois alors qu’il était mourant.
En 2020, Amira Bouraoui a été brièvement emprisonnée et condamnée pour offense à l’islam et atteinte à la personne du président de la République. Surveillée 24 heures sur 24, elle a senti la semaine dernière que cela sentait le roussi pour elle. Et elle a décidé de quitter le pays au plus vite en passant vendredi par la frontière avec la Tunisie.
GROS BRAS DE FER DIPLOMATIQUE
C’est là que les choses ont mal tourné, parce qu’elle n’avait pas le droit de quitter le territoire. Elle a donc utilisé à la frontière son passeport français, puisqu’elle a la double nationalité.
Mais les Tunisiens l’ont arrêtée, pour entrée illégale sur le territoire. Elle a été présentée à un juge qui l’a libérée et qui lui a rendu son passeport. Pourtant, la police tunisienne est passée outre et l'a enlevée à la sortie du bureau du juge et l’a conduite à l’aéroport pour l’extrader vers l’Algérie, où elle risquait gros.
Alors que la visite en France du président Tebboune ne cesse d'être reportée, le chef d'Etat algérien est apparu jeudi en Russie pour signer en grande pompe plusieurs accords de «partenariat stratégique».
Emmanuel Macron snobé pour Poutine ? En choisissant d'aller en visite d'État à Moscou plutôt qu'à Paris, le président algérien Abdelmadjid Tebboune a rappelé combien le pari d'Emmanuel Macron d'un rapprochement avec Alger restait incertain et risqué.
La séquence s'annonçait grandiose : le chef de l'État algérien escorté des Invalides à l'Élysée par la Garde Républicaine à cheval, tout un symbole pour un pays en quête de reconnaissance internationale, de surcroît dans l'ex-puissance coloniale.
La visite, programmée d'abord début mai, avait été repoussée à juin, les Algériens craignant que la fête ne soit gâchée par les manifestations du 1er mai contre la réforme des retraites, selon des sources concordantes. Mais Abdelmadjid Tebboune n'a jamais confirmé sa venue, qui devait consacrer l'embellie entre les deux pays après nombre de crises diplomatiques. Les deux parties sont «en discussion pour trouver une date qui puisse convenir», se borne à dire l'Élysée, confirmant ainsi indirectement un nouveau report de la visite.
«C'est le énième épisode des relations tumultueuses et complexes qu'entretiennent Paris et Alger», résume Brahim Oumansour, directeur de l'Observatoire du Maghreb à l'Institut de Relations internationales et Stratégiques (Iris) de Paris. Le président algérien est au final apparu jeudi au Kremlin, signant en grande pompe avec son homologue Vladimir Poutine plusieurs accords visant à approfondir le «partenariat stratégique» bilatéral.
Rente mémorielle
Au-delà de l'amitié affichée par les deux présidents, la relation entre la France et l'Algérie reste empreinte de méfiance, malentendus et non-dits. «Tout cela est quand même très incertain, très aléatoire, très contradictoire», concède une source diplomatique française.
À Alger, le sentiment antifrançais remonte régulièrement à la surface au gré des tensions. Le débat en France sur une éventuelle remise en cause de l'accord migratoire conclu en 1968 avec l'Algérie n'a rien arrangé non plus.
À 18 mois de la présidentielle algérienne, une visite du président Tebboune en France pouvait jouer en sa défaveur, esquisse Brahim Oumansour. Le passif colonial pèse encore très lourd entre les deux pays. Le pouvoir algérien issu de la guerre d'indépendance y puise sa légitimité. Une véritable «rente mémorielle», avait lancé Emmanuel Macron en 2021, suscitant alors l'ire d'Alger.
L'Algérie, candidate à l'entrée dans le club des Brics (Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud), préfère peut-être aussi «éviter toute fausse note avec une visite à Paris», poursuit l'expert de l'IRIS.
Les Brics veulent se positionner comme une alternative à l'ordre mondial dirigé par l'Occident. Puissance régionale rivale du Maroc, Alger ambitionne ainsi de jouer dans la cour des grands.
«Chemin de crête»
La visite à Moscou n'est pas forcément vue d'un mauvais œil à Paris. «L'Algérie est un médiateur, quelqu'un qui peut parler à d'autres auxquels on ne parle pas. Le fait qu'elle parle aux Russes, à la limite c'est tant mieux», estime la source diplomatique. Emmanuel Macron reste en revanche loin de son objectif de réconciliation des mémoires et de relance de la relation franco-algérienne, notamment au plan économique.
En redoublant d'attention pour Alger, il a en outre plombé une relation déjà difficile avec le Maroc. «Le jeu d'équilibre de la France entre les deux pays est plutôt vu comme un double jeu», relève Brahim Oumansour. Rabat et Paris sont en froid depuis des mois, un gel des relations qui s'ancre et perdure (il n'y a toujours pas d'ambassadeur du Maroc en France). À l’origine de cette grave brouille, les restrictions d'octroi des visas visant les ressortissants marocains, une mesure officiellement levée en décembre.
Mais au-delà le Maroc reproche surtout à la France ne pas s'aligner sur les États-Unis et l'Espagne qui ont reconnu la marocanité du territoire disputé du Sahara occidental, considérée comme cause nationale à Rabat. La visite d'État d'Emmanuel Macron au Maroc, promise plusieurs fois, ne cesse aussi d'être reportée. «Il faut trouver le chemin de crête, ce n'est pas facile, mais c'est vraiment la préoccupation du moment, parvenir à relancer nos relations et les remettre sur des bons rails», concède-t-on à Paris.
« Le trauma colonial », de Karima Lazali ·Le trauma colonial de la psychanalyste Karima Lazali analyse les effets au présent de la colonisation française en Algérie. Une enquête singulière, publiée à La Découverte en France et aux éditions Koukou en Algérie, qui s’attaque à l’impensé colonial et ses effets psychiques et politiques, plaçant au cœur de son analyse pluridisciplinaire la notion d’effacement.
Karima Lazali, Le trauma colonial. Une enquête sur les effets psychiques et politiques contemporains de l’oppression coloniale en Algérie.
Grâce aux travaux d’historiens ou encore d’écrivains algériens comme Kateb Yacine, Mohammed Dib ou Jean El Mouhoub Amrouche, la psychanalyste Karima Lazali a pu enrichir son analyse débutée en cabinet avec ses patients à Paris et Alger et mettre des mots sur cet « impossible à refouler » colonial qui ne cesse de ressurgir sans être nommé dans les sociétés française et algérienne. Depuis les écrits fondateurs de l’intellectuel et psychiatre anticolonialiste Frantz Fanon, peu de livres ont offert une telle analyse de la colonisation et de ses traces mnésiques et politiques. Son ouvrage, qui s’inscrit dans la filiation des travaux d’Alice Cherki, psychiatre et psychanalyste proche de Fanon, est certainement appelé à devenir une référence.
DANS LES BLANCS DE L’HISTOIRE
Dans la première partie de son livre, Lazali analyse le projet colonial français en Algérie en termes d’« effacement » : elle revient notamment sur l’histoire de la conquête coloniale et la volonté d’annihilation systématique des langues et de l’histoire algériennes.
« L’Algérie était un territoire considéré vierge, sans histoire ni culture. La colonisation s’est employé à détruire l’ordre social et symbolique qui était présent sous couvert de le franciser », résume-t-elle au cours d’un entretien avec Orient XXI. Cette « atteinte coloniale » a été profonde et irréversible : disparition d’un tiers de la population, destruction des généalogies, élimination des tribus, expropriations des terres. C’est cet effacement qui a coexisté avec un extrême marquage des corps et des esprits par le colonial qui a subsisté à la colonisation et reste tu. Karima Lazali préfère utiliser le mot « colonialité » : un état du colonial qui persiste, car il est demeuré impensé.
La colonisation a produit des effacements mémoriels qui ont profondément affecté la psyché des deux populations, française et algérienne, qui se débattent jusqu’à ce jour dans « des blancs de mémoire et de parole ». En Algérie, il est plus difficile qu’en France d’avoir accès aux subjectivités, du fait des nombreuses censures familiales, religieuses et politiques en place. L’analyse de la littérature algérienne, expression d’une sensibilité et intimité profondément atteinte par le colonial, lui permet de déjouer ces censures et de saisir les effets de la colonialité sur les esprits. Mais l’auteure a compris, lors de ses consultations à Paris, que le trauma colonial n’affecte pas que les anciens colonisés.
En France, j’ai réalisé avec le temps que nombre de mes patients avaient de près ou de loin un rapport avec l’Algérie. Ils étaient eux aussi pris dans un “blanc” absolument terrible, et ce sont eux qui m’ont aidé à comprendre que, finalement, il y avait un problème de réception de la colonisation par le politique. Tout est mis en place pour que l’on pense que cette histoire coloniale ne s’adresse qu’aux minorités, anciennement colonisées.
En France, c’est le déni de l’histoire coloniale par le politique qui a produit de l’effacement. Le déni est un « effacement des traces de l’effacement », dit-elle pour montrer le processus de suppression à l’œuvre et l’abîme ainsi créé pour les personnes qui cherchent à comprendre les causes politiques et transgénérationnelles de leur souffrance psychique.
Commentant l’actualité récente au cours de l’entretien, Lazali reconnait l’importance de la reconnaissance historique par le président Emmanuel Macron de l’assassinat de Maurice Audin et le caractère systématique de l’usage de la torture pendant la guerre d’Algérie.
C’est un premier pas vers le fait de reconnaître que les deux populations, européenne et indigène, ont été prises, pas de la même manière, pas avec les mêmes moyens, dans ce système destructeur. Remarquons que les Européens pro-indépendance étaient eux traités comme les Algériens : tortures, exécutions, rejet, silenciation.
Cette reconnaissance est importante pour libérer la parole des personnes prises dans « des blancs de mémoire et de parole ». Cependant, elle souligne le problème du désaveu qui suit souvent la reconnaissance politique, créant ainsi une difficulté à lire l’histoire et à se positionner.
On reconnaît en 1999 que lesdits événements en Algérie étaient une guerre, mais en 2005, on vote une loi sur les bienfaits de la colonisation. Cela crée un brouillage dans le rapport à la mémoire et réinscrit du blanc et de la confusion. Nous avons donc affaire à un début de reconnaissance historique qui se renverse en désaveu. Ce qui maintient inabouti le travail d’élaboration de cette histoire.
UNE FOLIE MÉMORIELLE
Si en France la mémoire de la colonisation est « carencée », l’Algérie souffre elle d’un « excès de mémoire », d’une « folie mémorielle » qui est elle aussi productrice d’effacement. Elle explique à Orient XXI :
À l’indépendance, le souci politique était de sortir de cet effacement — ce n’était pas dit comme ça, c’est moi qui parle d’« effacement ». Le national s’est donné pour mission d’essayer de restaurer l’histoire antérieure à cette destruction de la guerre de conquête coloniale. Tout le monde s’est accordé pour dire qu’il y avait un trou gigantesque dans l’identité et qu’il fallait le combler, le colmater. Ça a été un des grands fourvoiements à l’indépendance. Un trou comme ça, ça ne se comble pas.
Ainsi c’est la volonté, au moment de l’indépendance, d’aller contre l’effacement colonial d’une histoire, de langues, de cultures qui paradoxalement a produit de l’effacement. Cette réhabilitation de l’identité arabe, de la religion de l’islam par le politique algérien a fabriqué une nouvelle identité — et non restauré l’ancienne. Dans son livre, Karima Lazali va jusqu’à parler de « colonisation arabe ».
Ce qui m’a beaucoup étonnée c’est que le politique algérien a fait appel à la colonisation arabe pour traiter de la colonisation française. À partir du moment où je me suis rendu compte de ça, je me suis dit que décidément, on n’en sort pas. Comment se libérer du colonial ?
RÉSURGENCES DU NON-DIT
Comment se libérer ? C’est en exposant les effets dévastateurs de la colonialité en Algérie et en France que Lazali soulève l’urgence de la question. Elle consacre l’un des chapitres de son livre à la « guerre intérieure » des années 1990, opposant islamistes à l’armée algérienne, et ayant causé selon les sources jusqu’à 200 000 morts.
L’auteure analyse cette « guerre intérieure » comme la « résurgence du non-dit de l’effacement ». En citant l’écrivain libanais Amin Maalouf, elle souligne que ce n’est pas l’histoire de l’islam qu’il faut lire pour comprendre la violence des années 1990, mais l’histoire de la colonisation. « En travaillant à Alger, je me suis rendue compte que le projet des islamistes était de purifier la société algérienne des résidus du colonial – c’étaient les mots employés ».
Les islamistes ont tenté d’inventer un autre rapport à l’identité et à l’histoire pour sortir des confiscations coloniales que l’idéologie nationaliste algérienne n’a pas su identifier et réparer. De manière intéressante, Lazali montre que l’islamisme est un moyen de « panser les blessures du colonial » et d’« occuper des identités vidées ». Ainsi, l’établissement de l’état-civil par les autorités coloniales au XIXe siècle a produit une destruction des généalogies et un démantèlement du lien tribal. À l’indépendance, le pouvoir algérien a arabisé des noms qui avaient été francisés pendant la colonisation, au lieu de reconnaitre cette falsification. Pour réparer la figure du père atteint par le colonial, les islamistes ont créé une nouvelle filiation. Ils ne sont plus « fils de » comme le voulait la tradition en Algérie, mais « père de » comme le veut la kunya, le système de nomination importé du Proche-Orient. Dans ce système, c’est Dieu tout-puissant qui est le père des « frères » islamistes, analyse la psychanalyste. Mais là encore, par cette réinvention, les islamistes fabriquent de l’effacement.
En France, il y a également une urgence à penser le colonial et ses effets psychiques et politiques. Les débats à répétition sur la compatibilité de l’islam avec la République, le retour de la qualification de « Français musulman » qui prévalait au début du XXe siècle en Algérie, « la colonialité est un discours en creux en France, mais cette mémoire expulsée de la mémoire collective est bien agissante », souligne-t-elle dans son livre. « En France, l’histoire de la colonisation française de l’Algérie étant peu connue, les liens entre les discours présents et passés ne sont pas établis », « mais celui qui a le texte historique à l’esprit peut établir ces liens ».
Lazali prend l’exemple de la violence djihadiste. L’attentat perpétré par le Franco-Algérien Mohammed Merah a eu lieu le 19 mars, cinquante ans jour pour jour après le cessez-le-feu entre la France et l’Algérie. Elle dit :
J’ai été étonnée de lire un excès de mémoire par la date de l’attentat et une carence de la mémoire en France. Cela me paraissait évident, mais très peu ont fait le lien. Le père de Mohammed Merah était obsédé par la guerre d’Algérie. Il y a une mémoire en jeu dans l’acte, mais on n’arrive pas à faire les liens, car il y a un effacement de l’histoire.
SORTIR DU SILENCE
Si le prisme du colonial ne suffit pas à expliquer l’engagement djihadiste qui est multifactoriel, comme l’a montré le sociologue Farhad Khosrokhavar dans son dernier ouvrage Le nouveau jihad en Occident(Robert Laffont, 2018), la prise en compte du colonial et surtout de l’impensé colonial tel que posé par Lazali donne matière à réflexion. « Il faut sortir du pacte de silence et de blanc instauré par le colonial ». « Car à chaque fois, ce qui s’est inscrit dans le blanc du silence ressurgit dans le sang. »
Comment nommer les effets du colonial au niveau transgénérationnel et du politique ? Lazali souligne notamment le rôle de la littérature et du cinéma produit par cette nouvelle génération en France et en Algérie qui a grandi dans des blancs de mémoire et qui cherche à nommer l’effacement. « Mais cela ne pourra mener à un changement de mentalité que s’il y a une véritable réception et un consentement du politique à rentrer dans cette histoire-là, à cesser de faire croire à sa population que ce n’est que l’histoire des autres », répète-t-elle.
Ses travaux croisent le cheminement d’une génération de jeunes Maghrébins qui cherchent à reconstituer une histoire dont on les a privés, mais dont ils sont les héritiers. En tant que documentariste, je ne peux que témoigner de l’importance de cette démarche de documen-tation et d’expression artistique que j’ai moi-même entreprise en réalisant un film long métrage (actuellement en postproduction) avec mon père, Malek Kellou, cinéaste algérien exilé en France, qui a grandi dans un village devenu camp de regroupement pendant la guerre d’Algérie. Jusqu’à ce qu’il m’offre, un soir de Noël, les premières pages d’un projet de film sur son enfance en Algérie, je me débattais dans des blancs et des silences et ne soupçonnais pas un tel effacement.
La loi française du 7 Thermidor An II (25 juillet 1794) proclamait que tout citoyen devait pouvoir être informé de ce qui avait été fait en son nom. C’était le début du service public des Archives nationales de France, institution créée quatre ans plus tôt par l’Assemblée constituante. Mais si le principe de cette transparence est officiellement acquis, la raison d’État ne s’en accommode pas facilement. La disparition du militant de l’indépendance algérienne Maurice Audin et la répression meurtrière de la manifestation parisienne du 17 octobre 1961 à l’appel du Front de libération nationale (FLN) constituent deux cas emblématiques d’une rétention à bas bruit des archives.
et copier. Elle accède entre autres pièces à un dossier saisi en 1961 chez le colonel Yves Godard, alors en fuite. Godard était l’un des chefs de l’Organisation armée secrète (OAS), organisation terroriste se réclamant de l’Algérie française.
En fait, la décision du président n’est pas extraordinaire : la loi française reconnaît que la raison d’État permet de tamponner des documents du sceau « confidentiel », « secret » ou « très secret » afin d’en empêcher la consultation, mais durant cinquante ans seulement.
Que trouve-t-on dans le dossier de Godard, versé aux Archives en 1961 ? En particulier, la thèse officielle pour expliquer la disparition de Maurice Audin étant celle de l’évasion, des documents fabriqués par l’armée pour étayer cette thèse, avec leurs contradictions. Chaque pièce est présentée par le colonel à sa façon, car il a vraisemblablement constitué ce dossier pour se couvrir, et éventuellement servir contre d’autres militaires. C’est ce qu’on voit dans les archives de Godard qui se trouvent en Californie, dénichées en 2011 par Nathalie Funès, journaliste à L’Obs. Dans un brouillon de livre jamais terminé, il attaque Jacques Massu, général responsable de la Bataille d’Alger, mais qui ne l’a pas rejoint dans l’OAS. Il y accuse Gérard Garcet, un proche de Massu, d’avoir exécuté Maurice Audin, ce qui n’apparaît pas dans le dossier conservé par les Archives nationales.
Garcet a évidemment nié les propos de Godard : engagés tous deux dans la répression contre les Algériens, ils ont fait du mensonge l’une de leurs « qualités » professionnelles. Leurs déclarations sont à vérifier, à confronter à d’autres sources.
Rien ne vaut une enquête judiciaire, et les archives contradictoires concernant Maurice Audin ont été rassemblées d’abord en prévision d’une telle investigation, puis à partir de la plainte de Josette Audin, pour homicide volontaire. L’enquête a été menée dans un contexte compliqué. Interrompue à cause des lois d’amnistie, elle a tout de même produit des témoignages écrits conservés aux archives départementales du tribunal concerné, mais pas aux archives nationales.
DOCUMENTS PRIVÉS OU PUBLICS ?
Les archives sont de différents types et se trouvent donc dans divers endroits. Ainsi, les journaux de l’époque se trouvent à la Bibliothèque nationale, et les historiens, comme les journalistes, peuvent y accéder sans délai. Mais l’administration française est productrice d’une grande quantité de paperasses, dont une partie se retrouve dans les archives. L’armée n’échappe pas à cette règle. Le général Paul Aussaresses se plaisait à dire qu’il avait un « manifold », carnet numéroté où chaque page était suivie de trois copies ; jour après jour, il y détaillait ses activités, en gardait une copie, et distribuait les autres à différents destinataires, dont Massu. Il serait étonnant que ces copies n’aient pas été archivées. Mais où les trouver ? Dans les archives d’Aussaresses ou de Massu ? On ne sait pas ce qui peut s’y trouver puisqu’elles sont restées privées, ce qui est assez scandaleux : ces documents sont professionnels et non personnels, ils devraient revenir dans le patrimoine public, comme le proposait dès 1996 un rapport commandé par le gouvernement Juppé :
Les archives produites par les autorités politiques (président de la République, membres du gouvernement ou exécutifs locaux) et par leurs cabinets dans l’exercice de leurs fonctions publiques ont un caractère public, au même titre que celles des responsables de l’administration, de l’armée et de la diplomatie.
Si Aussaresses n’a pas menti, il reste deux exemplaires de ces registres. Reste à savoir où, et s’ils ont été tamponnés « secret » ou non. Si ces papiers n’ont pas été détruits, ils contiennent des éléments précis sur les détenus et les décisions prises à leur encontre : le général Aussaresses a dit qu’il décidait chaque matin avec Massu du sort de chacun, et c’est ce qu’il notait dans son « manifold ».
MAURICE AUDIN ET LA RAISON D’ÉTAT
Dans le cas de Maurice Audin, la consultation des archives nationales n’apporte donc pas grand-chose. Dans les archives de la présidence, celles de l’époque du général de Gaulle, on trouve une note de quatre pages en date du 4 août 1960, et même plusieurs versions successives de cette note, sans doute rédigée à la demande du général, au sujet de cette affaire Audin dont il entend vraisemblablement trop parler à son goût.
Il suffit de lire les pages 3 et 4 de cette note pour comprendre ce qu’est la raison d’État. L’alternative est bien expliquée au président : punir les coupables du meurtre d’Audin, ou faire traîner l’instruction pour ne pas faire porter aux militaires la responsabilité des pouvoirs publics :
Il est donc à prévoir, si l’orientation actuellement donnée à l’instruction est maintenue, que l’affaire Audin va prendre dans les mois à venir une nouvelle ampleur en raison de l’importance des personnalités, politiques ou militaires, dont les noms seront mis en cause à son sujet.
[…]
L’opportunité de cette éventualité doit être appréciée à la lumière de deux ordres de considérations :
1°) En faveur d’un élargissement de l’information et du renvoi de l’affaire devant un tribunal on peut invoquer :
➞ le devoir du Gouvernement, qui ne peut douter qu’Audin ait été victime d’un meurtre, de découvrir les coupables et de les punir ; ➞ l’émotion profonde que ne manquerait pas de susciter, dans de nombreux secteurs de l’opinion, le fait que les circonstances exactes de la mort d’Audin demeurent inconnues et le crime impuni ; ➞ la crainte (qui est celle de M. Michelet) qu’un non-lieu rendu par un juge d’instruction soit imputé aux pressions du pouvoir.
2°) L’idée que l’affaire Audin n’est pas, contrairement à ce que s’acharnent à vouloir démontrer certains milieux, un cas-test et que l’information devrait plutôt être ralentie se justifierait en revanche par les considérations suivantes :
➞ L’affaire Audin s’est produite pendant la « bataille d’Alger » c’est-à-dire à une période d’extrême tension ; il n’est pas moralement équitable de faire supporter à quelques militaires la responsabilité d’actes que les pouvoirs publics connaissaient et toléraient, jugeant que le recours aux pratiques illégales leur causait moins de difficultés qu’une adaptation de la légalité aux circonstances. ➞ Audin, membre du Parti communiste algérien, s’était rendu coupable de faits qui ne méritaient certes pas la peine capitale, mais qui constituaient cependant une collusion avec la rébellion. ➞ les outrances du « Comité Audin » et l’exploitation à laquelle il s’est livré de la disparition de ce jeune professeur pour combattre la politique gouvernementale en Algérie et faire le procès de l’action de l’armée ont profondément sensibilisé les milieux militaires sur cette affaire.
Pas besoin d’archives pour savoir quelle option a été retenue : l’information a été « ralentie ».
UNE PROMESSE DE MACRON NON SUIVIE D’EFFET
Le 13 septembre 2018, le président Emmanuel Macron se rendait chez Josette Audin pour lui remettre une déclaration officielle, publiée sur le site web de l’Élysée. Il y décrit le système dit d’« arrestation-détention » mis en place pendant la guerre d’Algérie : arrestation arbitraire, torture, exécution sommaire. Il y reconnaît que Maurice Audin a été victime de ce système comme beaucoup d’autres, sans pouvoir dire s’il a été assassiné pendant une séance de torture ou exécuté ensuite. Et il y annonce l’ouverture des archives concernant tous les disparus de la guerre d’Algérie. Il précise même qu’il s’agit des disparus civils et militaires, français comme algériens. Le travail pour les archivistes s’annonce colossal : repérer les archives concernées et les mettre à disposition du public.
Un an après, le 20 septembre 2019, lors d’une journée d’étude organisée à l’Assemblée nationale sur le thème « Les disparus de la guerre d’Algérie du fait des forces de l’ordre françaises », Jean-Charles Bedague, du Service interministériel des archives de France (le SIAF) annonçait « pour bientôt » la mise en application des déclarations du président de la République. Quelques jours auparavant, un décret était paru, mais il ne concernait encore que le cas de Maurice Audin. Il fallait juste avoir confiance, un site web de recherches des archives était apparu, qui allait prochainement être alimenté par des contenus.
Or depuis décembre 2019, force est de constater que c’est l’inverse qui s’est produit. Le Secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale (SGDSN) se fiche des déclarations présidentielles et serre les boulons en réactivant l’article 63 de l’instruction générale interministérielleIGI-1300 prise en 2011, un texte non débattu, supérieur à la loi discutée de 2008 qui disposait que « les documents d’archives publiques sont par principe librement communicables à toute personne qui en fait la demande ». Et ce n’est pas la nouvelle version de l’IG1300, publiée au Journal officiel du 15 novembre, qui changera la donne.
DEUX ARCHIVISTES « PLACARDISÉS »
Du coup, les archives se referment, car les intimidations pèsent concernant leur divulgation : sont ainsi menacés de peines diverses aussi bien les divulgateurs que les archivistes, tous potentiellement accusés de compromission. En 2020, pour renforcer son contrôle, le SGDSN exige que les documents « confidentiel », « secret » et « très secret » soient déclassifiés page par page avant consultation. Un travail titanesque qui décourage toute velléité d’ouvrir ces archives. Et cela pourrait concerner même ce qui a déjà été consulté, voire publié. C’est ce qui justifie les actions menées contre cette IGI-1300 qui est contraire à la loi : tribunes, pétitions, recours en Conseil d’État, provenant d’associations, y compris d’historiens, d’archivistes, et du Collectif secret défense-un enjeu démocratique.
Quant aux archives privées de Josette Audin, elles ont été déposées à la bibliothèque-musée La Contemporaine et peuvent être consultées dès à présent, car le SGDSN n’a pas son mot à dire dans ce cas.
Avec les événements du 17 octobre 1961, la guerre d’Algérie surgit brutalement en France. Ce jour-là à Paris, venus des quartiers populaires à l’initiative du FLN, les Algériens veulent protester pacifiquement contre la répression qui les frappe. Le défilé se transforme en bain de sang, des dizaines de manifestants sont exécutés, leurs corps jetés dans la Seine, sous les ordres du préfet Maurice Papon, celui-là même qui avait appliqué — et même devancé — les ordres de rafler la population juive de Bordeaux à partir de 1942.
Durant des décennies, les archives de cette tuerie ont été verrouillées. L’historien Jean-Luc Einaudi, empêché d’y accéder au prétexte qu’il n’est pas un universitaire, recueille cependant suffisamment d’éléments en dehors des institutions, pour publier La bataille de Paris (Seuil, 1991). En 1999, après son procès pour son rôle dans la collaboration et la déportation des juifs, Maurice Papon attaque Jean-Luc Einaudi en diffamation. Entrent alors en scène les archivistes Brigitte Lainé et Philippe Grand qui, en lanceurs d’alerte, dévoilent les preuves de la tuerie. La première est conservatrice en chef aux Archives de France. Aux Archives de Paris, elle est en charge, avec son collègue et ami Philippe Grand, des archives judiciaires. Et ils ont examiné celles qui vont de septembre à décembre 1961. En février 1999, elle témoigne pour Jean-Luc Einaudi contre le droit de réserve qui lui est imposé : « Dès le mois de septembre, il y a une constante dans la mise en scène de la mort : une majorité de noyés, retrouvés dans la Seine ou les canaux parisiens, les mains liées ou avec des traces de strangulation ou de balles. »
Maurice Papon perd son procès contre Jean-Luc Einaudi, mais les archivistes et l’accès aux archives ne sortent pas indemnes de l’épreuve. Brigitte Lainé et Philippe Grand sont persécutés par leurs supérieurs, rétrogradés, placardisés, interdits d’accès au public, leurs dossiers confisqués. Ils sont rejetés par une partie de leurs collègues, prompts eux aussi à les condamner par voie de pétition auprès de Catherine Trautman, ministre de la culture du gouvernement Jospin (1997-2002).
En mars 2003, le tribunal administratif de Paris reconnaît qu’il y a bien eu des sanctions disciplinaires déguisées contre Brigitte Lainé et Philippe Grand, et annule les notes de service. Un jugement sans effet. En mars 2004, le même tribunal enjoint le maire de Paris d’exécuter le jugement. Sans résultat. L’une après l’autre, les deux archivistes partent à la retraite dans l’indifférence et l’opprobre, pour avoir brisé le « secret » des archives de la guerre d’Algérie. Brigitte Lainé est morte le 2 novembre 2018 sans avoir été officiellement réhabilitée.
LES AUTRES ANGLES MORTS DE L’HISTOIRE RÉCENTE
La guerre d’Algérie n’est pas le seul angle mort des archives en France. Celles de la seconde guerre mondiale, en particulier de la collaboration, sont restées longtemps inaccessibles, jusqu’à la loi de 2008. L’histoire de cette période noire s’écrivait alors hors de France, depuis les États-Unis, le Royaume-Uni ou l’Allemagne. Elles sont désormais ouvertes.
Celles de la (dé)colonisation ou de la « Françafrique » restent ultrasensibles. Outre la disparition de Maurice Audin et la tuerie du 17 octobre 1961, la moitié des seize affaires réunies dans le Collectif secret défense- un enjeu démocratique s’y rattachent de près ou de loin : massacre de tirailleurs sénégalais à Thiaroye au Sénégal en 1944 ; massacres de Sétif, Guelma et Kherrata en mai 1945 ; enlèvement et assassinat de Mehdi Ben Barka le 29 octobre 1965 à Paris ; assassinat d’Henri Curiel le 4 mai 1978 à Paris ; disparition du magistrat Bernard Borrel le 18 octobre 1995 à Djibouti ; rôle de la France dans le génocide des Tutsis au Rwanda au printemps 1994 ; ou encore assassinat des journalistes Ghislaine Dupont et Claude Verlon au Mali, le 2 novembre 2013.
Pour tous ces « dossiers », les historiens, les familles, les juges, les archivistes, engagés dans la recherche de la vérité se heurtent, en dépit des délais en principe raccourcis, au secret défense. Et aux mille et une façons de refuser ou de saboter la communication des documents : archives « caviardées », dans lesquelles des passages entiers sont recouverts d’une épaisse encre noire, les rendant illisibles ; délais de consultation à géométrie variable sans justification ; cotes incorrectes ; dispersion dans diverses administrations ; ou même en se moquant franchement de l’autorité requérante. En 1981, l’un des membres du cabinet de Gaston Defferre, alors ministre de l’intérieur, demande au Service de documentation extérieure et de contre-espionnage (SDECE) de lui communiquer le dossier Henri Curiel. Lors d’un premier rendez-vous, il lui est remis une mince chemise de trois feuillets, à peine quelques lignes. Il proteste. Lors de sa deuxième convocation, la pièce où on le fait entrer est pleine à craquer de dossiers non classés, non étiquetés : une forêt impraticable.
Parfois, pourtant, la justice donne ici raison aux plus opiniâtres. Le 12 juin 2020, le Conseil d’État suit le chercheur François Graner dans sa demande d’accès aux archives du président François Mitterrand déposées aux Archives nationales alors qu’il était en fonction, en particulier celles du printemps 1994 lorsqu’a été perpétré le génocide des Tutsis du Rwanda par les Hutus au pouvoir. Mais l’administration a opposé un refus systématique au chercheur. Pour la première fois, la haute cour de justice administrative a décidé que « la protection des secrets de l’État devait être mise en balance avec l’intérêt d’informer le public sur ces événements historiques ». Et que, dans ce cas précis, cet intérêt d’informer était supérieur au secret. Une décision qui fait jurisprudence, ouvrant la voie qui pourrait conduire la France à suivre l’exemple d’autres démocraties. Comme aux États-Unis où le délai de communication des archives gouvernementales fédérales est de dix ans. Il peut même être encore réduit s’il est jugé que la transparence est plus importante pour la démocratie que le secret. C’est ce qui explique que pour comprendre les tenants et les aboutissants de la disparition de leur époux et père, la famille de Maurice Audin a dû faire un détour par les États-Unis.
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Historienne, journaliste et ex-rédactrice en chef de TV5 Monde.
À l’occasion de la réception par Emmanuel Macron, le 16 juin 2023, du prince héritier saoudien Mohamed Ben Salman que des rapports des services de renseignement américains ont mis en cause dans l’assassinat du journaliste Jamal Khashoggi, nous republions un entretien avec Agnès Callamard, à l’époque rapporteure spéciale des Nations unies sur les exécutions extrajudiciaires (aujourd’hui secrétaire générale d’Amnesty International), réalisé en octobre 2019.
April Brady/Project on Middle East Democracy
Alain Gresh. – Est-ce que vous disposez de nouvelles informations sur l’assassinat depuis la publication de votre rapport en juin 2019 ?
Agnès Callamard. — J’ai reçu des informations de différentes sources, mais aucune ne me semble crédible pour l’instant ; je n’ai pas pu les authentifier. Dans un entretien récent à la chaîne américaine PBS, le prince héritier saoudien Mohamed Ben Salman a reconnu que le crime s’était produit sous sa « surveillance » (« under my watch »). Cela veut dire qu’il reconnaît, au moins indirectement, que ce crime est un crime d’État dans la mesure où il est un homme d’État et où il laisse comprendre qu’il est le quasi-chef d’État. Mais il ne reconnaît pas sa responsabilité individuelle pour le crime, au contraire ; il prend ses distances en expliquant qu’il y a des millions de fonctionnaires qui travaillent, des ministres qui suivent les dossiers et qu’il ne peut contrôler toutes leurs actions. Il ne reconnaît pas sa responsabilité pénale personnelle, ne serait-ce que pour n’avoir pas pris les mesures nécessaires pour empêcher un tel crime.
A. G. – Avez-vous des informations sur le procès qui se déroule en Arabie saoudite contre certains des accusés ?
A. C.— Comme vous le savez, onze personnes sont poursuivies, dont neuf sur les quinze qui ont été identifiées comme appartenant au commando envoyé à Istanbul. Pourquoi ceux-là et pas les autres ? On ne le sait pas. Depuis la publication de mon rapport, il y aurait eu au moins une séance du procès, mais à huis clos, et ceux présents, dont un représentant du gouvernement français, ne fournissent aucune information sur ce qui s’y passe. Quoi qu’il en soit, le procès ne peut pas être considéré comme équitable, même s’il se termine par des condamnations. D’autre part, et même si parmi les accusés il y a le général Ahmad Al-Assiri, le principal responsable Saoud Al-Qahtani n’a pas été inculpé. Ce proche de MBS cité par de nombreux témoins dans l’affaire de l’enlèvement du premier ministre libanais Saad Hariri et dans la torture des militantes des droits des femmes est pourtant un suspect majeur. Il a même été cité par le procureur saoudien comme une des personnes qui a incité le crime et a poussé l’équipe à ramener Khashoggi, car il était une menace pour la sécurité nationale. Des rumeurs prétendent qu’il a été tué, mais je n’ai pas pu les confirmer.
A. G. – Quelles ont été les réactions à la publication de votre rapport ?
A. C.— Les réactions au sein du Conseil des droits de l’homme des Nations unies (OHCHR) et dans la presse ont été plutôt positives. Certains États ont dit des choses très fortes, comme le Canada et l’Australie. En ce qui concerne la France, elle fait partie des États favorables à revenir à un « business as usual ».
Aucune action concrète n’a suivi la réunion du Conseil. Au contraire, le sommet du G20 à Osaka, tenu quelques semaines après mon rapport, a donné lieu au spectacle affligeant du président des États-Unis embrassant MBS. On a eu aussi droit à une photo de fin de réunion avec, au centre le président Donald Trump et MBS se serrant la main et autour tous les autres chefs d’État faisant un petit signe à la caméra. C’est un manque de respect pour toutes les personnes frappées par la répression en Arabie saoudite, pour les principes mêmes dont se réclame le G20 et pour le travail que j’ai accompli. Aucun chef d’État n’a tenté de se démarquer de cette instrumentalisation orchestrée par le président américain et le prince saoudien.
A. G. – Et le prochain G20 est censé avoir lieu à Riyad en 2020 ?
A. C.— Le sommet d’Osaka a été problématique, mais celui de l’an prochain risque d’être une catastrophe pour les valeurs que nous défendons. Il y a deux options possibles. D’abord qu’un État se porte volontaire pour accueillir le sommet à la place de l’Arabie. La seconde option est que la participation des États soit conditionnée à des demandes très claires, y compris de remise en liberté des femmes activistes, et plus largement de tous ceux qui sont emprisonnés pour des crimes de conscience et que cette participation s’accompagne d’une demande que ceux qui ont ordonné le meurtre de Jamal Khashoggi rendent des comptes. Il est crucial aussi que les chefs d’État demandent que la liberté de la presse fasse partie de l’ordre du jour du sommet, qu’ils organisent des points de presse sur cette question et qu’ils ne permettent pas l’instrumentalisation du G20 pour des objectifs contraires aux valeurs sur lesquelles sont fondés plusieurs pays membres du G20.
A. G. – Pour continuer sur les réactions à votre rapport, vous avez pu rencontrer plusieurs membres du Congrès américain ?
A. C.— Oui, j’en ai vu personnellement une dizaine et j’ai pu constater une vraie mobilisation. La chambre des représentants a adopté à la mi-juillet, à une majorité écrasante (405 voix contre 7) un texte présenté par le député Tom Malinowski qui demande au directeur du United States Intelligence Community (Communauté du renseignement des Etts-Unis)1 d’identifier les responsables de l’assassinat de Jamal et de leur imposer des sanctions. Si elle était adoptée par le Sénat, cette résolution aurait d’importantes répercussions puisqu’elle aboutirait, par exemple à sanctionner le prince héritier MBS et à le priver de visa pour les États-Unis. J’espère que ces positions très fermes encourageront d’autres parlements de par le monde à comprendre qu’ils ont un rôle à jouer dans cette affaire, en dehors de celui que joue l’exécutif.
A. G. – Les Nations unies peuvent-elles donner suite à votre rapport ?
A. C.— Elles le peuvent, mais vont-elles le faire ? J’ai demandé au secrétaire général des Nations unies António Guterres de mettre en place un comité indépendant qui puisse déterminer les responsabilités individuelles dans l’assassinat, mais il a refusé. Il a prétendu qu’il n’en a pas l’autorité et que la Turquie devrait faire une demande officielle, ce qu’elle n’a toujours pas fait. Plus récemment, il a laissé entendre qu’il aurait besoin pour ce faire d’une résolution du Conseil de sécurité, alors même que les experts des procédures onusiennes pensent le contraire. J’ai alors suggéré que le déficit institutionnel mis en lumière par l’affaire Khashoggi soit comblé : en mettant en place un instrument d’enquête international qui pourrait s’automandater, sans décision politique, et rendre la tâche du secrétaire général plus facile. Il n’est en effet pas simple pour lui de s’opposer aux États-Unis ou à l’Arabie. Ce qu’il pourrait faire, c’est dire comment on peut progresser dans le futur pour éviter la politisation de la prise de décision ; la seule manière de le faire serait de mettre en place un nouvel instrument qui enquête de manière indépendante. Il pourrait demander à l’OHCHR ou même à l’Assemblée générale de l’ONU de créer une telle commission.
Rendre justice à Jamal va prendre du temps. En attendant, il faut repousser toutes les tentatives de relégitimer l’État saoudien, dont le caractère répressif est désormais établi. Et il faut prendre les mesures intermédiaires pour avancer dans le sens des principes que défendent les Nations unies.
ALAIN GRESH
Spécialiste du Proche-Orient, il est l’auteur de plusieurs ouvrages,
AGNÈS CALLAMARD
Rapporteuse spéciale sur les exécutions extrajudiciaires
DOCUMENT - L'ensemble des témoignages qui ont servi pour la série documentaire «En guerre(s) pour l'Algérie» est disponible sur le site Grands entretiens de l'INA. Voici le parcours de vie de ces hommes et femmes qui ont livré un récit inédit.
Ali Agouni, militant indépendantiste. Témoignage recueilli par Nesrine Dahmoun le 16/08/2020 à Alger.
Ali Agouni est né en 1938 à Rouïba près d'Alger. Rouïba est un fief messaliste. Révolté très jeune par l’injustice de l'ordre colonial, c’est donc tout naturellement qu’il s’engage dans le parti de Messali Hadj, le PPA (parti populaire algérien). Il participe aux actions militantes en faveur de l'indépendance de l'Algérie. En 1955, il a 17 ans. Il décide de prendre le maquis pour rejoindre le MNA (mouvement national algérien), nouveau parti de Messali Hadj, mais se retrouve parmi les combattants de l'ALN. Il rencontre alors les chefs du FLN, dont Krim Belkacem et découvre les luttes fratricides entre le FLN et le MNA, qu’il déplore.
Pendant la guerre, Ali Agouni est arrêté, torturé, emprisonné en Algérie puis en France. Dès sa sortie de la prison, il renoue avec Messali Hadj. Il décide de rester en France après l’indépendance et militera toute sa vie pour la réhabilitation de Messali Hadj par les autorités algériennes, et pour celle de tous les militants messalistes tombés en disgrâce après l'avènement du FLN en Algérie.
Simone Aïach, militante du Parti Communiste Algérien (PCA). Témoignage recueilli par Julie Maeck le 10/06/2019 à Paris.
Simone Aïach est née à Alger en 1929. Pendant la Seconde Guerre mondiale, elle prend conscience de sa judéité et de l’antisémitisme des Français d’Algérie. En mai 1945, la répression dans le Constantinois (Sétif, Guelma) l’incite à adhérer au PCA (Parti Communiste Algérien). Elle a 16 ans. Pendant la guerre d'Algérie, avec son mari, le militant Georges Hadjadj, elle apporte son soutien au FLN. Son mari sera emprisonné et torturé. Le couple est expulsé vers la France en 1959. Simone Aïach retourne en Algérie après l'indépendance, puis décide de rentrer définitivement en France en 1966.
Nils Andersson, éditeur en Suisse de La Question d’Henri Alleg et de La Gangrène. Témoignage recueilli par Tramor Quemeneur le 25/06/2020 à Paris.
Nils Andersson est né en 1933 à Lausanne d'un père suédois et d'une mère française. Après la création d'une revue littéraire avec Jacques Chessex, Pays du lac, et du journal Clartés, il se consacre au travail de diffusion d'éditeurs censurés en France. Il crée sa propre maison d'édition - La Cité Éditeur - et collabore notamment avec Jérôme Lindon des Éditions de Minuit. En 1958, La Question d'Henri Alleg, qui dénonce la torture que l’auteur a subie dans les mains des militaires français, est interdit par le gouvernement français. Nils Andersson le republie aussitôt en Suisse. De même l’année suivante, avec La Gangrène. Militant anticolonialiste convaincu, Nils Andersson poursuit son combat pendant toute la guerre, en tant qu’éditeur, mais aussi en soutenant matériellement les réfractaires et les combattants algériens dans leur lutte de libération nationale.
Djoudi Attoumi, combattant de l’ALN. Témoignage recueilli par Walid Bouchebbah le 1/10/2020 à Béjaïa.
Djoudi Attoumi est né en 1938 dans la région de la vallée de la Soummam. A 14 ans, il part à Alger poursuivre ses études et se rapproche du MTLD (Mouvement pour le triomphe des Libertés Démocratiques). Il rejoint l’ALN en septembre 1956. Affecté en wilaya III avec la fonction de secrétaire, il fait partie de l'état-major du Colonel Amirouche, chef de la wilaya. En juin 1961, Djoudi Attoumi est promu officier par le colonel Mohand Oulhadj et affecté dans la vallée de la Soummam. Il est ensuite membre de la commission de cessez-le-feu d’avril à mai 1962. Après la guerre, Djoudi Attoumi écrit plusieurs livres pour témoigner de son expérience de combattant et rendre hommage au colonel Amirouche tué dans une embuscade le 27 mars 1959.
Abdelkader Bakhouche, membre de l’Organisation Spéciale du FLN. Témoignage recueilli par Nesrine Dahmoun le 10/10/2020 à Alger.
Abdelkader Bakhouche est né en 1938 à Dréan (alors Modovi), sur la côte orientale de l'Algérie à proximité d’Annaba (Bône). En 1955, il part à Marseille et s’engage dans les rangs du FLN. Il participe à plusieurs attentats en France contre les Messalistes et contre des cibles françaises. En 1958, il devient membre de l’Organisation Spéciale et part au Maroc suivre une formation militaire de commando. Dès son retour en France, il participe à des attentats qui visent des messalistes, des personnalités françaises et des commissariats. Il est arrêté fin septembre 1958 par la DST pour sa participation à la tentative d’assassinat de Jacques Soustelle, ministre de l’Information et ancien gouverneur général de l'Algérie. Il est torturé pendant une semaine avant d’être transféré en prison. Il sera libéré en avril 1962.
Jean-François Barennes, appelé. Témoignage recueilli par Julie Maeck le 14/06/2019 à Paris.
Jean-François Barennes est né en 1940 à Noyen-sur-Sarthe.
Appelé sous les drapeaux en mai 1960, il débarque en Algérie en juin 1961. Il accepte un poste d’instituteur dans le village de Z'Bara, qui dépend d'une SAS (Section administrative spécialisée). Pendant 4 mois et demi, il enseigne aux 140 enfants de ce village très pauvre. En février 1962, il est brusquement rapatrié à Alger. Il découvre alors l’autre versant de la guerre d'Algérie : la guerre civile, une ville explosive, les attentats du FLN et de l’OAS… Durant cette période il a sous ses ordres 12 harkis qu'il ramène en France en 1962. Aujourd’hui, il participe à de nombreuses rencontres avec des lycéens pour témoigner.
Khadidja Belguenbour, maquisarde de l’ALN. Témoignage recueilli par Nesrine Dahmoun le 24/10/2020 à Alger.
Khadidja Belguenbour, dite Farida, est née en 1944 dans un petit douar de la wilaya de Jijel, dans une famille de cultivateurs aisés. Elle connaît une enfance heureuse jusqu'à l'arrivée des premiers militaires français et des maquisards algériens, quelques années après le déclenchement de l'insurrection armée en novembre 1954. Elle assiste alors aux bombardements de l'aviation, aux rafles et aux déplacements de population que l’armée regroupe dans des camps. C’est dans un de ces camps de regroupement que Khadidja Belguenbour est recrutée en tant qu'agent de liaison par le FLN, avant de rejoindre les rangs de l'ALN au maquis. Là, elle se marie avec le secrétaire de Krim Belkacem.
Après l'indépendance, elle voit arriver "l'armée des frontières", les troupes de l'ALN formées en Tunisie et au Maroc. Elle évoque des soldats aux comportements inappropriés, revient sur les affrontements qui ont lieu à Constantine entre ces derniers et les maquisards de l'intérieur, son emprisonnement et le désenchantement qui a suivi les premiers mois de l'indépendance. Elle a à cœur de transmettre la mémoire de la guerre d’indépendance aux jeunes générations et porte un regard critique sur la gestion de cette mémoire par les autorités algériennes.
Jeannine Belhadj-Merzoug, militante du FLN. Témoignage recueilli par Marc André le 30/06/2020 à Paris.
Jeannine Belhadj-Merzoug est née en 1931 à Lyon.
Elle commence des études de puériculture à Grenoble en 1952. C'est là qu'elle rencontre Mostepha Belhadj-Merzoug, étudiant algérien en mathématiques, qui devient son mari. Tous deux se rendent à Lyon en 1954. Lui poursuit ses études à la faculté de Lyon où il devient secrétaire des étudiants algériens au sein de l'UGEMA. Elle, travaille à l’hôpital du Vinatier comme puéricultrice. Un mandat d'arrêt est émis contre Mostepha à Constantine. Il est alors emprisonné à la prison de Montluc (Lyon) en 1957 puis expulsé vers l'Algérie. Jeannine se bat pour le faire libérer avec l’aide du prêtre Albert Carteron et de l'avocate Emma Gounot. Il est libéré en 1959.
De retour à Lyon, le couple poursuit son activité militante au sein du FLN. Jeannine fait le taxi pour les membres du FLN, remplit diverses missions et développe surtout une aide sociale en direction des femmes algériennes et de leurs enfants. A l'indépendance, le couple rejoint l'Algérie. Jeannine devient directrice de crèche à Constantine et son mari professeur de mathématiques.
Clara Benoits, militante communiste et déléguée CGT, soutien du FLN. Témoignage recueilli par Julie Maeck le 11/06/2019
Clara Benoits est née à Paris en 1930. Quand la guerre d’Algérie éclate, elle est déléguée CGT du personnel aux usines Renault de Billancourt et militante communiste. Avec son mari Henri Benoits, elle milite pour l'indépendance de l'Algérie et apporte un soutien actif au FLN.
Henri Benoits, militant trotskiste et syndicaliste, soutien du FLN. Témoignage recueilli par Tramor Quemeneur le 11/06/2019 à Paris
Henri Benoits est né à Paris en 1926. Militant trotskiste et syndicaliste, il travaille aux usines Renault de Billancourt. Avec sa femme Clara, il fait partie de ceux qui ont créé la cellule FLN à Renault Billancourt. A la demande de la fédération de France du FLN, il suit les rassemblements organisés pour boycotter le couvre-feu le 17 octobre 1961 à Paris. Il est un témoin direct de leur répression.
Roger Bissonnier, appelé, commando de chasse puis Force locale. Témoignage recueilli par Victor Delaporte le 25/06/2020 à Paris.
Roger Bissonnier est né en 1941 à Saint-Denis. Il suit une formation d'ajusteur mécanicien puis est engagé comme ouvrier dans l’automobile à Vincennes. Incorporé en mars 1961, il est affecté à la 10e Compagnie en tant qu'élève officier puis il rejoint le 2e RIMa (Régiment d’infanterie de marine) à Akbou. Il devient ensuite chef de section du commando de chasse V 69 à Ighil Ali.
Au mois de février 1962, il devient chef du poste de Chouarik et a comme zone d'opération une zone interdite, là où les populations ont été évacuées et concentrées dans des camps de regroupement. Après le cessez-le-feu, Roger Bissonnier est chargé de former une compagnie de la Force Locale mise en place au printemps 1962 à Staoueli. De retour en France en août 1962, il rejoint le 1er RIMa. Il est démobilisé le 20 décembre 1962.
Zineb Boudjelal, réfugiée dans le maquis de l’ALN. Témoignage recueilli par Mohamed Abdelatif Baala le 12/10/2020 à Khenchela.
Zineb Boudjelal
Zineb Boudjelal serait née en 1921 dans un douar chaoui près de Khenchela dans les Aurès. Elle grandit dans la misère et est révoltée par l'injustice de l'ordre colonial. Elle se marie avec un homme très impliqué dans l'organisation des premiers maquis depuis les événements de mai 1945 et dans la préparation de l'insurrection armée de novembre 1954. Son mari ayant pris le maquis, Zineb Boudjelal est assignée à résidence et subit des descentes militaires quotidiennes. Son mari est arrêté et contraint de s’enrôler dans une harka. Il organise la fuite de plusieurs harkis vers le maquis avant de fuir lui-même, une fois son stratagème découvert.
Zineb Boudjelal est également arrêtée et séparée de ses enfants. Elle est torturée avec deux autres femmes puis abandonnée en pleine montagne. Elle rejoint alors les maquis de l'ALN. En 1960, son mari meurt dans une embuscade. A l'Indépendance, elle retrouve ses enfants qu'elle n'a pas vus depuis plus de quatre ans. Zineb Boudjelal évoque le sentiment d'abandon des familles des « martyrs » par l'Etat algérien et un manque de reconnaissance des sacrifices consentis durant la guerre.
Idir Boudjemil, militant du MNA. Témoignage recueilli par Lydia Hadj-Ahmed le 20/10/2020 à Valenciennes.
Idir Boudjemil est né en 1930 à Taourirt Ighil en Kabylie. Parti en France en 1954 pour échapper au service militaire, il rejoint les rangs du MNA (Mouvement national algérien). Sa fidélité à Messali Hadj, "père des Nord-Africains" comme il le nomme, le pousse à garder une haine tenace vis-à-vis des militants FLN qu'il accuse de trahison. Il prend part à la guerre fratricide qui oppose les deux mouvements en 1959, allant jusqu'à assassiner, en RFA, un transfuge du MNA parti rejoindre le FLN. Arrêté par la police belge, il est extradé en Allemagne où il est condamné à 15 ans de prison. Libéré 8 ans plus tard pour bonne conduite, il reprend une vie tranquille, partagée entre son travail à l'usine de Jeumont-Schneider et sa famille.
Abdellah Bouraoui, combattant de l’ALN. Témoignage recueilli par Walid Bouchebbah le 3/10/2020 à Skikda.
Abdellah Bouraoui est né en 1936 à Skikda. Il grandit dans une famille nombreuse. A 10 ou 11 ans, il commence à fréquenter les scouts musulmans. Il s’engage dans les rangs de l’ALN en 1955, engagement qui coïncide avec les préparatifs des massacres du 20 août 1955 dans le Constantinois, orchestrés par Youcef Zighoud. Ce jour-là, Abdellah Bouraoui attaque le tribunal d’El Harrouch, avec pour mission de détruire les dossiers des prisonniers et des condamnés à mort algériens. Abdellah Bouraoui devient un des gardes du corps de « Si Ahmed » (Youcef Zighoud) jusqu’à la mort de ce dernier, tué au combat en septembre 1956. Abdellah Bouraoui poursuit la lutte jusqu’à l’indépendance.
Michel Bugeaud, appelé. Témoignage recueilli par Raphaëlle Jaillet, le 18/06/2019 à Paris.
Michel Bugeaud est né en 1938 à Paris. Il entre comme ouvrier à la SNCF puis se forme au génie civil. Appelé en Algérie en 1959-1960, il rejoint le 65e bataillon du génie dans le Nord-Constantinois. Il est affecté à Djidjelli en tant qu'officier. Le 2e REP, régiment parachutiste de la légion étrangère, a besoin d'un officier du génie et fait appel à lui d'octobre 1959 à janvier 1960. Cette expérience lui fait découvrir les villages de regroupement et la misère en Algérie. Il se retrouve dans une maison forestière et dirige une équipe composée d'ouvriers civils et de harkis. En 1961, il rentre en France. Michel Bugeaud a alors 23 ans et se lance dans des études d’architecte. Confronté au sentiment de solitude et d'incompréhension à son retour en France, il témoigne aujourd’hui de son expérience auprès des jeunes, dans les collèges et les lycées.
Alice Cherki, étudiante en psychiatrie, originaire d’une famille juive d’Alger, militante du FLN. Témoignage recueilli par Tramor Quemeneur le 29/06/2020 à Paris.
Alice Cherki est née en 1936 à Alger. Sous Vichy, elle est exclue de l'école française parce que juive. Cet événement amorce sa prise de conscience politique. Pendant ses études de médecine, elle s'engage en faveur de l'indépendance et se forme auprès de Frantz Fanon, psychiatre, médecin-chef d'une division de l'hôpital de Blida-Joinville et intellectuel engagé dans la lutte pour l'indépendance de l'Algérie. A ses côtés, elle expérimente le soin psychiatrique lié à l'action militante : l'aide concrète aux combattants algériens et les soins aux personnes souffrant de problèmes psychiatriques dus à la guerre.
En 1956, elle se marie avec Charles Géronimi, ami de Frantz Fanon. Menacés d’arrestation, en 1957, ils s’exilent en France où Alice Cherki poursuit ses études et son soutien au FLN. En 1958, son mari est appelé sous les drapeaux. Ils se réfugient alors à Tunis. Elle bénéficie d'une bourse du GPRA (Gouvernement provisoire de la République algérienne) pour finir ses études en Allemagne de l'Est, notamment à Berlin et Leipzig. Elle retourne en Algérie à la veille de l'indépendance du pays en 1962. En 1964, elle s'établit à Paris pour finir sa formation de psychiatre et entamer une psychanalyse, tout en séjournant régulièrement en Algérie.
Georges Cochet, avocat, engagé dans la défense des indépendantistes algériens. Témoignage recueilli par Marc André le 25/06/2019 à Lyon.
Georges Cochet est né en 1930 à Lyon, dans une famille chrétienne-démocrate. Au début de la guerre d’Algérie, il est un jeune avocat, engagé dans la défense des droits de l’homme. Il s'investit dans le collectif d'avocats « Comité de Défense des Droits de la Personne » qui se mobilise en faveur des Algériens de Lyon expulsés vers l'Algérie. Une de ses affaires les plus marquantes est celle des "étrangleurs de la Doua" : des cadavres d’Algériens étranglés au fil de fer ont été retrouvés flottant dans le Rhône. Soupçonnés d’être des traitres par le FLN, ils avaient été exécutés. En février 1960, Georges Cochet sera commis d’office au procès des étrangleurs. Il restera un fervent militant contre la peine de mort jusqu’à son abolition en 1981.
Claude Cornu, appelé. Témoignage recueilli par Dorothée Myriam Kellou le 30/06/2020 à Paris.
Claude Cornu est né en 1935 à Tours. A 23 ans, en 1958, il est appelé en Algérie. N'aimant ni l'armée, ni la guerre, passionné de peinture et de photographie, il emporte dans ses bagages boites de peintures, crayons, pinceaux et appareil photo. Affecté dans la du 10e Bataillon de Chasseurs à pied à Inurar (Nouader) dans la vallée de Oued Abdi, dans les Aurès, il découvre la population locale et va à sa rencontre. Il se lie d'amitié avec les enfants du village et passe les deux années de son service militaire à leur faire la classe, vivant au village plutôt que dans le campement militaire. Loin des affres de la guerre, il immortalise avec ses photos et ses croquis les visages et les paysages de la région. Rentré en France à contrecœur après la fin de son service militaire en 1960, il cherche à rester en contact avec ses anciens élèves. En 2010, il retourne à Inurar où il est accueilli chaleureusement.
Geneviève Coudrais, lycéenne engagée contre la guerre d’Algérie, puis « pied-rouge » après l’indépendance. Témoignage recueilli par Tramor Quemeneur le 13/06/2019 à Paris.
Geneviève Coudrais.
Geneviève Coudrais est née en 1944 dans un petit village du pays de Caux en Normandie. Au lycée à Rouen, elle se politise et s’engage pour l'indépendance de l'Algérie. Elle participe à plusieurs manifestations en métropole contre la guerre d'Algérie et proteste contre le camp d’internement administratif du Larzac. Elle prend part au chantier de la maison de la paix à Saint-Véran dans le Larzac (1962) et à la construction d'une maison de la paix à Stora en Algérie (1963). Elle retourne en Algérie avec son mari en 1973, mais sous la présidence de Houari Boumediene, l'ambiance est moins favorable à ceux qu’on appelle les « pieds rouges ».
Geneviève Coudrais poursuit son action militante en France, notamment au sein de l’ACNV, Action civique non-violente.
Robert Deberghes, appelé, infirmier militaire. Témoignage recueilli par Denis Leroux le 01/07/2020 à Paris.
Robert Deberghes est né en 1936 à Tourcoing.
A 14 ans, il intègre une entreprise d'imprimerie et d'édition dans laquelle il est formé à la lithographie. En 1956, alors qu'il poursuit ses études aux Beaux-Arts de Tourcoing, il reçoit l'ordre de mobilisation pour le service militaire en Algérie. Formé au poste d'infirmier militaire, il passe ses deux ans de service dans un bataillon de chasseurs basé dans les Aurès, prodiguant notamment des soins à la population locale dans le cadre de l'AMG (Assistance médicale gratuite). Il se remémore quelques souvenirs d'opérations militaires, d'embuscades et d'accrochages et la perte d'un ami proche lors de ces accrochages.
Noureddine Djoudi, militant du FLN à l’international. Témoignage recueilli par Mohamed Abdelatif Baala le 13/08/2020 à Alger.
Noureddine Djoudi est né en 1934 à Essaouira, au Maroc. Après des études d’anglais à Montpellier, il représente le FLN à Londres en 1955 puis aux Etats-Unis. En 1961, alors qu’il se trouve dans les camps d’entraînement de l’ALN au Maroc, il rencontre Nelson Mandela qui est venu se former au maniement des armes de guerre. En tant qu’interprète, Noureddine Djoudi est un témoin privilégié de la rencontre entre l'ANC sud-africaine et l'ALN algérienne. Après l’indépendance, Noureddine Djoudi poursuit une carrière de diplomate.
Lalia Ducos – Helal, lycéenne algérienne dans l’Algérois puis étudiante à Paris. Témoignage recueilli par Julie Maeck le 03/07/2020 à Paris.
Lalia Ducos-Helal est née en 1941 à Cherchell dans une famille modeste. Elle a huit ans quand sa famille déménage à Blida. C’est au lycée (à Blida puis au lycée franco-musulman d’Alger) qu’elle prend peu à peu conscience des différences sociales entre Français et Algériens et des discriminations que subissent ces derniers. Lalia Ducos-Helal passe la plus grande partie de son temps à étudier, poussée par des parents désireux de la voir réussir. Elle a 17 ans quand son père est arrêté et détenu au camp de Beni Messous. Pour faire vivre la famille, elle travaille dans les services de l’état-civil de Blida. Témoin d'un attentat de l’OAS dans une rue de la ville, elle est traumatisée. Ses parents l’envoient alors à Paris pour y suivre des études d’esthéticienne. Arrivée en France en 1960, elle découvre l'ignorance de la métropole vis-à-vis des événements et de la guerre en Algérie. Quand elle revient en Algérie après l’indépendance, elle décide de s'engager pour une Algérie indépendante et pour les droits des femmes.
Rabia Fenour, militant du MNA en France. Témoignage recueilli par Denis Leroux le 02/07/2020 à Paris.
Rabia Fenour est né en 1934 à Sidi Merouane, un village de montagne de la province de Mila, près de Constantine. Issu d'un milieu modeste et rural, il fréquente l'école coranique, incendiée à plusieurs reprises par les gendarmes. Il y apprend l'arabe. Aux élections de 1948, sa famille vote pour le parti de Messali Hadj (PPA-MTLD), mais le parti soutenu par les colons l'emporte. En 1953, son père décide de l'envoyer en métropole pour qu'il trouve du travail. C’est en France que Rabia Fenour s’engage politiquement, auprès de Messali Hadj. Rabia Fenour est l'une des principales figures du Mouvement national algérien (MNA) en France.
Ali Feraoun, fils de l’écrivain Mouloud Feraoun assassiné par l'OAS. Témoignage recueilli par le réalisateur Walid Bouchebbah le 13/08/2020 à Alger.
Ali Feraoun est né à Tizi Hibel en Kabylie. Il est le fils de Mouloud Feraoun, célèbre écrivain algérien. Ali Feraoun raconte son éducation, le succès littéraire de son père, ami d’Albert Camus, mais aussi le racisme ambiant envers les indigènes. Les ouvrages de Mouloud Feraoun qui dénoncent le colonialisme lui valent des menaces de mort de la part de l'OAS qui l’assassine le 15 mars 1962 à Alger. Après la mort du père, la vie est difficile pour la famille Feraoun : ils doivent quitter Alger et manquent d’argent. La mère d’Ali Feraoun honore la mémoire de son mari et élève ses enfants dans l'humilité. Toute sa vie, Ali Feraoun a fait vivre la mémoire de son père, lui qui l'a si bien connu en tant que père, professeur, écrivain et sage.
Nelly Forget, membre des Centres sociaux éducatifs arrêtée en 1957 par les parachutistes français. Témoignage recueilli par Julie Maeck le 01/07/2020 à Paris.
Nelly Forget est née en 1929 à Paris. Volontaire du Service Civil International (SCI), elle se rend en Algérie de 1951 à 1952 puis d'octobre 1955 à l'été 1957 où elle devient membre des Centres sociaux éducatifs. En Algérie, des rencontres décisives jalonnent ses missions, notamment avec Marie-Renée Chené dans le bidonville de Bérardi-Boubsila, avec Chafika Meslem, militante indépendantiste et avec Germaine Tillion, ancienne résistante et ethnologue. Nelly Forget évoque ses souvenirs de l'appel à la trêve civile d'Albert Camus. Elle raconte son arrestation et notamment la séance de torture qu'elle a subie à la Villa Sésini à Alger pour livrer des informations sur son amie Chafika Meslem, soupçonnée de terrorisme.
Après son retour d'Algérie, elle devient la collaboratrice de Germaine Tillion au cabinet du ministre de l'Éducation nationale, André Boulloche. Elle assure le secrétariat de Germaine Tillion jusqu'à la fin de sa vie.
Mohammed Ghafir, responsable FLN de la banlieue nord de Paris. Témoignage recueilli par Walid Bouchebbah le 18/08/2020 à Alger.
Mohammed Ghafir, surnommé « Moh Clichy », est né en 1934 en petite Kabylie. A 13 ans, il intègre les scouts musulmans de son village de Guenzet. C’est là qu’il apprend l’histoire de son pays et comprend l’injustice de la colonisation. Le sentiment nationaliste germe alors en lui. Il se souvient encore de la visite de Messali Hadj à Guenzet en 1947. En 1954, il termine sa formation en métallurgie. Appelé pour le service militaire, il fuit l’Algérie pour Clichy où une forte diaspora algérienne est déjà présente. Diplômé, il trouve facilement du travail et grimpe les échelons. Il rejoint rapidement le FLN, devient chef de cellule à Clichy puis responsable de toute la banlieue nord de Paris. Arrêté, il est emprisonné et détenu au camp du Larzac.
Libéré, il retourne à Paris clandestinement, hébergé par des Français du réseau Jeanson. Il reprend ses activités militantes. En tant que responsable de super zone au sein de la fédération française du FLN, Mohammed Ghafir participe à l’organisation de la marche pacifique des Algériens le 17 octobre 1961 pour dénoncer le couvre-feu décrété à leur encontre par le préfet de police de Paris, Maurice Papon. La répression e cette marche tournera au massacre.
Pierre-Marie Guastavino, oranais, partisan de l’OAS. Témoignage recueilli par Nicolas Bove le 18/06/2019 à Paris.
Pierre-Marie Guastavino est né en 1946 à Oran. Il y grandit dans une famille politisée, d'origine génoise et espagnole. Lors du rassemblement organisé à Oran pour fêter le premier anniversaire de la révolte d’Alger de 1960, il mesure sa détermination à se battre pour maintenir l’Algérie française. Il a 15 ans. Déçu par de Gaulle, il se rapproche de l’OAS. Sa famille quitte l'Algérie pour la France en mai 1962. Pierre-Marie Guastavino la rejoint peu de temps après, d’abord à Orléans où il passe le bac, puis à Paris où il étudie les sciences politiques et le droit. Il devient avocat et mène une carrière politique.
Jusqu’en 2019, il est membre de l'ADIMAD (Association pour la défense des intérêts moraux et matériels des anciens détenus de l'Algérie française).
Ali Guessoum, « moussebel » du FLN/ALN. Témoignage recueilli par Afaf Zekkour le 12/08/2020 à Alger.
Ali Guessoum est né en 1940 à Rivet (actuelle Meftah). En 1954, il commence à travailler dans l’épicerie tenue par son frère Ahmed qui accède à des responsabilités locales au sein du FLN. Leur frère ainé, Mohamed, commande une zone de l’ALN. Sous la supervision de ses deux frères, Ali Guessoum devient un « moussebel », un civil chargé de collecter des fournitures, des vêtements militaires et des munitions. Ali Guessoum a été plusieurs fois arrêté pendant la guerre.
Bachir Hadjadj, étudiant, membre du FLN et combattant de l’ALN. Témoignage recueilli par Denis Leroux le 17/06/2019 à Paris.
Bachir Hadjadj est né en 1937 près de Batna en Algérie. Son père était caïd. Il a la possibilité d’aller à l’école très tôt. Il poursuit ses études à l’université de Grenoble où il s'engage dans la lutte pour l'indépendance. Fin 1960, il répond à l’appel que le FLN lance auprès des étudiants algériens pour rejoindre l’Armée de libération nationale (ALN) qui a besoin de cadres. Il reste dans ses rangs à la frontière tunisienne de 1961 jusqu'à l'indépendance.
Après l'indépendance, il continue ses études à Alger et s'engage dans le syndicalisme étudiant. Mais quelques années après le coup d'Etat du colonel Boumediene en 1965 et la répression de toutes les voix discordantes, il décide de quitter le pays pour s'installer en France avec sa femme bretonne, qu'il a épousée en Algérie.
Fella-Ouardia Hadj-Mahfoud, militante du FLN et fidayate. Témoignage recueilli par Nesrine Dahmoun le 12/08/2020 à Alger.
Fella Ouardia Hadj Mahfoud est née en 1936 à Alger. Son père, ancien militant du PPA, l’intègre dans la lutte en lui confiant des missions de transport d'armes. Elle devient ensuite fidayate, chargée de commettre des attentats à la bombe. En 1957, tout Algérien, homme ou femme, muni d'un couffin ou d'un sac était systématiquement fouillé aux différents postes de contrôle militaire érigés dans toutes les rues et ruelles d'Alger, principalement autour des sites militaires et des administrations, cibles privilégiées pour des attentats à la bombe.
Après avoir fait exploser une bombe au mess des officiers d’une caserne, Fella-Ouardia Hadj-Mahfoud, part se cacher au maquis. Elle y rencontre le colonel Amirouche. Revenue à Alger, activement recherchée, elle est dénoncée et arrêtée. On la déplace de caserne en caserne, elle est torturée. Condamnée à mort, elle échappe à la guillotine par la grâce du général de Gaulle, en 1958. Elle est ensuite emprisonnée en France, avant d’être libérée en 1962.
Brahim Halimi, militant indépendantiste dans les Aurès puis au Maroc. Témoignage recueilli par Mohamed Abdelatif Baala le 10/10/2020 à Alger.
Brahim Halimi est né en 1935 à Biskra. A 18 ans, il intègre l’entreprise familiale de transport en commun, chargé de la ligne Biskra-M’Chouneche-Arris. Le 1er novembre 1954, son père El Hachemi, militant nationaliste proche de Mostefa Ben Boulaïd, lui confie une mission périlleuse : conduire le car qui fera la une de tous les journaux le lendemain. C’est l’attentat du 1er novembre 1954 dans les gorges de Tighanimine où un caïd et un jeune instituteur sont tués. Après des mois passés entre commissariats et tribunaux, son père, son frère Rachid et lui rejoignent les rangs de l’ALN. La famille de Brahim Halimi se disloque. Son père part au Maroc. Il le rejoint alors que son frère Rachid prend les armes et meurt en 1961.
En Algérie comme au Maroc, Brahim Halimi poursuit son engagement pour l’indépendance de l’Algérie. Au Maroc, il a le privilège de côtoyer des personnalités qui joueront par la suite un rôle majeur dans la vie de l’Algérie. Au moment de l’indépendance, il est chargé de rapatrier tout l’armement qui se trouvait au-delà des frontières ouest. Rentré au pays, il démissionne de l’armée avec le grade de lieutenant pour s’occuper de l’entreprise familiale de transport.
Stanislas Hutin, rappelé, qui a dénoncé la torture. Témoignage recueilli par Tramor Quemeneur le 11/06/2019 à Paris.
Stanislas Hutin est né à Rennes en 1930. Séminariste chez les jésuites, il fait partie des rappelés de l’automne 1955 en Algérie. Témoin de la torture pratiquée lors de son séjour entre novembre 1955 et mars 1956, il dénonce ces faits dans la brochure "Des rappelés témoignent" qui circule à partir de 1957.
Depuis 2004, Stanislas Hutin milite dans l'association 4ACG (Anciens appelés en Algérie contre la guerre et leurs amis) et intervient dans des lycées et des collèges pour témoigner.
Xavier Jacquey, appelé. Témoignage recueilli par Nicolas Bove le 03/07/2020 à Paris.
Xavier Jacquey est né en 1937, à Metz dans une famille de militaires. Après son baccalauréat et un CAP chaudronnier-tôlier, il passe deux années au séminaire puis entre chez les Petits Frères de Jésus à Marseille. Il se destinait à une carrière de moine. Appelé, il est présent en Oranie en 1959-1060, à la période des plus forts affrontements entre l'ALN et l'Armée française. Il n’a pas participé aux combats. En tant qu'infirmier dans les camps de regroupement et auprès des populations du bled, Xavier Jacquey a été témoin de la misère du quotidien, a assisté à des scènes heureuses (mariages, naissances) mais aussi à des événements terribles (combats, torture, viols).
Mohamed Kaced, combattant de l’ALN. Témoignage recueilli par Afaf Zekkour le 18/08/2020 à Alger.
Mohamed Kaced est né en 1932 à Rouïba, dans la banlieue Est d’Alger. Il fait son service militaire à Saint-Etienne en 1953-1954. En 1956, il rejoint le maquis algérien à Souk Ahras en passant par la Tunisie. Il participe au transport des armes de la frontière tunisienne vers les wilayas 2, 3 et 4. Après l’indépendance, il devient militaire de carrière.
Messaoud Kafi, harki. Témoignage recueilli par Dorothée Myriam Kellou le 12/06/2019 à Paris.
Messaoud Kafi est né en 1943, dans les plateaux des Aurès, près de Biskra. Issu d’une tribu de bergers chaoui très pauvre, il est confronté de très près aux débuts de la guerre d'Algérie. Après s'être enfuie dans la montagne, sa famille est condamnée à vivre dans un camp de regroupement. Suivant l’exemple de son père enrôlé en tant que harki pour nourrir sa famille, Messaoud Kafi s'engage dans une SAS (Section administrative spécialisée) en 1960. Après l’indépendance, en 1963, il retourne à la montagne et à la vie précaire. Il rejoint la France en 1965.
Mohamed Khaznadji, combattant du FLN. Témoignage recueilli par Marc André le 26/06/2020 à Paris.
Mohamed Khaznadji est né en 1939 à Laazib, un village de la Petite Kabylie. A 6 ans, il part à Sétif où son père tient un commerce. A 15 ans, révolté par les humiliations et les exactions subies par les Algériens, il commence à participer aux actions du FLN. A 18 ans, il rejoint le maquis. Arrêté, il sera torturé, emprisonné, jugé, condamné à mort, avant d'être gracié.
Christiane Klapisch-Zuber, porteuse de valise, membre du réseau Curiel. Témoignage recueilli par Tramor Quemeneur le 03/06/2021 à Paris.
Christiane Klapisch-Zuber est née en 1936 à Mulhouse. En 1955, elle est étudiante à l’ENS (Ecole normale supérieure) où elle se lie d’amitié avec Assia Djebbar, militante au FLN. Christiane Klapisch-Zuber se politise, avec d’autres étudiants de l’ENS et de l’université. Ils sont particulièrement révoltés par l’usage de la torture utilisée contre les Algériens. Elle décide de s’engager et rejoint le réseau fondé par Henri Curiel. Elle a pour mission le transport de journaux clandestins, de documents de propagande et de militants indépendantistes vers les frontières belge, luxembourgeoise ou suisse. Au bout de 6 mois, elle héberge un militant algérien qui est arrêté au matin par la police. Christiane Klapisch-Zuber est aussitôt inculpée d’atteinte à la sureté de l’Etat et emprisonnée à la prison de la Roquette. Elle y reste de septembre 1960 à juillet 1961. Elle y rencontre les militantes du réseau Jeanson qui préparent alors leur spectaculaire évasion.
A sa libération, dans l'impossibilité administrative d'enseigner elle devient dactylo pour maître Mourad Oussedik, défenseur des militants FLN. Elle sera chargée de recueillir les déclarations des proches de victimes du massacre du 17 octobre1961. Elle quitte le cabinet en janvier 1962 et commence la préparation de sa thèse d'histoire médiévale.
Jean Lagrave, appelé et insoumis.Témoignage recueilli par Tramor Quemeneur le 10/06/2019 à Paris
Jean Lagrave est né en 1939. Très jeune, il est sensibilisé à la question coloniale et s’engage pour la paix en Algérie et contre de Gaulle, revenu au pouvoir en 1958. En 1960, après 6 difficiles mois de classes dans les parachutistes à Montauban, il reçoit sa feuille de route pour l'Algérie. Il refuse de partir et rejoint un chantier de l’ACNV (Action civique non violente) à Gagny où il est arrêté le 16 janvier 1961. Condamné pour insoumission, il est incarcéré aux Baumettes à Marseille, jusqu'en juillet 1962. Dès sa sortie de prison, refusant de réintégrer la caserne, il est de nouveau condamné à deux ans de prison, renvoyé aux Baumettes, puis dans un camp d'internement à Mouzac en Dordogne. Libéré en février 1963, il sera amnistié au début des années 1980.
Mouloud Lahreche, combattant de l’ALN. Témoignage recueilli par Mohamed Abdelatif Baala le 4/10/2020 à Skikda.
Mouloud Lahreche né en 1934, dans le village de Aïn Tabia, dans la région de Skikda. Il passe la quasi-totalité de la guerre au maquis dans l’Est de l’Algérie. Il est recruté par Youcef Zighoud, l’organisateur de l’insurrection du 20 août 1955, et combat jusqu’à la veille du cessez-le-feu. Cette longévité extraordinaire au maquis est seulement entrecoupée par une blessure qu’il parvient à faire soigner en Tunisie. Son témoignage sur la vie ordinaire des combattants de l’Est algérien éclaire l’organisation interne des maquis, les relations entre maquisards et civils et, bien sûr, la lutte armée.
Jacques Lallemand, engagé volontaire en Algérie, partisan de l’Algérie française. Témoignage recueilli par Victor Delaporte le 26/06/2020 à Paris.
Jacques Lallemand est né en 1939. La guerre d'Algérie entre dans sa vie en 1956 avec la mort de son frère Guy, tué en Algérie. Jacques Lallemand devance alors l'appel sous les drapeaux, en 1959. Il veut aller en Algérie pour venger son frère. Il rejoint le 18e RCP (régiment de chasseurs parachutistes) en 1960 à Batna, dans les Aurès. Son régiment participe, au sein des unités de Réserves Générales, aux grandes opérations lancées dans le cadre du plan Challe.
Le jour du putsch des généraux en 1961, son régiment rejoint Alger, puis se rend le jour-même à Oran. Partisan de l’Algérie française, Jacques Lallemand prend le parti des putschistes. Arrêté, il est rapatrié en métropole et incarcéré au fort de l'Est à Saint-Denis avec d’autres officiers, d'avril à juillet 1961. Le général Ducournau le nomme ensuite à Ténès (Algérie) pour assurer la sécurité de la ville et lui confie une mission de renseignement à Montenotte. Chargé d'une harka, il refuse d'utiliser la « manière brutale » (la torture). Dès le mois de février 1962, il pense à protéger ses harkis : tandis qu’il fait engager une partie dans l'armée française, il organise de lui-même le rapatriement des autres en France.
Djilali Leghima, militant du FLN en France. Témoignage recueilli par Walid Bouchebbah le 11/08/2020 à Alger.
Djilali Leghima est né en 1931 à Souamaâ, en Kabylie. Fils de paysan, issu d'une famille nombreuse, il quitte l'Algérie pour la France en 1951 pour trouver du travail à Paris. Il se forme en suivant des cours du soir et devient ouvrier qualifié. Sa rencontre avec le milieu syndicaliste est déterminante, elle éveille en lui un sentiment nationaliste. Il rejoint d’abord le MTLD (Mouvement pour le triomphe des libertés démocratiques) puis le FLN et sa fédération française qu'il contribue à structurer en recrutant de nouveaux membres.
Acteur de premier plan de la grève des 8 jours (du 28 janvier au 4 février 1957) lancée par le comité de coordination et d’exécution (CCE) du FLN, il est témoin de la guerre fratricide entre le MNA (Mouvement national algérien) de Messali Hadj et le FLN. Il a également été témoin de la répression de la manifestation du 14 juillet 1953 et du massacre du 17 octobre 1961 à Paris.
Alban Liechti, militant communiste et premier soldat réfractaire. Témoignage recueilli par Julie Maeck le 14/06/2019 à Paris.
Alban Liechti.
Alban Liechti est né à Pari
s en 1935. Jeune communiste, appelé au service militaire, il refuse une première fois en juillet 1956 de "porter les armes contre le peuple algérien", puis une seconde fois début mars 1959. Ces refus lui vaudront plusieurs procès et cinq ans d'emprisonnement en Algérie et en France. Dès le début, il sera défendu par le Secours populaire français. Son parti, le PCF (Parti communiste français), lui apportera enfin son soutien à partir de septembre 1957.
A la fin de son service militaire, achevé en Algérie en mars 1962, il continue à militer au sein du parti communiste et au sein de l'association Agir Contre le Colonialisme Aujourd'hui (ACCA) qu'il cofonde avec Henri Alleg et Jean Clavel.
M.J., harki à Paris. Témoignage recueilli par Dorothée Myriam Kellou le 13/06/2019 à Paris.
M.J. est né en 1938 près de Palestro, actuelle Lakhdaria. Son père est garde-forestier, ce qui procure à sa famille une certaine aisance financière, mais provoque aussi des jalousies et des rivalités dans le village. Son père décède juste avant le début de la guerre. Sa mère est assassinée par le FLN en 1957 puis sa sœur meurt sous la torture de l'armée française. En juillet 1958, il est appelé pour faire son service militaire. Il l’effectue en France, dans l’aviation. En 1960, il retourne en Algérie mais, pris entre deux feux, il décide de repartir en métropole. Il saisit l'occasion de rentrer dans la force de police auxiliaire, les Harkis de Paris. Au cessez-le-feu, il rejoint la police municipale puis poursuit sa carrière dans la police de l'air et des frontières. En 1974, il retourne pour la première fois en Algérie, avec l’accord des services secrets algériens.
Louis Magnin, prêtre, soutien du FLN. Témoignage recueilli par Marc André le 25/06/2019 à Lyon.
Louis Magnin est né en 1921 à Lyon. Issu d'une famille chrétienne de classe moyenne, il devient dessinateur industriel puis prêtre en 1951. Il est sensibilisé à la misère des Algériens de Lyon lors de sa première mission en tant que prêtre dans le quartier de la Guillotière, entre 1951 et 1955.
En 1955, il est nommé à Saint-Fons, près de Lyon, comme formateur des prêtres du Noviciat du Prado. En 1958, Louis Magnin est impliqué dans l'affaire dite du Prado : avec un autre prêtre, le père Chaize, il met à la disposition d’Algériens du FLN un local où sont entreposés des documents et de l’argent, destinés à secourir les familles des 800 détenus algériens des prisons lyonnaises. Lorsque la cache du Prado est découverte, Louis Magnin est arrêté, puis libéré, contrairement à ses compagnons algériens qui subissent des violences et qui restent emprisonnés durant 9 mois.
En 1971, Louis Magnin décide de vivre son sacerdoce au plus près des ouvriers en devenant l’un d’entre eux, jusqu’à sa retraite en 1994. Il finit sa carrière dans la région parisienne où il milite à la CGT.
François Marquis, responsable d’un camp de regroupement. Témoignage recueilli par Dorothée Myriam Kellou, le 23/06/2020 à Paris.
François Marquis est né en 1937 à Albert, dans la Somme. Il devient séminariste et part faire son service militaire en Allemagne. Il arrive en Algérie en mars 1959 à l'école des officiers de réserve d'infanterie de Cherchell. A la fin de son stage, il est affecté dans la presqu'île de Collo où il est reçu par le colonel Vaudrey qui deviendra un des chefs de l’OAS.
A Collo, François Marquis, devenu officier d'action psychologique, participe à la politique de regroupement de la population dans des camps, notamment ceux d'Aïn Zida et d'Aïn Tabia. Début 1961, après le référendum sur l'autodétermination, il quitte l’Algérie.
Arezki Metref, enfant de la Cité des Eucalyptus, à Alger. Témoignage recueilli par Dorothée Myriam Kellou le 4/06/2021 à Paris.
Arezki Metref est né en 1952 à Sour El Ghozlane (alors Aumale) en Kabylie. Il grandit dans une famille instruite, consciente de l’inégalité de l’ordre colonial. En 1958, dans un climat d’insécurité et de tension, sa famille s’installe à Alger, dans la Cité des Eucalyptus construite dans le cadre du plan de Constantine lancé par le général de Gaulle. La cité est peuplée uniquement d’Algériens nouvellement installés, convaincus de la nécessité de lutter pour l’indépendance. Le FLN y est présent clandestinement, les habitants lui apporte son soutien par le biais de cotisations.
Arezki Metref se souvient des accords de cessez-le-feu, des attentats aveugles de l’OAS qui ont suivi, et de l’immense joie du peuple le jour de l’indépendance, le 5 juillet 1962.
Rachida Miri, militante du FLN, contrôleuse en wilaya 5. Témoignage recueilli par Nesrine Dahmoun le 19/10/2020 à Alger.
Rachida Miri est née en 1937 à Oujda, au Maroc. Bonne élève, elle prend peu à peu conscience des inégalités de la société coloniale. A partir de 1956, sa famille ouvre sa maison aux moudjahidines blessés au maquis. Cette année-là, étudiante, elle est recrutée par l’UGEMA, l'Union Générale des Etudiants Musulmans d'Algérie. Elle sensibilise la population aux problèmes du colonialisme, ce qui lui attire les foudres de l'administration scolaire. Avec d’autres camarades, elle abandonne ses études et rejoint le FLN à Oujda. Elle est formée aux techniques de la guérilla et envoyée comme contrôleuse en wilaya 5. Elle prend une part active aux actions du Renseignement algérien, le MALG (Ministère de l'Armement et des Liaisons générales).
Rachida Miri reprend ensuite ses études et ne réalise plus que des courtes missions ponctuelles. Elle se marie en 1961. Après l’indépendance, elle travaille dans l’enseignement, pour « servir l'Etat sans se servir ».
Stive Modica, Français de Tunisie, engagé dans les parachutistes de septembre 1959 à l'été 1962. Témoignage recueilli par Denis Leroux le 06/07/2020 à Paris.
Stive Modica est né en 1941 à Tunis, dans une famille de colons italo-maltais. En 1957, la Tunisie accède à l’indépendance, sa famille est rapatriée en France. Stive Modica a 16 ans. Il a des difficultés à s'adapter. En 1959, à 18 ans, il s'engage dans le corps des parachutistes. Il est affecté au 3e RPIMa (régiment de parachutistes d'infanterie de marine) et envoyé sur la ligne Morice à la frontière entre l'Algérie et la Tunisie. Son unité participe à plusieurs opérations dans différentes régions d'Algérie (Aurès, Kabylie, Alger, Hodna...) jusqu’à la crise de Bizerte (Tunisie) à l’été 1961.
Après la guerre, il devient mercenaire au Congo puis au Biafra, jusqu'en 1967. Il rentre alors en France, rompt complètement avec son passé de militaire, devient simple ouvrier, et troque le nationalisme pour le syndicalisme et la gauche communiste.
Dominique Moëbs, petite-fille à Alger, rapatriée en 1962. Témoignage recueilli par Raphaëlle Jaillet le 14/06/2019 à Paris.
Dominique Moëbs est née en 1953 à Alger. Elle est encore enfant lorsque sa vie insouciante bascule, en particulier du fait des attentats commis par l'OAS à la fin de la guerre. Son père, sympathisant de l'OAS, est blessé lors de la fusillade du 26 mars 1962. La famille quitte l’Algérie. En France, l’arrivée est difficile, les pieds-noirs sont rejetés, la jeune fille doit faire un effort permanent d'adaptation. Elle évoque le travail de mémoire et lance un message à l’attention de ceux qui vont regarder son témoignage.
Meriem Mokhtari, infirmière au maquis. Témoignage recueilli par Afaf Zekkour le 7/10/2020 à Tiaret.
Meriem Mokhtari, dite « Thaouria » (la révolutionnaire), est née en 1938 à Tiaret, dans le nord-ouest de l'Algérie. Elle grandit dans une famille aisée et a le privilège d’être scolarisée. Les cours assurés par l'association des Oulémas la sensibilisent au nationalisme. Elle prend conscience de l'injustice de l'ordre colonial et en 1956 elle rejoint les rangs de l'ALN au maquis. Elle apprend la mort de son père sous la torture de l'armée française. Au maquis, elle travaille comme infirmière sous la houlette du docteur Youcef Damardji. Elle est arrêtée une première fois en 1957 mais réussi à s’échapper. Elle est arrêtée une 2e fois sur dénonciation, en janvier 1961. Elle est transportée à l’hôpital où elle reste 2 mois, menacée d’assassinat par des membres de l’OAS. Elle est ensuite renvoyée en prison à Alger où elle restera jusqu’en 1962. Depuis sa libération, elle s’est engagée dans la transmission de la mémoire de la guerre d’indépendance.
Jean Montpezat, officier des SAS puis Directeur de cabinet au Consulat général d’Oran. Témoignage recueilli par Nicolas Bove le 11/06/2019 à Paris.
Jean Montpezat est né en 1937 à Pierrefitte-Nestalas, dans les Hautes-Pyrénées. Il étudie à Toulouse. Après une licence de droit puis un DES de droit public, il est diplômé de l'Institut d'études internationales et de recherches pour les pays en voie de développement. En 1960, il est envoyé en mission d'assistance technique au Maroc et sert ensuite comme officier dans les SAS (sections administratives spécialisées) en Algérie de 1961 à 1962. En avril 1962, il est affecté à la Préfecture d’Oran en tant sur directeur de cabinet du préfet. En juillet 1962, il est attaché au consulat général d'Oran. Il rentrera en France à l’automne. Diplômé de l'ENA qu'il a intégrée en 1963, il appartient à la promotion Stendhal (1965), où il a comme camarades de promotion Jean-Pierre Chevènement, Lionel Jospin ou encore Jacques Toubon.
Anne-Marie Mozer, infirmière en Algérie en 1959. Témoignage recueilli par Dorothée Myriam Kellou le 14/06/2019 à Paris.
Anne-Marie Mozer est née en 1934 à Retiers, un village près de Rennes. Elle se marie en 1958. Son mari est appelé en Algérie quelques mois après. Elle le rejoint un an plus tard et exerce comme infirmière à Batna de mai à novembre 1959. Ses fonctions d’infirmière lui permettent d’observer la société coloniale. Elle découvre la misère de la population algérienne.
Kamel Ouartsi, officier de l’ALN. Témoignage recueilli par Mohamed Abdelatif Baala le 18/08/2020 à Alger.
Kamel Ouartsi est né en 1939 à Guelma dans le Nord-Constantinois. Sa conscience nationaliste s’éveille très tôt, dès les massacres qui suivent les manifestations du 8 mai 1945.Certains de ses proches en ont été victimes. Kamel Ouartsi participe aux grèves étudiantes de 1956. Il est arrêté et torturé. Au lendemain de sa libération, il monte au maquis puis est envoyé en Tunisie auprès de l'armée des frontières. Sa formation d'officier l’amène en Syrie, en Irak, en Egypte et à nouveau en Tunisie. A la frontière algéro-tunisienne, il rencontre Houari Boumediene à qui il restera toujours fidèle. Après l’indépendance, Kamel Ouartsi rentre à Guelma, ville déchirée par des luttes fratricides. Il regrette ces dissensions qui continuent à miner l’Algérie d’aujourd’hui.
Héliette Paris, Française d’Algérie. Témoignage recueilli par Denis Leroux le 17/06/2019 à Paris.
Héliette Paris est née dans la banlieue d'Alger en 1944. Ses grands-parents, venus de Franche-Comté, se sont installés en Algérie en 1848, dans une concession de la plaine de la Mitidja, à Sidi-Moussa. Elle passe une enfance heureuse dans la petite ferme de ses parents. Quand elle a l’âge d’aller au lycée, ses parents s’installent à Alger où elle est confrontée à une violence extrême. En juin 1962, elle rejoint la France avec ses parents. Héliette Paris poursuit ses études à la Sorbonne. L’hostilité envers les pieds-noirs est grande, elle a du mal à s’intégrer, se sent étrangère à la France. Elle fait un court voyage en Algérie en 1963 et constate que ce pays n’est plus le sien. Elle coupe définitivement le cordon ombilical avec l’Algérie. Elle cherchera longtemps à comprendre les mécanismes de la colonisation. Elle trouvera des premières réponses au sein de l’association « Coup de soleil », composée des trois communautés qui ont vécu en Algérie (pieds-noirs, juifs, musulmans). Elle témoigne aujourd'hui de son parcours auprès de la jeune génération.
Gérard-Michel Richard, appelé au Sahara. Témoignage recueilli par Denis Leroux le 02/07/2020 à Paris.
Gérard-Michel Richard est né en 1938 à Santes, dans la région lilloise. Il effectue son service militaire dans une unité de génie dans le Sahara algérien entre 1959 et 1961. Il évoque les premiers essais nucléaires français auxquels il a assisté, à Reggane, mais aussi à In Ekker et In Amguel. La vie dans le désert était difficile à cause de la chaleur et de l'isolement mais les soldats y étaient préservés des combats et des dangers qui menaçaient les militaires au même moment dans le nord du pays. Passionné de cinéma, toujours accompagné de sa caméra, Gérard-Michel Richard a rapporté plusieurs films, tournés en Super 8 : des scènes de vie dans les camps de Reggane et d'In Ekker.
Hugues Robert, fils du sous-préfet d’Akbou, Jean-Marie Robert. Témoignage recueilli par Victor Delaporte le 24/06/2020 à Paris.
Hugues Robert est né en 1954 à Meudon. Il est issu d’une famille de militaires qui s’installe en Algérie en 1959, quand son père est nommé sous-préfet de la ville d'Akbou, en Kabylie. Il y reste 3 années, de 5 à 8 ans. Il rentre en France en 1962. Hugues Robert se souvient de la vie quotidienne à Akbou, de ses escapades à la ferme d'à côté où il retrouve une amie kabyle, mais aussi des tensions entre enfants français et algériens à l'école. Il a gardé en mémoire le baisser de drapeau à la sous-préfecture et le départ d'Algérie en juin 1962 qu'il vit comme un déchirement. Des années après la disparition de son père, il retrouve une malle remplie de documents et de notes rédigées par ce dernier pendant ses 3 années passées la sous-préfecture. Il découvre avec émotion et sous un jour nouveau le parcours et le travail de son père à Akbou.
Aujourd’hui, pour Hugues Robert, il est important de témoigner pour que la France regarde en face ces 7 années de guerre, de raconter l’histoire des camps de regroupements, de dénoncer le racisme.
Gérard Rosenzweig, membre d’un commando de l’OAS à Oran. Témoignage recueilli par Denis Leroux le 18/06/2019 à Paris.
Gérard Rosenzweig est né en 1942 à Oran, dans une famille d’origine espagnole et polonaise, très attachée à la France. Il s’engage pour l’Algérie française à partir de 1957, à 15 ans, et rejoint ensuite l’OAS. Entré dans la clandestinité, il participe à des attentats. Après les accords d’Evian, Gérard Rosenzweig participe à la politique de la terre brûlée menée par l’OAS puis quitte Oran juste avant l’indépendance.
A la rentrée 1962, il retourne quelque temps à Oran, avant de s’installer définitivement en France.
Roger Saboureau, militaire de carrière et membre de l’OAS. Témoignage recueilli par Raphaëlle Jaillet le 12/06/2019 à Paris.
Roger Saboureau.
Roger Saboureau est né dans les Deux-Sèvres en 1935. Militaire de carrière, il arrive en Algérie en mai 1956. Il y reste jusqu'en 1961, essentiellement au sein du 9e régiment de chasseurs parachutistes. En 1958, il participe à la bataille des Frontières de Souk Ahras puis devient officier de renseignement pendant le plan Challe. En janvier 1960, l'épisode des barricades marque le début de sa défiance envers de Gaulle. Déçu par les changements de position du chef de l’Etat, Roger Saboureau participe au putsch d'avril 1961 et s’engage à l'OAS. Il regagne la France en juillet 1961, affecté aux chasseurs alpins à Annecy. Il est arrêté et inculpé en 1962 pour "complot contre la sûreté de l'état et reconstitution de ligue dissoute" et reste incarcéré quelques mois.
Dans son témoignage, Roger Saboureau évoque le quotidien en Algérie dans les villages du Constantinois et à Alger. Il aborde également la question de la torture.
Slimane, habitant de la cité Mahieddine à Alger. Témoignage recueilli par Marc André le 12/06/2019 à Paris.
Slimane est né en 1944 à Alger. Il grandit dans la cité Mahieddine, une immense cité populaire. Il se souvient notamment des émeutes de décembre 1960 : quand la cité apprend que Français d’Algérie manifestent violemment leur soutien à l’Algérie française, elle se soulève et aux cris de « Algérie algérienne ». La répression est terrible et tourne au massacre. Sur les Français d’Algérie, l’armée utilise des lacrymos, mais sur les Algériens, elle tire à balles réelles. Slimane se rappelle également que sa famille a hébergé Krim Belkacem qui se cachait villa Mahieddine. En tant que scout musulman, Slimane soigne plusieurs fois des blessés lors d’attentats de l’OAS ou de manifestations, dans un dispensaire implanté au milieu de la cité. En 1968, Slimane se rend en France pour y suivre des études de prothésiste dentaire. Il y fera toute sa carrière.
Pierre Thomas, officier de police affecté au Deuxième bureau. Témoignage recueilli par Nicolas Bove le 23/06/2020 à Paris.
Pierre Thomas est né en 1934 au Maroc de parents lorrains. Il grandit entre la France et le Maroc selon les affectations de son père, militaire. Il reçoit une éducation stricte. Il suit des études de droit jusqu’en 1955 puis fait son service militaire. Il est envoyé à Colmar en Alsace au 152e régiment d’infanterie mécanisée. Il passe le concours pour entrer dans la Police. Il est d'abord affecté aux Renseignements Généraux à Paris mais ce poste lui déplaît. Il demande à partir en Algérie où il est affecté à Oran, au 2e bureau, et plus précisément au sein du CRA (Centre de renseignement et d'action), de 1957 à 1961. A la fin de l’année 1961, il rentre en France, et poursuit sa carrière dans la police.
Jacques Vogelweith, officier de réserve. Témoignage recueilli par Denis Leroux le 18/06/2019 à Paris.
Jacques Vogelweith est né en 1938 à Remiremont dans les Vosges. Il fait des études d’ingénieur avant d’être appelé en 1961 et d’intégrer l'École militaire d’infanterie de Cherchell en Algérie qui forme les officiers de réserve. En sortant de l'école militaire, il choisit le 152e régiment d'infanterie mécanisée qui assure une mission de « maintien de l’ordre » à Alger. En novembre 1962, Jacques Vogelweith est affecté au camp de réfugiés harkis de Zéralda. Il y restera jusqu’en mars 1963. Il participera à plusieurs opérations de sauvetage et d’exfiltration des harkis.
Dominique Wallon, président de l’UNEF et artisan du rapprochement UNEF-UGEMA. Témoignage recueilli par Julie Maeck le 24/06/2020 à Paris.
Dominique Wallon est né à Paris en 1939. Il intègre l'Institut d'études politiques (IEP) de Paris en octobre 1956 et mène en parallèle des études de droit. Il entre à l'UNEF (Union nationale des étudiants de France), syndicat étudiant qui milite contre la guerre en Algérie. Devenu président de l’UNEF en 1960, il fait un voyage "d'information" en Algérie à l'invitation de l'Amicale de Sciences-Po d'Alger. Nommé « monsieur Algérie » de l’UNEF, Dominique Wallon participe à la reprise des relations entre l'UNEF et l'UGEMA (Union générale des étudiants musulmans algériens), une association proche du FLN, alors illégale en France. Cette collaboration entre l’UNEF et l’UGEMA donne notamment lieu au communiqué commun des deux associations étudiantes, signé à Lausanne le 6 juin 1960, qui prône des négociations avec le GPRA (Gouvernement provisoire de la République algérienne). En 1962, Dominique Wallon intègre l’ENA puis poursuit sa carrière dans la haute fonction publique et au ministère de la Culture.
Ahmed Yahiaoui, militant du MNA. Témoignage recueilli par Marc André le 07/07/2020 à Paris.
Ahmed Yahiaoui est né en 1942 à Nedroma, dans le département de Tlemcen. En 1949, sa famille s’installe dans le nord de la France où son père tient un café garni fréquenté par des militants messalistes. Là, Ahmed Yahiaoui assiste à des réunions politiques et s’engage au MNA en 1961. Il témoigne des luttes fratricides entre militants FLN et militants MNA, des rencontres avec Messali Hadj à Gouvieux, ainsi que de ses activités militantes après l'indépendance.
Mohand Zeggagh, militant du FLN en France Témoignage recueilli par Marc André le 13/06/2019 à Paris.
Mohand Zeggagh est né en Kabylie en 1938. A 15 ans, il part en France, où il rencontre des militants nationalistes algériens qui l'initient à la politique et au maniement des armes. Il adhère au FLN en 1955, il a 17 ans. Ses actions sur le terrain entraînent son arrestation. Il est emprisonné à Fresnes puis à Loos, près de Lille, jusqu'au cessez-le feu en 1962. Au lendemain de l'indépendance, il travaille comme commissaire de police à Alger durant 6 mois avant de devenir, de 1963 à 1965, conseiller de Hadj Ben Alla, responsable du parti et président de l’Assemblée nationale.
Slimane Zeghidour, enfant kabyle déplacé dans le camp de regroupement d'Erraguene. Témoignage recueilli par Dorothée Myriam Kellou le 07/07/2020 à Paris.
Slimane Zeghidour est né en 1953 dans un village de montagne de la petite Kabylie, El Oueldja. Deux événements bouleversent radicalement la vie de sa communauté qui vit sans école, sans route, sans électricité, sans médecin, sans informations : Sétif en 1945 et la construction du barrage d'Erraguene. En effet, c’est dans le camp de regroupement d'Erraguene que les familles de la région sont regroupées de force en 1957. Avec son regard d'enfant, Slimane Zeghidour se souvient du référendum de 1958, la première fois où ses parents purent voter et de l'indépendance en 1962. Mais il livre aussi son regard d'adulte sur le traumatisme de la guerre qui a détruit la paysannerie, la société et les valeurs qui la guidaient et sur les conséquences encore tangibles aujourd'hui d'une autre guerre qu'il considère comme toujours non soldée : la guerre algéro-algérienne.
Bernard Zimmermann, instituteur oranais d’origine espagnole. Témoignage recueilli par Raphaëlle Jaillet le 12/06/2019 à Paris.
Bernard Zimmermann est né à Oran en 1940 dans une famille originaire d’Espagne, arrivée en 1890 en Algérie. Devenu instituteur, il est nommé à Kristel, un village de pêcheurs algériens à 18 kilomètres d'Oran, réputé pour être une zone FLN. Là, il prend conscience du poids de la situation coloniale sur les rapports sociaux dans l'Algérie coloniale. Il enseigne la lecture et l’écriture du français aux enfants algériens de son cours préparatoire d’initiation. L’OAS prononce une condamnation à mort à son encontre: en continuant à faire classe à ces enfants, il a désobéi aux ordres. Il rejoint la France avec sa famille à l'été 1962 puis retourne en Algérie en 1964. Il y reste 2 ans avant de regagner définitivement la France. Aujourd'hui, il participe à de nombreuses rencontres avec des lycéens.
L'historienne Raphaëlle Branche, spécialiste du conflit, et le réalisateur Rafael Lewandowski, ont écrit et réalisé la série «En guerre(s) pour l'Algérie». Ils ont également coordonné l'ensemble des entretiens avec les 66 témoins.
Cette série d’entretiens a été coproduite par l’INA et ARTE France.
La collection d’entretiens patrimoniaux « En guerre(s) pour l’Algérie » rassemble 66 témoignages d’hommes et de femmes qui ont vécu la guerre d’Algérie (1954-1962).
Ces récits individuels ont été recueillis en France et en Algérie de 2019 à 2021 par une équipe d’historiens, de journalistes et de documentaristes, sous la direction du réalisateur Rafael Lewandowski et de l’historienne Raphaëlle Branche. Ils constituent un corpus représentatif de la diversité des expériences vécues pendant cette guerre : appelés du contingent, engagés et militaires de carrière français, militants indépendantistes (du Front de libération nationale et du Mouvement national algérien) en métropole et en Algérie, combattants de l’Armée de libération nationale, civils algériens, Français d’Algérie, intellectuels et étudiants, réfractaires, personnels de l’administration française en Algérie, membres de l’OAS, supplétifs de l’armée française, porteurs de valise…
Cette collecte de témoignages est inédite. Pour beaucoup, il s’agissait pour la première fois de raconter leur histoire, leur perception des événements et leurs émotions. En les écoutant, on est instantanément immergé dans une dimension profondément humaine de ces expériences de guerre.
En préambule de cette série de témoignages, un entretien avec les auteurs, d’une durée de 17 minutes, est proposé pour permettre de bien cerner le projet, la méthode et l’intention.
Le président algérien Tebboune a publié un décret qui augmente le nombre de circonstances dans lesquelles l’hymne national doit être joué dans sa version intégrale. Or celle-ci comporte un couplet hostile à la France. À quoi rime ce changement ? se questionne la presse maghrébine.
“Ô France ! le temps des palabres est révolu. Nous l’avons clos comme on ferme un livre. Ô France ! voici venu le jour où il te faut rendre des comptes. Prépare-toi ! Voici notre réponse. Le verdict, notre révolution le rendra. Car nous avons décidé que l’Algérie vivra. Soyez-en témoin !”
Ces paroles, prononcées sous un air enjoué, sont extraites du troisième couplet de l’hymne de l’Algérie. Depuis notre rive de la Méditerranée, elles paraissent forcément quelque peu agressives, et c’est peut-être pourquoi, explique le média Tout sur l’Algérie (TSA), “dans les années 1980, sous la présidence de Chadli Bendjedid, les autorités algériennes ont tenté de supprimer ce couplet de la version officielle fixée par la loi. Le motif invoqué était que l’hymne algérien était le seul au monde à citer nommément un autre pays.”
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Ainsi, deux versions de l’hymne se côtoyaient, une courte, bien plus répandue, et une longue, en cinq couplets, qui selon un décret de 1986 “était prévue uniquement lors des congrès du parti (FLN) et l’investiture du président de la République”, détaille le média algérien. Voilà quelles étaient les règles jusqu’à un nouveau décret datant du 21 mai 2023, qui propose désormais de joueur la version longue dans toutes les commémorations et cérémonies officielles en présence du président de la République.
Toutes ? Pas vraiment rappelle le média marocain Le360, puisque “lors de la visite de chefs d’État étrangers en Algérie ou de personnalités militaires au ministère de la Défense, l’hymne algérien sera chanté dans sa version dite ‘abrégée’, c’est-à-dire sans le couplet défiant la France”.
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Une exception qui provoque l’ironie du média de Casablanca, qui écrit :
“En somme, quand les Algériens sont entre eux, Tebboune les exhorte à chanter à tue-tête le couplet haineux de la France. Et, quand ils sont en présence d’un hôte étranger, on joue la variante expurgée, qui fait l’ellipse de la France.”
L’attaque au voisin maghrébin – avec qui Rabat entretien de nombreux contentieux – se poursuit ensuite avec une analyse géopolitique (qui semble quelque peu partielle) des rapports qu’entretiennent Alger et Paris.
“Donc, au moment où Macron ne parle que d’apaisement avec l’Algérie et où une commission mixte d’historiens français et algériens a été nommée, en janvier 2023, pour plancher sur un dialogue mémoriel, basé sur les archives de la colonisation et la guerre d’indépendance, voilà que Tebboune fait un grand pas en arrière et ressuscite un couplet qui avait disparu de l’hymne national algérien depuis 1986”, attaque le média marocain.
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Toutefois, à en croire TSA, les choses ne seraient pas si simples. Car si, effectivement, la version longue était prévue, selon le décret de 1986, uniquement lors des congrès du FLN et l’investiture du président de la République, l’article 7 dudit décret statuait cependant qu’“il peut être procédé à l’exécution de l’hymne national dans des circonstances ou situations spécifiques, dans sa version intégrale ou réduite, selon le cérémonial fixé par […] : instruction du secrétaire général de la présidence de la République à l’occasion de certaines visites des hôtes de l’Algérie, arrêté conjoint entre les ministères de la Défense nationale, l’Intérieur et la Culture à l’occasion des cérémonies et commémorations nationales avec présence des autorités locales ; et arrêté commun entre le MDN, le ministère de la Culture et les ministères concernés dans tous les autres cas […].”
Un décret pour “lever l’ambiguïté”
Ainsi, si on examine le texte dans le détail, pour le média algérien “ce décret ne fixait pas clairement quand l’hymne national peut être exécuté dans sa version intégrale ou réduite”, c’est pourquoi “ce nouveau décret est en somme une manière de lever l’ambiguïté et de formaliser les choses”.
D’autant plus que, conclut TSA, “dans la pratique, l’exécution du couplet citant la France a été rétablie depuis quelques années. Il a été notamment exécuté lors de la cérémonie d’investiture du président Abdelmadjid Tebboune le 19 décembre 2019.”
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