Le monarque républicain a pris une décision seul, il se retrouve maintenant seul. En son pouvoir souverain et sans partage, le roi avait joué la France en un coup de poker, il l'a fracassée. Il voulait une majorité absolue, il a pulvérisé son parti. Il voulait la stabilité institutionnelle de son pouvoir, il se retrouve face à un risque de désordre encore pire qu'il ne l'était auparavant.
La France est passée à côté du désastre, le parti fasciste n'a pas la majorité absolue tant espérée par lui. Mais je souhaiterais me prononcer avec un recul et une parole extérieurs à la liesse des partisans et électeurs qui se sont mis en barrage pour contrer la peste noire de l'histoire. La porte a été fermée, au loup mais il n'a pas fui, il est encore plus fort et attend son heure. Pourquoi un tel pessimisme, ou une réserve ? Car la joie qui s'exprime n'est en fait qu'un soulagement que le RN n'ait pas obtenu la majorité absolue. Cette joie n'a pas encore laissé place à la raison qui va lui remettre le regard sur la réalité. Regardons les résultats avec un esprit distancié et analysons le comment et le pourquoi un homme seul a tenté une telle folie. Il s'agira beaucoup plus de lui, dans cet article, car c'est l'homme qui dirigera la France pour encore trois ans.
Le Rassemblement National a perdu ?
Je n'ai peut-être pas compris l'arithmétique. Il avait 89 sièges, il en a maintenant 143. Curieuse défaite. Le camp présidentiel comptait 245 sièges, il se retrouve avec 156 sièges. Le Président a porté un coup fatal à ce qu'il restait encore de viable dans le parti qui l'avait porté au pouvoir. Le RN n'attendait que cela, c'est déjà un obstacle qui n'est plus sur son chemin pour la suite.
Quant au grand gagnant de ces élections, Le Nouveau Front Populaire compte désormais 174 sièges. Le NFP, ce n'est pas celui dont les membres s'écharpent, depuis des mois, avec des noms d'oiseaux et qui se sont mis d'accord en quatre jours avec des tas de bisous? Pourtant les longs gourdins cachés derrière leur dos sont visibles à un kilomètre. Un siècle de bagarre dans la gauche, les fameuses « deux gauches irréconciliables », et quatre jours pour une réconciliation, ce n'est pas un mariage précipité ?
Le dernier mariage que la gauche avait célébré datait du début du règne de Mitterrand en 1981. Il avait fini très rapidement par un divorce violent.
Le Président Macron a joué la France par un coup de poker, elle n'a pas été ruinée, a évité la catastrophe mais hypothéqué ses chances dans un avenir incertain.
Un décompte en sièges plus catastrophique que ce qu'il était avant la dissolution, il me faut beaucoup d'imagination pour qualifier le résultat de victoire.
Une déraison incompréhensible
Il n'avait prévenu personne si ce n'est informer la Présidente de l'Assemblée Nationale et le Président du Sénat comme l'impose la constitution. Ils n'avaient aucun pouvoir de bloquer sa décision. De plus il ne les avait avertis que très tardivement, à la vieille de sa décision. Puis la colère de la classe politique comme celle de la population s'était manifestée dès l'annonce d'une dissolution incomprise et dangereuse. Aucun espoir qu'elle ne cesse désormais, juste après la fête.
Emmanuel Macron avait pris acte des résultats catastrophiques des élections européennes. Il avait alors pensé que la nouvelle force du Rassemblement National allait décupler sa capacité de blocage. Mais comment cela se peut-il puisque l'élection européenne n'avait absolument aucun effet sur le nombre de sièges dans l'Assemblée nationale ?
Jupiter redescend de l'Olympe
L'image du dieu mythologique et son règne absolu est assez classique et nous pouvons la reprendre à bon compte. C'est d'ailleurs le Président Emmanuel Macron lui-même qui souhaitait être un « Président jupitérien » dans un entretien en 2016, accordé au magazine Challenges' au moment de sa conquête du pouvoir.
Ses deux prédécesseurs avaient eux aussi été poursuivis par une qualification qui collera à leur image. Nicolas Sarkozy avait été « l'hyper président », celui qui avait théorisé qu'il fallait « créer chaque jour un événement pour que chaque jour nécessite une intervention de la parole présidentielle ». Il était partout, se mêlant de tout et ne laissant aucun espace d'intervention à son gouvernement. C'est pourtant exactement ce que fera Emmanuel Macron.
Quant à François Hollande, il s'est qualifié lui-même de Président « normal » pour se démarquer de l'exubérance de son prédécesseur. Emmanuel Macron, son ministre de l'Economie, avait vécu une normalité du Président qui avait provoqué la fronde de ses partisans et le harcèlement des journalistes qui ont fini par l'étouffer (en amplifiant le rejet populaire à son égard) jusqu'à son abandon d'une nouvelle candidature. C'est la raison pour laquelle Emmanuel Macron avait estimé qu'il fallait éviter les deux écueils et redonner à la fonction la dignité de son rang. Il voulait restaurer l'horizontalité jupitérienne du pouvoir et prendre de la hauteur par rapport aux médias avec lesquels il souhaitait avoir « une saine distance ».
Il voulait se démarquer des deux autres Présidents mais il a créé une déclinaison commune en devenant un « hyper président anormal et rejeté ». Tout cela est démoli, Jupiter redescend de son Olympe.
Le syndrome du premier de la classe
La montée fulgurante d'un homme jeune et sa stupéfiante réussite, en si peu de temps, pour devenir Président de la République avait été jugée comme exceptionnelle. L'homme avait été salué dans son exploit et une route lui était désormais tracée.
Selon ses propres mots, il voulait « gouverner autrement », sortir du tunnel de la « vieille politique » et mettre fin aux blocages des partis politiques qu'il avait connus avec François Hollande face à la crise des « frondeurs » de son propre camp. Il voulait intégrer la France dans le mouvement mondial de la « Start-up nation », redonner à la France sa capacité à s'ouvrir au monde, à créer les conditions de sa modernité et sortir du traditionnel combat historique et stérile entre la gauche et la droite. Il voulait des « premiers de cordée », c'est-à-dire placer au sommet de la pyramide ceux qui ont la capacité de créer, d'innover et d'entraîner un « ruissellement vers le bas », c'est-à-dire au profit des autres. Il avait cru que c'était l'excellence qui gouvernait le monde. Il avait oublié que si cette dernière était indispensable par le dynamisme d'une jeunesse diplômée et la compétence de hauts cadres, il fallait un projet politique qui crée les conditions d'adhésion et d'entrainement d'une société. Il avait cru qu'un pays se gouvernait comme une entreprise.
Ni à droite ni à gauche, nulle part
Pour arriver à cet objectif ambitieux, Emmanuel Macron voulait écarter les corps intermédiaires et créer un centre puissant. Dans toutes ses déclarations, une expression qui va lui coller à la peau « en même temps ». Chaque décision se voulait être ni-ni, ni les vieilles lunes de droite ni celles de gauche. Il avait cru alors avoir trouvé ce territoire central si recherché et jamais réellement découvert, celui qui unit une société. Un fantasme de la politique française qui avait fait dire à François Mitterrand aux journalistes : « le centre est au fond du couloir, à droite ». Puis une autre fois, « curieux que ce centre qui vote à droite ».
Son projet de créer ce centre mythique fut alors d'affaiblir les deux partis de gouvernement qui alternaient au pouvoir depuis 1981, avec l'arrivée de François Mitterrand et de les attirer vers lui. Il avait réussi à débaucher un certain nombre de leurs cadres, séduits par ce jeune homme aux visions d'avenir. En fait, ils souhaitaient surtout quitter deux partis en déclin et prendre leur chance avec un nouveau souffle promis. Ainsi il a détruit les traditionnels partis républicains et de gouvernement. À gauche, le Parti Socialiste et à droite, Les Républicains, qui sont devenus des coquilles presque vides. Il devrait s'en mordre les doigts car ils auraient été ses chances actuelles d'une éventuelle coalition en sa faveur.
À s'acharner à détruire l'existant politique, il n'a créé ni le « ni-ni », ni le « gouverner autrement », ni construire un centre solide. Finalement, il est arrivé nulle part.
Le pouvoir et la solitude du Prince
Goethe affirmait que «la solitude est enfant du pouvoir » et Machiavel que « le pouvoir corrompt, le pouvoir absolu corrompt absolument» (Le Prince, 1513).
Bien entendu, pour Emmanuel Macron on doit écarter la corruption dans le sens de l'appropriation matérielle illégale mais retenir celle de l'esprit. Pour sa défense, on peut également dire que la lourde responsabilité et les décisions quotidiennes importantes pour gérer les affaires de l'Etat nous rapprochent d'une seconde affirmation de Goethe « toute production importante est l'enfant de la solitude ». On doit aussi écarter l'image du pouvoir isolé dans le Palais de l'Elysée. « La république est dans ses meubles » disait Mitterrand lorsqu'il avait reçu des chefs d'Etat, à Versailles. Tous les édifices prestigieux ont été la propriété de la noblesse de sang et d'argent, construits par le fruit du labeur et du talent du peuple. Installer les hommes du pouvoir républicain et leurs administrations dans ces palais est la marque de la magnificence de l'Etat, donc celle du peuple. Cependant, en sens contraire, on peut reprocher à tous les Présidents de la cinquième république d'avoir été envoutés par la puissance qui les isole davantage. Tous les intimes et compagnons qui ont permis au Prince d'accéder au pouvoir ont vécu avec le temps son éloignement progressif et un enfermement dans sa certitude d'être la source de développement et de la protection du pays.
Et maintenant, que peut la solitude ?
Une remarque préalable, cet article est rédigé avant qu'une décision soit prise par Emmanuel Macron. Qu'importe, d'une part il est peu probable que la décision soit prise demain et par ailleurs, cela permet d'analyser toutes les options possibles dans une telle situation. Une seconde dissolution ? La constitution ne le lui permet pas avant un an. La démission ? Emmanuel Macron a déclaré qu'il ne l'envisage pas. Et puis, ce serait donner les clés de la Présidence de la république à Marine le Pen, en considération du mode de scrutin.
Un gouvernement de techniciens ? Il le pourrait, comme ce fut le cas très souvent en Italie, mais ce n'est pas la culture politique française. Certains prétendent que la seule exception fut le Premier ministre Raymond Barre mais ils ont oublié que celui-ci avait des ancrages politiques et une expérience d'élu, maire de longue date de la ville de Lyon, troisième métropole de France. Si l'image du technicien lui était attribuée c'est parce qu'il fut un grand professeur d'économie (le plus grand disait-on à cette époque).
La recherche d'une coalition majoritaire qui lui serait favorable ? À constater l'effort immense pour la gauche de construire le Nouveau Front Populaire alors que les positions politiques de chacune des composantes sont aussi éloignées que les étoiles entre elles. La coalition ne tiendrait pas plus longtemps que les promesses du menteur. J'ai bien peur que la gauche ne s'enthousiasme trop tôt et s'éloigne du chemin de l'unité. Elle est loin d'être atteinte malgré cette soirée de victoire.
La nomination du leader du parti majoritaire ? L'usage le voudrait mais il n'est pas obligé. Il aurait donc le choix entre Bardella et Mélenchon ? Pour une victoire, j'en ai connu des plus stables et durables.
Nommer un Premier ministre en dehors des partis majoritaires ? Dès la première motion de censure, il serait balayé comme une feuille au vent d'automne. Utiliser tous les autres pouvoirs que lui confère la constitution ? Ils sont puissants mais le Président serait alors obligé de refuser tous les textes gouvernementaux ou du Rassemblement National.
Le blocage permanent est-il dans le rôle de la fonction et de l'intérêt de la France pendant une année, avant la prochaine dissolution ? En conclusion, donner les clés à un jeune premier de la classe qui n'avait aucun parcours politique (dans le sens du militantisme), aucun parti politique enraciné dans les territoires et aucun projet autre que celui du rêve chimérique de détruire l'existant, c'était assurément donner un gros jouet à un enfant gâté. Il l'a fracassé.
La Croix-Rouge annonce que 13 otages israéliens et 7 étrangers ont été remis en liberté par le Hamas
De son côté, la branche armée du Hamas, les brigades Al-Qassam, a elle aussi annoncé avoir remis à la Croix-Rouge 13 otages israéliens et 7 étrangers, peu avant minuit, l’heure limite pour respecter l’accord avec Israël.
Les otages sont désormais « en route pour le terminal de Rafah » vers l’Egypte, a communiqué l’armée israélienne. Trente-neuf prisonniers palestiniens, des femmes et des adolescents de moins de 19 ans incarcérés par l’Etat hébreu, devaient être libérés dans la foulée.
Un peu plus tôt, la branche armée du mouvement islamiste avait annoncé retarder la libération d’otages « jusqu’à ce qu’Israël respecte l’accord », lui reprochant en particulier des manquements dans l’acheminement de l’aide humanitaire.
1:36SUR LE TERRAIN
Des dizaines de milliers de manifestants à Tel-Aviv pour réclamer la libération des otages
A Tel-Aviv (Israël), des dizaines de milliers de manifestants sont rassemblés ce soir sur la « place des otages » pour demander leur libération. « Sortez-les de l’enfer », peut-on notamment lire sur une banderole.
Manifestation à Tel-Aviv pour réclamer la libération des otages, le 25 novembre 2023. ALEXANDER ERMOCHENKO / REUTERS
21:15
Trêve humanitaire : appel entre Joe Biden et Tamim ben Hamad al-Thani
L’émir du Qatar, Tamim ben Hamad al-Thani, a reçu un appel du président américain, Joe Biden, pour discuter des « progrès réalisés dans la mise en œuvre de la trêve humanitaire » entre Israël et le Hamas, a déclaré dans un communiqué le bureau du dirigeant qatari.
20:29POUR APPROFONDIR
Au moins 200 camions sont entrés dans Gaza aujourd’hui, le plus grand convoi humanitaire depuis le début de la guerre
Un important convoi d’aide humanitaire est arrivé dans la ville de Gaza, samedi 25 novembre. MAHMUD HAMS / AFP
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Après quarante-neuf jours de bombardements, au moins 200 camions remplis d’eau, de nourriture et de médicaments sont entrés dans Gaza par le point de passage de Rafah, dans le sud de l’enclave palestinienne, vendredi et samedi 24 et 25 novembre, aux premiers jours d’une trêve conclue entre le Hamas et Israël. C’est le plus grand convoi humanitaire autorisé depuis le début de la guerre sur le territoire, dont la moitié des bâtiments ont été détruits, et 1,7 million d’habitants, sur les 2,4 millions qu’il compte, déplacés. Au moins 129 000 litres d’essence ont aussi été distribués pour que des infrastructures comme les hôpitaux puissent s’alimenter en électricité grâce à des générateurs.
Un chiffre résume à lui seul l’ampleur de la crise humanitaire qui sévit à Gaza. Le volume d’eau qui sert à se laver, à cuisiner et à boire est passé à 3 litres par habitant en moyenne, à la fin d’octobre, contre 80 litres avant la guerre, un niveau qui était déjà très éloigné du seuil minimal de 150 litres d’eau recommandé par l’Organisation mondiale de la santé (OMS). A plusieurs reprises, les 9 et 30 octobre, les autorités israéliennes ont coupé toute alimentation en eau du territoire assiégé.
Lire aussi : L’aide humanitaire arrive dans Gaza privée d’eau, de nourriture et de médicaments
Le Hamas et le Qatar confirment qu’une libération d’otages aura lieu samedi soir ; 13 Israéliens et 7 étrangers contre 39 Palestiniens, précise Doha
« Après un délai, les obstacles pour relâcher les prisonniers ont été surmontés à travers des contacts qataris et égyptiens avec les deux camps, et 39 civils palestiniens seront relâchés ce soir, tandis que 13 otages israéliens quitteront Gaza avec 7 étrangers », a déclaré sur X Majed Al-Ansari, porte-parole du ministère des affaires étrangères qatari. « Parmi les personnes libérées des prisons israéliennes figureront 33 [mineurs] et 6 femmes, tandis que parmi celles libérées de Gaza se trouveront 8 [mineurs] et 5 femmes, en plus de 7 étrangers », a-t-il précisé.
Dans un communiqué, le Hamas dit avoir « répondu positivement aux efforts égyptiens et qataris, qui ont duré toute la journée ». Il a précisé avoir obtenu d’Israël un « engagement », en particulier au sujet de l’acheminement d’aide humanitaire dans le nord de la bande de Gaza et de la libération de prisonniers palestiniens incarcérés de longue date.
19:34
Le Croissant-Rouge a acheminé une aide humanitaire dans la ville de Gaza et dans le gouvernorat du Nord
Il s’agit du convoi d’aide « le plus important acheminé à Gaza » depuis le 7 octobre, a avancé l’organisation humanitaire palestinienne samedi midi. Soixante et un camions étaient chargés « de produits alimentaires et non alimentaires, d’eau, de médicaments et de fournitures médicales d’urgence » en provenance du terminal de Rafah, en Egypte, et des entrepôts du Croissant-Rouge situés dans le sud de l’enclave.
« Un responsable égyptien a déclaré que 340 camions d’aide étaient entrés dans le point de passage du côté égyptien, mais qu’ils n’avaient pas encore atteint le côté de Gaza, car ils doivent être inspectés par Israël au préalable », a rapporté le média CNN en début de soirée. Un porte-parole du poste-frontière de Rafah a, par ailleurs, fait savoir à CNN que « 133 camions étaient entrés dans la bande de Gaza jusqu’à présent », rapporte le média américain.
Les Brigades Ezzedine Al-Qassam ont dit en début de soirée reporter la libération des otages jusqu’à ce qu’Israël s’engage à autoriser « l’entrée de camions d’aide humanitaire dans le nord de la bande de Gaza » et respecte les « critères de sélection » convenus pour la libération des prisonniers palestiniens.
18:53SUR LE TERRAIN
Sur la place des musées, aujourd’hui surnommée « place des otages », à Tel-Aviv, la longue attente de la libération des otages, samedi 25 novembre
14:44SUR LE TERRAIN
Le prisonnier palestinien Qusai Taqatqa, libéré, étreint sa mère près de sa maison, près de Bethléem, en Cisjordanie occupée par Israël, le 25 novembre 2023. Il est l’un des prisonniers faisant l’objet d’échanges d’otages et de prisonniers entre le Hamas et Israël. MUSSA ISSA QAWASMA / REUTERS
Le documentaire de Roland Nurier Yallah Gaza est dans les salles françaises depuis le 8 novembre 2023. Sa sortie a été accompagnée d’annulations de projections, y compris à l’Assemblée nationale, et d’appels à la censure. S’y mêlent analyses et témoignages, entre la France et Gaza, pour un film engagé qui s’assume comme tel.
Une question vient à l’esprit, lancinante, tout au long des 100 minutes que dure Yallah Gaza, le documentaire de Roland Nurier tourné en 2022 dans l’enclave palestinienne : combien, parmi les Gazaoui·es filmé·es et interviewé·es dans ce film, sont encore vivants ? Comment vivent-ils, ou survivent-ils, dans cette tourmente sanglante qui emporte leurs existences depuis le 7 octobre et les attaques meurtrières du Hamas en Israël ? Combien sont morts dans les bombardements israéliens ? Quel futur pour ces enfants qui participent à des thérapies de groupe qui leur rendent le sourire, si tant est que cette nouvelle guerre, plus violente encore que celles qu’ils ont déjà subies, les épargne ?
Là n’est pas la moindre qualité de ce film foisonnant et engagé : donner vie aux habitants de la bande de Gaza. Une autre vie que celle, tronquée, montrée habituellement sur nos écrans, faite de bombardements, de poussière, de cris et de sang. Tout est là, bien sûr, dans les images d’archives, dans celles des bâtiments aplatis par les missiles et pas encore dégagés, dans les paroles et dans les corps meurtris. Mais ce que saisissent et portent Roland Nurier et l’équipe palestinienne qui a filmé à Gaza — le réalisateur n’ayant pas eu l’autorisation de s’y rendre lui-même — c’est la résilience de cette population, la détermination des adultes, l’exubérance des adolescent·es et des enfants. Et sans qu’il ne soit prononcé dans le film, c’est bien le mot soumoud qui vient à l’esprit, cet
te persévérance mêlée de détermination qui est érigée en valeur culturelle par les Palestiniens.
Yallah Gaza (Bande Annonce Officielle) - YouTube
RÉFUGIÉ, PLUS QU’UN MOT
Yallah Gaza veut aussi faire œuvre de pédagogie, et tout embrasser de ce petit territoire finalement si méconnu dans nos pays européens. Les deux historiens Jean-Pierre Filiu et Ghassan Wishah, le premier vivant en France et le deuxième à Gaza, rappellent que Gaza était un territoire du Croissant fertile, débouché sur la mer pour les caravanes et riche aussi de ses vergers d’agrumes et de palmiers, avant de se faire emporter par les soubresauts du XXe siècle. De la montée en puissance du sionisme à la création de l’État d’Israël en 1948, puis de l’occupation aux guerres menées par Israël contre l’enclave, comme une litanie, et à son enserrement par le blocus, jusqu’à l’étouffement.
Qui a mis une fois le pied à Gaza sait à quel point, plus encore qu’en Cisjordanie, le mot « réfugié » est plus qu’un mot, justement. A la fois une communauté de destin, un statut, une mémoire collective et familiale, et un moteur de mobilisation. Là encore, Yallah Gaza a le mérite de mettre cette réalité en exergue, par petites touches : la clé de la maison, les noms de localités disparues, par l’intervention d’un ancien directeur de l’Office de secours et de travaux des Nations unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient (UNRWA), et par cet épisode terrible que fut la Grande Marche du retour. Pendant des mois, du 30 mars — date, depuis 1976, de la Journée de la terre1 — au 10 août 2018, des centaines de Gazaouis ont manifesté chaque vendredi aux abords de la clôture qui enserre l’enclave. Le journaliste Sylvain Cypel, membre de la rédaction d’Orient XXI, qui intervient à plusieurs reprises dans le documentaire, décrit les snipers israéliens se livrant à un véritable « tir au lapin », qui fait au moins 195 morts dont 41 enfants et laisse des dizaines de jeunes amputés d’une jambe. Jeunes que la caméra saisit, des semaines après leur opération, en train de plonger dans la mer, de jouer au football, de réaliser des figures acrobatiques. Yallah Gaza fait le choix de montrer la résilience plutôt que la souffrance.
UNE ÉTRANGE RÉSONANCE AVEC L’ACTUALITÉ
Cette résilience est grave, comme celle d’Amira Al-Querem, grièvement blessée pendant la guerre de 2009, première Palestinienne à porter plainte devant la Cour pénale internationale (CPI). Elle avait alors 16 ans. Elle est plus joyeuse chez ces jeunes filles et garçons qui dansent la dabkeh, la danse traditionnelle palestinienne, au milieu des bâtiments en ruine, comme un défi à la mort et au désespoir, et que le montage du documentaire fait revenir à intervalles réguliers.
Il est des moments du documentaire qui résonnent étrangement aujourd’hui. Ainsi les interventions de Bassem Naim, responsable du Hamas chargé des relations internationales, qui égrène les difficultés économiques et environnementales du petit territoire et de sa population. Ainsi le décryptage du discours israélien sur la bande de Gaza fait par Eléonore Bronstein, chercheuse franco-israélienne et fondatrice de De-colonizer, et Ronnie Barkan, militant israélien de défense des droits des Palestiniens : le gouvernement de Tel Aviv a longtemps utilisé la bande de Gaza comme figue ultime de la menace pour justifier sa politique de blocus et de bombardements. Le Hamas, à propos duquel la chercheuse française Leila Seurat donne des clés de compréhension, se sera de fait révélé comme une menace majeure pour Israël, le 7 octobre dernier.
Et l’on ne peut s’empêcher de se dire qu’il n’y aura pas de fraises à Gaza au printemps prochain, et qu’il faudra beaucoup de résilience et de persévérance pour refaire pousser des légumes et des fruits sur cette bande de terre martyrisée.
Photo : attaque israélienne dans un quartier de Gaza à 5h45 du matin le vendredi 24 novembre 2023. Crédit : Motaz Azaiza.
L’Association France Palestine Solidarité espère que l’accord passé entre le gouvernement israélien et le Hamas, dont la mise en œuvre doit commencer ce 24 novembre, va se réaliser pleinement.
Des dizaines de femmes et d’enfants israéliens otages des groupes armés palestiniens devraient pouvoir rentrer chez eux et des dizaines de femmes et de jeunes palestiniens emprisonnés par Israël également. Ce sont des vies qui vont pouvoir commencer à se reconstruire auprès de leurs familles, et c’est évidemment positif.
Ces libérations sont une lueur d’espoir, mais ne soyons pas dupes, ce qui reste vital pour la population de Gaza, c’est l’urgence d’un cessez-le-feu total et permanent associé à la libération de tous les otages israéliens et de tous les prisonniers palestiniens.
Qu’un moment de répit soit enfin accordé aux centaines de milliers de personnes qui, à Gaza, se trouvent affamées, sans eau, sans médicament, dans une détresse absolue était une question de survie. Mais il faut que la levée du blocus soit complète et sans restriction, que les secours, l’eau, l’essence, la nourriture, les médicaments, puissent entrer de toute urgence par plusieurs voies d’accès, au nord comme au sud de la Bande de Gaza.
Les dernières informations publiées montrent qu’on en est encore loin et jusqu’au dernier moment avant l’heure fixée pour la trêve, Israël a continué de bombarder massivement la bande de Gaza, ajoutant des dizaines de victimes aux 14.000 déjà recensés.
C’est pourquoi l’Association France Palestine Solidarité continue d’exiger du gouvernement français qu’il fasse pression sur Israël pour que cette trêve se transforme en cessez-le-feu permanent.
L’arrêt de l’agression d’Israël contre le peuple palestinien doit aussi concerner la Cisjordanie, soumise de manière toujours plus importante et brutale à la violence conjuguée des colons et de l’armée d’occupation.
La liste des 300 noms de prisonniers politiques libérables est un début certes positif, mais elle est bien peu de chose au regard des 3000 arrestations dont 200 mineurs depuis le 7 octobre en Cisjordanie ; sans compter les milliers de travailleurs palestiniens de Gaza qui ont été arrêtés, maltraités, humiliés, torturés pour certains et maintenant les rafles dans la Bande de Gaza : des médecins et soignants arrêtés, des milliers de Palestiniens aux mains de l’occupation dans une zone de non-droit total ! Cette vague massive d’arrestations des Palestiniens doit cesser !
La volonté proclamée par le gouvernement israélien "d’éradiquer" le Hamas, alors qu’il en a favorisé le développement, ne mènera qu’à toujours plus de malheurs pour les peuples palestinien et israélien. Le véritable objectif de la guerre atroce menée par Israël contre le peuple palestinien reste le nettoyage ethnique et la dépossession de sa terre : c’est le but à peine masqué de la destruction en cours de la Bande de Gaza ; c’est aussi l’objectif qui est visé par le vol méthodique de la terre et le déplacement forcé d’un maximum de communautés en Cisjordanie. C’est cette entreprise criminelle qu’il faut stopper.
La mobilisation internationale pour un cessez-le-feu immédiat commence à porter ses fruits. Amplifions-la pour que la trêve devienne un véritable cessez-le-feu, total et durable, accompagné de la libération de toutes les personnes emprisonnées de part et d’autre.
L’accord très partiel dont la mise en œuvre commence ce 24 novembre montre que cette voie est possible. Il n’y a pas de solution militaire. Seule une solution politique passant par la reconnaissance du droit à l’autodétermination du peuple palestinien permettra d’assurer la sécurité de tous sur cette terre.
Le Bureau National de
l’AFPS, 24 novembre 2023
SOURCE : Une trêve bienvenue, mais l’urgence demeure d’un cessez-le-feu total et permanent -
Association France Palestine Solidarité (france-palestine.org)
Par micheldandelot1 dans Accueil le 25 Novembre 2023 à 06:28
Plus de 2 000 Palestiniens sont enfermés dans les prisons israéliennes sous ce régime de détention arbitraire, qui permet à l’État hébreu d’emprisonner sans inculpation ni procès. Un chiffre en forte hausse depuis les attaques du 7 octobre. Certains de ces prisonniers devraient faire partie de l’échange avec les otages israéliens.
irBir Zeit, Deir Ghassaneh, Jérusalem-Est et Ramallah (Cisjordanie occupée).– « Mon père est communiste, mais le tribunal l’a accusé d’être un militant du Hamas ! » Omar Assaffi, 73 ans, ancien militant du Front démocratique pour la libération de la Palestine, mouvement classé à l’extrême gauche, a été arrêté par l’armée israélienne à son domicile le 24 octobre, à 4 h 30 du matin.
C’est sa fille, Lama Assaffi, la quarantaine, qui raconte. Elle vit dans le même immeuble que ses parents à Ramallah, et a tout vu et entendu. « J’ai été réveillée par des cris. Les soldats ont défoncé la porte d’entrée, ont isolé ma mère dans une chambre. Puis ils ont menotté mon père, lui ont bandé les yeux et l’ont emmené, dit à Mediapart cette conseillère académique à l’université de Bir Zeit. Il a été condamné à six mois de prison sous le régime de la détention administrative. »
La détention administrative, massivement utilisée par l’État hébreu depuis plusieurs décennies, permet aux autorités israéliennes de détenir des prisonniers palestiniens sans inculpation ni procès, dans l’arbitraire le plus total. Elles peuvent prononcer à l’égard des Palestiniennes et Palestiniens considérés comme « détenus relevant de la sécurité nationale » une peine de prison allant jusqu’à six mois et, surtout, renouvelable indéfiniment : il suffit qu’Israël estime que la personne concernée « envisage d’enfreindre la loi à l’avenir », explique l’ONG B’Tselem sur son site internet. Les personnes ainsi détenues ne savent ainsi pas pour quels faits exactement elles ont été arrêtées.
Dans le cadre de l’accord entre Israël et le Hamas, entré en vigueur jeudi matin, 150 prisonniers et prisonnières, mineurs et femmes, devraient être libéré·es, dont certain·es sont actuellement en détention administrative.
Depuis le 7 octobre et le début de la guerre, le nombre de ces prisonniers est en forte hausse. Selon l’association palestinienne de soutien aux prisonniers et de défense des droits humains Addameer, 2 070 personnes sont aujourd’hui emprisonnées sous ce régime, soit près d’un tiers du nombre total de prisonniers politiques qui s’élèverait à plus 7 000. Ils et elles étaient 1 319 avant le 7 octobre, selon un rapport d’Amnesty International. Plus largement, selon la commission chargée des prisonniers de l’Autorité palestinienne, le nombre d’arrestations, tous régimes de détention confondus, s’élève à 3 130 depuis le 7 octobre.
L’ONG estime que la détention administrative est utilisée « systématiquement » comme « moyen de persécuter les Palestiniens et Palestiniennes ». 40 % des hommes palestiniens connaissent la prison israélienne à un moment ou un autre de leur vie. La grande majorité pour des activités ou des liens avec des partis politiques ou des associations militantes.
Les « pouvoirs presque illimités » du ministère de la sécurité israélien
C’est la neuvième fois qu’Omar Assaffi est arrêté par les forces israéliennes, dont six sous le régime de la détention administrative. De la fin des années 1980 à son avant-dernière arrestation en 1995, la vie de ce militant et celle de sa famille ont été rythmées par cette forme de détention arbitraire. « Je revis tous les traumatismes de mon enfance, raconte Lama. Quand j’étais enfant, j’attendais avec impatience la libération de mon père. Mais à quatre reprises, sa détention administrative a été renouvelée. Et à chaque fois, j’avais le cœur brisé. »
Lama se rappelle les tristes fêtes de fin d’année scolaire sans son père et les journées harassantes de voyage en bus pour rejoindre la prison centrale de Hébron. Aujourd’hui, Omar Assaffi est à la prison d’Ofer, en périphérie de Jérusalem-Est. Mais Lama n’est plus autorisée à lui rendre visite.
Un « état d’urgence dans les prisons » a été renouvelé le 31 octobre par les autorités israéliennes pour une durée d’un mois. Selon Amnesty International, il donne des « pouvoirs presque illimités » au ministère de la sécurité nationale israélien lui permettant, entre autres, « de priver de visites de leur famille et de leurs avocat·es les détenu·es condamnés, de maintenir les détenu·es dans des cellules surpeuplées, de les priver d’exercice extérieur et d’imposer des sanctions collectives cruelles comme des coupures d’eau et d’électricité », ouvrant la voie à des traitements « inhumains ». Ce ministère est actuellement dirigé par Itamar Ben Gvir, membre du parti d’extrême droite Force juive.
« J’ai entendu beaucoup de choses sur la torture et la violence en prison, ça m’a beaucoup inquiétée,souffle Lama. Mon père est malade, il a des problèmes cardiaques, il doit prendre sept médicaments par jour pour que son cœur fonctionne. » Selon le président de la commission chargée des prisonniers au sein de l’Autorité palestinienne, interrogé par l’agence Reuters, quatre prisonniers palestiniens sont décédés dans les prisons israéliennes ces dernières semaines. Au moins deux d’entre eux étaient en détention administrative, selon la chaîne Al Jazeera.
Pendant 17 jours, Lama et sa famille n’ont eu aucune nouvelle d’Omar. Jusqu’à ce que son avocat obtienne enfin un droit de visite. « Mon père a confié à l’avocat qu’on ne lui donne pas les bons médicaments et qu’il a des douleurs intenses à la poitrine,s’étouffe Lama dans un sanglot. Je le connais bien, je sais que s’il le dit, c’est que c’est grave. »
Omar Assaffi a pourtant coupé les ponts avec le Front démocratique pour la libération de la Palestine en 2006. « Il est resté impliqué dans la vie politique, il a fait partie notamment du syndicat des professeurs quand il enseignait à l’université,raconte Lama. Depuis le 7 octobre, il manifestait contre la guerre, contre l’Autorité palestinienne qui condamne la résistance [du Hamas – ndlr]. Il a aussi participé à des rassemblements en marge des visites de certains chefs d’État. Il a été arrêté juste avant la venue d’Emmanuel Macron. »
« La détention administrative, c’est inhumain,lâche Lama. Mon père me manque. J’ai toujours été très proche de lui. C’est une personne si gentille. Il m’appelait toujours pour savoir quels fruits m’apporter du marché, il allait chercher ses petits-enfants à l’école quand je ne pouvais pas, il m’aidait à payer les frais de scolarité. Et tous les matins, il m’appelait pour m’inviter à prendre le thé. Je n’ai pas bu de thé depuis son arrestation. Je l’attends. »
La détention administrative, de père en fils
Fadia Barghouti vit dans le village de Deir Ghassaneh, au nord de Ramallah. Son mari, Mahmoud Barghouti, 57 ans, a été arrêté en septembre 2022. Il a alors été condamné à six mois de détention administrative. Une condamnation renouvelée deux fois depuis. « Normalement, il aurait dû sortir en janvier 2024, explique Fadia Barghouti. Mais si la guerre continue, il ne sera pas libéré. »
Mahmoud Barghouti est un militant politique du Hamas. Fadia Barghouti se souvient encore de la date exacte de la première détention administrative de son mari : « C’était le 14 décembre 1993, pendant notre première année de mariage. Il a été arrêté avec d’autres membres du Hamas le jour du lancement officiel du parti. J’étais enceinte de ma première fille. »
Mahmoud Barghouti est libéré en avril 1994, après quatre mois de détention administrative. Les arrestations s’enchaînent : « En 1997, il nous a quittés pour trois ans alors que mes premiers enfants, Haneen et Amar, n’avaient qu’un et trois ans. Quand Bassel est né, il a été arrêté. Quand Bilal est né aussi. Yaffa, le fils de Haneen, notre petit-fils, a 13 mois aujourd’hui et Mahmoud ne le connaît pas. À tous les âges, de l’enfance à l’âge adulte, mes enfants ont vu leur père être arrêté. »
Fadia Barghouti, ancienne professeure d’anglais de 50 ans, l’assure : son mari est un simple militant politique. Il n’a jamais été condamné pour des actions violentes, et n’a jamais fait partie de la branche armée du Hamas. « Mahmoud est comptable, il travaille pour l’Autorité palestinienne à Ramallah. Il se rendait au bureau tous les jours, comme n’importe quel employé,raconte-t-elle. Il a été élu, une fois, en 2004, au conseil municipal de notre village. Ici, les gens le connaissent pour ça et pour ses nombreuses arrestations, mais c’est tout. »
Le 23 octobre, Bassel, 22 ans, l’avant-dernier de la fratrie Bargh ti, a été lui aussi arrêté par l’armée israélienne. « À l’époque, les soldats frappaient à la porte, attendaient au moins que les femmes aient le temps de se couvrir. Cette fois, on a seulement entendu leurs cris et le bruit du verre de la porte qui se brise,se rappelle Fadia. Quand Bassel est descendu, ils l’ont attrapé, l’ont frappé et mis au sol. Ensuite, ils ont retourné chaque pièce de la maison, ils ont tout détruit. J’ai mis une semaine à tout remettre en place. »
Sur un mur du salon, au rez-de-chaussée de la grande maison, un poster grandeur nature de Mahmoud Barghouti. « Un soldat a décroché violemment le poster, l’a piétiné et m’a dit : “Ton mari est mort. Le Hamas est mort.” » Selon sa mère, Bassel est alors menotté, ses yeux bandés. Puis il est escorté à l’extérieur.
Quelques heures plus tard, Fadia tombe sur une photo de son fils assis sur un lit dans une maison qu’elle ne reconnaît pas, accompagné d’autres hommes arrêtés le même jour dans la région. Selon elle, cette photo a été publiée sur Facebook par le capitaine de l’armée présent lors de l’arrestation de son fils. Deux jours avant notre rencontre, Fadia a appris que son fils avait écopé de six mois de détention administrative.
Bassel Barghouti étudie l’ingénierie informatique à l’université de Bir Zeit. « C’est un étudiant tranquille, dit sa mère. Il est proche du Rassemblement islamique, un syndicat d’étudiants à l’université, qu’Israël considère comme la branche étudiante du Hamas. Ce syndicat a gagné les dernières élections étudiantes, certes. Mais Bassel n’était pas candidat et n’a pas été élu. »
Fadia, elle, a été candidate aux élections législatives de 2021 annulées trois semaines avant le scrutin et reportées sine die par l’Autorité palestinienne. Elle faisait campagne sur la liste affiliée au Hamas. C’était sa première expérience en politique. D’où son discours acéré : « Ça fait plus de 75 ans que personne ne nous écoute, nous, Palestiniens. Personne n’a pensé qu’il fallait régler ce problème, personne n’a pensé à prendre en compte le fait que nous étions torturés, humiliés, tués. Personne. La seule chose qui a changé la donne, c’est le 7 octobre. »
En tant qu’avocat, on ne peut rien faire face à la détention administrative.
Fadi Qawasmeh, avocat palestinien
Il fait nuit noire aux abords de la prison d’Ofer quand Fadi Qawasmeh sort du tribunal qui se trouve dans le complexe militaire qui entoure cette prison connue pour abriter les prisonniers en attente d’un jugement sur leur détention administrative. Pendant neuf heures d’affilée, cet avocat d’une cinquantaine d’années a défendu des Palestiniens arrêtés depuis le 7 octobre. « J’ai tellement de clients que j’en oublie leur nom. Ça ne m’est jamais arrivé, d’habitude je connais mes dossiers par cœur,raconte-t-il. Leurs familles m’appellent, me demandent des nouvelles, et je ne sais même pas de qui on me parle. »
Depuis quelques années, Fadi Qawasmeh ne prenait plus de nouveaux dossiers de détention administrative. Mais face au nombre d’arrestations, qui explose depuis le 7 octobre, il n’a pas eu d’autre choix que de s’y remettre.
« Le choc que les Israéliens ont subi est tel que la façon dont ils nous traitent, nous, les avocats, ainsi que les prisonniers, est totalement inédite,explique-t-il. Les relations entre avocats, procureurs et juges sont très tendues. C’est beaucoup plus difficile qu’avant, les dossiers sont plus complexes, les juges sont plus durs. Notre capacité à réellement aider nos clients a énormément baissé. »
Sans inculpation ni réel procès, le rôle des avocats des prisonniers sous détention administrative est très minime. « En termes de procédure, en tant qu’avocat, on ne peut rien faire puisque toute l’inculpation est basée sur des informations classées secrètes auxquelles nous n’avons pas accès,raconte Fadi Qawasmeh. Je me suis rappelé pourquoi j’avais arrêté les dossiers de détention administrative : parce que cette frustration m’épuise. »
Les clients de Fadi Qawasmeh sont majoritairement des personnes qui ont, dans leur passé plus ou moins récent, eu des liens avec le Hamas. Pour l’avocat, cette utilisation massive de la détention administrative s’explique simplement : « C’est une punition collective pour ce qui s’est passé le 7 octobre. Pour les forces de sécurité israéliennes, si tu as été de près ou de loin lié au Hamas, tu représentes un danger, même si tu n’as rien fait depuis des années. »
Dans un moment de tension extrême, où les familles sont bannies des parloirs, les avocats, même s’ils sont eux aussi tenus à distance des prisonniers, peuvent obtenir des droits de visite. « Je ne fais pas ça parce que je crois que mon talent d’avocat fera la différence, confie l’avocat. Je le fais pour que les prisonniers aient un contact avec l’extérieur, pour leur passer des messages de leurs familles, je le fais pour l’humain. »
À Deir Ghassaneh, Fadia Barghouti n’a aucune nouvelle de son fils depuis son arrestation. Mais elle a appris récemment que son mari avait été transféré dans une autre prison, à six heures de route de chez elle. « Je n’ai aucun espoir,souffle-t-elle. Mon mari et mon fils sont en prison parce qu’Israël a décidé de punir tous les Palestiniens sans exception. Depuis l’arrestation de mon fils, je dors avec un sac de vêtements de rechange à côté de mon lit, au cas où ils viennent me chercher aussi. »
Dimanche 5 Novembre sur un plateau de télévision, le General Michel Yakovlev déclare que ce que fait Israël à Ghaza est «un désastre moral». C'est un général quatre étoiles, atlantiste, qui a participé pratiquement à toutes les interventions de l'OTAN, Irak, Yougoslavie etc...., Il sait donc , de quoi il parle. Ses propos sont d'autant plus remarquables qu'il révèle, en même temps, qu'il est sioniste à la stupéfaction générale.
Sa déclaration sème l'émoi sur les chaines françaises au moment où elles sont pleinement engagées dans le soutien ou la justification des bombardements de Ghaza. Il dit que c'est un massacre que rien ne justifie, même pas l'efficacité et qu'il ira inévitablement à l'échec. Mais si on considère ce qui est dit à ce propos sur les médias, il aurait dû aussi parler de désastre intellectuel, d'un désastre de la raison.
Qu'on en juge. Voici quelques propos qu'on pouvait noter sur une chaine de télévision (LCI) au fil des jours de ce conflit. Ils sont stupéfiants!
5 novembre .19h- Cohn Bendit, «leader du mouvement étudiant de mai 1968, et aujourd'hui figure en vue du système médiatico-politique français. Sur les bombardements de Ghaza, il pose la question «comment faire autrement». On pourrait lui dire «Tout simplement faire la paix, négocier évidemment. Il n'y songe même pas. Il faut liquider « Hamas», répète-t-il «autrement ça va recommencer». «Dites- moi s'il y a une autre solution» s'exclame-t-il. C'est le même langage depuis 75 ans. C'est ce qu'ils disaient de l'OLP. D'abord liquider toute force palestinienne résolue, La paix, mais la paix israélienne avec des partenaires soumis.. En fait ils ne voient pas d'autre solution que de massacrer les palestiniens. Ce même jour cinq bombes d'une tonne ont été larguées sur un quartier. Le cratère est énorme, volcanique. L'argument d'Israël est qu'ils visaient .un (UN vous avez bien entendu) responsable de Hamas Ils appellent cela des «dégâts collatéraux». Monstrueux. Des dégâts collatéraux qui deviennent la règle, l'essentiel, cela s'appelle un massacre. Et cela veut dire donc que c'est la cible, la vraie, c'est le peuple de Ghaza. Pour qu'il meure ou pour qu'il parte? Il suffit de voir les bombardements de Ghaza, pour comprendre comment s'est faite la Nakba, l'exode des palestiniens en 1948 et de nombreuses autres fois après.
«Une différence de nature»
5 novembre 21h30- Raphael Enthoven, philosophe très parisien. Toujours le même argument «Israël n'a pas d'autre option que de bombarder Ghaza, bien sûr que je suis contre les bombardements, mais est-il possible de faire autrement ? A-t-on vu un philosophe aussi guerrier ? Il reprend lui aussi, comme s'ils avaient tous un guide de conversation, l'argument que «Hamas est une organisation terroriste et qu'elle prend en otage le peuple palestinien. Ce ne sont donc pas les bombes israéliennes qui tuent les palestiniens, c'est Hamas. Ce n'est pas Israël qui a fait de Ghaza une prison à ciel ouvert depuis 20 ans, c'est Hamas. Déni total et inversion du réel. Et là, la meilleure , lui le philosophe, supposé rationnel dit :»on ne peut comparer des terroristes qui tuent des juifs au hasard d'une rue d'Israël avec des victimes collatérales d'une opération militaire comme cela se fait à Ghaza». Ah, bon, les bombes ( et les balles désormais aux portes des hôpitaux) ne tuent pas les palestiniens au «hasard d'une rue». Aura-t-il plus tard honte d'un tel argument ?
Et il précise que «s'il arrive (« s'il arrive, c'est donc qu'il n'y en a pas, NDLR) qu'Israël commette des crimes de guerre, ils seront à coup sûr certainement, documentés par la seule démocratie de la région, c'est-à-dire Israël».. Circulez, il n'y a rien à voir ! Ils sont devenus fous ! Le déni est total. Un monde virtuel, idéologique, est substitué au monde réel. Les sophismes en deviennent comiques. Il nous explique ensuite que «toute les différences sont donc entre les victimes et les gens qui tuent».
Il consent à ce qu'il y ait «des problèmes en Israël ( le gouvernement Netyahu, les colons etc..) mais précise-t-il, « la différence est incommensurable, entre ce qui se passe en Israël, avec les comportements de Hamas». C'est un «différence de nature». Retenez bien cette expression, elle sera reprise souvent.
6 Novembre 19h. Pascal Bruckner, philosophe, romancier, membre du jury du prix Goncourt. il est très proche d'un intellectuel français juif connu, un autre philosophe, Alain Finkielkrault, qui avait développé la thèse que dans le conflit israélo-palestinien, «c'était la dictature des victimes», c'est-à-dire celle des palestiniens. Dans la même veine idéologique, Pascal Bruckner nous apprend que «Hamas se sert de sa population pour protéger ses militants, ses armes , tandis qu'Israël se sert des armes pour protéger sa population», ((et massacrer la population des autres, pourrait-on ajouter).. et il dit, lui aussi, comme s'ils s'étaient tous donner le mot, « je ne vois pas comment Tsahal peut s'arrêter aujourd'hui», puis poursuit: c'est une guerre sale comme toutes les guerres La stratégie de Hamas est intelligente , il joue sur la pitié et nous comme nous sommes citoyens de pays démocratiques nous sommes plus touchés à la vue des enfants». Il faut que chacun, chaque homme sensé s'arrête un instant pour méditer ces paroles stupéfiants, terribles. Les autres n'ont donc pas d'enfants, n'ont pas de peine pour les enfants? Voilà, dans sa nudité, l'idéologie des intellectuels qui supportent les massacres d'Israël. Une pensée raciste assumée comme on ne l'a jamais eu avant ce conflit. On est ici devant un chef d'œuvre de la pensée sioniste.
Israël, «une armée humanitaire»
8 Novembre Anne Sinclair, journaliste vedette dans le passé, connue pour avoir dirigé la célébre émission des années 90, «sept sur sept». Le discours est pratiquement le même que les précédents. Elle, qui avait refusé naguère d'inviter le front national à sa fameuse émission, justifie aujourd'hui, comme la plupart des autres «supporters d'Israël» sa présence à la manifestation contre l'antisémitisme. Elle se veut pleine d'humour -:»En amour, il y a des preuves d'amour»' et précisément maintenant le rassemblement national adore les juifs», et soudain sérieuse: «ils y ont mis du temps, mais ils y sont arrivés et tout le monde devrait pouvoir manifester contre l'antisémitisme» .A la question s'il n'y pas deux poids deux mesures», elle répond que «la guerre ( celle faite par Israël) c'est la guerre, et que ce n'est pas exactement la même chose qu'un massacre tel que celui commis par Hamas».. Il faut donc comprendre que les bombardements de Ghaza ne sont pas eux un massacre. Le deux poids deux mesures dans sa pureté.
Elle trouve d'ailleurs que l'armée israélienne (Tsahal pour les intimes) est «humanitaire car elle ouvre des corridors humanitaires vers le sud «où ils sont moins bombardés» dit-elle. Le lecteur aura noté le «moins» C'est ce qu'elle dit mot pour mot. On se demande parfois s'ils se rendent compte de ce qu'ils disent. Pour justifier les bombardements israéliens, Mme Sinclair rappelle d'autres bombardements occidentaux effroyables, Mossoul, Dresden etc..( ce qui est déjà un aveu), l'air de dire , «nous faisons comme vous, nous sommes des occidentaux, ne nous donnez pas donc de leçons». L'absurde du raisonnement continue: «Les tunnels servent à protéger Hamas et pas les habitants», argument souvent repris d'ailleurs dans l'argumentaire médiatique . Imaginez tous les habitants de Ghaza, des millions de personnes, vivant sans eau, sans nourriture, serrés dans des tunnels hypothétiques d'ailleurs. Désastre de la raison.
Le danger du «relativisme»
9 novembre . Raphael Gluckman, essayiste et député socialiste européen en vue: il parle de «démanteler Hamas». Derrière un humanisme larmoyant et tout théorique sur «toutes les victimes», il précise «qu'il ne faut pas confondre l'agresseur et l'agressé». Il développe, comme beaucoup d'autres, la fameuse théorie « du danger du relativisme», celui de ne pas voir «le caractère unique des attentats du 7 Octobre», de les banaliser en lui opposant les bombardements israéliens..
9 novembre, une journaliste, Margot Haddad, parlant des victimes palestiniennes, explique que ce qui différencie un crime de guerre d'un crime contre l'humanité c'est l'intentionnalité, les terroristes eux avaient l'intention ce qui n'est pas le cas des bombardements d'Israël». On est en pleine folie. Toujours le 9 novembre, Elie Korchia, président du Consistoire central israélite de France a cette explication monstrueuse «on tue des civils pour éviter la mort de soldats israéliens», ce à quoi, le colonel qui se trouve à côté lui fait remarquer que «normalement ce sont les soldats qui prennent des risques.»
Une journaliste , spécialiste de la critique de l'islamisme et notamment de l'Iran, nous révèle le 9 Novembre dans l'émission de Daniel Pujadas, que le chef de Hamas, individu «corrompu» dit-elle, s'appelle «Monsieur Maison» à Ghaza car il y est . promoteur immobilier. On voit derrière, en fond d'image, les immeubles en ruines. Humour noir probablement.
Ce toujours 9 novembre, Yves Threard , directeur adjoint de la direction du Figaro, dit sans sourciller: «c'est Hamas qui devrait être jugé pour crime de guerre car .il a pris en otage le peuple de Ghaza». Non, ne souriez pas, car il ajoute aussi: « les gens n'ont pas compris assez ce qu'était le 7 octobre, quand on voit les vidéos, que je n'ai pas vues, et cela peut se reproduire tant qu'on aura pas éradiqué le Hamas.» On aura noté qu'il n'a pas vu les vidéos mais qu'il a compris lui ce qu'était le 7 Octobre. 17 novembre. Robert Badinter , ancien ministre, père de la loi ayant aboli la peine de mort en France. Il semble bien avoir changé d'avis à ce sujet. Aucun mot pour condamner les bombardements. Il réserve toute son indignation à Hamas, «organisation terroriste». Il reprend le récit fantastique biblique d'une terre mythique d'Israël et de la dispersion des juifs après la conquête de la Palestine par les Romains.
Lorsqu'on lui pose la question d'une éventuelle réconciliation entre palestiniens et israéliens après ces bombardements israéliens, il dit «qu'elle s'est bien faite entre l'Allemagne et la France». Comment peut-on comparer deux États à niveau de forces comparable avec les rapports de nature coloniale en Palestine occupée? Misère de la raison.
L'identité juive
On l'aura peut être remarqué, beaucoup des intellectuels cités plus haut, sont des intellectuels français juifs. Dans ce désastre intellectuel, des intellectuels français juifs ont occupé les premiers rangs pour défendre les thèses de l'armée et du gouvernement israélien, et justifier, d'une manière ou d'une autre, les bombardements impitoyables sur la population palestinienne de Ghaza. Pourquoi ? Pression identitaire ? L'identité serait elle aussi ravageuse qu'elle ferait perdre la raison et la rationalité. Désastre de la pensée identitaire. Ne songent-ils pas qu'ils portent ainsi atteinte, en profondeur, à l'image de la communauté juive dans le monde ? Comment pourront-ils alors s'opposer , dénoncer le sentiment qu'ont les gens de leur parti pris en fonction de leur identité et les accuser d'antisémitisme. Israël et ce conflit semblent avoir fait lever un vent de folie dans l'intelligentsia française juive. C'est le cas aussi d'une grande partie des journalistes ou des animateurs, ou des invités sur les medias. On se surprend, désormais, chose qu'on ne faisait pas auparavant , à chercher l'identité d'un intervenant lorsqu'il a des propos particulièrement partisans et véhéments..
Cette question d'identité est certainement un des facteurs explicatifs de ce désastre de la raison chez une partie des intellectuels juifs. En fait , les apparences sont trompeuses. Des intellectuels juifs dénoncent la politique israélienne ou prennent carrément position en faveur de la Palestine. En décembre 2019, 127 intellectuels juifs écrivent aux députés français pour s'opposer au projet de loi qualifiant l'antisionisme d'antisémitisme. D''autres, comme Daniel Salvatore Schiffer, Ilan Lalevi etc.. défendent le peuple palestinien. On ne peut donc résumer la question à une question d'identité.. On peut observer aussi que la plupart des intellectuels juifs qui relaient les thèses d'Israël font partie des élites du système Le discours accusateur sur l'antisémitisme, qui instrumentalise la question d'identité, et tente ainsi, en Occident notamment de déconsidérer toute opposition à Israël, de la qualifier d'antisémite, est de plus en plus en échec. Israël et ses agissements divisent la communauté juive. Le sionisme l'avait présenté comme la solution à «la question juive», elle est aujourd'hui le problème. Au sein même de la communauté juive mondiale il y a désormais un clivage de plus en plus grand entre partisans et adversaires d'Israël. Aux États Unis mêmes des milliers de jeunes et d'étudiants juifs manifestent leur solidarité avec le peuple palestinien, l'opposition à la politique israélienne des dirigeants américains est très forte aussi au sein du parti démocrate. Tout cela incite à l'optimisme sur les capacités d'empathie de l'humanité au-delà des visions étroites et réductrices de l' identité.
Dans le discours intellectuel et médiatique de soutien à l'armée d'Israël et ses bombardements sur la population palestinienne, un thème va occuper une place centrale : «on ne peut mettre en parallèle les actions d'Israël et celle de Hammas». Il va permettre de développer en même temps que masquer une idéologie suprématiste et raciste monstrueuse.
«Ce n'est pas la même chose»
Einstein, qui était un juif antisioniste, a donné au monde la théorie de la relativité. Les intellectuels qui défendent et justifient l'action de l'armée israélienne vont nous donner la théorie du relativisme. Au nom de cette théorie, il vont chaque fois dénoncer ceux qui mettent sur le même plan les actes de Hamas et ceux d'Israël, leur reprochant de minimiser «ce tournant historique, ces évènements sans précèdent que sont les évènements du 7 Octobre en Israël».
«C'est pas pareil», c'est le maitre mot de la propagande israélienne et des intellectuels qui la reprennent. Les interventions citées plus haut sont empreintes de cette vision terrible, de cette raison démente qui peut déboucher à un véritable holocauste, déchainé et impitoyable, contre le peuple palestinien.
Le 8 novembre par exemple à 18h sur LCI, Isabelle Lasser, une journaliste du journal le Figaro regarde, avec les autres présents sur le plateau, les images terribles, des enfants morts à Ghaza, celles d'un père qui découvre ses enfants morts, et que dit-elle: «il ne faut pas tomber dans le relativisme, ce n'est pas la même chose, les victimes ne sont pas les mêmes, celles tuées dans une opération terroriste et celles tuées par l'armée israélienne, une armée régulière, ne sont pas les mêmes, on ne peut pas les comparer, là il y a une organisation terroriste au départ». On assene , comme le 7 novembre comme par exemple dans l'émission du soir de LCI du 7 Novembre, ,que «les attaques de Hamas sont le passage vers autre chose», «le plus grand massacre de juifs depuis 1945, un évènement historique nouveau», «le franchissement d'une frontière».
Ce qu'on nous dit, en définitive, c'est que la mort d'un israélien est différente de celle d'un palestinien. Il s'agit d'un racisme essentialiste. N'est-ce pas le summum de la discrimination , de la violation du principe fondamental qui fonde la morale humaine, l'Humanité, les religions, celui que tous les êtres sont égaux .
Aucune compassion
Il n'y a d'évidence chez eux aucune compassion pour les victimes palestiniennes. On en parle au passage, comme une sorte d'exercice obligé, sans aucune émotion.
On affirme que Hamas tire sur la population pour l'empêcher de fuir vers le Sud. Toujours le même thème, en fait, celui de barbares, celui d'une sous humanité qui ne donne pas d'importance à la vie humaine. Bizarre, les boucheries de masse ont été régulièrement le fait de l'Occident, mais ce thème a la vie dure. De toute façon, Hamas est qualifié de toutes les horreurs: le 7 novembre par exemple sur le même plateau, , on dit qu'il a tué des centaines de militants de Hamas, et certains en les jetant du haut d'immeubles
C'est dans l' absence totale de compassion, qu'il faut rechercher la cause profonde de cette négation de l'humanité de l'Autre. Là est l'explication de ce désastre de la raison que nous contemplons depuis le début de cet article. «Ce sont des animaux» avait dit des palestiniens le ministre de la défense israélien
La construction de ce suprématisme raciste a commencé il y a longtemps, depuis l'occupation de la Palestine, en obligeant les palestiniens à chercher de quoi vivre chez les israéliens. A Ghaza, on poursuit le même but. On cherche à les faire mourir de faim , de soif, de peur, à en faire des animaux.
Une vidéo est alors montrée par l'armée israélienne. Celle-ci exulte car on y on voit des palestiniens se disputant des vivres. Mais c'est bien la seule qui a pu être filmée. La solidarité palestinienne est totale bien qu'on les affame, bien qu'on les assoiffe.
On reste admiratif et songeur devant cet héroïsme collectif, quotidien, cette fraternité, cette discipline, cette entraide des palestiniens dans pourtant des conditions extrêmes.
Dans l'argumentaire «ce n'est pas la même chose», la guerre faite par Israël est qualifiée de «différente». Sa guerre est humanitaire car:
Il avertit juste avant de bombarder. Quelle délicatesse!
Israël dépose du carburant à la porte de l'Hôpital Shifa. Comme c'est gentil!
Israël bombarde le nord pour permettre aux habitants d'aller au Sud. Quelle prévenance!
Israël coupe l'électricité mais elle illumine la ville avec de monstrueuses lucioles qui préparent les bombardements. C'est féerique!
Israël tue les habitants de Ghaza mais «peut-elle faire autrement. Ils n'ont qu'à ne pas être sous les bombes puisqu'on les a avertis».
Il y a aussi la version «Soft» de ce suprématisme, la version, disons, «humaine». Comme on craint de se faire qualifier de nazisme en niant l'égalité de l'identité humaine, on dira alors que ce qui diffère entre israéliens et palestiniens «c'est dans la façon de procéder, dans la manière de tuer», terroriste et barbare là, civilisé ici, et que «tout est là». Agoniser pendant des heures pour une petite fille sous les gravats d'un immeuble détruit, c'est quoi ? Un acte civilisé ?
Dans l'argumentaire du «ce n'est pas la même chose», on en revient au fond à l'idéologie coloniale primaire.. Quelle différence y a-t-il avec les catégories coloniales, la recherche des preuves anatomiques d'infériorité dans cranes que les anthropologues coloniaux mesuraient, comme ces cranes des résistants algériens qu'on avait décapités et rangés dans des tiroirs du musée , quand même de l'Homme, le musée du Trocadéro pendant la conquête de l'Algérie.
Israël est décidément un État colonial. Il fait renaitre les pires blessures.
La plupart des importations d'armes d'Israël proviennent des États-Unis. Maintenant, Biden se précipite encore plus sur les armes. À quoi ressemble l'envoi par les États-Unis d'armes à Israël « au rythme de la guerre ».
Depuis que la Russie a envahi l'Ukraine en février 2022, les États-Unis ont augmenté leur aide militaire, auparavant minime, à ce pays, pour atteindre un montant sans précédent de 46,7 milliards de dollars. L'Ukraine domine les autres principaux bénéficiaires dans les graphiques à barres de l'aide américaine à la sécurité pour 2022 et 2023. Les États-Unis y envoient tellement de munitions que cela a apparemment mis à rude épreuve les usines américaines et conduit à un effort pangouvernemental pour relancer les chaînes d'approvisionnement militaires.
Les États-Unis accélèrent également les transferts d'armes vers Israël en réponse aux attaques du Hamas du 7 octobre qui ont tué 1 200 personnes et entraîné l'enlèvement de plus de 200 personnes. Le mois dernier, le président Joe Biden a annoncé depuis le Bureau Ovale qu'il chercherait « un programme de soutien sans précédent ». pour la défense d'Israël » de 14,3 milliards de dollars. « Nous augmentons notre aide militaire supplémentaire », a-t-il ajouté.
Mais même si l'Ukraine n'a jamais été un bénéficiaire traditionnel d'une aide militaire massive, le soutien le plus récent des États-Unis à l'armée israélienne s'appuie sur une longue pratique bipartite américaine. Israël a reçu environ 3 milliards de dollars par an, ajustés à l'inflation, au cours des 50 dernières années, et est le plus grand bénéficiaire historique de l'aide à la sécurité américaine.
L'administration Obama a annoncé en 2016 le plus grand programme d'aide à la sécurité jamais accordé au pays, promettant 38 milliards de dollars pour Israël au cours de la prochaine décennie. Le soutien américain a permis à Israël de conserver son avantage militaire qualitatif sur les pays arabes voisins en disposant de systèmes d'armes plus avancés, ce que le Congrès a inscrit dans la loi en 2008.
Israël ne serait pas en mesure de mener cette guerre sans les États-Unis, qui, au fil du temps, ont fourni à Israël environ 80 % des importations d'armes du pays. Israël les utilise dans le cadre de son opération militaire à grande échelle qui a jusqu'à présent tué plus de 11 000 Palestiniens et détruit des hôpitaux et des infrastructures civiles. Même si ce sont les Forces de défense israéliennes qui sont responsables des meurtres, l'ampleur de l'aide américaine soulève de sérieuses questions quant à la culpabilité américaine. « Fournir des armes qui contribueraient sciemment et de manière significative à des attaques illégales peut rendre ceux qui les fournissent complices de crimes de guerre », a déclaré Human Rights Watch. Les armes exactement que les États-Unis envoient pour répondre aux demandes d'Israël depuis le 7 octobre ont été jusqu'à présent gardées secrètes contrairement à la manière dont les États-Unis rendent publiques les armes qu'ils livrent à l'Ukraine. Mais Bloomberg a publié cette semaine un document divulgué du Pentagone montrant que les États-Unis ont livré 2 000 missiles Hellfire pouvant être lancés depuis des hélicoptères Apache, ainsi qu'une série d'autres mortiers et munitions, dont « 36 000 cartouches de canon de 30 mm, 1 800 des cartouches demandées ». Munitions anti-bunker M141 et au moins 3 500 appareils de vision nocturne.
Cette année, les budgets militaires du monde entier ont atteint des sommets sans précédent. Ces dernières années, Israël a développé ses exportations d'armes. Il importe également d'importantes armes du Royaume-Uni, d'Italie, du Canada et d'Allemagne, mais 92 % de ce qu'Israël obtient vient des États-Unis. Comme l'écrivait récemment le chercheur William Hartung dans The Nation, « l'arsenal israélien et son industrie d'armement sont en grande partie fabriqués et financés par les États-Unis ».
Pourquoi l'équipe de Biden est si efficace pour acheminer des armes vers Israël
L'administration Biden possède une solide compréhension des systèmes d'armes et des activités qui les sous-tendent. Alors que n'importe quelle administration américaine dominante, républicaine ou démocrate, serait susceptible d'accélérer les commandes d'armes à Israël, cette administration est particulièrement qualifiée pour le faire, en mettant à profit ses succès dans le transfert d'armes en Ukraine et son expérience en matière de conseil aux fabricants d'armes.
Au cours de la deuxième année de sa présidence, les ventes d'armes de Biden ont dépassé celles du président Donald Trump, qui avait lui-même déjà supervisé une forte augmentation.
La Chambre a voté en faveur d'une nouvelle assistance militaire à Israël mais a supprimé la composante aide à l'Ukraine, de sorte que le Sénat ne l'adoptera probablement pas. Entre-temps, l'administration Biden s'est montrée efficace et discrète en matière de transferts, utilisant des outils créatifs pour relancer les livraisons à Israël qui incluent des ventes commerciales directes des fabricants d'armes (ce qui signifie que les États-Unis ne financent pas les achats mais autorisent les fabricants d'armes américains à à vendre à Israël), des véhicules de financement gouvernementaux qui ne nécessitent pas l'approbation du Congrès et l'accélération des commandes passées avant octobre.
Les stocks destinés à l'usage américain sont également détournés vers Israël. Comme l'a dit un haut responsable du Pentagone, « accélérer l'assistance sécuritaire » à Israël a été la tâche numéro un.
Le secrétaire à la Défense Lloyd Austin est un ancien membre du conseil d'administration de Raytheon, le principal entrepreneur militaire qui coproduit les récepteurs Iron Dome avec la société israélienne Rafael Advanced Defense Systems. RTX, comme Raytheon a été renommé, est l'un des fournisseurs les plus importants en Israël.
Austin et de nombreux autres hauts fonctionnaires nommés au Pentagone apportent une vaste expérience de travail pour Austin a dû se récuser des relations du ministère de la Défense avec Raytheon le poids que ces nominations apportent montre le sérieux avec lequel l'administration Biden prend la base industrielle de défense.
Comme Austin l'a déclaré au Sénat : « Nous apportons une aide à la sécurité à Israël à la vitesse d'une guerre ». Le secrétaire d'État Antony Blinken a cofondé WestExec Advisors en 2017, qui a travaillé pour des entrepreneurs militaires, de nouvelles startups de technologie militaire et des entreprises israéliennes. Blinken, pour sa part, a conseillé l'entrepreneur de défense Boeing, selon ses informations financières. Le mois dernier, Boeing a précipité le transfert de 1 000 bombes intelligentes et de 1 800 kits de bombes à guidage GPS vers Israël.
Une grande partie de l'équipe qui a travaillé pour qu'Israël obtienne le paquet Obama de 38 milliards de dollars sur 10 ans montre la voie. Parmi les autres responsables clés du Département d'État, citons Daniel Shapiro, qui a également travaillé pour le fabricant israélien de logiciels espions NSO Group lorsqu'il n'était pas au gouvernement. Les dirigeants du renseignement apportent eux aussi une vaste expérience. Avril Haines, directrice du Bureau du renseignement national, a travaillé comme conseillère auprès de la centrale informatique Palantir, qui est un fervent partisan d'Israël et qui fournit apparemment des technologies de pointe à l'armée israélienne.
Le fondement des relations entre les industries de défense des États-Unis, d'Israël et de leurs autres partenaires dans la région est également utile. Par exemple, lorsque les plus grandes entreprises mondiales de l'aérospatiale et de la défense se sont réunies au salon aéronautique de Dubaï cette semaine, les entreprises et les responsables de la défense israéliens ont fait profil bas mais les grosses transactions ont continué. Prenez le triangle États-Unis-Israël-EAU, qui profite à chaque pays. Boeing, une société américaine, a signé un contrat d'avion de ligne de 52 milliards de dollars avec un transporteur des Émirats arabes unis. En marge du salon, les hommes d'affaires ont discuté de « l'impact de la demande d'équipements découlant des conflits à Gaza » et des « relations étroites entre les États-Unis et les Émirats arabes unis ». alignement sur le conflit Israël-Gaza », selon le Conseil d'affaires États-Unis-EAU. Dans le même temps, la filiale émiratie d'Elbit Systems vend pour 53 millions de dollars de technologie militaire aux Émirats arabes unis.
Les États-Unis ont fait la promotion des longues listes d'armes qu'ils envoient à l'Ukraine, en publiant des fiches et des décomptes très détaillés. Mais comme l'a noté Ken Klippenstein de l'Intercept, l'administration Biden a gardé secrète la liste des armes qu'elle envoie à Israël. L'administration a également « demandé l'autorisation d'approuver unilatéralement et globalement la future vente d'équipements et d'armes militaires comme des missiles balistiques et des munitions d'artillerie à Israël sans en informer le Congrès », selon le groupe de surveillance Women for Weapons Trade Transparency.
Cela supprimerait un mécanisme clé de surveillance de la part des législateurs et de contrôle du public.
Qui s'inquiète des armes destinées à Israël ?
Beaucoup de ces armes sont désormais utilisées à Gaza, avec des conséquences humanitaires catastrophiques. Cela a conduit les Nations Unies, le président français Emmanuel Macron et un certain nombre d'organisations internationales à appeler à un cessez-le-feu immédiat. Human Rights Watch a demandé des enquêtes sur les crimes de guerre suite au bombardement israélien du système de santé. « L'accent est mis sur les dégâts et non sur la précision », a déclaré le mois dernier le porte-parole de l'armée israélienne, le contre-amiral Daniel Hagari. Ces bombardements massifs et le bilan des morts ont incité le Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l'homme à déclarer jeudi que « le meurtre de tant de civils ne peut être considéré comme un dommage collatéral ».
Dans ce contexte, certains militants protestent contre l'aide militaire américaine à Israël et appellent à un cessez-le-feu. Un groupe appelé Palestine Action a organisé des actions aux États-Unis et au Royaume-Uni dans les installations d'Elbit Systems, un entrepreneur militaire israélien. Environ 150 manifestants ont manifesté contre Raytheon Technologies à El Segundo, en Californie, pour son commerce d'armes avec Israël.
Josh Paul, un ancien haut responsable du Département d'État supervisant les ventes d'armes qui a démissionné en signe de protestation le mois dernier, a déclaré sans détour qu'Israël violait le droit international. « À mon avis, Israël commet actuellement des crimes de guerre dans ses actions à Gaza », a-t-il déclaré. « Et ce n'est pas seulement mon opinion. J'ai en fait entendu des responsables de l'ensemble du gouvernement, y compris des élus de très haut niveau, qui partagent cette opinion mais ne sont pas disposés à l'exprimer en public.
Cela pourrait préparer Israël à une collision avec l'administration Biden
En février 2022, Biden a renforcé la composante droits de l'homme des transferts d'armes américains.
L'administration a mis un nouvel accent sur les droits de l'homme dans la politique de transfert d'armes conventionnelles qui a ajouté des garanties pour « accroître l'importance de la protection des civils ». La politique restreint spécifiquement le transfert d'armes qui sont « plus susceptibles qu'improbables » d'être utilisées dans des atrocités, notamment des violations de la Convention de Genève ou du droit international humanitaire.
L'administration Biden pourrait « violer sa propre politique conventionnelle de transfert d'armes » en envoyant des armes à Israël, comme l'a récemment déclaré Seth Binder du Projet sur la démocratie au Moyen-Orient à Jacobin.
Mais les hauts responsables de Biden insistent sur le fait que l'administration respecte ses engagements. Mais les hauts responsables de Biden insistent sur le fait que l'administration respecte ses engagements. But senior Biden officials insist the administration is following through on its commitments.
Mais les hauts responsables de Biden insistent sur le fait que l'administration tient ses engagements.
But senior Biden officials insist the administration is keeping its commitments.
« Tous nos transferts d'armes, y compris les transferts d'armes vers Israël, reposent sur la proposition fondamentale selon laquelle elles seront utilisées conformément au droit des conflits armés », a déclaré le mois dernier Jake Sullivan, le conseiller à la sécurité nationale. « Il n'y a ici aucune exception ni aucune différence par rapport à nos autres transferts d'armes. » L'administration fait régulièrement comprendre à Israël l'importance du droit humanitaire, selon lequel « les civils innocents doivent être pris en compte dans toute opération », selon la porte-parole du Pentagone, Sabrina Singh.
Certaines des préoccupations concernent spécifiquement les types d'armes livrées par les États-Unis. Le document obtenu par Bloomberg montre que les États-Unis envoient à Israël 57 000 obus de 155 mm utilisés dans les canons d'artillerie. Un groupe d'organisations d'aide humanitaire et d'experts en sécurité avait envoyé une lettre au secrétaire à la Défense plus tôt dans la semaine, exhortant l'administration Biden à ne pas envoyer ces obus en Israël, affirmant qu'ils étaient « intrinsèquement aveugles » et « avaient un rayon d'erreur élevé, souvent ». atterrir à 25 mètres de la cible prévue », ce qui serait particulièrement destructeur dans un endroit aussi densément peuplé que Gaza.
Alors que le commerce des armes s'accélère et que la surveillance des opérations israéliennes s'intensifie, la raison du renforcement de la composante droits de l'homme de la politique de transfert d'armes semble plus pertinente que jamais. « Il n'est pas dans l'intérêt national des États-Unis de s'engager dans des transferts d'armes lorsque nous estimons qu'elles sont susceptibles d'être utilisées dans des violations des droits de l'homme », a déclaré en mars Christopher Le Mon, un haut responsable du Département d'État. « Cela ne fait pas progresser nos intérêts nationaux, cela ne fait pas progresser notre sécurité nationale. »
*Article publié sur le site américain Vox spécialisé dans les enquêtes de fond
par Jonathan Guyer (Article Traduit Par Mourad Benachenhou)
Au 47e jour de l'agression sioniste contre Ghaza, le bilan provisoire est de plus de 14.128 martyrs, dont plus de 5.840 enfants et 3.920 femmes, ainsi que plus de 33.000 blessés.
L'armée d'occupation qui a complètement rasé les habitations du nord de Ghaza a largué, depuis le 7 octobre dernier, plus de 32.000 tonnes d'explosifs en plus de 1.104 heures de bombardements continus, selon un décompte du site «Gaza Here» qui collecte les statistiques de l'agression sioniste.
Ce bilan risque de s'aggraver rapidement durant les prochaines heures (au moment où nous rédigeons ces lignes) compte tenu des bombardements intensifs de l'armée sioniste avant la trêve conclue avec la Résistance Palestinienne, via des interlocuteurs comme le Qatar, pour permettre de libérer des détenus palestiniens dans les prisons sionistes et les prisonniers israéliens chez le Hamas et le Jihad Islamique.
Ainsi, et selon Al Jazeera, malgré la conclusion d'une trêve qui entrera en vigueur dans moins de 24 heures, l'armée d'occupation israélienne intensifie toujours ses bombardements contre les civils dans la bande de Ghaza et assiège les hôpitaux. La même source, citant le directeur général du Bureau d'information du gouvernement de Ghaza, Ismail al-Thawabeta, a fait état de «plus de 200 martyrs tombés dans la bande au cours des dernières 24 heures».
De son côté, le directeur de l'hôpital Kamal Adwan, le Dr Ahmed al-Kahlot, dans un entretien avec la chaîne qatarie, a appelé à faire pression sur l'occupation israélienne pour qu'elle cesse de cibler les hôpitaux et permette aux équipes médicales de soigner les blessés.
L'intervenant a déclaré que l'hôpital Kamal Adwan a accueilli environ 60 martyrs, depuis la nuit de mardi à mercredi, et environ 200 blessés et malades. Il a averti que la situation était devenue catastrophique, dans le nord de la bande de Ghaza et que les bombardements israéliens avaient touché tous les endroits et visaient des maisons très proches de l'hôpital. « L'aide arrive à l'hôpital en utilisant des moyens primitifs. Nous utilisons de l'huile végétale au lieu du diesel afin de pouvoir faire fonctionner le générateur électrique de l'hôpital», a-t-il déclaré.
A noter que l'UNRWA a déclaré, hier, que depuis le 7 octobre dernier, «191 personnes ont été tuées dans les bombardements qui ont fait aussi 798 blessés» dans les écoles, sous tutelle de l'agence onusienne. L'Office de secours et de travaux des Nations Unies pour les réfugiés (UNRWA) a fait état aussi de la «destruction complète de deux de ses écoles dans le nord et le centre de la bande de Ghaza».
Trêve de 4 jours dès jeudi matin
Par ailleurs, à propos de la trêve annoncée mardi soir, le conseiller de Ismail Haniyeh chef du bureau politique du Hamas, Tahar el-Nounou, a déclaré hier sur Al Jazeera, qu'après la conclusion de l'accord les «listes de prisonniers sont désormais échangées et vérifiées».
L'intervenant a précisé que le Qatar, l'Égypte et les États-Unis «sont les garants de la trêve» et que «la Croix-Rouge et les Nations Unies auront un rôle à jouer dans cet accord».
Précisant, à la mi-journée de mercredi, que «la date d'entrée en vigueur de la trêve n'a pas encore été déterminée». Mais durant la journée, d'autres sources ont précisé, à Al Jazeera, que la trêve commencera ce jeudi matin.
Outre l'échange des prisonniers, qui porte sur 50 prisonniers israéliens en échange de 150 détenus palestiniens, el-Nounou a affirmé que pendant la trêve de 4 jours, «le mouvement des avions (israéliens, ndlr) s'arrêtera pendant 6 heures par jour dans le nord de la bande de Ghaza» et qu'il s'agit d'un «cessez-le-feu complet pendant la trêve».
«L'accord comprend l'accès à l'aide sanitaire à tous les hôpitaux de Ghaza. Et au moins 200 à 300 camions entreront à Ghaza, dont 8 camions citernes de carburants», dit-il, précisant aussi que «l'aide se poursuivra au-delà de la durée de l'accord» et qu'elle comprend aussi «du matériel de base et des vêtements».
Par ailleurs, selon CNN, citant Fares Qaddoura, le chef de la Commission palestinienne pour les affaires des détenus et des ex-prisonniers, «350 enfants et 85 femmes sont détenus dans les prisons israéliennes, sur un total d'environ 8.300 prisonniers». La chaîne américaine a estimé, selon un décompte réalisé à partir d'une «liste de 300 prisonniers» annoncée par l'entité sioniste, «la grande majorité des prisonniers palestiniens répertoriés comme pouvant être libérés en échange de prisonniers israéliens sont des adolescents de sexe masculin âgés de 16 à 18 ans - des enfants selon la définition des Nations-Unies - bien qu'une poignée d'entre eux n'aient que 14 ans. Quelque 33 sont des femmes».
Parmi les détenus palestiniens dans la liste des 300, «certaines personnes sont répertoriées comme membres du Hamas, du Jihad islamique, du Front populaire de libération de la Palestine ou du Front démocratique de libération de la Palestine, mais de nombreux prisonniers ne sont répertoriés comme appartenant à aucune organisation», ajoute encore CNN.
L’armée israélienne soumet la Bande de Gaza à des bombardements d’une violence inouïe et à un blocus total qui prive la population d’eau, de nourriture, de médicaments. Les hôpitaux, lorsqu’ils fonctionnent, opèrent aujourd’hui sans anesthésiques.
En Cisjordanie occupée, la population palestinienne est soumise à la violence redoublée de l’armée et des colons ainsi qu’à un bouclage du territoire.
Nous demandons un cessez-le-feu immédiat à Gaza, la fin des bombardements, des offensives terrestres et des déplacements forcés de populations, ainsi que la levée immédiate du blocus. Nous exigeons que la France s’engage activement dans ce sens.
Nous rendons hommage à l’ensemble des populations civiles, palestiniennes et israéliennes, victimes de crimes de guerre. Chaque vie compte.
Une paix juste et durable ne sera possible que dans le cadre de la reconnaissance des droits du peuple palestinien, de l’arrêt de la colonisation et de la fin de l’occupation israélienne, dans le respect de l’ensemble des résolutions de l’ONU.
Cessez-le feu immédiat ! Arrêt des bombardements et des déplacements forcés de la population ! Levée immédiate du blocus ! Protection du peuple palestinien à Gaza et en Cisjordanie !
Les libertés d’expression et de manifestation, libertés démocratiques fondamentales, doivent être respectées.
À Paris, nous appelons à un rassemblement le jeudi 23 Novembre à 12h30 – esplanade Métro Invalides
Paris, le 22 novembre 2023
Membres du Collectif National pour une Paix Juste et Durable entre Palestiniens et Israéliens signataires de l’appel : Agir Contre le Colonialisme Aujourd’hui (ACCA) - AFD International – AILES Femmes du Maroc - Américains contre la guerre (AAW) - Association des Travailleurs Maghrébins de France (ATMF) - Association des Tunisiens en France (ATF) - Association France Palestine Solidarité (AFPS) - Association Nationale des Elus Communistes et Républicains (ANECR) - Association pour la Taxation des Transactions financières et pour l’Action Citoyenne (ATTAC) - Association pour les Jumelages entre les camps de réfugiés Palestiniens et les villes Françaises (AJPF) - Association des Universitaires pour le Respect du Droit International en Palestine (AURDIP) - Cedetim / IPAM - Collectif des Musulmans de France (CMF) - Collectif Faty Koumba : Association des Libertés, Droits de l’Homme et non-violence - Collectif Judéo-Arabe et Citoyen pour la Palestine (CJACP) - Collectif Paix Palestine Israël (CPPI Saint-Denis) - Comité de Vigilance pour une Paix Réelle au Proche-Orient (CVPR PO) - Comité Justice et Paix en Palestine et au Proche-Orient du 5e arrt (CJPP5) - Confédération générale du Travail (CGT) - Droit-Solidarité – Ensemble ! Mouvement pour une alternative de gauche écologiste et solidaire - Europe Ecologie les Verts (EELV) – Fédération des Tunisiens pour une Citoyenneté des deux Rives (FTCR) – Fédération Syndicale Unitaire (FSU) - Forum Palestine Citoyenneté –La Courneuve-Palestine – La France Insoumise (LFI) - le Mouvement de la Paix - les Femmes en noir (FEN) - Ligue Internationale des Femmes pour la Paix et la Liberté, section française de la Women’s International League for Peace and Freedom (WILPF) (LIFPL) - Mouvement contre le Racisme et pour l’Amitié entre les Peuples (MRAP) - Nouveau Parti Anticapitaliste (NPA) - Organisation de Femmes Egalité - Parti Communiste des Ouvriers de France (PCOF) - Parti Communiste Français (PCF) - Parti de Gauche (PG) - Participation et Spiritualité Musulmanes (PSM) –Sortir du colonialisme - Union des communistes libertaires (UCL) - Union des Travailleurs Immigrés Tunisiens (UTIT) – Union Juive Française pour la Paix (UJFP) -Union Nationale des Etudiants de France (UNEF) - Union syndicale Solidaires
Avec le soutien de Assemblée Citoyenne des Originaires de Turquie (ACORT) - Agir pour le changement et la démocratie en Algérie (ACDA) - APEL Égalité - Association de défense des droits de l’homme au Maroc (ASDHOM) - Association Démocratique Des Tunisiens en France (ADTF) - Association des Amis d’Alger Républicain - Association des Etudiants Burkinabè en France (AEBF) - Association des Familles des Prisonniers et Disparus Sahraouis (AFAPREDESA) - Association des Marocains en France (AMF) - Association des Pieds Noirs Progressistes et Amis (ANPNPA) - Association Medina - Association Nationale des Communistes (ANC) - Campagne BDS France - Comité de citoyens algériens en France pour une Assemblée constituant souveraine (CCAF-PACS) - Comité pour le Respect des libertés et des Droits de l’Homme en Tunisie (CRLDHT) - Syndicat CNT-F (Confédération nationale du travail) - Coudes à Coudes – Dernière rénovation - Droit au logement (DAL) – Fédération des Associations de Solidarité avec Tou·te·s les Immigré·e·s (FASTI) - Fédération des associations des travailleurs et des jeunes issus de l’immigration turque et kurde (DIDF) - Fondation Frantz Fanon - Gauche démocratique et Sociale (GDS) - Génération.s - La Gauche Ecosocialiste - La relève féministe - Les Amis d’Alger Républicain - Libérons l’Algérie - Mouvement Burkinabè de Défense des Droits de l’Homme et des Peuples - section France (MBDHP-France) - Le mouvement des mères isolées – Mouvement National Lycéen (MNL) - Organisation Démocratique de la Jeunesse du Burkina Faso - section France (ODJ) - Le Parti ouvrier indépendant (POI) - Per a Pace, Pour la Paix - Pour une écologie populaire et sociale (Peps) – 4ACG - Réseau Euro-Maghrébin Citoyenneté et Culture (REMCC) - La Révolution Ecologique pour le Vivant (REV) – Riposte internationale - Ruptures - Le syndicat national lycéen (SNL) - Union étudiante – Union Syndicale Lycéenne (USL)
Et de Fayçal BEN ABDALLAH, Président de la FTCR ; Sophie Bessis, historienne ; Maurice Buttin, Président par intérim du « Comité de Vigilance pour une Paix Réelle au Proche-Orient » (CVPR PO) ; Mouhieddine CHERBIB, Président du CRLDHT ; Kamel Jendoubi, Président du Groupe d’éminents experts des Nations Unies chargé du Yémen, 2018-2021 ; Khadija Mohsen-Finan, politologue
nwar Abu Eisheh, ancien ministre de la culture de l’Autorité palestinienne, membre du Fatah et professeur de droit à l’université Al-Quds, est l’invité de #LaMidinale.
« Tous ceux qui ne travaillent pas à la paix sont coupables »
Par micheldandelot1 dans Accueil le 23 Novembre 2023 à 06:52
Le gouvernement israélien a approuvé un accord prévoyant à partir de jeudi matin la libération d’otages enlevés le 7 octobre par le Hamas et une trêve dans la bande de Gaza en échange de la libération de 150 prisonniers palestiniens. Le cessez-le-feu devrait durer au moins quatre jours, mais ne permettra pas de résoudre la catastrophe humanitaire dans l’enclave, avertissent les ONG.
LesLes termes sont différents : Israël évoque une « pause » et « un répit » ; le Hamas parle d’une «trêve ». Mais, après 47 jours d’offensive israélienne à Gaza déclenchée par l’attaque sanglante du mouvement islamiste le 7 octobre, qui s’est traduite par un lourd bilan parmi la population civile de l’enclave, un cessez-le-feu de quatre jours à partir de jeudi matin et la prochaine libération d’une partie des otages aux mains du mouvement islamiste font naître une petite lueur d’espoir.
Israël et le Hamas ont accepté un accord à l’issue de négociations menées sous l’égide du Qatar, de l’Égypte et des États-Unis. Il prévoit, à partir de jeudi matin, la libération de 50 otages détenus par le mouvement islamiste depuis le 7 octobre – des femmes et des enfants –, en échange d’une suspension de quatre jours des opérations militaires dans la bande de Gaza et de la libération de 150 prisonnières et prisonniers palestiniens.
Il a donc fallu des semaines de négociations dans les coulisses pour obtenir ce résultat avec un point culminant : une rencontre à Doha le 9 novembre des chefs des services de renseignement américains et israéliens, William Burns et David Barnea, avec le premier ministre qatari Mohammed bin Abdulrahman ben Jassim al-Thani.
Selon un responsable de l’administration américaine cité par Le Monde, les États-Unis ont eu, dès les premiers jours, « des contacts quotidiens, voire heure par heure, entre responsables de haut niveau, avec le Qatar, l’Égypte et Israël au sujet des otages ». « Nous avons eu aussi une équipe sur le terrain travaillant à différentes périodes pour corroborer de façon indépendante certaines informations que nous recueillions par d’autres sources », a-t-il expliqué au quotidien français.
Si tous les détails ne sont pas encore connus – on ignore encore celles et ceux qui vont être concerné·es par cet échange –, le cessez-le-feu temporaire est censé entrer en vigueur à partir de jeudi 10 heures (9 heures, heure française). « La libération de dix otages supplémentaires se traduira par un jour de répit supplémentaire », souligne le gouvernement israélien dans un communiqué qui n’évoque pas la libération de prisonniers palestiniens.
Le ministère de la justice israélien a cependant publié mercredi matin la liste des 300 prisonniers palestiniens candidats à la libération dans le cadre de l’accord. Cette publication ouvre une période de 24 heures pendant laquelle le public peut exprimer son opposition à l’accord et déposer un recours auprès de la Haute Cour. Cette dernière n’a jamais fait obstacle aux précédents échanges.
elon un responsable états-unien cité par le quotidien israélien Haaretz, « l’accord a finalement été structuré de manière à encourager la libération de plus de 50 otages ». Pour lui, il « est destiné dans la première phase aux femmes et aux enfants, mais avec l’espoir d’autres libérations. L’objectif est clairement de ramener tous les otages auprès de leurs familles ».
Quelque 236 personnes ont été enlevées le 7 octobre, mais toutes ne sont pas aux mains du Hamas, certaines étant retenues notamment par une autre organisation palestinienne, le Jihad islamique. Depuis, la riposte israélienne a fait 14 128 morts du côté palestinien dans la bande de Gaza, selon les chiffres communiqués par le gouvernement du Hamas. Parmi les morts recensés à ce jour figurent 5 840 enfants, toujours selon le Hamas.
Pour le chercheur à Sciences Po-Paris Étienne Dignat, qui travaille sur les enjeux éthico-politiques des négociations d’otages, l’accord est « une excellente nouvelle » : « Il montre que les canaux de négociation fonctionnent, que le Qatar est bel et bien un acteur majeur de la médiation dans ce conflit. Il montre aussi que cela fonctionne entre les branches politique et militaire du Hamas. »
D’un point de vue sécuritaire, la configuration n’est pas la même pour l’État hébreu que la négociation qui a conduit, en échange de 1 027 prisonnières et prisonniers palestiniens, à la libération en 2011 du soldat israélien Gilad Shalit, capturé par un commando palestinien cinq ans plus tôt, estime l’auteur du livre La Rançon de la terreur. Gouverner le marché des otages (Presses universitaires de France, 2023).
« Contrairement à 2011, où parmi les prisonniers libérés, figuraient des personnalités telles que le chef du Hamas à Gaza Yahya Sinouar [qui est aujourd’hui l’ennemi numéro un d’Israël, l’un des cerveaux de l’attaque du 7 octobre 2023 – ndlr], ce deal n’est pas risqué. Les cinquante otages, qui vont retrouver leurs familles, portent une symbolique très forte car ce sont des femmes et des enfants. En échange, les Israéliens vont libérer aussi des femmes et des enfants, des personnes qui ne sont pas dangereuses. »
Pour Étienne Dignat, cet accord sert chaque camp. Quelques jours après une marche de grande ampleur des familles des otages de Tel-Aviv à Jérusalem, il permet au premier ministre israélien Benyamin Nétanyahou, plus que fragilisé, de « valider a posteriori son narratif » : « tout à la fois envahir la bande de Gaza, mener une opération militaire pour “éliminer” le Hamas et obtenir des libérations d’otages par la négociation ».
Quant au mouvement islamiste palestinien, affaibli après quarante-sept jours de combats et de bombardements d’une intensité inédite par l’armée israélienne, il « sort d’une position de passivité pour montrer à la population qu’il est capable d’obtenir la libération de prisonniers palestiniens, que le Hamas considère comme des otages aux mains d’Israël, et d’asseoir son leadership face à l’Autorité palestinienne ».
Le processus n’a pas été facile et Benyamin Nétanyahou, critiqué pour sa responsabilité dans l’affront subi le 7 octobre, n’a emporté l’adhésion de son cabinet qu’à l’issue d’une réunion tendue.
Nous n’arrêterons pas la guerre après le cessez-le-feu.
Benyamin Nétanyahou, premier ministre israélien
Au bout de six heures d’échanges, trente-cinq ministres l’ont finalement approuvé mercredi matin aux aurores. Trois s’y sont opposés, tous membres du parti d’extrême droite Otzma Yehudit. Le chef de la formation, le ministre de la sécurité nationale Itamar Ben Gvir, a fustigé un accord « immoral et [qui] fait le jeu du Hamas ». « L’organisation veut du carburant, des terroristes libérés et une interruption de l’activité de Tsahal en échange », a-t-il dit, jugeant qu’« Israël commet les mêmes erreurs que par le passé en ne maintenant pas une pression militaire constante sur le Hamas ».
Benyamin Nétanyahou s’est défendu de vouloir mettre un terme à la campagne militaire menée à Gaza. « Nous n’arrêterons pas la guerre après le cessez-le-feu, a-t-il dit. Il est absurde de laisser entendre que nous arrêterons la guerre après le cessez-le-feu pour rendre les otages. Je tiens à le dire clairement : nous sommes en guerre et nous poursuivrons la guerre jusqu’à ce que nous ayons atteint tous nos objectifs : éliminer le Hamas, rendre tous les otages et les disparus, et garantir qu’il n’y aura pas de menace pour Israël à Gaza. »
Le ministre Benny Gantz a affirmé, selon Haaretz, que les grandes lignes de l’accord « sont difficiles et douloureuses d’un point de vue humain, mais que c’est le bon accord ».
Le président Isaac Herzog a estimé, dans un communiqué envoyé à la presse, que les « réserves » étaient « compréhensibles, douloureuses et difficiles », mais que, « compte tenu des circonstances », il appuyait l’accord obtenu par le gouvernement. « Il s’agit d’un devoir moral et éthique qui exprime correctement la valeur juive et israélienne d’assurer la liberté des personnes retenues en captivité, avec l’espoir qu’il s’agira de la première étape vers le retour de tous les otages dans leur pays. »
Les otages ne seront pas libérés en une seule fois, mais seront confiés par petits groupes au Comité international de la Croix-Rouge. Selon les médias israéliens, six hôpitaux sont prêts à les recevoir en Israël et ils et elles seront séparé·es des autres patient·es et tenu·es à bonne distance des médias.
Le Hamas a salué mercredi l’accord de « trêve humanitaire » approuvé par Israël. « Les dispositions de cet accord ont été formulées conformément à la vision de la résistance et de la détermination qui visent à servir notre peuple et à renforcer sa ténacité face à l’agression », a indiqué le Hamas dans un communiqué. « Nous confirmons que nos mains resteront sur la détente et que nos bataillons triomphants resteront aux aguets », a-t-il averti.
Le président palestinien, Mahmoud Abbas, s’est aussi félicité, appelant à des solutions plus larges au long conflit israélo-palestinien. L’administration de Mahmoud Abbas, basée en Cisjordanie occupée, « apprécie l’effort [de médiation] qatari-égyptien » et souhaite une trêve prolongée avec Israël. Abbas, très contesté en Cisjordanie, souhaite également « la mise en œuvre d’une solution politique basée sur la légitimité internationale », selon un message publié sur les médias sociaux par Hussein al-Sheikh, un conseiller palestinien de haut rang.
Les États-Unis, la France, la Russie ou la Chine saluent l’accord
Allié de Washington, le Qatar, qui abrite aussi le bureau politique du Hamas dans ses palaces, montre à nouveau sa capacité à s’imposer sur la scène diplomatique comme un médiateur clé avec les régimes les plus durs comme les talibans en Afghanistan et tous ceux auxquels l’Occident ne veut pas serrer la main comme ici le Hamas. L’émirat du golfe, qui avait déjà obtenu la libération de quatre otages – deux Américaines, le 20 octobre, et deux Israéliennes, le 23 octobre – a confirmé mercredi l’accord, parlant lui aussi de « trêve humanitaire » à Gaza.
« Le Qatar annonce le succès de ses efforts de médiation entrepris conjointement avec l’Égypte et les États-Unis qui ont abouti à un accord pour une trêve humanitaire », s’est félicité le ministère des affaires étrangères de l’émirat. « Le début de cette trêve sera annoncé dans les prochaines 24 heures et durera quatre jours, avec possibilité de prolongation », a-t-il ajouté sur X (ex-Twitter).
Le président des États-Unis, Joe Biden, s’est dit « extraordinairement satisfait » de la libération prochaine d’otages. « Je suis extraordinairement satisfait [du fait] que plusieurs de ces âmes courageuses […] seront réunies avec leurs familles une fois que cet accord sera pleinement mis en œuvre. »
Les États-Unis s’attendent à ce que « plus de 50 » otages soient libérés par le Hamas, avait indiqué dans la nuit un haut responsable de la Maison Blanche. « Il y aura maintenant une trêve de plusieurs jours, [le Hamas] aura la capacité d’identifier des femmes et des enfants supplémentaires. Nous nous attendons donc à ce qu’il y en ait plus de 50 », a déclaré le haut responsable américain à la presse. L’accord annoncé inclut trois ressortissantes américaines, toujours selon une source états-unienne.
Paris espère qu’il y aura des Français·es parmi les otages qui vont être libérés. « Nous l’espérons et nous y travaillons », a dit Catherine Colonna sur France Inter, soulignant qu’elle restait prudente car « il faut que chacune des parties tienne la part de contrat ». La ministre a également salué « tout particulièrement le travail du Qatar » pour son rôle de médiateur.
« Moscou salue l’accord entre Israël et le Hamas pour une trêve humanitaire de quatre jours », a de son côté déclaré la porte-parole du ministère des affaires étrangères russe, Maria Zakharova, citée par les agences de presse russes, en rappelant que « c’est exactement à quoi la Russie a appelé dès le début de l’escalade du conflit ».
« Nous saluons l’accord de cessez-le-feu temporaire entre les parties concernées », a commenté devant la presse une porte-parole de la diplomatie chinoise, Mao Ning. La Chine espère que la trêve « permettra d’apaiser la crise humanitaire, contribuera à la désescalade et réduira les tensions », a ajouté la porte-parole, soulignant que Pékin appelle « depuis le début du conflit » à un « cessez-le-feu ».
Sur X, le secrétaire général des Nations unies António Guterres a jugé que c’était « un pas important dans la bonne direction, même s’il reste encore beaucoup à faire ». « Les Nations unies mobiliseront toutes leurs capacités pour soutenir la mise en œuvre de l’accord et maximiser son impact positif sur la situation humanitaire à Gaza », a-t-il ajouté.
L’enjeu de la catastrophe humanitaire
Dans un communiqué, l’ONG Human Rights Watch a rappelé, par la voix d’Omar Shakir, directeur de recherche sur Israël et la Palestine au sein de l’organisation, que « la prise d’otages est un crime de guerre, et le Hamas et les autres groupes armés palestiniens doivent tous les libérer immédiatement ». Mais, ajoute l’ONG, « bloquer l’acheminement de l’aide vitale et du carburant jusqu’à la libération des otages est un crime de guerre qui met en danger la vie de 2,2 millions de personnes. Les êtres humains ne sont pas une monnaie d’échange. Cessez-le-feu ou pas, les attaques illégales doivent cesser ».
En effet, au-delà de la libération des otages de part et d’autre, reste un enjeu de taille : la catastrophe humanitaire dans la bande de Gaza où la riposte israélienne a provoqué des destructions massives, fait 14 128 morts, dont 5 840 enfants, des milliers de blessé·es, selon les chiffres communiqués par le gouvernement du Hamas, assortie d’un siège complet de l’enclave.
La communauté internationale doit faire pression pour que cette trêve se transforme en un cessez-le-feu total et permanent.
Louis-Nicolas Jandeaux, responsable plaidoyer humanitaire d’Oxfam France
La trêve de quatre jours qui entrera en vigueur jeudi est insuffisante au regard de l’ampleur des besoins et des destructions pour les ONG internationales qui opèrent déjà très difficilement dans l’enclave palestinienne et qui continuent d’appeler en vain à « un cessez-le-feu immédiat».
« Cette pause humanitaire dans les bombardements incessants menés à Gaza offre un peu de répit aux populations civiles et pour acheminer de l’aide humanitaire, mais pas plus, réagit le responsable plaidoyer humanitaire d’Oxfam France, Louis-Nicolas Jandeaux. Elle ne nous permettra aucunement d’inscrire l’aide humanitaire dans la durée. Il n’y a pas de pause assez longue, ni de couloirs assez larges, ni d’autres options d’acheminement de l’aide assez créatives pour soulager la souffrance de plus de 2 millions de personnes, qui survivent dans une ville partiellement détruite, dans laquelle tant de vies innocentes ont été sacrifiées. »
« La communauté internationale doit faire pression pour que cette trêve se transforme en un cessez-le-feu total et permanent, garantissant la libre circulation de l’aide humanitaire à travers Israël et l’Égypte, y compris l’approvisionnement en carburant, qui est d’une importance vitale pour Gaza, poursuit l’humanitaire. Ce cessez-le-feu doit amorcer un processus de paix qui s’attaque au cœur du conflit : mettre fin à l’occupation militaire prolongée du territoire palestinien par Israël et au blocus de Gaza, tout en garantissant la libération de tous les otages. »
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