Alger n’a pas caché sa colère lorsqu’un Bayraktar TB2 acheté par le Maroc a été soupçonné d’avoir tué trois Algériens au Sahara occidental : la Turquie a donc également proposé à l’Algérie de lui vendre des drones.
Le drone TAI Anka, exposé lors de l’édition 2021 du Teknofest à Istanbul (Reuters)
En dépit de l’absence de preuves concrètes, les responsables algériens estimaient que le Maroc, qui combattait alors depuis un an les séparatistes du Front Polisario sur ce territoire, avait utilisé des drones Bayraktar TB2 de fabrication turque pour frapper un convoi de camions.
Algérie-Maroc : derrière l’achat de drones de combat, l’escalade
Des officiels algériens ont ainsi reproché à la Turquie, auprès d’officiels turcs, de prendre parti entre les deux pays du Maghreb. La Turquie entretient des relations amicales de longue avec chacun des deux pays.
En septembre 2021, le Maroc a reçu le premier de ses treize drones armés achetés pour un montant de 70 millions de dollars à la société privée turque Baykar.
Des frappes de drones marocaines contre des cibles du Front Polisario ont rapidement suivi, même si le mouvement indépendantiste sahraoui indiquait alors que des drones de fabrication chinoise et israélienne avaient également été utilisés à son encontre.
En réponse, les diplomates turcs ont adopté une approche plus équilibrée, selon plusieurs sources interrogées par Middle East Eye.
En ce qui concerne l’épineuse question du Sahara occidental, contrôlé à 80 % par le Maroc mais revendiqué par le Front Polisario – soutenu par l’Algérie – en tant que pays indépendant, Ankara opte pour une posture équivoque. Si elle n’a jamais reconnu l’indépendance du Sahara occidental, la Turquie soutient les efforts menés par l’ONU pour résoudre la question.
Un accord finalisé la semaine dernière
Lors d’échanges ultérieurs, Ankara a transmis à Alger un message simple par l’intermédiaire de son ambassadrice : nous sommes également ouverts aux affaires avec vous.
Au cours de négociations qui ont duré des mois, l’Algérie a inspecté tous les drones de combat turcs disponibles. Les pourparlers ont progressé avec l’aide de l’ambassadrice turque Mahinur Özdemir, une francophone nommée par les hautes sphères politiques, qui dispose d’un canal de communication direct avec le président turc Recep Tayyip Erdoğan en cas de problème.
En fin de compte, les Algériens n’ont pas jeté leur dévolu sur les Bayraktar TB2, des drones de combat de grande taille et renommés dont les performances ont été éprouvées en Ukraine, mais aussi en Syrie, en Libye et dans le Haut-Karabakh.
Avec ses drones, la Turquie se tourne-t-elle vers le hard power en Afrique ?
À la place, Alger a acheté dix exemplaires de drones Anka-S, produits par la société publique Turkish Aerospace Industries, indiquent à MEE deux sources au fait des négociations.
L’Anka-S est un drone MALE (moyenne altitude longue endurance) capable de voler pendant 30 heures d’affilée. Grâce à sa liaison satellite, il peut couvrir une zone beaucoup plus étendue que les autres options, ce qui le rend utile dans des endroits comme l’Afrique du Nord et ses milliers de kilomètres de désert.
Selon des sources, l’accord a été finalisé la semaine dernière et l’Algérie devrait l’approuver officiellement dans les semaines à venir. Il est difficile de savoir dans l’immédiat quelle sera la réaction du Maroc.
Rabat entretient des relations ombrageuses avec Ankara, considérant le Parti de la justice et du développement (AKP) au pouvoir en Turquie comme une force islamiste qui a trouvé un écho au Maroc lorsque le parti marocain éponyme était au gouvernement de 2011 à 2021.
Le nouveau gouvernement marocain n’hésite pas à critiquer Ankara par le biais de ses relais médiatiques lorsque la Turquie est désaccord avec l’Arabie saoudite.
Une demande de commentaires a été adressée au gouvernement algérien, qui, au moment de la publication de cet article, n’a toujours pas répondu.
Les relations entre l’Algérie et le Maroc sont au plus bas : Alger a coupé tous ses liens diplomatiques avec Rabat en 2021, dénonçant des « actes hostiles ».
L’Algérie soutient le Front Polisario dans sa lutte pour l’indépendance du Sahara occidental, qui a dégénéré en conflit après la rupture d’un cessez-le-feu de trois décennies en novembre 2020.
Accusé d’avoir piraté des téléphones de représentants algériens avec le logiciel espion israélien Pegasus, le Maroc exprime en parallèle son soutien à un mouvement séparatiste en Algérie, le Mouvement pour l’autodétermination de la Kabylie (MAK).
Le régime alaouite fait face au mécontentement des Sahraouis, qui dénoncent l’« expropriation de leurs terres au profit d’émirs du Golfe et d’investisseurs sionistes »
Pour la première fois, la contestation contre les expropriations est cautionnée par les chefs des grandes tribus sahraouies qui, pourtant, soutiennent la monarchie (AFP/Fadel Senna)
Au Maroc, dans la culture de la cour, il est d’usage que le sultan chérifien décide de récompenser ses fidèles en leur octroyant des terres, comme il peut aussi déposséder ceux tombés en disgrâce.
De tout temps, les sultans alaouites ont veillé à contrôler le droit des tribus à bénéficier des terres collectives. Ces terres sont soumises à un régime juridique datant du protectorat français, codifié par le dahir (décret) de 27 avril 1919, toujours en vigueur, qui régit le « droit de propriété des tribus, fractions, douars ou autres groupements ethniques sur les terres de culture ou de parcours dont ils ont la jouissance à titre collectif ».
Placées sous la tutelle du ministère de l’Intérieur, ces terres tribales se distinguent par leur caractère inaliénable, indivisible, imprescriptible et insaisissable. Elles sont gérées par une assemblée de délégués représentant la collectivité qui a le droit d’utiliser les terres en question. Selon les chiffres officiels, les terres collectives représentant près de 15 millions d’hectares (ce qui correspond à environ 21 % de la superficie totale du Maroc).
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Durant son règne, Hassan II procéda à des réappropriations massives par l’État de terres collectives occupées par des tribus (loi de 1963 sur la nationalisation), à des expropriations et redistributions de propriétés au profit de ses affidés afin de garantir leur loyalisme.
On évoquait à l’époque un million d’hectares de terres collectives dont près de 600 000 distribués aux serviteurs de la monarchie.
Le roi Mohammed VI n’a pas dérogé à la tradition, comme en témoigne la décision des autorités marocaines en 2016 d’accorder, arbitrairement, à des hauts commis ou serviteurs de l’État des terrains de choix à des prix dérisoires.
Dans son discours de 2020, le roi a appelé par ailleurs à la mobilisation d’un million d’hectares de terres collectives à vocation agricole pour « le mettre à la disposition d’investisseurs ayants droit et privés ».
À cette fin, les autorités n’hésitent pas à dessaisir les ayants droit de leurs terres tribales par voie d’expropriation pour cause d’« utilité publique ».
Sahraouis et terres tribales
La distribution de la rente, notamment à travers le foncier, permet ainsi au pouvoir de domestiquer les élites. De plus, la dépossession semble avoir contribué à l’enrichissement du roi et de ses proches.
Citons en exemple le groupe immobilier Addoha, dirigé par Anas Sefrioui, un proche de Mohammed VI. Les deux hommes auraient bénéficié des terrains constituant un village, situé à Rabat, au bord de la mer, pour construire des résidences de luxe dans le cadre du projet « Plage des nations ». Une affaire révélée en 2006 par le journaliste Omar Radi et corroborée par l’enquête publiée le 19 septembre 2022 par Forbidden stories.
Depuis 2010, les autorités marocaines se déploient pour l’expropriation de milliers d’hectares de terres collectives partout dans le pays.
En 2019, le royaume a adopté la loi 62/17 et son décret d’application pour consolider la tutelle du ministère de l’Intérieur sur les terres collectives, disant « vouloir promouvoir le développement du monde rural et faire bénéficier les femmes soulaliyates (en référence à la soulala, qui est le lien qui unit les membres d’une collectivité ethnique) au même titre que les hommes des terres tribales ».
Or, en réalité, cette loi a contribué à limiter le recours aux us et aux traditions dans la gestion et l’exploitation des biens de ces communautés, notamment en restreignant le rôle des nouabs (représentants des communautés). Ces derniers n’avaient plus le droit d’intervenir pour appliquer les règles coutumières dans la résolution des conflits qui surgissent lors de l’exploitation des terres collectives.
En 2020, les autorités auraient même profité de la déclaration de l’état d’urgence sanitaire pendant la pandémie de covid-19 pour accentuer le mouvement d’expropriation des terres collectives pour cause d’« utilité publique ». Pour preuve, la publication au bulletin officiel de dizaines de décisions d’expropriation nominatives des terres tribales se situant dans les différentes régions du royaume.
Tout récemment, le royaume a décidé d’intensifier l’expropriation des terres collectives dans l’ensemble du royaume y compris dans certaines zones non contestées du territoire sahraoui, lequel est administré par les autorités marocaines. L’opération d’expropriation pourrait toucher ainsi des terres collectives occupées par des tribus sahraouies qui, malgré leur allégeance à la monarchie, se trouveraient menacées d’être dépossédées des terres de leurs ancêtres.
Une manœuvre politique qui risque d’attiser les tensions entre les autorités et les populations sahraouies qui revendiquent un droit historique sur leurs terres tribales.
Les chefs des tribus sahraouies ont du mal à concevoir l’intensification de l’expropriation des terres collectives au nom de « l’intérêt général » dans des zones désertiques et difficilement exploitables.
Les activistes sahraouis dénoncent ce qu’ils considèrent comme une « tentative de l’État marocain de resserrer l’étau sécuritaire sur les territoires sahraouis qui existaient avant même la colonisation française et espagnole »
Les protestataires sahraouis dénoncent ce qu’ils considèrent comme une « tentative de l’État marocain de resserrer l’étau sécuritaire sur les territoires sahraouis qui existaient avant même la colonisation française et espagnole ».
À en croire les déclarations de certains activistes sahraouis, issus notamment des régions de Tan-Tan et de Guelmim – en territoires contestés administrés par le Maroc – dans un communiqué signé par la Coordination des trois rivières (Oued Eddahab, Oued Noun et Sakia El-Hamra) le 8 septembre, les autorités marocaines n’auraient pas le droit de conduire une si grande opération d’expropriation pour cause d’utilité publique alors qu’elle serait en réalité menée au profit d’« émirs du Golfe et d’investisseurs sionistes ».
Malgré les tentatives de réglementation des terres collectives, ayant abouti fin 2019 à l’adoption d’un dispositif juridique, qui promeut leur privatisation (melkisation) et favorise l’investissement agricole par les ayants droit et les investisseurs privés, force est de constater qu’un flou juridique persiste encore quant au statut de ces terres qui demeurent soumises au pouvoir discrétionnaire du ministère de l’Intérieur.
Il faudrait admettre que le statut juridique de la propriété collective permettait de sceller la relation de domination entre l’État central et le monde rural. Seul l’État et les collectivités territoriales pouvaient acquérir ces terres, en indemnisant les ayants droit qui pouvaient continuer de bénéficier de leurs terres, mais sans pour autant en acquérir la propriété individuelle.
Un risque de récupération
Dans le cas des terres tribales sahraouies, l’expropriation semble encore plus difficile à justifier, et ce pour des raisons culturelles et historiques. Les délimitations de ces territoires n’ont jamais été figées et l’histoire du Sahara peut se décliner sous la forme d’une incessante recomposition des cultures, des communautés et des espaces.
Mais qu’en est-il vraiment de l’ampleur de cette mouvance embryonnaire de contestation qui traverse les communautés sahraouies et menace d’ébranler le Palais royal ?
Pour le moment, les chefs des tribus sahraouies semblent conscients de l’enjeu politique d’une telle opération, à savoir le contrôle des modes de propriété et d’exploitation de la terre qui tendent vers une transformation de l’ordre social et politique.
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L’objectif non déclaré du pouvoir serait une reconfiguration politique et sécuritaire des territoires sahraouis de manière à mieux réguler l’évolution démographique, l’encadrement des masses rurales, la fabrique d’un leadership local contestataire, le transport et le trafic des biens et marchandises, ainsi que la mobilité et les coalitions ethnico-tribales des communautés sahraouies, notamment celles qui soutiennent le Front Polisario, mouvement indépendantiste sahraoui.
Toutes les grandes tribus sahraouies semblent déterminées à défendre leurs terres collectives historiques.
Certaines tribus – Lahmidat, Al-Mahbass et Mhamid al-Ghizlane – ont déjà commencé à organiser, début septembre, des actions de protestation.
D’autres tribus, dites « royalistes », préfèrent garder leurs distances face aux revendications des protestataires. Les tribus sahraouies ne sont pas toutes enclines à défier le régime alaouite et certaines souhaitent négocier avec les autorités marocaines une sortie de crise.
Ceci étant, pour la première fois, la contestation est cautionnée par les chefs des grandes tribus sahraouies. Pourtant, la plupart de ces derniers soutiennent la monarchie, qui défend la souveraineté marocaine sur le Sahara occidental, arguant de l’existence de « liens historiques d’allégeance entre ces chouyoukh [chefs] et les sultans alaouites ».
Alors qu’habituellement, ce sont plutôt les jeunes qui protestent pour défendre des revendications sociales, une mobilisation massive des activistes sahraouis autour de la question des terres collectives est à craindre pour le Palais royal.
Jouer la carte de la dépossession des Sahraouis de leurs terres tribales risque de favoriser une escalade du conflit sahraoui
D’où le risque pour le royaume de voir le Front Polisario récupérer le mécontentement des tribus sahraouies, surtout celles qui reconnaissent la marocanité du Sahara, en incitant leurs jeunes notamment à s’insurger contre les autorités marocaines.
Cela pourrait nuire à la diplomatie marocaine, qui tente de convaincre la communauté internationale de l’engagement du royaume à respecter les droits des Sahraouis dans le cadre de la proposition marocaine d’autonomie élargie.
En s’attaquant aux terres collectives des Sahraouis, le régime de Mohammed VI fait fausse route s’il pense miser sur une diplomatie disruptive : les conséquences d’une polarisation et d’une confrontation pourraient se révéler désastreuses sur la stabilité politique dans toute la région.
Jouer la carte de la dépossession des Sahraouis de leurs terres tribales risque de favoriser une escalade du conflit sahraoui, mettant en jeu une identité collective à même de susciter des violences extrêmes.
Les opinions exprimées dans cet article n’engagent que leur auteur et ne reflètent pas nécessairement la politique éditoriale de Middle East Eye.
Aziz Chahir is an associate researcher at the Jacques-Berque Center in Rabat, and the secretary general of the Moroccan Center for Refugee Studies (CMER). He is the author of Who governs Morocco: a sociological study on political leadership (L'Harmattan, 2015). Aziz Chahir est docteur en sciences politiques et enseignant-chercheur à Salé, au Maroc. Il travaille notamment sur les questions relatives au leadership, à la formation des élites politiques et à la gouvernabilité. Il s’intéresse aussi aux processus de démocratisation et de sécularisation dans les sociétés arabo-islamiques, aux conflits identitaires (le mouvement culturel amazigh) et aux questions liées aux migrations forcées. Consultant international et chercheur associé au Centre Jacques-Berque à Rabat, et secrétaire général du Centre marocain des études sur les réfugiés (CMER), il est l’auteur de Qui gouverne le Maroc : étude sociologique sur le leadership politique (L’Harmattan, 2015).
Depuis l’accession au trône de Mohammed VI en 1999, l’espoir d’une réconciliation entre le Maroc et l’Algérie sous Abdelaziz Bouteflika s’est peu à peu estompé, jusqu’à céder la place à la crise diplomatique actuelle.
Mohammed VI et Abdelaziz Bouteflika au sommet de la Ligue arabe organisé en 2005 à Alger (AFP)
Le 12 septembre, le média panafricain Jeune Afrique et le site d’information saoudien basé à Londres Asharq al-Awsat ont affirmé que Mohammed VI se présenterait personnellement. Des médias marocains ont, depuis, fait état de la participation du chef du gouvernement Aziz Akhannouch et de Nasser Bourita.
Autre question, selon plusieurs sources marocaines, qui devrait déterminer la décision du roi : l’Algérie lèvera-t-elle l’interdiction de son espace aérien aux avions marocains ? Après avoir rompu ses relations diplomatiques avec Rabat en août 2021, l’Algérie avait en effet interdit, le mois suivant, le survol de son territoire par les aéronefs immatriculés au Maroc.
En tout cas, la présence de Mohammed VI au prochain sommet serait cohérente avec la position toujours affichée dans ses discours.
« Nous aspirons à œuvrer avec la présidence algérienne pour que le Maroc et l’Algérie puissent travailler, main dans la main, à l’établissement de relations normales entre deux peuples frères, unis par l’histoire, les attaches humaines et la communauté de destin », déclarait-il encore le 30 juillet à l’occasion du 23e anniversaire de son accession au trône.
« À ce propos, je souligne une fois de plus que les frontières qui séparent le peuple marocain et le peuple algérien frères ne seront jamais des barrières empêchant leur interaction et leur entente », a ajouté le monarque, alors que la crise diplomatique est à son paroxysme entre les deux voisins.
Mohamed VI a assisté au sommet de 2005 à Alger
Depuis son accession au trône en 1999, Mohammed VI a multiplié les appels aux autorités algériennes pour la normalisation des rapports bilatéraux et l’ouverture des frontières, fermées depuis 1994 à la suite d’un attentat perpétré à Marrakech par des islamistes radicaux d‘origine algérienne.
« Nous renouvelons notre invitation sincère à nos frères en Algérie, pour œuvrer de concert et sans conditions à l’établissement de relations bilatérales fondées sur la confiance, le dialogue et le bon voisinage », a encore déclaré en août 2021 le souverain marocain, ajoutant qu’il n’a eu « de cesse, depuis 2008, de clamer haut et fort cette idée et de la réaffirmer à maintes reprises et en diverses occasions ».
D’ailleurs, le dernier sommet de la Ligue arabe auquel Mohammed VI a participé était celui de 2005 en Algérie. Sous les mandats successifs d’Abdelaziz Bouteflika, les relations entre les deux voisins, malgré des tensions régulières, n’ont jamais traversé de crise très grave.
En témoignent les mots prononcés en 2005 par le roi dans sa « deuxième patrie, l’Algérie sœur » : « Il m’est très agréable d’adresser l’expression de mes sincères salutations et de ma profonde estime à mon illustre frère, son excellence le président Abdelaziz Bouteflika, et à travers lui au peuple algérien frère qu’unissent au peuple marocain des liens solides de fraternité tissés par l’histoire et le voisinage », introduisait-il.
Il faut dire que le royaume avait placé tous ses espoirs en Abdelaziz Bouteflika pour trouver une solution définitive à l’affaire du Sahara occidental, une ancienne colonie espagnole que le Maroc considère comme faisant partie de son territoire, et dont le mouvement du Front Polisario, soutenu par l’Algérie, réclame l’indépendance.
Né à Oujda, ville marocaine frontalière de l’Algérie, l’ancien président a vécu une partie de sa vie au Maroc.
C’est à Sidi Ziane, première école créée par la France au Maroc, qu’il a fait ses études primaires, comme l’ancien Premier ministre marocain et beau-frère de Hassan II, Ahmed Osman, le célèbre économiste Aziz Belal ou encore l’intellectuel Mohamed Allal Sinaceur.
C’est aussi à travers le « clan d’Oujda », un groupe désignant les membres de l’Armée de libération nationale (ALN) nés ou ayant vécu au Maroc – à la tête desquels Houari Boumediene –, qu’Abdelaziz Bouteflika aurait rejoint la guerre de libération en 1956 à Oujda, où sa famille possède encore trois propriétés enregistrées au nom d’Ahmed Bouteflika – le père de l’ancien président –, dont celle, vétuste, que la mairie avait entrepris de démolir en 2018.
Autant d’éléments qui plaidaient, donc, en faveur d’une réconciliation entre les deux pays voisins au lendemain de l’élection de Bouteflika à la tête de l’Algérie en 1999. Y compris au sujet de leur principale pomme de discorde, la question du Sahara occidental.
Peu avant son décès, Hassan II était ainsi parvenu à se mettre d’accord avec le chef d’État algérien sur une rencontre non loin d’Oujda, à la frontière entre les deux pays.
Selon un document déclassifié par les États-Unis en 2017, Hassan II avait même affirmé, le 20 juillet 1999, soit trois jours avant sa mort, être « parvenu à un accord » avec Abdelaziz Bouteflika concernant l’affaire du Sahara occidental.
Cet espoir était aussi partagé par les partis du mouvement national marocain.
Des relations « qui fluctuent »
Dans ses mémoires, parus en 2018, le doyen de la gauche marocaine Bensaid Ait Idder, ancien résistant et grande figure de l’opposition à Hassan II, décrit une réunion sur le sujet tenue en 1991 à Alger chez l’ancien ministre Cherif Belkacem, autre figure du groupe d’Oujda, en présence de Bouteflika, alors sans fonction officielle, de Mohamed Cherif Messaadia, ancien patron du Front de libération nationale (FLN), et du leader socialiste marocain Abderrahman Youssoufi.
« Nous leur avons rappelé les combats des grands partis pour l’indépendance des pays maghrébins et pour le rêve de notre union […] Le silence régnait de leur côté [du côté algérien]. Bouteflika a tenté de rattraper la situation en nous annonçant que Houari Boumediene avait la volonté de résoudre ce problème [le Sahara occidental] et qu‘il avait convenu avec Hassan II d’un rendez-vous à Bruxelles, mais le décès de ce dernier a mis fin à tout », raconte l’ancien député Ait Idder.
Les images des funérailles de Hassan II témoignent aussi des rapports ambivalents qu’entretiennent les deux pays. On y voit Abdelaziz Bouteflika, ému, tenant des deux mains le cercueil du défunt roi aux côtés de ses deux fils, Mohammed VI et Moulay Rachid.
Au cours des premières années de son règne, Mohammed VI jugeait « excellentes » ses relations avec Bouteflika.
« Mais bon, les relations entre nos deux pays fluctuent, selon les aléas qu’imposent les réalités de nos deux pays », ajoutait-il dans une interview donnée en 2001 au journal français Le Figaro.
Sahara occidental : une guerre d’usure diplomatique fait craindre une déflagration
Les relations continueront de fluctuer entre les deux pays pendant les quatre mandats de l’ancien chef de l’État algérien. En 2004, le Maroc supprimera les visas d’entrée sur son territoire pour les ressortissants algériens. Le voisin de l’Est fera de même.
Mais les frontières resteront fermées et la résolution du conflit du Sahara occidental demeurera suspendue entre les deux pays.
Dans son livre Le Soleil ne se lève plus à l’Est (2018, Plon), l’ancien ambassadeur français à Alger et ancien directeur général de la Sécurité extérieure (DGSE) Bernard Bajolet relate un de ses échanges avec Abdelaziz Bouteflika dans lequel ce dernier critique le fait « que Paris avait toujours soutenu la position marocaine depuis l’époque du président Giscard d’Estaing ».
« La position de la France […] ne relève pas d’un quelconque parti pris. Mais elle peut être influencée par le sentiment que cette affaire est vitale pour le Maroc, alors qu’elle ne l’est pas pour l’Algérie », lui explique alors le diplomate.
La réponse du président algérien : « Oui, c’est vrai. Elle n’est pas vitale pour nous. Mais sachez qu’il n’y aura pas de lune de miel avec le Maroc, pas de Maghreb arabe tant qu’une solution équitable ne sera pas trouvée. »
Jusqu’à son décès, l’ancien président algérien restera sur ses positions. Dans son message de condoléances après sa mort en septembre 2021, Mohammed VI dira se remémorer « les attaches particulières qui liaient le défunt au Maroc, que ce soit lors des périodes de l’enfance et des études dans la ville d’Oujda ou encore au temps du militantisme pour l’indépendance de l’Algérie sœur ».
Par
Rachid Bouanani
Published date: Mercredi 5 octobre 2022 - 07:33 | Last update:4 days 10 hours ago
Idéologue prolifique, travailleur acharné, rassembleur charismatique, Mehdi Ben Barka ne pouvait pas disparaître si facilement. En tout cas pas dans les consciences de générations de militants. La mort de l’opposant marocain ne pouvait pas effacer la vie d’une figure de proue, et sans tache, du mouvement anti-impérialiste, victime de l’un des crimes politiques les plus marquants du XXe siècle.
L’homme enlevé à Paris le 29 octobre 1965, celui que le pouvoir colonial français qualifiait de « redoutable agitateur », continue, aujourd’hui encore, de peser sur l’échiquier politique du royaume chérifien. Seule force d’opposition jusqu’au milieu des années 1980, la gauche marocaine a longtemps été divisée entre les tenants d’une « révolution démocratique » et ceux de l’« option révolutionnaire ». La mémoire de Ben Barka dessinait un trait d’union entre ces deux tendances, mais fit aussi l’objet d’une querelle d’appropriation. L’accueil des membres de sa famille ou de leur avocat Maurice Butin, les messages de son fils Bachir, tout cela constitue toujours un enjeu symbolique pour les socialistes marocains qui se définissent comme les « ayants droit » de l’héritage politique et intellectuel de celui qui fut l’interlocuteur de Gamal Abdel Nasser, Mao Zedong, Ahmed Ben Bella, Kenneth Kaunda ou Ernesto « Che » Guevara (1).
On peut comprendre la fascination qu’exerce encore cette personnalité en relisant son discours appelant à l’union des forces progressistes et de tous les mouvements de libération. Cette interpellation subjugua les participants à la Ire Conférence des peuples africains, à Accra en 1957, point de départ d’une carrière fulgurante de tribun et de locomotive internationaliste. Né en 1920 dans la médina de Rabat, élève brillant, diplômé en mathématiques et féru d’économie, l’homme fut d’abord un important leader nationaliste, véritable meneur de l’Istiqlal, le parti indépendantiste, dès 1944. Déporté dans le sud de l’Atlas par les autorités coloniales en 1951, il est libéré en 1954 et devient dans le combat de l’indépendance le défenseur du petit peuple et des campagnes, en ardent promoteur d’une réforme agraire. Mais, après 1956, il refuse de siéger au gouvernement et s’oppose à une dérive aristocratique du régime depuis la présidence de l’Assemblée consultative. S’éloignant du parti, il fonde le néo-Istiqlal, qui devient l’Union nationale des forces populaires (UNFP) en 1959. Accusé de complot, il choisit l’exil une première fois, avant un retour triomphal en mai 1962, sur la demande du nouveau roi Hassan II. Mais victime d’un attentat six mois plus tard, il doit reprendre le chemin de l’étranger et se voit condamné à mort par contumace en octobre 1964 pour ses positions jugées trop favorables à l’Algérie suite à la guerre des Sables (2).
Les deux policiers français, épaulés par des truands et un membre des services secrets français, qui l’enlèvent en plein jour devant la brasserie Lipp, à Paris, ne s’attaquent pas uniquement à un opposant que les courtisans du Makhzen qualifient de « cauchemar du Palais ». La cible de ce coup tordu est alors le pivot d’une dynamique qui œuvre au rassemblement du tiers-monde en répétant inlassablement le triptyque « mobilisation, union, libération ». Ben Barka veut sortir du cadre nationaliste et élargir le combat marocain en l’incluant dans une vision universelle. Sillonnant la planète tel un infatigable commis voyageur de la révolution, il passe d’un continent à l’autre, échappant à plusieurs tentatives d’assassinat. Un jour, il est au Caire pour prononcer un discours définissant et fustigeant le néocolonialisme. Le lendemain, il va à Moscou puis à Pékin pour s’ingénier à apaiser le différend sino-soviétique, avant de s’en retourner à Damas afin de concilier nassériens égyptiens et baathistes syriens. L’une de ses tâches essentielles consiste à convaincre ses interlocuteurs du Sud d’élargir l’Organisation de la solidarité des peuples afro-asiatiques (OSPAA) à l’Amérique latine. Après de longs entretiens à Alger en 1965, Ernesto « Che » Guevara l’impose comme président du comité préparatoire de la Tricontinentale, la conférence de solidarité des peuples d’Asie, d’Afrique et d’Amérique latine, qui doit avoir lieu à Cuba en janvier 1966 (3). Cette réunion anti-impérialiste qui se tient en pleine guerre froide reste un jalon emblématique dans l’histoire du tiers-mondisme, même si l’absence de son principal organisateur en a limité la portée.
Les disparitions ultérieures du général Mohamed Oufkir, chef des services secrets marocains en 1965, condamné en France pour l’assassinat de Ben Barka, puis de son adjoint de l’époque, Ahmed Dlimi (qui vraisemblablement l’exécuta après sa tentative de coup d’Etat de 1972), ont donné de l’épaisseur à l’intrigue. L’enlèvement de Ben Barka, réalisé sur le sol français, suivi d’une mort probable sous la torture, renforce son image de martyr. L’implication de plusieurs services secrets — en particulier celle du Mossad israélien, avérée dès 1966 — lui confère l’aura d’un adversaire des puissances dominantes et colonisatrices. La défense des victimes d’un pouvoir arbitraire a constitué un leitmotiv mobilisateur à de nombreux moments de la vie politique marocaine, notamment lors de l’arrestation ou de la liquidation brutale de militants. Par opportunisme, la mouvance religieuse cherche, à son tour, à s’approprier la mémoire de l’ancien précepteur du roi Hassan II, alors que, comble de l’ironie, nombre d’islamistes n’ont cessé de l’accuser d’athéisme. Dans un contexte marocain où la contestation de l’ordre établi est devenue plus sensible aux discours de l’intégrisme qu’aux références progressistes, la figure du célèbre disparu reste un symbole majeur qui fédère le monde « anti-système », sans distinctions idéologiques. Pendant les manifestations populaires du premier trimestre 2011, ses portraits ont été brandis par l’ensemble des courants politiques descendus dans la rue à la suite des révoltes tunisienne et égyptienne. Ses formules telles que « la seule politique est la politique de la vérité » inspirent encore les orateurs. Le souvenir de cet iconoclaste opère la difficile jonction entre plusieurs générations : celle de la résistance au fait colonial, celle du « faux départ » de l’indépendance, celle des « années de plomb » et, pour finir, celle du « printemps arabe ».
Si la disparition de Ben Barka n’a pas effacé sa mémoire, celle-ci ne désarme pas ses éternels ennemis. D’une part, l’affaiblissement de la gauche du fait de sa participation à différents gouvernements et donc de son assimilation à la corruption et, d’autre part, la montée de l’intégrisme et la diffusion des idées néolibérales au sein des élites locales ont permis aux conservateurs de promouvoir un révisionnisme méthodique. Par une propagande récurrente et multiforme, l’ancien leader incontesté de l’opposition marocaine se voit accusé d’avoir été l’architecte de « l’épuration du mouvement national » ou d’avoir travaillé pour les services secrets tour à tour tchécoslovaques ou israéliens. Il est également traité de « républicain communiste », une double disqualification majeure dans une monarchie à la fois millénaire et musulmane...
Pour autant, l’aura de Ben Barka résiste à ces ragots, car l’homme incarne encore ce Maroc qui aurait pu voir le jour « dans l’indépendance et le socialisme plutôt que dans la marocanisation de la colonisation (4) ». Il n’est d’ailleurs plus tabou pour le pouvoir. Le souverain Mohammed VI a même déclaré que « l’affaire Ben Barka l’intéressait autant que sa famille » et mis en place l’instance Equité et réconciliation pour enquêter sur les exactions commises sous le régime de son père. Dans ce processus de réhabilitation des victimes et de justice transitionnelle, le pouvoir a baptisé les artères de grandes villes du nom de Ben Barka et n’interdit plus aux médias d’évoquer son œuvre ou de diffuser des travaux à sa gloire. Mais cette ouverture reste bien encadrée. Le parcours autorisé de l’icône s’arrête en 1961. Les quatre ans d’opposition farouche qui précèdent son enlèvement n’ont pas droit de cité. Si sa stature de résistant au colonialisme et d’homme d’Etat en tant que président de l’Assemblée consultative de 1956 à 1959 sont mises en exergue, les conditions de sa disparition demeurent un secret d’Etat. De même, malgré le passage au pouvoir de plusieurs gouvernements dirigés par les socialistes, est-il absent des programmes scolaires, alors que des références à des penseurs intégristes, tel Ibn Taymya, sont omniprésentes.
« Mehdi Ben Barka, ce mort aura la vie longue, ce mort aura le dernier mot », avait noté Daniel Guérin, écrivain anticolonialiste et acteur engagé dans ce dossier (5). Cinquante ans après, ceux qui attendent la vérité sur son enlèvement s’accrochent encore à la plus ancienne instruction pénale de la justice française, toujours pas close. « L’abominable secret » évoqué par François Mitterrand reste bien gardé dans cette affaire que le général de Gaulle jugeait « inadmissible, insoutenable, inacceptable » (6), et qui entraîna une brouille de plusieurs années entre les deux pays. Aujourd’hui encore, il ne fait nul doute que Ben Barka demeure la source morale qui dynamise la capacité de régénérescence des idées progressistes dans une nation minée par ces deux idéologies mortifères que sont le fondamentalisme et le néolibéralisme.
Omar Benjelloun
Avocat aux barreaux de Rabat et Marseille, fils d’Ahmed Benjelloun et neveu d’Omar Benjelloun (assassiné en 1975), deux grandes personnalités de la gauche marocaine.
(1) Dirigeants respectifs, au début des années 1960, de l’Egypte, de la Chine, de l’Algérie et de la Zambie, et révolutionnaire d’origine argentine devenu ministre du gouvernement cubain.
(2) Entre le 15 octobre et le 5 novembre 1963, les armées marocaine et algérienne se sont affrontées pour la souveraineté des régions de Tindouf et de Colomb-Béchar. Le cessez-le-feu conduisit au statu quo sur le tracé issu de la colonisation.
Condamné à six ans de prison en mars, le journaliste marocain enquêtait sur des expropriations foncières impliquant des proches de Mohammed VI. L’organisation Forbidden Stories, dont l’objet est de mener à bien des investigations inachevées, a poursuivi l’enquête.
L’enregistrement date du 22 décembre 2019. Sur les ondes de Radio M, Ihsane El Kadi, directeur de ce média indépendant algérien, reçoit Omar Radi, un confrère marocain habitué à enquêter sur les liens entre pouvoir et business au Maroc. Celui-ci évoque ses investigations dans le douar Ouled Sbita,au sein de la commune Sidi Bouknadel, proche de Rabat : « [Les habitants] ont été virés de leurs terres agricoles où il y avait une forêt. La forêt [a été] rasée, on a mis à sa place un terrain de golf et on a privatisé la plage (…). On a mis des centaines de villas et de logements de luxe. Nous sommes dans une logique de prédation foncière. » Pour ce journaliste réputé pour son franc-parler, les ennuis commencent…
De retour au Maroc, la police le convoque. Il est placé en détention, au prétexte d’un tweet hostile à un juge. Après une semaine et une campagne massive de soutien, il est libéré à titre provisoire. « J’ai été puni pour l’ensemble de mon œuvre », affirme-t-il alors. Et ce n’est pas fini… En juin 2020, Amnesty International et l’organisation Forbidden Stories révèlent que son téléphone a été infecté par le logiciel espion Pegasus. Plus grave : le 3 mars 2022, il est condamné en appel à six ans de prison pour « atteinte à la sécurité intérieure de l’Etat » avec « financement de l’étranger » et pour « viol » – deux dossiers distincts, pourtant instruits et jugés conjointement.
Dans la première affaire, une ex-collègue du journal Le Desk l’accuse de l’avoir violée, en juillet 2020. Lui conteste les faits, parlant d’une relation consentie. Dans l’autre dossier, il lui est notamment reproché d’avoir rencontré des officiels néerlandais considérés par le parquet comme des « officiers de renseignement ». L’ONG Human Rights Watch s’insurge alors contre sa condamnation. « Les charges pour espionnage étaient irrecevables parce que basées sur rien,estime l’un des cadres de l’organisation pour le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord, Ahmed Benchemsi. Quant à l’accusation de viol, elle aurait mérité un procès juste, autant pour l’accusé que pour la plaignante. » De fait, plusieurs ONG et enquêtes journalistiques dénoncent l’instrumentalisation par le pouvoir marocain de la lutte contre les violences sexuelles à des fins politiques. Omar Radi, qui a déjà passé deux ans en prison, s’est pourvu en cassation.
Le subterfuge d’Addoha
Ses ennuis sont-ils liés à son travail sur les expropriations ? Forbidden stories a poursuivi l’enquête sur le douar Ouled Sbita, ce site de bord de mer où un promoteur immobilier, le groupe Addoha, s’est mis en tête, à l’automne 2006, de développer un projet baptisé « Plage des nations ». Un habitant du village, Mohamed Boudouma, a évoqué sur France 24, en février 2017, les coulisses de l’opération : « Notre tribu a été approchée par des représentants de l’Etat qui voulaient [en] acheter les portions littorales. Des délégués, que nous n’avons pas choisis, ont négocié en notre nom avec le ministère de l’intérieur, lequel est propriétaire de ces terres, selon une loi héritée de l’époque coloniale. Nous n’en avons qu’un droit d’usage. Ces délégués nous ont floués en disant que ces terres le long du littoral seraient vendues au roi. En réalité, elles ont été vendues à la société Addoha. »
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Par Cécile Andrzejewski(Journaliste à Forbidden Stories) et Hicham Mansouri
ONU / Genève. Dursun Aydemir / ANADOLU AGENCY / AFP
Le « Forum marocain pour la démocratie et les droits de l’homme » a interpellé, dans un rapport, Clément Nyaletsossi Voule, rapporteur spécial des Nations unies sur le droit de réunion pacifique et d’association, au sujet des violations des droits de l’homme dans les camps du polisario.
Dans une note sur les graves violations par l’Algérie des droits à la liberté de réunion et d’association, à l’occasion de la programmation d’une visite en Algérie, le forum a adressé un rapport détaillé sur le sujet. Dans ce document d’une dizaine de pages, présenté mardi 13 septembre à Rabat, on apprend que la situation des droits de l’homme en Algérie et à Tindouf dans le sud-ouest, connaît des violations massives et systématiques qui affectent la liberté de réunion et d’association pacifiques où toute manifestation pacifique fait l’objet d’interdiction, de musellement et de traitement inhumains.
Tous ces faits constituent une caractéristique inhérente à la gestion du dossier des droits de l’homme. Le rapport cite plusieurs cas d’arrestations d’opposants et de manifestants et des décès dans les prisons du polisario, sans ouverture d’enquêtes. Le rapport cite aussi l’interdiction du polisario aux réfugiés de s’enregistrer auprès du Haut commissariat aux réfugiés, ce qui les prive d’obtenir des documents d’identification et du droit de circuler librement à l’intérieur de l’Algérie.
Le rapport s’intéresse aussi à la situation en Kabylie, victime depuis des décennies d’une répression brutale, du pillage des ressources naturelles et l’ignorance des revendications de la population pour le développement et du manque d’une reconnaissance officielle de la langue et de la culture berbères.
Dans le même registre, la visite du rapporteur spécial de l’ONU sur la liberté d’association, de réunion et de manifestation, programmée du 12 au 22 septembre en cours, a été reportée à la demande du gouvernement algérien. La visite du rapporteur spécial a été renvoyée plusieurs fois depuis 2020. Un refus déguisé, vu la situation critique pour les droits relevant du mandat des rapporteurs, à savoir les multiples violations des libertés d’association, le gel des activités des partis politiques et les interdictions de plusieurs réunions publiques et des manifestations pacifiques.
La première visite du rapporteur onusien devait avoir lieu en 2011. Mais elle a été reportée à 2013, puis à 2020. En 2021, plusieurs dates ont été fixées pour la venue du représentant onusien. Mais celle-ci a été reportée à chaque fois.
Le souverain marocain prendra part personnellement au sommet de la Ligue arabe, à Alger, les 1er et 2 novembre prochain. Le début d’une nouvelle ère dans les relations entre Rabat et Alger ?
Sa Majesté le Roi Mohammed VI, que Dieu L’assiste, reçoit Wali Bank Al-Maghrib, M. Abdellatif Jouahri
Le roi du Maroc, Mohammed VI, se rendra-t-il à Alger pour assister au sommet de la Ligue arabe, prévu les 1er et 2 novembre prochains ?
Mohammed VI pourrait prendre part au sommet de la Ligue arabe prévu à Alger les 1er et 2 novembre.
C’est le magazine Jeune Afrique qui l’affirme. Dans un article publié ce lundi soir sur son site, JA précise que les autorités marocaines ont informé plusieurs pays du Golfe que Mohammed VI prendrait part personnellement à ce sommet.
Pour l’instant, pas de confirmation officielle des autorités marocaines. Pas de précisions non plus sur les éventuelles conditions posées par Rabat à un déplacement du roi à Alger. Les autorités algériennes n’ont pas fait écho officiellement d’invitation contrairement au roi du Koweït annoncé comme étant invité par Tebboune.
Rien ne filtre sur les pourparlers entre les deux capitales non plus. Mais plusieurs sources avancent que c’est le ministre de la Justice Abderacjod Tabi et non Ramtane Lamamra qui a fait parvenir l’invitation de Tebboune au roi Mohammed VI.
Depuis le 24 août 2021, les relations diplomatiques entre les deux pays sont rompues. La décision de rupture a été prise par l’Algérie, qui a accusé le Maroc « d’actions hostiles » à son égard.
Une guerre de déclarations particulièrement incendiaires émaille depuis deux ans les échanges entre Alger et Rabat. Les autorités algériennes ont même accusé le Maroc d’être derrière les incendies qui ont fait plusieurs dizaines de morts en Kabylie mais aussi de soutenir des organisations de l’opposition.
L’Algérie a arrêté le gazoduc qui passe le Maroc et fermé ses frontières aériennes avec ce pays.
Algerie Maroc: Environ deux mois après la fin des manœuvres du Lion d’Afrique entre les armées américaine et marocaine près de la frontière algérienne, l’Algérie accueille pour la première fois les manœuvres russes du « bouclier du désert » dans une zone militaire adjacente à la frontière avec le Maroc, à la fois alors que la région et le monde connaissent de grandes tensions.
Le ministère russe de la Défense a confirmé dans un communiqué que les manœuvres militaires Desert Shield 2022 auront lieu en Algérie au cours du mois de novembre. Les médias espagnols indiquent que les manœuvres sont un message de défi aux États-Unis et à leurs alliés dans la région.
De nouvelles alliances en lien avec la guerre en Ukraine
Professeur de sciences constitutionnelles à l’université de Tofail au Maroc, Rachid Lazraq, affirme que « dans le contexte des transformations que connaît le monde, l’Algérie tente de se faire une place au sein des grandes alliances » qui se forment.
Lazraq estime que l’Algérie, en accueillant les manœuvres, envoie un message à Washington et au reste des puissances occidentales qu’elle est prête à entamer des négociations et à obtenir des équilibres en se présentant comme une figure importante du Région Afrique du Nord.
Cette annonce renforce la coopération entre la Russie et l’Algérie, qui continue d’apparaître comme le meilleur allié du président russe Poutine en Afrique du Nord.
La première série de ces manœuvres a eu lieu au cours du mois d’octobre 2021 dans la région d’Ossétie du Nord. Cette manœuvre de novembre sera sa deuxième édition.
Cependant, l’analyste algérien, Hakim Boughrara, estime dans une interview à Al-Hurra que « l’adhésion de l’Algérie au Bouclier du désert avec la Russie fait partie d’un contexte de routine pour les manœuvres de l’Armée nationale populaire, et les manœuvres sont dans le contexte de La préparation de Moscou pour la région sud de l’armée russe. »
L’expert algérien en sécurité, Ahmed Mizab, a convenu dans une déclaration à Al-Hurra que les manœuvres « font partie du programme de coordination et de coopération en matière de sécurité entre l’Algérie et la Russie à la lumière des relations stratégiques bilatérales et des défis croissants ».
En réponse au lion d’Afrique
L’annonce des manœuvres « Desert Shield » intervient environ deux mois après la fin des manœuvres du Lion d’Afrique entre l’armée américaine et son homologue marocaine.
« Nous assistons à une escalade de l’extrémisme violent en Afrique de l’Ouest, en particulier dans la région du Sahel », a déclaré à l’AFP le général Stephen, responsable du commandement militaire américain pour la région africaine, en juin, lors de la conclusion des exercices militaires internationaux. « Lion d’Afrique », à Tan-Tan, au sud du Maroc le 30 juin dernier.
Le général américain a ajouté : « Nous assistons également à l’arrivée d’acteurs qui ont des intentions malveillantes dans la région, et je parle spécifiquement des mercenaires russes de Wagner qui sont au Mali. Les pays occidentaux accusent les dirigeants militaires de ce pays d’avoir utilisé les services de cette société militaire privée russe, accusée d’avoir commis des « crimes ».
Pour l’expert en sécurité, Ahmed Mizab, « ces manœuvres ne sont pas une réponse à d’autres manœuvres ou programmes militaires ».
Et l’expert en sécurité de poursuivre, dans son entretien avec le site Al-Hurra : « Étant donné que les dates ont été fixées plus tôt, et que le programme de coopération militaire n’est pas soumis à de tels critères, mais a plutôt des dimensions au niveau stratégique dans le cadre de la capacité- bâtiment et la dimension tactique, qui est la réponse à divers défis.
Mizab estime que « ces manœuvres ont leurs contextes objectifs et ne sont pas liées à des comptes étroits, mais sont basées sur des règles objectives ».
Selon le communiqué du ministère russe de la Défense, les manœuvres auront lieu dans l’État de Béchar, dans des champs de manœuvre à seulement 50 km de la frontière avec le Maroc.
Dans cette région, l’Armée nationale populaire algérienne dispose d’un aéroport et d’une infrastructure dédiée aux manœuvres militaires.
L’analyste algérien, Hakim Bougrara, a exclu que les manœuvres soient dirigées contre le Maroc. Dans son entretien avec Al-Hurra, il souligne que l’Algérie « est un allié de la Russie et un important client des armes russes ».
Selon le communiqué publié par Moscou, environ 200 membres des forces armées des deux pays participeront aux exercices et viseront à renforcer l’interopérabilité des unités en matière de lutte contre le terrorisme.
L’Algérie avait obtenu 100 BMP-3, en plus d’améliorer les avions BMP-1 et BMP-2 aux normes plus récentes, notamment pour les équiper de systèmes de missiles antichar Kornet, un concurrent direct du missile américain Javelin.
L’Algérie a annoncé la rupture des relations diplomatiques avec le Maroc en août dernier, accusant Rabat d’avoir « commis des actes hostiles depuis l’indépendance de l’Algérie » en 1962, ce que le Maroc a démenti.
Les frontières entre le Maroc et l’Algérie ont toujours été un sujet à débat, c’est d’ailleurs le fond de la rivalité entre les deux pays depuis l’Indépendance de l’Algérie. Mais dans l’histoire, le tracé des frontières a été au contraire, un élément de solidarité entre les deux pays. Un expert raconte.
L’histoire du voisinage entre le Maroc et l’Algérie a connu plusieurs rebondissements ces dernières années, mais il fut un temps où les deux pays étaient très proches, notamment lorsque les deux luttaient pour leur indépendance.
S’il y a un élément qui peut expliquer la nature des relations bilatérales maroco-algériennes, c’est la frontière entre les deux pays. Le Professeur Okacha Berahab, historien et ancien professeur à la Faculté de Mohammédia, Université Hassan II, invité des Mardis du entre de recherche Policy Center for the New South (PCNS), raconte comment le Maroc et l’Algérie étaient solidaires et comment les voisins pourraient passer vers la voie de la réconciliation.
Comment peut-on qualifier la signification des frontières entre le Maroc et l’Algérie et quelles en sont les caractéristiques ?
Nous examinons cette question à la lumière de deux phases. La première phase débute à partir du 16e siècle lorsque les Turcs pénètrent en Algérie et que les premiers signes des frontières entre les deux Etats ont commencé à apparaître. Avec la naissance de l’Etat alaouite au cours du 17e siècle, les premiers sultans alaouites se sont engagés auprès des Turcs d’Algérie à ne pas aller au-delà de l’oued Tafna qui se situe à l’ouest d’Oran et s’étend vers le sud jusqu’à l’ouest de Tlemcen. Mais la délimitation des frontières au sud de cet oued est restée floue. La zone du Sahara faisait partie du Maroc en vertu du système d’allégeance et des impôts qui étaient perçus.
Au cours de la deuxième phase – la phase du colonialisme français (1830-1962) – qui a introduit le concept nouveau de frontières basées sur des cartes et sur le modèle européen de l’Etat-nation, le Maroc va devoir faire face à l’expansion française. En effet, le Traité de Lalla Maghnia sur les frontières est intervenu après une défaite militaire en 1844 et a constitué une grande injustice envers le Maroc. Le traité était très ambigu car il déterminait les points de repère dans la zone tellienne, c’est-à-dire de la mer aux environs des oasis de Figuig, alors que la frontière au sud de Figuig est demeurée imprécise, de façon délibérée, pour que la France puisse s’étendre comme elle veut et quand elle veut. Le Traité de 1901 signé à Paris et les deux accords d’Alger signés en 1902 ont ainsi complété la délimitation de la frontière au sud de Figuig, mais incluaient des parties du territoire marocain à l’Algérie, dont, à titre d’exemple, l’oasis du Touat, Béchar, Kenadsa, etc.
Quelles sont les caractéristiques de cette imbrication des relations maroco-algériennes ?
Je ne dirais pas qu’il y a une imbrication, mais plutôt une forme de solidarité qui a commencé depuis l’occupation française de l’Algérie. Cette solidarité s’est manifestée à travers le soutien à l’Emir algérien Abdelkader, aussi bien au niveau populaire qu’au niveau officiel et s’est poursuivie jusqu’en 1844 lorsqu’un différend sur la question de la résistance est apparu entre le Sultan et l’Emir, alors que les tribus marocaines, qui se trouvaient aux frontières, soutenaient l’Emir malgré la pression du Sultan sur elles, mais ont dû finalement se soumettre au Sultan, ce qui a poussé l’Emir à recourir à l’armée française dans l’ouest algérien en 1847 après des affrontements militaires avec le Maroc.
Cette affaire continue d’ailleurs de peser sur les relations entre les deux pays à ce jour. Lorsque le Maroc est devenu occupé à l’instar de l’Algérie (1912-1956), une grande solidarité s’est exprimée de la part des Uléma d’Algérie avec la cause marocaine, notamment avec la révolution de Mohammed Ben Abdelkrim El Khattabi, alors qu’était condamné le Dahir berbère et que la solidarité de l’association des Uléma avec le Maroc était renouvelée à l’occasion de l’exil du Sultan Mohammed Ben Youssef.
Quel est le rôle des régions frontalières dans la cristallisation de la solidarité maroco-algérienne ?
Les manifestations de solidarité se sont poursuivies de 1956 à 1962. Au niveau local, les populations de la région ont accueilli les émigrés expulsés d’Algérie, alors qu’au niveau officiel, les responsables ont fourni les conditions nécessaires à l’installation de l’Armée de libération algérienne tout au long de la zone frontalière, de Saïdia à la région de Figuig, et qui partait de l’est du Maroc pour attaquer l’armée française, puis retournait dans ses bases à proximité des frontières. Par ailleurs, le Maroc défendait la cause algérienne dans les sphères internationales, outre le soutien qui lui était apporté à tous les niveaux. Cependant, après l’indépendance de l’Algérie en 1962, le différend sur la délimitation des frontières allait alimenter le conflit en 1963 entre les deux voisins, sous la forme de ce qu’on a appelé la guerre des sables. Ainsi, ce fut la première rupture entre les deux pays, dont les effets ont été fort durables.
La rencontre d’Ifrane en 1969, puis l’accord de 1972, avaient pour objectif de forger cette solidarité à travers certains programmes et projets productifs communs. Pouvez-vous nous en dire plus ?
Le Traité de fraternité et de bon voisinage signé à Ifrane le 15 janvier 1969 a fixé les règles de base de bon voisinage et de coopération économique. Il a été suivi de la rencontre de Tlemcen le 27 mai 1970 qui a mis l’accent sur la nécessité de mettre en œuvre tous les accords conclus entre les deux pays. La coopération entre eux s’est concrétisée à travers l’accord du 15 juin 1972 signé à Rabat à propos de la délimitation des frontières. A la même date, un accord de coopération a été signé en vue de l’exploitation de la mine de fer de Garat Jbilet près de Tindouf. En examinant ce dernier accord, on y trouve certains aspects que le Maroc n’était pas en mesure de divulguer à l’époque, notamment la reconnaissance que la mine de fer se trouve en territoire algérien et que c’est l’Etat algérien qui a le droit d’extraire le minerai, de le vendre, de le commercialiser et de déterminer la quantité qui peut être exportée.
La deuxième condition figurant dans l’accord consiste à créer une société maroco-algérienne (à égalité entre les deux pays) qui se chargera de la construction d’une voie ferrée pour acheminer le minerai de fer vers les ports marocains sur la côte atlantique en vue de son exportation. Mais cette société ne peut acquérir le fer qu’avec l’autorisation de l’Etat algérien, ce qui sert les intérêts de l’Algérie plus que les intérêts du Maroc. C’est ce qui a poussé le Maroc à refuser de ratifier cet accord et à retarder la ratification de l’accord sur le tracé des frontières jusqu’à la reprise des relations entre les deux pays suite à leur rupture en raison des tensions dues à la question du Sahara récupéré en 1975. L’accord a ensuite été publié au journal officiel le 22 juin 1992. Entretemps, un rapprochement s’était opéré entre les deux pays après la création de l’Union du Maghreb Arabe en 1989, mais ce rapprochement a rapidement commencé à se dissiper à la suite des actes terroristes survenus à Marrakech en 1994, ce qui a amené le Maroc à imposer le visa aux Algériens et l’Algérie à riposter en fermant les frontières terrestres, toujours fermées à ce jour (2022).
En marge de ces évolutions, en 1973, la question de la récupération du Sahara marocain a commencé à être à l’ordre du jour. Le Maroc craignait de voir des projets se mettre en place dans des régions dont la marocanité n’était pas encore établie. Cette crainte ainsi que l’inégalité des intérêts dans les accords conclus ont poussé le Maroc à geler le traité de coopération pour l’exploitation du minerai de fer près de Tindouf et à retarder la ratification de l’accord sur le tracé des frontières. Il existe d’autres questions sur lesquelles la coordination entre les deux pays a fait défaut, ce qui a conduit à des discordes et des tensions, notamment l’absence de coordination dans la lutte contre les activités de contrebande, de trafic de drogues et de terrorisme. Le projet de connexion électrique est en fait le seul projet qui est encore en vigueur entre les deux pays. Son maintien est le résultat d’accords internationaux liant l’Union du Maghreb Arabe et l’Espagne et ne peut être rompu.
Quant aux autres projets, ils étaient voués à l’échec. On peut citer, en l’occurrence, le projet d’installation d’une cimenterie dans la zone frontalière, ainsi que le non-renouvellement de l’accord sur l’acheminement du gaz algérien vers l’Algérie via le territoire marocain (31 octobre 2021). La raison de l’échec de ces projets réside dans l’absence de coordination entre les deux Etats et le manque de confiance entre eux sur fond de la question de la récupération du Sahara.
Quelle approche pour améliorer les relations entre les deux Etats ?
Pour améliorer les relations entre les deux pays, il faut tout d’abord restaurer la confiance entre eux. A cet effet, il faut mettre en œuvre les accords antérieurs qui mettent l’accent sur le bon voisinage et la nécessité de résoudre les problèmes par des voies pacifiques et négociées. Cela passe par la reprise des relations diplomatiques, la coordination dans toutes les questions bilatérales, la mise en place de projets de développement conjoints dans les zones frontalières, tout en œuvrant à la réconciliation de la mémoire collective et à l’unification des programmes scolaires afin d’ancrer l’esprit de solidarité, plutôt que l’hostilité, dans les mentalités des jeunes générations.
De façon générale, il semble que ce soit des calculs politiques qui commandent l’instauration de relations de voisinage normales entre les deux pays. Le fait d’aboutir à un consensus à leur sujet est susceptible de réduire les tensions et les incidents qui se produisent sur les frontières et de réaliser le développement économique le long de la zone frontalière, ce que souhaitent et espèrent les populations des deux côtés de la frontière. Seul un accord à propos du principal point de discorde, à savoir la question du Sahara marocain – est à même de ramener les relations entre les deux pays à leur état normal.
Le régime de Rabat se sert de la question juive selon ses intérêts propres. D. R.
Orient XXI a divulgué des documents qui mettent clairement en cause le régime monarchique marocain dans la persécution des juifs durant la Seconde Guerre mondiale, démentant ainsi les propos lénifiants d’une certaine classe politique française qui loue le rôle joué par Mohamed V dans la protection de cette communauté au moment où la France pétainiste participait aux massacres ordonnés par Hitler.
«Mohamed V a-t-il protégé les juifs du Maroc ?» titre le webzine sur le monde arabe, le monde musulman et le Moyen-Orient dirigé par Alain Gresh. «Après l’établissement, en décembre 2020, des relations diplomatiques entre le Maroc et Israël, le rôle du roi Mohamed V durant la Seconde Guerre mondiale est devenu une arme du soft power et de la diplomatie que le royaume déploie pour légitimer et assoir la normalisation des rapports entre les deux pays, qualifiés d’historiquement à part», explique le média, selon lequel «la vérité est pourtant loin de cette fresque romancée dont l’objectif est de présenter le royaume du sultan Mohamed V comme le seul pays à avoir véritablement épargné à ses juifs la lâcheté vichyste». «La réalité est bien plus complexe», explique-t-on.
Orient XXI indique que trois décrets signés par le grand-père de Mohammed VI portant application des lois promulguées par le maréchal Pétain en 1940 et qui «donnent une définition biologique de la soi-disant race juive». «Le même mois, la loi relative aux ressortissants étrangers de race juive a pour objectif, entre autres, l’organisation de l’internement des juifs étrangers vivant en France», poursuit le magazine en ligne qui fait savoir que «les autorités de Vichy avaient tenu à en assurer l’exécution en Afrique du Nord où existait depuis des siècles, aussi bien au Maroc, en Algérie qu’en Tunisie, une importante communauté juive» dont le nombre au Maroc atteignait 300 000.
Que stipulent les décrets royaux anti-juifs signés par Mohamed V «sans la moindre résistance» ? Le premier interdit explicitement aux juifs marocains l’accès à la fonction publique, y compris à l’enseignement ; le deuxième interdit aux juifs marocains l’exercice d’un grand nombre de professions dans les domaines de la finance, du journalisme, du théâtre et du cinéma, ainsi que les fonctions d’avocat et de médecin tandis que le troisième, qualifié par Orient XXI d’«incontestablement le plus ségrégationniste», ordonne aux juifs marocains de quitter leurs domiciles en ville nouvelle pour réintégrer les mellahs des médinas, populaires et exigus.
«Si une telle décision ne s’apparente pas à une déportation, il s’agit bien d’un déplacement-déclassement social des juifs marocains», écrit Orient XXI qui rappelle que le commissaire général aux questions juives avait débarqué au Maroc «pour s’assurer de la bonne application du statut des juifs» et «fut reçu en grande pompe» par le roi, qui avait donné pleine satisfaction au régime de Vichy après les mesures prises «pour la solution du problème juif». Le mensonge est «fortement relayé» en France, écrit le site qui pointe une «propagande officielle tendant à présenter le grand-père de l’actuel roi comme le sauveur des juifs marocains» et «épaulé par une poignée d’intellectuels, responsables politiques et journalistes proches du palais», au premier rang desquels l’inénarrable Bernard-Henri Lévy qui, dans une chronique publiée dans Le Point en 2016, «fait l’éloge de l’actuel roi du Maroc en le présentant comme le petit-fils du sultan qui, en 1942, fit honte à l’Etat français en se solidarisant avec les juifs du protectorat».
L’énigme demeure, par ailleurs, entière sur l’implication de Mohamed V dans le détournement de l’avion qui transportait les principaux responsables du FLN en 1956. Si le Makhzen s’en lave les mains, de nombreuses sources sont convaincues que le souverain chérifien y est bien pour quelque chose.
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