S'en souvenir à jamais ! Et c'est même un devoir mémoriel sacré, une forte exigence patriotique. Ne jamais oublier donc, entre autres faits majeurs de la lutte pour l’Indépendance, les grandes manifestations du 27 février 1962 au Sahara qui ont scellé, pour l'éternité, le destin de l'Algérie algérienne, une et indivisible. A l'appel du commandement de la Zone 4 de la Wilaya VI historique, des Algériennes et des Algériens furent alors nombreux à manifester ce jour-là pour soutenir le GPRA et les négociateurs du FLN à Evian. Et témoigner surtout à l'opinion internationale de leur fort attachement à l'indivisibilité de l'Algérie. Ces manifestations furent suivies de celles de Touggourt le 7 mars et de Taïbet le 13 mars de la même année.
Le 27 février, une délégation officielle française était présente à Ouargla pour exprimer la volonté de la France coloniale de diviser l'Algérie en lui soustrayant le Sahara. L'appel du bloc FLN-ALN avait été adressé à la population pour sortir le même jour, date qui coïncidait avec la visite de la délégation française conduite par Max Lejeune, alors député SFIO. Un Max Lejeune adversaire acharné de l'indépendance, et se définissant comme partisan irréductible de l'Algérie dans la République française. Il avait défendu les pouvoirs spéciaux à l’armée et l’ensemble de sa conduite répressive, y compris l’usage systémique et systématique de la torture. Il fut aussi un des responsables de l'arraisonnement de l'avion qui transportait vers Tunis les cinq chefs historiques du FLN, et un des principaux protagonistes de l'expédition coloniale de Suez. L’objectif de cette délégation, qui comprenait aussi des représentants de l'ONU, était de promouvoir la politique de séparation du Sahara du reste du territoire national. Informée de cette manœuvre, la direction du FLN donna alors à la population de la région l’ordre de manifester pour exprimer son attachement à l'unité du territoire et son intégrité, et au-delà, le refus de toute compromission historique. Car compromission il y en a eu avec notamment le projet de De Gaulle de créer un territoire regroupant toutes les tribus touareg de toute la région. Les contacts établis à cet effet avec Mohamed Bey et son frère Moussa (Hadj Akhamokh) n'avaient pas abouti, les deux frères ayant rejeté catégoriquement la proposition gaullienne.
Les forces de répression coloniales utilisèrent alors la force pour tenter de briser la détermination des Algériens à contrarier l'objectif de partition du territoire national. Ce jour-là, sur les terres de la Wilaya VI, la liste des blessés et des martyrs de la guerre de Libération s'allongea un peu plus. Les manifestations du 27 février et celles du 7 et 13 mars 1962 furent ainsi l'expression révolutionnaire des enjeux stratégiques propres au Sahara algérien. Les négociations entre la France et le GPRA échouèrent à plusieurs reprises sur la question du Sahara que la France coloniale tenta de séparer du reste de l'Algérie, de façon à conserver un contrôle direct sur les hydrocarbures. En même temps, garder les bases de Reggane et d'In Ekker, centres d'essais nucléaires aériens et souterrains et de lancement de fusées, par conséquent des éléments fondamentaux d'une force de frappe nucléaire française autonome.
Le général de Gaulle, dans sa volonté de mettre un terme rapide au conflit algérien, finalement trop coûteux pour la France à bien des égards, sera contraint d’abandonner ses prétentions stratégiques sur le Sahara pour mieux sauvegarder les intérêts essentiels de son pays dans l'Algérie indépendante. La France avait pourtant développé une vraie politique saharienne destinée à asseoir durablement sa mainmise sur le Sahara. C'est ainsi que fut créé en janvier 1957 l'OCRS, dont «l'objet est la mise en valeur, l'expansion économique et la promotion sociale des zones sahariennes de la République française, et à la gestion de laquelle participent l'Algérie, la Mauritanie, le Soudan, le Niger et le Tchad». Il y eut même, par la suite, un ministère du Sahara en bonne et due forme, localisé à Paris, et confié d'abord à Jacques Soustelle, puis à Max Lejeune, qui exerça également la fonction de délégué général de l'OCRS.
Une fois au pouvoir, de Gaulle attacha personnellement une très grande importance au Sahara, et en août 1960, il nomma à la tête de l'OCRS Olivier Guichard, un de ses plus fidèles compagnons de la Résistance. Mais c'était sans compter sur le FLN révolutionnaire qui avait affirmé, dès le 20 août 1956, dans la plate-forme de la Soummam, qu'il visait l'indépendance absolue de l'ensemble Algérie-Sahara. Il se montra d'emblée violemment opposé aux principes mêmes de l'OCRS. Les manifestations nationalistes du 27 février, du 7 et du 13 mars 1962 furent, de ce fait, l'apothéose patriotique de cette vigoureuse volonté de ne pas céder une seule parcelle d'un territoire algérien arrosé, en ses quatre points cardinaux, du sang des chouhada.
S'en souvenir à jamais ! Et c'est même un devoir mémoriel sacré, une forte exigence patriotique. Ne jamais oublier donc, entre autres faits majeurs de la lutte pour l’Indépendance, les grandes manifestations du 27 février 1962 au Sahara qui ont scellé, pour l'éternité, le destin de l'Algérie algérienne, une et indivisible. A l'appel du commandement de la Zone 4 de la Wilaya VI historique, des Algériennes et des Algériens furent alors nombreux à manifester ce jour-là pour soutenir le GPRA et les négociateurs du FLN à Evian. Et témoigner surtout à l'opinion internationale de leur fort attachement à l'indivisibilité de l'Algérie. Ces manifestations furent suivies de celles de Touggourt le 7 mars et de Taïbet le 13 mars de la même année.
Le 27 février, une délégation officielle française était présente à Ouargla pour exprimer la volonté de la France coloniale de diviser l'Algérie en lui soustrayant le Sahara. L'appel du bloc FLN-ALN avait été adressé à la population pour sortir le même jour, date qui coïncidait avec la visite de la délégation française conduite par Max Lejeune, alors député SFIO. Un Max Lejeune adversaire acharné de l'indépendance, et se définissant comme partisan irréductible de l'Algérie dans la République française. Il avait défendu les pouvoirs spéciaux à l’armée et l’ensemble de sa conduite répressive, y compris l’usage systémique et systématique de la torture. Il fut aussi un des responsables de l'arraisonnement de l'avion qui transportait vers Tunis les cinq chefs historiques du FLN, et un des principaux protagonistes de l'expédition coloniale de Suez. L’objectif de cette délégation, qui comprenait aussi des représentants de l'ONU, était de promouvoir la politique de séparation du Sahara du reste du territoire national. Informée de cette manœuvre, la direction du FLN donna alors à la population de la région l’ordre de manifester pour exprimer son attachement à l'unité du territoire et son intégrité, et au-delà, le refus de toute compromission historique. Car compromission il y en a eu avec notamment le projet de De Gaulle de créer un territoire regroupant toutes les tribus touareg de toute la région. Les contacts établis à cet effet avec Mohamed Bey et son frère Moussa (Hadj Akhamokh) n'avaient pas abouti, les deux frères ayant rejeté catégoriquement la proposition gaullienne.
Les forces de répression coloniales utilisèrent alors la force pour tenter de briser la détermination des Algériens à contrarier l'objectif de partition du territoire national. Ce jour-là, sur les terres de la Wilaya VI, la liste des blessés et des martyrs de la guerre de Libération s'allongea un peu plus. Les manifestations du 27 février et celles du 7 et 13 mars 1962 furent ainsi l'expression révolutionnaire des enjeux stratégiques propres au Sahara algérien. Les négociations entre la France et le GPRA échouèrent à plusieurs reprises sur la question du Sahara que la France coloniale tenta de séparer du reste de l'Algérie, de façon à conserver un contrôle direct sur les hydrocarbures. En même temps, garder les bases de Reggane et d'In Ekker, centres d'essais nucléaires aériens et souterrains et de lancement de fusées, par conséquent des éléments fondamentaux d'une force de frappe nucléaire française autonome.
Le général de Gaulle, dans sa volonté de mettre un terme rapide au conflit algérien, finalement trop coûteux pour la France à bien des égards, sera contraint d’abandonner ses prétentions stratégiques sur le Sahara pour mieux sauvegarder les intérêts essentiels de son pays dans l'Algérie indépendante. La France avait pourtant développé une vraie politique saharienne destinée à asseoir durablement sa mainmise sur le Sahara. C'est ainsi que fut créé en janvier 1957 l'OCRS, dont «l'objet est la mise en valeur, l'expansion économique et la promotion sociale des zones sahariennes de la République française, et à la gestion de laquelle participent l'Algérie, la Mauritanie, le Soudan, le Niger et le Tchad». Il y eut même, par la suite, un ministère du Sahara en bonne et due forme, localisé à Paris, et confié d'abord à Jacques Soustelle, puis à Max Lejeune, qui exerça également la fonction de délégué général de l'OCRS.
Une fois au pouvoir, de Gaulle attacha personnellement une très grande importance au Sahara, et en août 1960, il nomma à la tête de l'OCRS Olivier Guichard, un de ses plus fidèles compagnons de la Résistance. Mais c'était sans compter sur le FLN révolutionnaire qui avait affirmé, dès le 20 août 1956, dans la plate-forme de la Soummam, qu'il visait l'indépendance absolue de l'ensemble Algérie-Sahara. Il se montra d'emblée violemment opposé aux principes mêmes de l'OCRS. Les manifestations nationalistes du 27 février, du 7 et du 13 mars 1962 furent, de ce fait, l'apothéose patriotique de cette vigoureuse volonté de ne pas céder une seule parcelle d'un territoire algérien arrosé, en ses quatre points cardinaux, du sang des chouhada.
Alors que le rapport de l’historien Benjamin Stora fait couler beaucoup d’encre et suscite des réactions contrastées, l’Association Josette et Maurice Audin poursuit ses actions de rapprochement entre la France et l’Algérie, pour la vérité et pour la justice. Et met en débat ses suggestions.
Les pistes
Dire et partager la vérité sur la colonisation de l’Algérie par la France et les atrocités et injustices commises par celle-ci sur le peuple algérien
Ouvrir toutes les archives relatives à la colonisation et la guerre d’Algérie/guerre d’indépendance algérienne
Continuer à établir la vérité sur les conditions de l’assassinat de Maurice Audin et la disparition de milliers d’Algériens et de Français de cette guerre
Soutenir politiquement et financièrement toutes les initiatives citoyennes de solidarité et d’amitié entre les peuples français et algérien
L’Association Josette et Maurice Audin créée en 2004 à l’initiative du mathématicien Gérard Tronel (ancien membre du comité Audin 1957-1962) s’est donné comme objectifs d’établir la vérité sur les circonstances de l’assassinat de Maurice Audin par des militaires français et sur le lieu où sa dépouille a été enterrée; d’établir la vérité sur la disparition de milliers d’Algériens et de Français pendant la guerre; dénoncer l’utilisation de la torture comme système de terreur à l’égard de la population algérienne et plus largement combattre l’utilisation de la torture contre les peuples dans le monde entier; agir pour la défense des mathématiciens victimes de persécutions et de répression dans le monde entier; renforcer les liens d’amitiés et de solidarité entre les peuples algérien et français, en particulier avec le Prix Maurice Audin de mathématiques.
L’affaire Maurice Audin
Le combat de Josette Audin et de ses enfants, de leurs avocats, de médias, de mathématiciens, d’élus, de militants politiques et associatifs a permis que le 13 septembre 2018 le président de la République Emmanuel Macron reconnaisse la responsabilité de l’État français dans l’assassinat de Maurice Audin et dans la mise en place d’un système d’arrestations, de tortures et d’assassinats, soutenu par l’ensemble des pouvoirs publics à l’encontre des militants de l’indépendance algérienne.
En 2019 un cénotaphe (monument funéraire ne renfermant pas de dépouille) a été inauguré au cimetière parisien du Père-Lachaise, cimetière où les cendres de Josette Audin, disparue début 2019, ont été répandues. Un représentant de l’ambassade d’Algérie en France assistait à cette inauguration. Ce cénotaphe, qui est le seul monument en France dédié à un combattant de l’indépendance algérienne, a donc acquis une position symbolique importante.
Depuis, chaque année, le 11 juin, date anniversaire de l’enlèvement de Maurice Audin, un rassemblement est organisé autour de la famille, des militants de l’Association, des élus locaux, des parlementaires, des mathématiciens, des historiens, et des journalistes.
> Le 11 juin 2021 et les 11 juin suivants, il serait bien que la République française soit représentée au plus haut niveau de son Exécutif à cette cérémonie anniversaire.
> Un nouvel appel à l’ouverture d’archives privées et de collecte de témoignages doit être lancé afin de continuer à rechercher des éléments à propos de l’assassinat de Maurice Audin et du lieu où il a été enterré.
Les disparus
La question des personnes « disparues » comme Maurice Audin entre les mains des forces de l’ordre françaises durant la guerre d’Indépendance algérienne est une préoccupation majeure de l’AJMA.
Celle-ci soutient depuis son lancement en septembre 2018 le travail de recherche mené sur le site www.1000autres.org, qui fait appel à témoignages sur le sort d’un gros millier de personnes victimes de disparition forcée, restées anonymes depuis leur enlèvement par l’armée française à Alger en 1957. Il a reçu des centaines de témoignages qui lui ont permis à ce jour d’identifier 320 disparus définitifs, morts sous la torture ou d’exécution sommaire, leurs corps restant introuvables.
Le 20 septembre 2019, l’AJMA a coorganisé à l’Assemblée nationale une riche journée d’étude impliquant des historiens, des archivistes et des juristes, consacrée à cette question. L’intégralité des communications et débats a été diffusée en ligne. Au cours de cette journée, le projet d’un recours devant le conseil d’État pour obtenir la levée de l’entrave à l’accès à certaines archives concernant les disparitions, recours déposé depuis, avait été débattu et formulé.
> La recherche de ces « disparus » doit être menée beaucoup plus activement qu’elle ne l’a été depuis 1962. Un bilan de l’activitédu groupe de travail dédié depuis 2012 à cette recherche doit être rendu public. Une véritable campagne d’appel au versement dans les centres d’archives publics des archives privées des acteurs de l’époque doit être menée. L’Association contribuera pour sa part à des initiatives et rencontres en Algérie avec des proches et descendants de disparus.
> Soutenir l’idée avancée par Benjamin Stora de reconnaissance de l’assassinat d’Ali Boumendjel [avocat, ami de René Capitant, compagnon du général De Gaulle, défenestré par l’officier français, Paul Aussaresses, en mars 1957, meurtre avoué par le bourreau dans ses Mémoires]. Cette reconnaissance marquerait un pas supplémentaire dans le fait de regarder en face ce passé colonial, comme une suite de la déclaration Audin, en souhaitant que tous les proches et descendants des victimes de la disparition forcée, de la torture et des exécutions sommaires reçoivent aussi cette réparation symbolique qu’elles attendent du crime dont elles ont été victimes. Le site 1000autres.org fournit la preuve de l’importance de cette question des disparus.
> L’État français et l’État algérien doivent coopérer et mettre en place des moyens afin de recueillir des informations pour identifier les tombes et fosses communes, ainsi que des moyens pour l’identification des corps.
Les archives
Bien qu’une communication « de plein droit » découle de la loi en vigueur pour les archives de plus de 50 ans, une instruction interministérielle _IGI _rend obligatoire une procédure de déclassification préalable pour tous les documents classifiés depuis… 1934!
L’effet immédiat de ce texte est d’interrompre brutalement des centaines de travaux de recherche – dont des thèses de doctorat – dans les archives publiques ayant trait à la vie publique de notre pays. Ce sont des décennies couvrant des périodes aussi sensibles que la seconde guerre mondiale, la guerre froide et les conflits coloniaux ou encore Mai 68, qui sont désormais soumises au bon vouloir et aux faibles moyens humains des administrations, ainsi qu’aux longs délais d’échanges entre les services versants et les centres d’archives alors que la loi de 2008 les rend en principe librement communicables jusqu’en 1970.
Cette IGI asservit la liberté de la recherche et porte une atteinte irrémédiable à ce sans quoi il n’existe pas de République démocratique : le respect de la loi. Avec l’IGI-1300, un texte réglementaire se substitue à la loi et va à l’encontre d’un principe fondamental de notre droit intégré à la Constitution « Tout ce qui n’est pas défendu par la loi ne peut être empêché, et nul ne peut être contraint à faire ce qu’elle n’ordonne pas » (art. 5 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen, 1789).
Elle contrarie considérablement la réalisation de la promesse du président de la République lors de sa visite à Josette Audin d’une plus grande ouverture des archives de la guerre d’Algérie, notamment concernant les disparus. « Aussi le travail de mémoire ne s’achève-t-il pas avec cette déclaration. Cette reconnaissance vise notamment à encourager le travail historique sur tous les disparus de la guerre d’Algérie, français et algériens, civils et militaires. Une dérogation générale, dont les contours seront précisés par arrêtés ministériels après identification des sources disponibles, ouvrira à la libre consultation tous les fonds d’archives de l’État qui concernent ce sujet ». (Déclaration du président de la République le 13 septembre 2018).
Cette situation soulève une vive protestation d’historiens, français et étrangers, d’archivistes et de citoyens.
> L’Instruction interministérielle doit être annulée, et l’accès aux archives être soumis à la loi de 2008. Des directives du premier ministre et de la ministre de la Culture doivent être données à l’ensemble des administrations détentrices des archives.
> La dérogation générale annoncée par le président de la République le 13 septembre 2018 doit être prise sans tarder.
> La venue en France de chercheurs algériens pour consulter les archives françaises doit être facilitée.
> Le guide des disparus de la guerre d’Algérie doit être complété, remanié notamment en ce qui concerne la période couverte ainsi que sur la nature des disparitions par exemple les cotes d’archives non encore communicables et indiquées dans le guide doivent être rendues communicables par un arrêté de dérogation générale. Le travail du site www.1000autres.org doit être reconnu et aidé par les autorités publiques et une collaboration doit être introduite entre ce site et les équipes des Archives nationales qui ont commencé à établir un Guide des disparus.
Les anticolonialistes en France
Benjamin Stora: « Ces anticolonialistes, intellectuels et militants surtout, sont encore peu connus en France et en Algérie… De Louise Michel à Jean Jaurès ; d’André Breton à François Mauriac ; d’Edgar Morin à Emilie Busquant, la femme de Messali Hadj ; ou de Pierre Vidal-Naquet à Gisèle Halimi, les noms et les trajectoires de ceux qui ont refusé le système colonial doivent être porté à la connaissance des jeunes générations, pour que l’on sorte des mémoires séparées, communautarisées« .
> Promouvoir cette histoire, qui au-delà des noms connus est celle des « soldats du refus« , des éditeurs, des journalistes, des militants politiques ou des manifestants …
Le prix de mathématiques Maurice Audin
En 2004 à l’initiative du mathématicien Gérard Tronel et de l’Association Maurice Audin un prix de mathématiques Maurice Audin a été créé reprenant ainsi l’initiative lancée en 1958 par le mathématicien Laurent Schwartz, président du comité Audin.
La particularité de ce prix de mathématiques est qu’il est attribué (d’abord chaque année et maintenant tous les deux ans) à deux mathématiciens : un Algérien et un Français.
Il est d’une grande valeur scientifique car le jury est composé de mathématiciens de renom, algériens et français, certains titulaires de la célèbre médaille Fields (Pierre-Louis Lions, Wendelin Werner, Cédric Villani, Ngô Bảo Châu). Afin que les lauréats puissent présenter leurs travaux à leurs collègues, ils reçoivent une somme d’argent couvrant les frais de déplacement. Il est soutenu en Algérie par la direction générale de la recherche scientifique et le ministère chargé de la recherche scientifique, en France par l’Institut Henri Poincaré et les sociétés de mathématiques. Ce prix est l’expression d’une volonté de coopération scientifique entre mathématiciens algériens et français.
> Cette initiative inscrite dans la durée mérite d’être mieux connue et valorisée. Des moyens financiers durables [ministère des Affaires étrangères, ministère de l’Enseignement supérieur, …] doivent venir appuyer l’initiative et permettre ainsi de la pérenniser.
> Les chaires de mathématiques Maurice Audin dans les deux pays doivent également être mieux connues et encouragées.
Échanges et liens d’amitiés
Un rapprochement des peuples algérien et français passe par des échanges, échanges réguliers et soutenus dans de nombreux domaines : culturel, scientifique, sportif, associatif. L’accueil réciproque des chercheurs doit être organisé et amplifié.
> Revoir la politique des visas afin de faciliter ces échanges.
> Contribuer à la production d’événements ou de documents, notamment audiovisuels, permettant de faire connaître largement cette histoire et ses enjeux, en particuliers aux jeunes. L’association soutient d’ores et déjà plusieurs projets en ce sens.
Le 4 février 2021
L’Association Josette et Maurice Audin communique cette contribution au président de la République ainsi qu’aux ministres en charge des différents sujets : ministre de la Culture, ministre de l’Enseignement supérieur, ministre des Affaires étrangères, ministre de l’Intérieur.
Ce document est également adressé à l’ambassadeur d’Algérie en France, ainsi qu’à l’ambassadeur de France en Algérie, ainsi qu’à l’ensemble des médias, français et algériens.
Lorsque la situation sanitaire le permettra l’Association organisera des rencontres en Algérie avec des proches et descendants de disparus.
Association Josette et Maurice Audin
c/o Ligue des Droits de l’Homme, 138 rue Marcadet, 75018 Paris.
Ancien membre de l'état-major de l'Armée de libération nationale, le commandant Azzedine analyse la récente polémique sur la colonisation.
Héros de l'indépendance,
Le commandant Azzedine a rejoint le maquis en mars 1955, à l'âge de vin gt ans.
Il est l'ancien chef du commando Ali Khodja, une unité d'élite de la wilaya 4 (Algérois), et fut adjoint de Houari Boumediène, chef d'état-majorde l'ALN. Arrêté dès 1962 par ses camarades, il a été mis à la retraite à l'âge de vingt-huit ans. Il retrace son parcours dans On nous appelait fellaghas, un livre qui a inspiré le film C'était laguerre,de Maurice Failevic et Ahmed Rachdi.
Comment expliquez-vous le retour périodique des débats sur la colonisation ou la guerre d'Algérie ?
Commandant Azzedine. À chaque tentative de rapprochement entre la France et l'Algérie, chaque fois qu'une volonté politique s'est dessinée pour l'amélioration des relations entre les deux pays, nous assistons à une offensive des nostalgiques de l'Algérie française. Ce n'est pas nouveau. Ce vieux contentieux n'a pas été réglé politiquement.
C'est donc, à mon avis, l'annoncede la signature d'un traité d'amitié qui a suscité des remous en France, avec bien sûr la loi du 23 février, mais aussi, rappelons-le, l'édification, dans certaines villes, de stèles à la gloire de l'OAS.
Que signifie cette sempiternelle litanie ? « Nous avons construit ceci, nous avons fait cela... » C'est vrai. Mais qui a profité de ces réalisations ? Ces infrastructures ont profité aux Européens ! L'école ?
Les Algériens qui poursuivaient au-delà du certificat d'études se comptaient
sur les doigts de la main. Et la plupart d'entre nous n'étaient formés
qu'à des métiers qui pouvaient être utiles au système colonial. L'Algérie n'est pas exempte de réactions d'hostilité au rapprochement entre les deux pays. Certains rétrogrades, ici, voient dans toute affirmation de modernité ou d'ouverture sur la culture universelle un ralliement à ce qu'ils appellent « hizb França », « le parti de la France ».
Ce traité d'amitié, qui fait actuellement l'objet de pourparlers, peut-il être le socle d'une authentique réconciliation ?
Commandant Azzedine. Ce que nous demandons, aujourd'hui, c'est simplement que l'on nous considère comme un peuple qui a acquis son indépendance. Cette indépendance, nous l'avons arrachée. Elle ne nous a pas été octroyée, comme le prétendent certains. Grâce au fusil de chasse, à nos actions politiques et diplomatiques, et au sacrifice de notre peuple, nous avons contraint le pouvoir colonial à s'asseoir autour de la table de négociation.
Il a fallu près d'un demi-siècle pour quela France ne parle plus officiellement d'« événements » mais bien de « guerre ». Mais les obstacles à une véritable réconciliation et à un travail de mémoire digne de ce nom existent des deux côtés de la Méditerranée. Je me souviens d'uneinterview du général Bigeard parue,au début des années quatre-vingt, dans l'hebdomadaire Algérie Actualités. Bigeard, interrogé sur la liquidation de Larbi Ben M'Hidi, assurait alors l'avoir remis au pouvoir politique. Pour moi, c'était l'aveu, très important,que la torture était institutionnalisée.
Cet entretien a provoqué un tollé :
la polémique portait sur le simple faide donner la parole au général Bigeard.
Je fus alors l'un des rares à défendrele principe de cette interview, même si je n'étais pas d'accordsur la forme,qui apparaissait à l'avantage de Bigeart.
Vous dites souvent ne nourrir aucune rancune à l'endroit de la France. L'engagement de Français à vos côtés dans le combat pour l'indépendancea-t-il compté ?
Commandant Azzedine. Incontestablement. L'honneur de la France a été sauvé par les objecteurs de conscience, par les porteurs de valises, par mes camarades communistes, en Algérie comme en France. Notre guerre de libération nationale, que je préfère appeler révolution, n'était pas une guerre religieuse. Il y avait, dans les rangsdes combattants, des athées, des communistes, dont certains, comme Fernand Yveton, ont été guillotinés. Je pense aussi à Maurice Laban, tombé au maquis dans les Aurès, à Maurice Audin, disparu. Je tiens à leur rendre hommage aujourd'hui. Ce sont eux qui ont sauvé les grandes valeurs de la France de 1789et qui nous font aimer ce pays.
La jeunesse algérienne s'intéresse-t-elle suffisamment, à vos yeux, à cette histoire coloniale ?
Commandant Azzedine. C'est l'un des reproches que je fais au pouvoir, qui n'a tenu aucune des promesses faites lorsdu déclenchement de la lutte arméeet au congrès de la Soummam en 1956. L'histoire de notre pays n'a pas été écrite. Ou alors elle a été écrite avec une gomme. Aujourd'hui, lorsque vous demandez à un jeune, dans les rues d'Alger, s'il sait qui est le héros de l'indépendance qui a donné son nom à la rue qu'il arpente, le plus souvent il l'ignore. Nos jeunes, même s'ils s'y intéressent, ne connaissent pas assez notre histoire. Le drame de l'Algérie, c'est que le pouvoir n'a jamais voulu d'une authentique écriture de cette histoire. Elle a été tronquée, car elle implique, encore aujourd'hui, des enjeux de pouvoir.
Paul Max Morin est doctorant en sciences politiques à Cevipof-Sciences Po. Dans cet entretien, Paul Morin assure : « En France ce sont les forces conservatrices qui refusent la reconnaissance des responsabilités et des réparations. Elles ont piégé le débat public en se focalisant sur les excuses et la repentance.»
L'Expression: Dans cette tribune, le quotidien algérien L'Expression offre la possibilité aux intellectuels, chercheurs, artistes de revenir sur le rapport Stora sans pour autant se livrer à une exégèse sans contextualisation ni prise de distance. M. Morin, vous avez travaillé sur les Mémoires de la guerre d'Algérie chez les jeunes et vous avez une bonne connaissance des dossiers d'archives de la guerre d'Algérie, nous souhaiterions faire connaître votre opinion sur ce sujet.
Paul Max Morin: En France, on a longtemps dit qu'on ne parlait pas de la guerre d'Algérie. Il s'avère surtout qu'on en parlait, mais pour dire qu'on n'en parlait pas. Les mémoires de la guerre d'Algérie ont longtemps été manipulées politiquement pour en faire un objet sensible et oublié. Ces dernières années, on parle de mieux en mieux de la guerre d'Algérie, un peu moins de la colonisation, même si on progresse. Cette progression fonctionne par paliers au gré des avancées historiographiques et à l'occasion de débats publics (comme le procès de Maurice Papon en 1998, les débats sur la torture en 2000 etc). Le rapport de Benjamin Stora crée une nouvelle occasion publique. Il a le mérite d'ouvrir le débat sur le travail à accomplir, sur ce que serait une juste mémoire. Si des conservatismes existent, ces débats font tout de même progresser la société dans son ensemble. Ce rapport était attendu. Le suivi médiatique est exceptionnel. Tous les journaux, toutes les chaînes de télé lui ont consacré des numéros ou des émissions. Cela témoigne du fort intérêt de la société française pour cette question mémorielle. Cet intérêt tient au fait que beaucoup de personnes sont concernées. 39% des jeunes, aujourd'hui, ont un membre de leur famille ayant un lien avec l'Algérie. Il tient aussi au fait que la société française est à un tournant sur ces questions. Sans que l'on soit capable d'identifier le problème, il y a une attente collective de solutions. Ce rapport s'inscrit dans ce contexte et en cela il peut décevoir car il ne peut satisfaire toutes ces attentes. Il se limite aux questions mémorielles et n'a pas vocation à soigner la société française de son passé. Il faut ensuite garder en tête deux éléments importants. Il s'agit premièrement d'un rapport franco-français qui vise à faire un constat et des préconisations pour la société française. Si bien évidemment le dialogue avec l'Algérie et les Algériens est central dans le processus, il y a aussi tout un travail que la France et les Français doivent faire sur eux-mêmes. Enfin, il s'agit d'un rapport remis au politique. Tout ne sera pas retenu. Tout sera filtré. Car en France, les discussions sur la colonisation et la guerre en Algérie sont une source de clivage politique. Derrière «l'Algérie», les politiques parlent d'identité nationale, d'immigration ou de cohésion sociale. Le rapport a d'ailleurs été commandé juste après les manifestations contre le racisme du printemps dernier. En France, on a tendance à croire qu'en réglant le problème des mémoires de la guerre d'Algérie, on solutionnera tout le reste. Or, la mémoire ne réglera pas tout. Benjamin Stora rend un rapport sur les mémoires de la guerre d'Algérie, pas sur les fractures de la société française, le racisme dans la police ou les discriminations à l'emploi. Il revient au politique de prendre aussi ses responsabilités sur ces sujets et de ne pas confondre travail sur le passé et transformation du présent.
Les préconisations du rapport Stora sont-elles utiles? Sont-elles envisageables pour une réconciliation des mémoires entre la France et l'Algérie ou faudrait-il laisser les choses telles quelles, se faire dans le temps? Oui, elles sont utiles. Elles sont de trois ordres. Un premier bloc concerne les gestes symboliques comme le fait d'honorer l'Emir Abdelkader au château d'Amboise, de panthéoniser Gisèle Halimi, de choisir les dates de commémoration etc. Il faut voir cela comme une boîte à outils pour le politique qui peut y piocher des idées de symboles. Car la politique fonctionne avec ces symboles. Le deuxième bloc concerne les dossiers sur lesquels il faut avancer et trouver des solutions (les archives, les disparus, les cimetières etc). Là ce sont des outils pour accompagner le passage vers l'histoire. Ils vont permettre aux historiens et aux historiennes de mieux travailler et de nous faire encore plus progresser. Ici, la collaboration franco-algérienne est centrale. Le troisième bloc se tourne plus vers l'avenir pour fournir des outils à la société afin qu'elle travaille toute seule: un office franco-algérien pour la jeunesse, des fonds pour traduire des ouvrages dans les différentes langues, une maison d'édition commune, une chaîne de télé etc. Ces outils m'intéressent plus particulièrement car j'étudie les jeunes d'aujourd'hui. Ils pourront s'en saisir pour découvrir leur propre histoire. Enfin, on a beaucoup reproché à Benjamin Stora la question des excuses. C'est un faux procès car cela ne fait aucunement partie des recommandations. En France, ce sont les forces conservatrices qui refusent la reconnaissance des responsabilités et des réparations. Elles ont piégé le débat public en se focalisant sur les excuses et la repentance. Le politique doit maintenant choisir s'il veut aller vers une reconnaissance pas seulement des faits, mais des responsabilités. Car c'est bien la République qui a fait la colonisation, instauré l'Indigénat et le système répressif. Le reconnaître permettrait à la société de comprendre comment elle s'est construite en faisant la colonisation. Cette compréhension systémique permet aussi de saisir les traces avec lesquelles nous vivons encore. La colonisation a produit des institutions et des représentations rarement interrogées. Le processus de reconnaissance et de réparations offre l'occasion de commencer ce travail.
Le rapport de l'historien Benjamin Stora sur les questions mémorielles portant sur la colonisation et la guerre d'Algérie suscite des réactions parfois très enflammées tant en France qu'en Algérie. Certains lui font grief d'avoir ignoré tout à la fois la torture pratiquée à grande échelle durant la guerre d'Algérie, l'insurrection des Cheikhs El-Mokrani et Aheddad en 1871 et ses conséquences désastreuses, notamment la déportation de milliers d'insurgés en Nouvelle-Calédonie, la grande révolte de Fadma N'Soumer, les enfumades, l'école quasiment interdite aux indigènes musulmans sous la IIIe République...Doit-on attendre de ce rapport d'être exhaustif et de traiter de toutes les questions litigieuses? Qu'en pensez-vous? Le rapport est forcément incomplet car on ne peut pas être exhaustif sur le sujet. Les expériences de guerre et les mémoires sont très diversifiées. De la conquête à la gestion des harkis en passant par le Code de l'Indigénat, l'enjeu n'est pas de faire la liste de tous les griefs. On en oublierait forcément. Il revient aux historiens et aux historiennes de faire la lumière sur les faits puis aux artistes ou aux sociétés civiles de s'en saisir pour les vulgariser. L'enjeu est donc de les laisser travailler et de leur donner des outils pour le faire. Ainsi, les deux sociétés progresseraient inévitablement vers une meilleure connaissance et compréhension des faits et donc d'elles-mêmes. En ce qui concerne les mémoires, je ne suis pas partisan de ce terme de réconciliation. Les contemporains ne se sont jamais fait la guerre, ils n'ont pas à se réconcilier. Au pire, ils se méconnaissent. Les mémoires ne sont pas non plus en guerre. On a longtemps dit qu'elles étaient antagonistes alors qu'en fait elles sont complémentaires. Pour comprendre cette histoire, les points de vue de l'ensemble des acteurs sont importants. Il n'est pas essentiel d'être d'accord sur tout, mais simplement sur l'essentiel c'est-à-dire le respect de l'Autre et de son histoire, l'écoute et l'empathie. L'important c'est de créer des outils permettant à la société de travailler elle-même, permettant aux mémoires, trop longtemps cloisonnées, de se rencontrer, de dialoguer dans un cadre démocratique et apaisé.
Comment concevez-vous les relations franco-algériennes? Quelles sont d'après-vous les perspectives des approches relationnelles pour les Algériens, les Français et les descendants de l'immigration algérienne? Il faut faire la différence entre la relation d'Etat à Etat que je ne commenterai pas et la relation de société à société. Je crois sentir en France comme en Algérie à la fois une curiosité et un besoin de mieux connaître l'autre pays, de pouvoir assumer une proximité, d'inventer une relation d'égalité débarrassée de l'arrogance et de la rancoeur coloniale. Beaucoup de familles françaises ont un lien avec l'Algérie avec des envies de découvrir cette culture et ce pays. Beaucoup de familles algériennes ont un lien avec la France avec ces mêmes envies. La France a une part algérienne qu'elle a longtemps occultée. Avec toute cette histoire commune, pourquoi n'apprend-on pas l'arabe à l'école? Avons-nous des liens plus forts avec les Allemands? Non, pourtant l'allemand est enseigné dans tous les collèges et lycées de France. Politiquement, il faudrait accompagner ce mouvement, faciliter les échanges de jeunes, l'apprentissage des langues, les échanges scientifiques et culturels, d'où l'importance de cet office franco-algérien pour la jeunesse.
Pensez-vous que les volontés politiques de Paris et d'Alger sont mûres et prêtes à évoluer sur des terrains constructifs pour aboutir à une réconciliation des mémoires des deux rives de la Méditerranée? Sinon, quelles peuvent-être les causes qui bloquent cette histoire de réconciliation? Je ne pense pas que les mémoires des deux rives soient en conflit, elles ont simplement besoin de dialoguer plus que de se réconcilier. Les blocages politiques n'ont rien à voir avec la mémoire. Les politiques l'instrumentalisent pour flatter le sentiment national. En France, le discours sur le refus de la repentance est un discours nationaliste pour empêcher le travail critique sur le passé, mais aussi sur le racisme dans la société française. Le racisme continue de faire des victimes en France. Les discriminations entravent les destins, briment des potentiels. Ces maux sont en partie le produit de la colonisation. Si la société française veut sérieusement se confronter au racisme, elle doit comprendre les mécanismes qui l'ont produit. C'est ce travail qui est empêché par les réactionnaires. Malgré cela, l'égalité progresse.
Les descendants d'immigrés font des études, accèdent à des postes de responsabilité. Ce faisant, ils questionnent les représentations et cela provoque chez celles et ceux refusant l'égalité et l'abandon de leurs privilèges des réactions. Ils inventent des techniques pour délégitimer le travail critique sur le passé et la lutte antiraciste. En Algérie, le pouvoir a aussi depuis longtemps monopolisé l'écriture de l'histoire pour en donner une version simpliste, homogène et parfois fausse. Le régime a construit une mythologie sur laquelle il a fondé sa légitimité. Je crois que l'aspiration démocratique passera aussi par la réécriture d'une histoire conforme à la complexité des identités et des expériences. C'est pour cela qu'on voit ressortir les portraits d'Abane Ramdane dans le Hirak. Les manifestants disent au régime: «Nous savons que vous mentez, le régime que nous voulons est un régime de vérité.» L'enjeu est aussi de comprendre en quoi l'Algérie est plurielle. Elle n'est pas le bloc homogène qu'on a longtemps laissé croire, mais les influences kabyles, juives, françaises, espagnoles etc. sont à redécouvrir. Pour la France comme pour l'Algérie, ce chemin de redécouverte de soi et de l'Autre peut être une entreprise collective enthousiasmante.
Votre thèse Les guerres d'Algérie: enjeux de mémoire dans la socialisation politique des jeunes se propose, comme vous dites, «d'apporter une contribution à la compréhension du rapport des jeunes Français à la guerre d'Algérie et ses mémoires». pourriez-vous nous éclairer sur ce sujet? Je travaille sur les jeunes Français d'aujourd'hui. À la fois ceux qui n'ont aucun lien avec l'Algérie et avec ceux qui ont un lien familial (qui ont des grands-parents immigrés, anciens soldats, harkis, juifs, pieds-noirs, militants du FLN ou de l'OAS). J'essaie de savoir ce que les jeunes connaissent du passé, d'où ils tiennent ces représentations et surtout qu'est-ce qu'ils en font. Est-ce que cela compte dans leur manière de se définir par exemple ou de faire de la politique? En France, la guerre d'Indépendance algérienne se situe au passage des mémoires à l'histoire. Cela veut dire que l'on quitte progressivement le monde des mémoires manipulées et stéréotypées défendues par tel ou tel groupe, pour un rapport plus distant à l'évènement, une simple connaissance et compréhension des faits. Je dis souvent «vous savez les jeunes ils ont TikTok et Insta, la guerre d'Algérie c'est loin». La plupart des jeunes méconnaissent cette histoire et elle n'est pas au centre de leurs préoccupations. Mais ce rapport plus distant permet aussi aux jeunes qui s'y intéressent d'interroger les mémoires intimes. Les barrières qu'étaient les mémoires à vif, les problèmes familiaux tombent. La société française offre davantage d'outils pour accéder aux connaissances. Les personnes peuvent partir à la découverte de leurs histoires familiales par curiosité et sans animosité, simplement pour comprendre leur présence au monde et la société française dans laquelle ils vivent.
Entretien réalisé par Tassadit Yacine et Kamel Lakhdar Chaouche
Les frères Barberousse, Aroudj et Kheireddine à Alger.
Baba Aroudj si tu savais Baba Aroudj ou es-tu ? Je vis sous les pierres Une prison porte le nom De mon frère Kheireddine Amir el bahr de Metiline
Je suis entouré de gendarmes De soldats, de casernes A ma porte coulent des larmes Dans cette prison il y a mes frères Dans cette prison il y a mes soeurs Djamila, Bittat et Guerroudj Faut-il se taire, il y a mon coeur
Baba Aroudj libéra Alger de la menace espagnole en 1516. Son frère Kheireddine fonda la Régence d'Alger. Les chrétiens le surnomèrent Barberousse. Les Français donnèrent ce surnom à la prison centrale d'alger que les algèriens appelent Serkadji.
Baba Aroudj si tu savais Baba Aroudj que fais-tu ? Chômeur nourri de cacahouètes Ivrogne coutois Je regarde d'Orléans Caracoler dos au môle Depuis des ans Menaces au bout de l'épée A ses pieds la nuit Longuement je me receuille Je préfère son socle à la pissotière
Cette statue du duc d'Orléans fut inaugurée en 1866, Place du Gouvernement (aujourd'hui Place des Martyrs) à Alger et déboulonnée après l'indépendance.
Baba Aroudj si tu savais Baba Aroudj qui es-tu ? Cheikh Halim sans narguillé Savant à court de rimes Sur ma jeune baie Place du cheval je promène Une prostitué de la rue des zouaves Je m'en irai quand ce bey Mécréant sera déboulonné
Cheik Abdelhalim, personnage algérois des années 1930, beau vieillard, révoqué de son poste d'immam par les autorités françaises. Connu pour ses désinvoltures, son esprit caustique et son comportement fantaisiste à l'égard des conventions sociales les plus solidement établis.
Baba Aroudj si tu savais Baba Aroudj ou es-tu ? J'erre au fond des alcôves fraîches Derrière les chapiteaux corinthiens Du palais vert pour l'été Le temps n'est plus Ou le café raillait le thé Ca sent partout la naphtaline Il y a des képis en vitrine Souvenir des enfumeurs
Baba Aroudj si tu savais Baba Aroudj que fais-tu ? De la petite mosquée je peux te voir Le pavillon ''Coup d'éventail'' Patiente un peu, autre histoire C'est une église sans bail Ou venait prier Massu Les dimanches sans éléctrodes.
Baba Aroudj si tu savais Baba Aroudj que fais-tu ? Je mesure l'étendue de leur bêtise Ils ont cloué Hamidou er-Rais Haut sur un mur de La Pointe (en hommage à Ali La Poine?) Ils ont estimé les Racim A la hauteur du chameau Ils méprisent Imrou el Quais. . Hamidou er-Rais, capitaine algérien célébre par ses exploits en mer, commandant de la flotte algérienne, mort en 1815, au cours d'un combat inégal contre une flotte américaine.
Imrou el Quais, célébre poète arabe de la période ante-islamique. en hommage à Ali La Poine?
Baba Aroudj si tu savais Baba Aroudj qu'espères-tu ? J'ai vu novembre allumer Les yeux de Lalla Khedidja Au brasier de Chélia J'ai assisté au mariage De Mohamed et de Fatma Qui procréent au son Des zorna crépusculaires J'ai vu planter un décor Vert et blanc sans étoiles argentés J'ai vu le croissant et l'étoile centrale Virer au rouge au feu de la forge La nostalgie du passé N'est pas une marche arrière
Baba Aroudj si tu savais Baba Aroudj que fais-tu ? J'écoute le coeur Des condamnés à mort Mâa toulu' alfejr Les sanglots des prisonnières Aux matins de guillotine J'écoute le choeur Des cohortes féminines Autour de serkadji Ou êtes-vous heures affolées Réservées au bain au cimetière Aux visites amicales
Baba Arroudj si tu savais Baba Aroudj que fais-tu ? J'écoute le vent de la mer Les chebecs et les polacs Ont rejoins les amphpores La clameur des dockers Couvre le cri des taifa Et c'est mieuux ainsi
taifa cri de guerre des janissaires mais, ici il a le sens de détermination.
Baba Aroudj si tu savais Baba Aroudj que vois-tu ? Le ciel est noir de corbeaux Les oreilles se vendent cher Avec les penditifs de Benni-Yenni Icherriden fut déchiré Tagdempt est moins connu qu'Abbo Dure est l'ouvrage qui dure Vendengeurs videngeurs Plus de métier sur l'ouvrage Pleure l'oiseau dans sa cage
Baba Aroudj si tu savais Baba Aroudj que fais-tu ? J'écoute les mitrailleuses Et leur têtes chercheuses Voici la meute de chiens gras Lachée sur la ville hurlant Ou est le refuge de l'Indépendance?
Baba Aroudj si tu savais Baba Aroudj que fais-tu ? J'écoute le chant
''Min djibalina -de nos montagnes -s'élève la voix -Des hommes libres -Elles nous appelle -Au combat pour l'Istiqlal!'
Baba Aroudj si tu savais Baba Aroudj que fais-tu ? Je suis au terme du voyage Parle, Lis à haute voix Au nom de ton peuple Baba Aroudj Dis à Kheireddine l'amiral Notre dette envers lui Envers Abelkader et Mokrani Les sentiers sont fraternels Qui les ont vu passer Dis notre dette Dis à Kheireddine Nous le soulagerons Du poids des cellules cancéreuses Nous arracherons l'épine Plus enfoncée dans le coeur de la ville Que l'ancien Penon T'en souviens-tu? Dis à Kheireddine Nous donnons son nom, le tien Ceux de Lias et d'Ishaq Fils de Lesbos l'ancienne A des unités navales De l'Algérie libre Baba Aroudj, père manchot Baba Aroudj boukefoussa Dors en paix, ne pleure pas !
Lias et Ishaq, frères de Aroudj et Kheireddine.
😢
Arouj (عروج) ou Baba Arouj (بابا عرّوج)ou Barberousse (بربروس) ?!
Commandant Azzedine. Dernier survivant de l'état-major de l'ALN «Le suicide collectif des Européens a été organisé par l’OAS et non pas par le FLN ou l’ALN».
Dernier membre vivant de l’état-major de l’ALN, membre du CNRA, le commandant Azzedine a vécu dans la douleur les derniers jours de la colonisation. Dans l’entretien qu’il nous a accordé, il revient sur la zone autonome qu’il a reconstituée pour neutraliser les cellules de l’OAS, mais aussi sur les guerres fratricides qui ont éclaté à la veille de l’indépendance. Pour lui, toutes les tragédies qu’a vécues le pays depuis 1962 ont deux responsables : Ben Bella et Boumediene, que l’amour du pouvoir a pervertis…
-Entre le 19 mars, marquant le cessez-le-feu et le 5 juillet date de l’indépendance, l’Algérie a traversé une des périodes la plus difficiles. Comment l’avez-vous vécue ?
En 1961, j’étais à l’éat-major de l’ALN et je suivais de près les massacres qui étaient commis contre la population algérienne. A l’époque, les négociations entre le FLN et le gouvernement français commençaient à être sérieuses et l’indépendance se dessinait à l’horizon. L’OAS (Organisation armée secrète) est entrée dans une stratégie de folie meurtrière qui n’avait aucune limite. Avec un groupe de valeureux combattants comme Omar Oussedik, Moussa Charef, que Dieu ait leur âme, Ali Lounici et Boualem Oussedik, ainsi que d’autres intellectuels qui devaient rentrer au pays, comme Zerdani, Toufik Bouatoura, et Harbi, mais qui ne l’ont pas fait, de répondre aux actions de l’OAS, il y avait Mustapha Leblidi, Hamid Dali et Nachet qui formaient l’aile militaire, et les autres qui constituaient l’aile politique.
Nous avons pris contact avec Benyoucef Benkhedda, alors président du GPRA (Gouvernement provisoire de la république algérienne), pour l’informer de notre action et il a promis de nous aider. Il nous a mis en contact avec Hafid Kerramane, qui devait grâce à ses réseaux nous faire passer la frontière franco-suisse par train, puis rejoindre l’Algérie par avion. Nous devions rentrer à Alger deux par deux et moi, mon binôme était Moussa Charef. J’avais des papiers au nom de Cerrano Georges, gendarme auxiliaire, et Charef avait un autre nom dont je ne me rappelle plus. Nous sommes arrivés au boulevard des Invalides à Paris, puis nous nous sommes dirigés vers l’aéroport d’Orly, d’où nous nous sommes envolés sur Alger. Mes papiers étaient détenus par une française, présentée comme ma fiancée, que je n’ai jamais revue une fois à destination.
Dès mon arrivée, j’ai pris contact avec la wilaya IV, et je l’ai trouvée dans une situation des plus catastrophiques. Vers la fin de 1961 et 1962, les maquis étaient désertés par les militaires français lesquels ont concentré leurs forces surtout dans les villes. Durant les négociations d’Evian, les opérations se sont arrêtées. Nous nous sommes mis d’accord avec toutes les wilayate afin de descendre à Alger et de reconstituer la zone autonome. Avec Ali Lounici,et Bouchafa Mokhtar, nous avons commencé à organiser la résistance contre l’OAS. A cette époque, les attentats commis par cette organisation criminelle faisaient entre 60 à 80 victimes par jour uniquement à Alger. Les victimes se comptaient surtout parmi les «Fatma», comme ils les appelaient, les petits pharmaciens, les vendeurs de cigarettes, de propriétaires des «quatre saisons», etc.
Nous étions en plein dans les délits de faciès. Nous avions été aidés par Mohamed Berrouaghia, par ses contacts. Par voie rapide, j’ai informé Benyoucef Benkhedda, alors président du GPRA, de la reconstitution de la zone autonome d’Alger, et l’ordre de mission qu’il m’avait établi faisait état du maintien de l’ordre dans la capitale jusqu’au référendum. Il fallait faire en sorte que le cessez-le-feu soit respecté jusqu’à ce qu’a la tenue du référendum afin de ne pas faire capoter les accords d’Evian. Les consignes étaient surtout de ne pas répondre aux provocations de l’OAS qui avait pour objectif à travers les attentats qu’elle commettait de faire descendre la population algérienne sur les quartiers européens et de provoquer la réaction de l’armée coloniale. Il fallait que nous arrivions à mettre un terme rapidement à la machine meurtrière de l’OAS, et ce, dans la discrétion totale.
-Aviez-vous ressenti le souci de faire respecter les accords d’Evian chez la partie française ?
Nos interlocuteurs représentaient la France officielle à travers le préfet d’Alger, Vitalis Cros, le capitaine Lacoste de la gendarmerie, Lucien Biterlin, des barbouzes et le général Capodano. Après l’installation de l’Exécutif à Rocher Noir, nous avons organisé la zone autonome sur le plan sanitaire, militaire, logistique et nous avons tissé un réseau de renseignements des plus extraordinaires depuis cette période à ce jour..
-Grâce à qui ?
Grâce à nos mères et nos sœurs. A l’époque, chaque famille européenne avait sa «Fatma» qui connaissait tout ce qui se passait dans les foyers et les deux communautés (arabe et européenne) vivaient chacune isolée de l’autre. Nous ne pouvions entrer chez eux, comme eux ne pouvaient s’aventurer dans nos quartiers. Avant de rentrer chez elles, ces «Fatma» venaient nous rendre compte de tout ce dont elles ont été témoins, et elles nous aidaient à localiser, grâce aux photos que nous leur montrions, les activistes de l’OAS. Nous avons communiqué toutes les informations recueillies à l’exécutif à travers Abderrahmane Fares et Chawki Mostefaï.
Le capitaine Lacoste, le préfet Vitalis Cros et le général Capodano étaient également informés afin qu’ils mettent un terme aux activités de l’OAS.
Nous, nous ne pouvions entrer dans les quartiers européens, parce que vite repérables. Il fallait que ce soit la partie française qui le fasse. Mais rien n’a été fait. L’armée française était devenue putschiste et personne ne pouvait agir. Les accords d’Evian avaient prévu la mise en action de la force locale à Alger (composée d’algériens encadrés par des officiers français), mais également les ATO (Agents temporaires occasionnels), une sorte de police temporaire. Ces forces fidèles à De Gaulle, devaient servir pour le maintien de l’ordre jusqu’à l’indépendance, mais aucune d’elles n’a été mise en place. Nous avions attiré l’attention de l’exécutif de Rocher Noir, mais aucune réaction n’a été enregistrée. Toutes les informations que nous leur transmettions sur les activistes de l’OAS restaient sans réponse. Il fallait riposter parce que la population voyait ses enfants mourir chaque jour dans des attentats. Les criminels de l’OAS voulaient déverser un camion citerne d’essence sur le haut de La Casbah pour brûler tout le quartier.
Les plasticages, les tirs au bazooka, au mortier, à la mitraillette lourde ébranlaient la capitale. C’était un cauchemar pour la population au point où celle-ci a commencé à douter de l’efficacité de la zone autonome, accusée d’impuissance. Au niveau du PC (poste de commandement), chaque soir nous nous réunissions pour établir les listes des extrémistes de l’OAS avec leur adresse, et le lendemain j’organisais des enlèvements de personnes ciblées et celles-ci sont faites prisonnières. Elles sont déférées devant un tribunal populaire qui décidait soit de leur libération soit de leur condamnation à mort. Ceux qui étaient exécutés, l’étaient pour leurs crimes abominables. Notre action avait pour objectif de stopper les massacres de l’OAS et faire respecter les accords d’Evian. Nous ne pouvions rester inertes face à la machine meurtrière de l’OAS.
L’attentat contre les travailleurs du port d’Alger, avec plus de 70 morts et de nombreux blessés a soulevé les habitants de Clos Salembier et de La Casbah. Ces derniers ont commencé à descendre sur les quartiers européens pour se venger. Nous avons eu du mal à les convaincre de rentrer chez eux. Nous leur avons promis de riposter violemment à cet acte ignoble. Et il y a eu l’action du 14 mai 1962 qui a été menée sans qu’elle soit autorisée par le GPRA ni le CNRA (Conseil national de la révolution algérienne) ou par les wilayate.
-Aviez-vous peur qu’ils ne soient pas d’accord avec votre démarche ?
Comme nous étions tout le temps en contact avec les autorités françaises, nous savions que le pouvoir officiel voulait en finir avec l’OAS, d’autant plus que l’armée française était devenue putschiste et De Gaulle voulait s’en débarrasser, alors nous avons organisé une action militaire sur tout le territoire de la zone autonome dirigée contre tous les PC de l’OAS. Il y a eu une vingtaine de morts et beaucoup de blessés. Ce qui a bouleversé la donne.
Les Français ne s’attendaient pas à une telle riposte. A partir de Genève, M’hamed Yazid décline toute responsabilité du GPRA dans ces actions. Les représentants de l’exécutif le suivent en disant que les auteurs ne sont ni de l’ALN ni du FLN. Mais, le lendemain, j’ai animé une conférence de presse où j’ai annoncé la responsabilité de la zone autonome sur les attentats, commis en réponse au non-respect des accords d’Evian par la partie française. J’ai dit aux journalistes que j’étais membre du CNRA et à ce titre le CNRA était au courant de ces opérations, au même titre que les wilayate, puisque moi aussi j’en fais partie. Omar Oussadik a été contacté par les représentants de l’exécutif comme le préfet d’Alger, Vitalis Cros, et le capitaine et il s’est entendu avec eux pour une réunion le lendemain.
Durant cette réunion, nous leur avons fait beaucoup de reproches dont celui de n’avoir rien fait contre les activistes de l’Algérie française en dépit du fait qu’ils aient été informés de toutes leurs activités et leurs adresses. Nous avons obtenu satisfaction dans tous les domaines. Et juste après, les autorités ont arrêté et envoyé au sud, dans des camps, plusieurs activistes de l’OAS, alors que de nombreux européens avaient été expulsés d’Algérie. Ces mesures ont fait basculer le rapport de force. Mais, à partir de là l’exode a commencé…
-Des européens ?
Bien sûr. Nous, nous n’avons jamais voulu que les européens partent. C’était notre grande préoccupation parce qu’ils faisaient fonctionner le pays. Ils détenaient tout entre leurs mains. Comment allions-nous faire fonctionner les centrales électriques, téléphoniques, les réseaux d’assainissement ? Comment faire arriver l’eau dans les robinets, ou encore organiser la rentrée scolaire ? Le suicide collectif des européens a été organisé par l’OAS à travers sa politique de terre brûlée et par le slogan qu’elle a mis sur notre dos, celui : «La valise ou le cercueil».
-Jusqu’au début du mois de juillet 1962, croyiez-vous réellement à l’indépendance du pays ?
Tout le monde croyait au commencement de la fin. Les accords d’Evian ont été ratifiés par tous, exception faite pour quatre responsables, Gaïd Ahmed, Mendjeli, le commandant Nacer de la wilaya V, et Boumediene. Sauf pour ces derniers, tous croyaient à la fin de la guerre. Pour la petite histoire, Omar Oussadik et moi-même étions à Alger et en tant que membres du CNRA, nous avions reçu des convocations pour aller au congrès de Tripoli, où tout a éclaté au grand jour. C’était en juin 1962. Nous avons réfléchi à la réponse. Nous avons décidé d’écrire une lettre dans laquelle nous leur disions qu’il y avait des choses plus importantes à faire à Alger avec les activistes de l’OAS, tout en délivrant des procurations à des compagnons pour nous remplacer. Nous leur avions proposé la chose suivante : à partir du moment que le 1er congrès de l’ALN-FLN a eu lieu à Ifri dans la Soummam, le 20 août 1956 en pleine guerre, pourquoi ne pas convoquer tous les membres du CNRA à Alger maintenant que la guerre était finie.
Ce congrès, leur avions-nous ajouté, pouvait être enrichi par les cadres formés dans les djebels et les villes par la Fédération de France, de Tunis et du Maroc, et il pourrait, par la suite, se dégager une assemblée constituante d’où émanerait un gouvernement. Malheureusement, chacun faisait ses comptes. Notre proposition a été refusée. Le congrès de Tripoli a capoté. C’était le premier coup de force contre le GPRA. Ils disaient que la crise était celle des wilayate. Ce n’est pas vrai. La crise a commencé à Tripoli. Les wilayate s’entendaient bien. Ce sont eux qui nous ont divisés. Les wilayas VI, I et V étaient avec Boumediene et Ben Bella, mais les autres, les II, III et IV étaient avec l’ordre instauré à travers le GPRA. Ils ont fait éclater l’harmonie qui existait entre les wilayate…
-Malgré cette crise, vous avez vécu la journée du 5 juillet 1962 à Alger. Quelle était l’ambiance dans les rues ?
C’était un moment d’euphorie et de folie. Pendant 4 jours et 4 nuits, les gens dansaient dans les rues d’Alger. Ils ne dormaient pas, ne mangeaient pas, ne travaillaient pas. Ils ne faisaient que festoyer. Benyoucef Benkhedda, qui était toujours président du GPRA, a pris la parole à partir de la wilaya. Il a dit : «Si Azeddine, ça suffit, le peuple doit retrousser ses manches dès demain.» J’ai pris la parole moi aussi, et j’ai demandé aux gens de rejoindre leur poste de travail. Le lendemain, plus personne n’était dans la rue.
-Comment Alger a été gérée juste après le départ des français ?
Les départs des Français ont duré 3 mois durant lesquels les ports et aéroports étaient bondés d’européens. Ils savaient ce qu’ils ont fait et ils n’ont pas accepté l’indépendance du pays. Au fond, ils savaient que leurs voisins étaient témoins de leurs actes. Ils ont eu peur. Dès la journée du 5 juillet, nous avons commencé à nous organiser. Nous avons reçu les membres du GPRA et il fallait les loger tous parce qu’ils n’avaient pas de logements. Mais il y avait aussi la guerre entre les dirigeants : le groupe de Tlemcen et celui de Tizi Ouzou, et il y a eu également les appétits dévorants de nos frères de l’intérieur. Après le 3 juillet 1962, il n’y avait plus rien à libérer. La wilaya IV à laquelle j’ai appartenu et où j’ai reçu 13 blessures a vu que les villas et les appartements ne se trouvaient pas dans les maquis mais à Alger. J’ai été informé de la décision de ses dirigeants de marcher sur la capitale. Au niveau de mon PC, le débat tournait autour de la nécessité d’organiser la résistance. J’ai dit : jamais je ne prendrai cette responsabilité de tirer sur un algérien…
-Qui a eu cette idée ?
Le colonel Hassen, Lakhdar Berrouaghia, Omar Ramdane, enfin tout le PC de la Wilaya IV. Nous n’avions tiré aucun coup de feu, et dès qu’ils sont arrivés ils nous ont mis en prison Omar Oussedik et moi. Je me suis évadé le lendemain et j’ai commencé à organiser la libération d’Oussedik à travers la presse. Yacef Saâdi qui se trouvait à Oran avec Ben Bella et Boumediene a été dépêché par ces derniers pour organiser la résistance à La Casbah. Le sang de nos frères a coulé au mois d’août 1962. Y avait-il quelque chose à libérer au mois d’août 1962 ? Rien. Ce qui a poussé le peuple à sortir dans la rue pour crier : «sept ans barakat !». Il y a eu trop de morts…
-Combien ?
Je ne sais pas parce que je n’ai pas tenu cette comptabilité macabre, d’autant plus que j’étais éliminé des circuits. Dans quelle case faut-il mettre tout ce sang qui a coulé ? Dans celle des pertes et profits ? Et le sang qui a coulé entre l’armée des frontières et la wilaya IV, dans quelle case va-t-on le mettre ? Pourquoi ne parle-t-on pas de ces victimes ? Mon combat est justement pour la vérité sur ces gens...
-Justement, la révolution a ses côtés sombres que les jeunes générations vous reprochent à vous en tant qu’acteurs de ne pas l’avoir dévoilée. Pensez-vous qu’il est temps d’ouvrir le débat sur cette question ?
Je milite pour un débat sur cette question parce que nous n’avons pas le droit de laisser notre histoire, 50 ans après l’indépendance, entre les mains des révisionnistes. Aujourd’hui, je viens d’acheter une cinquantaine de livres édités en France à l’occasion du 50e anniversaire de l’indépendance de l’Algérie, et il y en a eu que pour les harkis et les pieds-noirs. Ils ont oublié que le colonialisme, c’est eux. Ils étaient là en occupants et ils veulent fausser le débat sur la colonisation. Mais qu’avons-nous fait de notre côté ?b
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-Et si nous revenions sur le 5 juillet 1962 et surtout la rentrée scolaire de cette année-là. Comment a-t-elle été organisée ?
La rentrée s’est faite grâce à la mobilisation populaire. Tous ceux qui avaient un brevet ont été recrutés comme instituteurs et ceux qui avaient un diplôme plus important en tant qu’enseignants. Ainsi, les élèves ont pu intégrer les bancs des écoles et ni la langue française ni la langue arabe n’ont été diabolisées.
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-Quel a été le sort des harkis ?
A Alger, il n’y en avait pas. Mais dans les maquis, et pour l’histoire, nous avons toujours transmis des messages à ces derniers leur exigeant de rallier leurs frères dans leur combat libérateur avant l’indépendance, parce qu’au-delà, ils n’allaient pas être épargnés. Ils savaient très bien qu’après le 5 juillet nous n’allions pas les décorer. La France coloniale a abandonné ses soldats sur un champ de bataille. C’est elle qui a trahi les harkis et les chiffres les concernant ont été pervertis. A l’indépendance, nous avions entre harkis, goumis et mekhezni 96 000 hommes, recensés et dont les listes ont été remises à l’armée française. Combien sont-ils partis ? Benjamin Stora parle de 30 000, et les autres ont-ils tous été tués ? je ne le pense pas. Beaucoup ont été certes arrêtés sous le règne de Ben bella et Boumediene, mais après ils ont été relâchés. Je ne dis pas qu’il n’y a pas eu de morts. Il y en a eu.
A la libération de la France, n’y a-t-il pas eu de liquidation des collabos ? N’y a-t-il pas eu des femmes auxquelles on a rasé le crâne juste parce qu’elles s’étaient éprises de militaires allemands ? Ce sont nos traîtres, et ils ont été parqués comme des animaux lorsqu’ils ont rejoint la France. Je n’ai rien à reprocher à leurs enfants, mais je ne peux accepter ces jérémiades pour les harkis. Nous avons gagné la guerre au prix fort. Ceux qui disent que nous l’avons perdue militairement se trompent. Lors du déclenchement de la révolution, nous n’avons jamais dit que nous allons vaincre l’armée française. Notre objectif était l’indépendance. Il est vrai que De Gaulle est un grand patriote français, et nous l’avons connu à deux reprises.
Le 8 mai 45, avec le massacre de 45 000 algériens, et en 1958 après le putsch des généraux lorsqu’il a lancé les plus grandes opérations militaires pour réprimer la révolution. Il est vrai qu’ils ont laminé les maquis et nous ont occasionné de nombreuses pertes. Cependant, il faut rappeler dans quelles conditions. Les frontières doublement fermées, 2,25 millions d’algériens parqués dans des camps, des prisons pleines à craquer en France et en Algérie, 8000 villages rasés et incendiés, un millions d’hectares de forêts brûlés et 500 000 soldats mobilisés. L’Algérie était devenue une zone interdite, une colonie de peuplement avec un million de pieds-noirs. Comment la France peut-elle dire qu’elle a gagné militairement et nous politiquement ?
-Certains disent que c’est De gaulle qui a donné l’indépendance aux Algériens…
De gaulle n’a jamais voulu l’indépendance de l’Algérie. Elle lui a été imposée par le terrain. Il a donné tous les moyens nécessaires et imaginaires à l’armée afin qu’elle mène toutes les opérations possibles dans le seul but de réprimer la révolution. La souffrance qu’il nous a fait endurer était terrible durant ces années. L’armée française s’est transformée en putschiste pour garder l’Algérie, et Michelle Debré disait : «Allez tous à cheval et à pied pour garder l’Algérie». Nous avons fait tomber la 4e République, et de nombreux gouvernements avant que l’indépendance ne soit arrachée. Nous avons fait la plus belle révolution dans le monde. Notre liberté a été arrachée et non pas octroyée. Ce qui explique que 50 ans après, elle n’est toujours pas digérée par les nostalgiques de l’Algérie française. Ils me choquent lorsqu’ils disent que nous vivions comme des frères et sœurs. Ce n’est pas vrai. J’étais soudeur de 1re catégorie chez Caterpillard, et mon salaire était de 18 000 FF de l’époque, alors qu’un espagnol, du nom de Petit, qui avait les mêmes qualifications, touchait 32 000 FF. où est la fraternité ? Si la France était restée en Algérie, vous ne seriez pas journaliste, mais une Fatma chez un européen, et moi un soudeur dans une société au sud du pays, avec une maladie dans les poumons.
-Est-ce que l’Algérie de 2012 est celle dont vous rêviez avant l’indépendance ?
Vous savez, lorsqu’on avait un moment de répit et qu’on se réunissait autour d’un feu, nous parlions de l’Algérie de nos rêves entre compagnons d’armes. Jamais nous n’aurions pensé qu’avant même le recouvrement de l’indépendance, nous nous entretuerions.
Je vous rappelle que Bouteflika a été envoyé par Boumediene en France pour voir Boudiaf dans sa prison en 1962. Il lui a proposé un coup de force contre le GPRA. Boudiaf était hors de lui, il lui a dit : «Tu viens me vendre un coup d’Etat alors que le sang des martyrs n’a pas encore séché ? Je ne suis pas preneur.»
Il est revenu, et Boumediene l’a envoyé vers Ben Bella qui, dès qu’il l’a vu, lui a lancé : «Al Hamdoullah, j’ai vécu pour voir de jeunes officiers prendre le relais. Je suis votre homme et je peux mourir en paix maintenant.» Avant même l’indépendance, ils étaient déjà dans les complots. Le colonel Hassene et le colonel Boubnider ont été voir Khider, je crois au Maroc, pour lui demander ce qu’il y a lieu de faire pour arrêter l’effusion de sang et que leur a-t-il répondu ? «Une bonne saignée au peuple ne peut que lui faire du bien». 7,5 années de guerre et ils continuent à parler de «bonne saignée».
-Pourquoi tous ces complots et ces coups de force ?
Pour le pouvoir. Je ne peux pas dire que leur engagement pour la révolution était intéressé, mais l’appétit vient en mangeant. Ils ne s’entendaient pas entre eux, mais aussi avec la direction qui gérait le pays, le CCE (Comité de coordination et d’exécution) et le GPRA. Il ne faut pas oublier aussi que le congrès de la Soummam a été organisé par des hommes merveilleux tels que Abbane Ramdane, Larbi Ben M’hidi, et de ce congrès sont sorties des décisions historiques, la primauté du politique sur le militaire, de l’intérieur sur l’extérieur, et la direction collégiale. Elles n’ont pas plu à Ben Bella...
-Visiblement, il était le plus controversé…
Ben Bella était à l’extérieur et il a échoué dans sa mission de ravitailler l’intérieur en armements et en munitions. Il n’a rien fait pour les moudjahidine. Il est vrai qu’il a joué un rôle dans le mouvement national, il a été responsable de l’OS (Organisation secrète), et accepté de déclenchement de la lutte armée alors qu’il était au Caire. Ben bella a échoué dans sa mission et il en a voulu à Abbane Ramdane et Ben M’hidi, et en plus il a une responsabilité directe dans l’assassinat de Abbane…
-De quelle manière ?
C’est lui qui avait donné son accord à Boussouf. Ce dernier ne faisait rien sans prendre sons avis. Avant même l’indépendance, les tueries ont commencé entre les frères. J’étais au CNRA, et à chaque réunion, nous recevions des lettres dans lesquelles ils se chamaillaient comme les masseuses de bains maures. Le pouvoir les a pervertis. Ils nous l’ont fait payer très cher. Avant même qu’ils ne rentrent au pays, les affrontements fratricides avaient déjà commencé. Le CNRA n’a même pas terminé son assemblée générale, à ce jour, elle n’a pas été clôturée à cause des complots. Le départ de l’Algérie a été très mauvais. Ferhat Abbas, qui était avec eux, a été emprisonné, tout comme Bentoumi ou encore Khobzi. Une vingtaine de députés, dont Boumala, Oussadik, ont été incarcérés. Qu’avons-nous fait pour aller en prison ?
Toutes les tragédies que le pays a vécues sont liées à ce mauvais départ, et les grands responsables sont Benbella et Boumediène. Comment le peuple algérien, qui était majeure durant la révolution, puisse-t-il devenir mineur à l’indépendance au point de décider de son sort ? Il ne faut jamais oublier que le FLN, à travers la plume de Abane Ramdane, avait appelé tous les Algériens de toutes les obédiences à rejoindre le combat libérateur, et à l’indépendance libre, à chacun de revenir à sa famille politique afin de couper l’herbe sous les pieds du colonisateur qui voulait créer la troisième force. Mais dès l’indépendance, ils ont trahi le peuple en imposant le FLN comme parti unique. De quel droit privent-ils les gens de la liberté de constituer un parti ? La légitimité révolutionnaire durant les combats était entre les mains du CNRA qui a délégué une partie au GPRA et à son exécutif. A partir de 1962, ils ont rayé le CNRA et le GPRA pour gérer seuls le pays à ce jour. La seule légitimité qu’ils ont est celle de la mitraillette..
-Pouvons-nous comprendre que leurs agissements ont rendu amer le goût sucré de l’indépendance ?
Il n’y a aucune mesure la colonisation faite d’injustice et de souffrance et les abus dont nous souffrons aujourd’hui. Nous avons arraché notre liberté, et c’est à la nouvelle génération de conquérir la démocratie. Nous aurions évité beaucoup de crises au lendemain de l’indépendance parce que notre peuple était prêt à tout en 1962. Mais il a vu que le poisson était pourri de la tête. Notre peuple a résisté héroïquement aux 7,5 années de guerre totale, et a fini par obtenir son indépendance. Il faut en être fier.
-Quel message donneriez-vous aux jeunes d’aujourd’hui ?
Le pouvoir n’a jamais laissé faire l’écriture de la révolution. Les décideurs disaient que celle-ci était la leur. Ils refusent la vraie histoire.
Celle où ils n’ont laissé aucune trace. Des années après l’indépendance, la population voulait s’identifier à un héros de la révolution. Il lui fallait une histoire et un homme. Boumediène est allé à des milliers de kilomètres en Syrie pour chercher les ossements de l’Emir Abdelkader et planter sa statue au cœur d’Alger. Pourtant, les héros ne manquaient pas. Si El Houes et Amirouche étaient de ceux-là et leurs corps ont été cachés dans des casernes jusqu’en 1982. Est-ce normal ? A-t-il eu peur de montrer que ces hommes ont des faits d’armes qu’il n’a pas ? Il n’avait pas intérêt à raconter leur histoire ou à les glorifier. Ils ont écrit l’histoire avec une gomme et non pas un stylo. Ce ne sont pas les acteurs qui refusent d’écrire l’histoire, mais plutôt les décideurs qui refusaient toute histoire qui les dérange. Je dis aux jeunes d’aujourd’hui que vos mères et vos pères ainsi que vos ancêtres ont joué un rôle extraordinaire dans la libération de votre pays. C’est à vous de prendre le relais pour construire la démocratie. L’Islam est notre religion, mais il doit être protégé du politique. Regardez ce qui se passe dans certains pays arabes, et sachez que l’indépendance a été arrachée par nos propres moyens ni l’Egypte, ni les USA et encore moins les Russes ne nous ont aidés.
A l’occasion des 50 ans de l’indépendance de l’Algérie nous permet de découvrir des images de Jean-Pierre Laffont qui fut, avec son épouse Eliane, un pilier historique des agences Gamma et Sygma. En revisitant ses archives, Jean-Pierre a exhumé des images faites dans sa jeunesse d’officier chargé de la vie d’un douar.
Au début de l’année, alors que j’exposais les photos, réalisées par mon père, du camp de harkis de La Londe-les-Maures dans le Var, il m’écrivait : « J’ai adoré les photos de ton père. Sous-bite (ndlr : jargon militaire pour sous-lieutenant), j’avais une harka en Algérie en 1961 jusqu’en avril 1962. Je viens de scanner une cinquantaine d’images que j’ai réalisées là-bas. » Le jeune officier appelé crée une école, un dispensaire médical. Il fait de son mieux, avec cœur. Achète des fournitures scolaires à Oran sur sa solde, se démène pour ces citoyens de seconde zone que sont alors les algériens. Arrive le cessez-le-feu, l’indépendance et il doit ré-embarquer pour « la métropole » en laissant derrière lui ses harkis qui ne sont autorisés à le suivre qu’en abandonnant leur famille. Cruelles et inacceptables conditions. Jean-Pierre Laffont en restera marqué pour le restant de ses jours. Ses photos montrent déjà chez le jeune homme une belle maîtrise du cadrage et un sens du récit en images. Merci à lui et à Jean-François de ce témoignage émouvant.
Ecole Militaire d'Infanterie de Cherchell, Algérie, December 11th, 1961. Official visit of the school by the General De Gaulle and Defense Minister Pierre Mesmer.
À l'homme le plus pauvre à celui qui va demi-nu sous le soleil dans le vent la pluie ou la neige à celui qui depuis sa naissance n'a jamais eu le ventre plein On ne peut cependant ôter ni son nom ni la chanson de sa langue natale ni ses souvenirs ni ses rêves On ne peut l'arracher à sa patrie ni lui arracher sa patrie. Pauvre affamé nu il est riche malgré tout de son nom d'une patrie terrestre son domaine et d'un trésor de fables et d'images que la langue des aïeux porte en son flux comme un fleuve porte la vie.
Aux Algériens on a tout pris la patrie avec le nom le langage avec les divines sentences de sagesse qui règlent la marche de l'homme depuis le berceau jusqu'à la tombe la terre avec les blés les sources avec les jardins le pain de bouche et le pain de l'âme l'honneur la grâce de vivre comme enfant de Dieu frère des hommes sous le soleil dans le vent la pluie et la neige.
On a jeté les Algériens hors de toute patrie humaine on les a fait orphelins on les a fait prisonniers d'un présent sans mémoire et sans avenir les exilant parmi leurs tombes de la terre des ancêtres de leur histoire de leur langage et de la liberté.
Ainsi réduits à merci courbés dans la cendre sous le gant du maître colonial il semblait à ce dernier que son dessein allait s'accomplir. que l'Algérien en avait oublié son nom son langage et l'antique souche humaine qui reverdissait libre sous le soleil dans le vent la pluie et la neige en lui.
Mais on peut affamer les corps on peut battre les volontés mater la fierté la plus dure sur l'enclume du mépris on ne peut assécher les sources profondes où l'âme orpheline par mille radicelles invisibles suce le lait de la liberté.
On avait prononcé les plus hautes paroles de fraternité on avait fait les plus saintes promesses.
Algériens, disait-on, à défaut d'une patrie naturelle perdue voici la patrie la plus belle la France chevelue de forêts profondes hérissée de cheminées d'usines lourde de gloire de travaux et de villes de sanctuaires toute dorée de moissons immenses ondulant au vent de l'Histoire comme la mer Algériens, disait-on, acceptez le plus royal des dons ce langage le plus doux le plus limpide et le plus juste vêtement de l'esprit.
Mais on leur a pris la patrie de leurs pères on ne les a pas reçu à la table de la France Longue fut l'épreuve du mensonge et de la promesse non tenue d'une espérance inassouvie longue amère trempée dans les sueurs de l'attente déçue dans l'enfer de la parole trahie dans le sang des révoltes écrasées comme vendanges d'hommes.
Alors vint une grande saison de l'histoire portant dans ses flancs une cargaison d'enfants indomptés qui parlèrent un nouveau langage et le tonnerre d'une fureur sacrée : on ne nous trahira plus on ne nous mentira plus on ne nous fera pas prendre des vessies peintes de bleu de blanc et de rouge pour les lanternes de la liberté nous voulons habiter notre nom vivre ou mourir sur notre terre mère nous ne voulons pas d'une patrie marâtre et des riches reliefs de ses festins.
Nous voulons la patrie de nos pères la langue de nos pères la mélodie de nos songes et de nos chants sur nos berceaux et sur nos tombes
Nous ne voulons plus errer en exil dans le présent sans mémoire et sans avenir
Ici et maintenant nous voulons libre à jamais sous le soleil dans le vent la pluie ou la neige notre patrie : l'Algérie.
Si l’on prend la peine de lire attentivement le rapport Stora on comprend tout de suite que la France cherche une relation désormais tournée vers le futur, c’est-à-dire en termes terre-à-terre, des échanges commerciaux privilégiés. Les autres volets techniques évoqués font figure d’anecdotes, et c’est tout. En définitive, les archives tant recherchées par l’Algérie ne seront pas restituées dans l’immédiat.
C’est ce qui ressort encore d’une enquête livrée dans son édition du 16 février 2021 d’« Al Qods al-Arabi », dans laquelle y affirme, s’appuyant sur des données sur lesquelles il a eu un accès privilégié, que le secret sur les « Archives algériennes » ne sera pas levé de sitôt.
Le même propos a été rapporté il n’y a pas longtemps par un expert de la guerre d’Algérie, sur le site d’information OrientXXI. Sous le titre évocateur de « Les archives cadenassées de la guerre d’Algérie », l’auteur, y décrit le caractère de « secret d’Etat » des archives algériennes.
Dans la théorie, tout est simple, puisque la loi stipule que « Les archives produites par les autorités politiques (président de la République, membres du gouvernement ou exécutifs locaux) et par leurs cabinets dans l’exercice de leurs fonctions publiques ont un caractère public, au même titre que celles des responsables de l’administration, de l’armée et de la diplomatie ».
Mais dans les faits, les choses en sont tout autre. Preuve en est cette anecdote qui est arrivée à Madame Audin. En 2013, le président François Hollande remet à Josette Audin des copies de documents concernant son mari Maurice Audin, ainsi qu’une liste d’archives qu’elle peut aller consulter et copier. En fait, la décision du président n’est pas extraordinaire : la loi française reconnaît que la raison d’État permet de tamponner des documents du sceau « confidentiel », « secret » ou « très secret » afin d’en empêcher la consultation, mais durant cinquante ans seulement.
Mme Audin a beau courir à gauche, à droite, mais n’a pu recueillir que des « miettes » : journaux d’époque, photocopies sans importance décisive, etc.
Dans le cas de Maurice Audin, la consultation des archives nationales n’apporte donc pas grand-chose. Dans les archives de la présidence, celles de l’époque du général de Gaulle, on trouve une note de quatre pages en date du 4 août 1960, et même plusieurs versions successives de cette note, sans doute rédigée à la demande du général, au sujet de cette affaire Audin dont il entend vraisemblablement trop parler à son goût. Il suffit de lire les pages 3 et 4 de cette note pour comprendre ce qu’est la raison d’État.
Le commandant Azzedine raconte la bataille de Bouzegza
C’est ce dos de lion couché qui porte sur ses contreforts les gros bourgs voisins méridionaux et orientaux de la capitale. C’est ce lieu d’où ont déferlé les fantassins en armes, tout comme l’ont fait ceux de l’Ouarsenis et du Djurdjura pour courir au secours d’Alger, désertée par les Janissaires en déroute le 14 juin 1830, quand les armées coloniales se sont répandues sur la grève de Sidi Fredj. C’est ce djebel mythique où le prestigieux commando Ali Khodja, unité d’élite des combattants de la glorieuse ALN de la Wilaya IV, a écrit, les 4, 8 et 12 août 1957, des pages de légende parmi les plus illustres de la guerre de Libération nationale. Djebel qualifié de «pourri» par le général Jacques Massu dans ses mémoires en raison de la dérouillée qu’il y a écopé puisqu’il y a laissé plus de six cents morts dans les rangs de son armée ! Après le démantèlement de la première zone autonome d’Alger successif à l’arrestation de son chef Yacef Saâdi (23 septembre 1957) et la mort d’Ali La Pointe et de ses compagnons dans un refuge à La Casbah (8 octobre 1957), l’armée française a considérablement épaissi ses effectifs militaires dans les maquis, particulièrement les wilayas périmétriques de la capitale. La pression s’est particulièrement imposée sur la Wilaya IV, d’évidence en raison de sa contiguïté.
Dès lors qu’Alger a été éreintée et sa farouche résistance réduite, il ne se passait plus un jour sans que les armées coloniales en nombre, tous corps confondus, appuyées par des moyens aériens et terrestres considérables, ne se déploient comme la misère sur le monde à travers monts et talwegs. Un harcèlement permanent ! Il en sortait de partout. Les hélicoptères de transport, qu’on appelait les «bananes» (voir encadré), pondaient journellement des hommes en armes sur les crêtes et les pentes des reliefs les plus escarpés. Une crête occupée par l’adversaire était pour nous une bataille de perdue ! Le quadrillage était d’un tel maillage que la seule région de Ouled Moussa (ex-Saint-Pierre-Saint-Paul) était hérissée de pas moins de 58 postes militaires ! Une submersion asphyxiante qui nous contraignait à vivre en apnée. Alors que depuis les premières actions d’Ali Khodja et de son commando nous avions appris à opérer et nous mouvoir au grand jour, la constriction exercée sur nous par l’ennemi nous astreignait à une position défensive. L’initiative nous avait échappé et sans une réaction salutaire, nous risquions de perdre tout le terrain laborieusement gagné politiquement et militairement, après de durs combats souvent coûteux en vies humaines. Face à ce pressing mortel, le conseil de la Wilaya IV, alors présidé par le commandant Si M’hamed – qui assurait encore l’intérim du commandement après le départ pour Tunis du colonel Si Sadek – avait pris la décision historique et combien audacieuse de lancer une offensive généralisée contre les villes et villages relevant de sa compétence territoriale. Cette stratégie apparaissait comme la seule solution susceptible de desserrer l’étau létal qui nous étranglait. L’extension de nos capacités de nuisance et l’élargissement de notre champ d’intervention, la multiplication des points d’impact de nos raids allaient nécessairement fragmenter les rangs de l’adversaire et modérer la compacité de ses énormes moyens.
Nous somme début août 1957, conformément à l’ordre du conseil de wilaya, toutes les unités combattantes que comptait la IV sont passées à l’action. Du fait de ma parfaite connaissance de la région de Tablat, de son relief et de ses installations militaires sensibles – je m’étais évadé de sa prison le 20 octobre 1956 – il échut au commando Ali Khodja, que je dirigeais depuis sa reformation à Boukrem en janvier 1957, la mission de mener une attaque et d’y faire le plus de tintouin possible pour y semer la panique dans les rangs et la peur dans les esprits. Malheureusement, en arrivant de nuit aux abords de ce gros bourg qu’il était à l’époque, contrôlant une position stratégique sur l’axe routier Alger-Bou Saâda après le col des Deux Bassins, notre déconvenue a été grande quand nous avons constaté une concentration massive de troupes ennemies fortement équipées. L’armée coloniale s’apprêtait visiblement à lancer un de ces terribles et redoutables ratissages qui n’épargnait rien, ni les hommes ni leur environnement. Audacieux mais surtout pas téméraires, nous avons évité l’objectif pour le contourner et nous diriger vers le nord, vers le massif de Bouzegza. Sans le savoir, nous allions à la rencontre de ce qu’un coup du destin va transformer en un véritable enfer sur la terre. Alors que nous faisions mouvement vers la région de Djebel Zima, au centre du triangle Khemis El Khechna-Tablat-Lakhdaria, éludant prudemment un affrontement défavorable pour nous contre un ennemi de loin supérieur en nombre et en moyens, les autres unités avait lancé des attaques foudroyantes sur toutes les cibles qui avaient été déterminées. L’écho a été puissant et à la hauteur de nos espérances. La section de Si Boualem avait opéré contre Palestro (aujourd’hui Lakhdaria) avec succès. Les djounoud avaient même pris le soin de vider une pharmacie, emportant médicaments et nécessaires de premiers secours. Cependant, jouant de malchance, lors de la retraite de nuit, l’infirmier de la section fut arrêté. Interrogé sur la destination du retrait de sa section, sauvagement torturé, épuisé, il finit par lâcher, tout à fait fortuitement, une destination : Bouzegza ! Il savait que c’était faux mais il pensait ainsi fourvoyer ses tortionnaires sur une fausse piste. Ce qu’il ne savait pas par contre, c’est que nous nous étions réfugiés dans cet endroit, convaincus que nous y serions à l’abri car loin des voies principales de communication. Il y a lieu de préciser qu’en 1957, les montagnes et les forêts d’Algérie n’avaient pas encore été balafrées de pistes, chemins et sentiers par les scrapers et les bulldozers du génie militaire.
Ainsi, ne sachant bien évidemment rien du sort cruel de l’infirmier malchanceux de la section de Si Boualem, nous pensions que nous étions loin d’une éventuelle opération des Français. La région de Djebel Zima où nous avions décidé de nous arrêter était traversée en son milieu par une ravine fortement encaissée. C’est un petit affluent de l’oued Corso, sec en cette période de l’été. Les versants de la montagne étaient inégalement couverts ; tandis que l’un présentait plutôt l’aspect d’un maquis plus ou moins buissonneux, l’autre qui lui faisait face était constitué de pierraille et de caillasse incandescente en ce mois d’août. Nous étions réfugiés dans les maisonnettes éparses de la dechra. Nous comptions les heures et, de manière générale, lorsqu’arrivait 13h, nous pouvions souffler car une attaque ennemie qui commençait à cette heure de la journée nous permettait souvent, après une résistance conséquente, de décrocher à la faveur de la nuit tombante. L’obscurité rendait l’intervention de l’aviation impossible et l’usage de l’artillerie inutile. Nous exploitions les ténèbres pour sortir du ratissage. Mais cela était valable pour les mois d’hiver, vu la courte durée du jour. En été, la nuit tombe tardivement. Ce qui faisait que ce n’est que sur les coups de 16h que la menace s’éloignait sans jamais disparaître et anesthésier notre vigilance. L’armée française ne sortait ordinairement pas une certaine heure passée. Alors, nous pouvions nous occuper des tâches d’hygiène et profiter de l’accalmie pour une petite toilette et/ou une lessive. Ce jour du 4 août 1957, il était approximativement 15h, tout paraissait tranquille. Subitement les cigales cessèrent de striduler… Brusquement comme surgit du silence et jaillit du néant, un déferlement d’hommes et d’armes emplit, dans un grondement tumultueux, le ciel et la terre. Le versant, qui faisait face aux masures dans lesquelles nous nous trouvions, a été littéralement dévasté par les tirs de l’aviation. De l’infirmerie tenue par Baya el Kahla, une infirmière digne de tous les éloges, où je rendais visite aux malades et aux blessés, j’observais le déluge de fer et de poudre qui s’abattait sur un espace qui ne mesurait pas plus de deux kilomètres carrés.
Des moyens démesurés, cyclopéens avaient été déployés contre ce qui en l’état de leur connaissance se voulait la simple section du capitaine si Boualem qui avait opéré son coup de force à Palestro. Sur les crêtes qui nous faisaient face, les «bananes», tels des oiseaux d’acier géants pondaient, dans la chaleur et la poussière épaisse soulevée par les rotors qui fouettaient l’air dans un sifflement sinistre, des couvées entières de soldats armés jusqu’aux dents qui, cassés en deux, s’éloignaient des pales, avant de prendre position. Une fois leur ponte au sol, les appareils frappés de la cocarde tricolore de l’armée colonialiste, amblaient, pour regagner de l’altitude dans le ciel irradiant, vibrant de réverbération, pour laisser d’autres autogyres épandre d’autres troupes. Très vite, je me suis rendu compte, au regard de cette débauche d’hommes et de matériel, en observant les mouvements tout à fait improvisés des troupes au sol, que cette opération avaient en fait été préparée à la hâte et qu’il n’y avait dans tout ce remue-ménage aucune tactique élaborée préalablement. Pourtant, apprendrons-nous plus tard, cette expédition était directement commandée sur le terrain par le général Jacques Massu lequel s’était vu confier en janvier par Robert Lacoste les pleins pouvoirs de police. Il était accompagné des généraux Allard, de Maisonrouge et Simon. A la manière d’une machine à coudre les avions surfilaient les flancs de la montagne. Mais ils avaient à faire à des hommes aguerris qui avaient l’instinct de guerre des combattants les plus expérimentés. Les djounoud du commando avaient eu l’extrême intelligence militaire de ne pas bouger pour tenter une sortie ou essayer de décrocher. S’ils avaient commis cette erreur, non seulement ils auraient été des cibles que l’aviation aurait vite repérées et taillées en pièces mais les hélicoptères au lieu d’atterrir sur le versant d’en face, auraient déposé les troupes sur la crête du même côté où nous nous trouvions. Ainsi ont-ils laissé passer le bombardement intensif comme on patiente que l’orage se vide et jusqu’à ce que les «bananes» se soient éloignées abandonnant leur pondaison sur l’autre versant. Nous étions en face d’eux. A peu près deux cents mètres, à vol d’oiseau, nous séparaient. Mais il fallait une bonne vingtaine de minutes pour aller d’un point à l’autre. Dans le ciel plombé, les Pipers, tels des vautours, décrivaient inlassablement leurs cercles excentriques.
Nous étions hors de portée de leurs mitraillettes (voir encadré) mais pas des fusils. Tandis que mes vêtements séchaient, habillé d’une simple gandoura, je me trouvais à quelques enjambées des maisons où étaient répartis les membres du commando. Je les rejoint à toute vitesse, et enfilait promptement mon treillis encore humide.Nous avons encore temporisé un moment pour bien situer les positions de l’ennemi. Puis, furtivement nous sommes sortis de nos abris et nous avons gagné la crête. Nous avions une vue synoptique de toute la région. A notre grande stupéfaction d’autres troupes escaladaient en ahanant la contre-pente. Half-tracks, véhicules blindés, camions de transport de troupes… se dirigeaient vers le lieu où nous avions pris position. A ce moment, j’ai réalisé que leur manœuvre, même impréparée, pouvait déboucher sur un encerclement qui nous serait fatal. Je me souviens de ce chef de section, ô combien courageux, qui avait sorti le drapeau national, décidé à partir à l’assaut de cette nuée en armes. D’un geste je l’en dissuadais. Il ne fallait surtout pas qu’ils nous repèrent. Pour l’heure la confusion était totale de leur côté. Nous étions vêtus des mêmes treillis que nous portions de la même façon au point que nous poussions le détail jusqu’à mettre, comme eux, le col de la chemise sur le revers de la vareuse du battle-dress. Comme eux, nous étions coiffés de chapeaux de brousse, ces couvre-chefs de toile, dont un bord est relevé à l’aide d’un bouton pression. Et pour cause, tout comme notre «usine d’armement», notre «atelier de confection» était la «route goudronnée» où nous montions nos embuscades. Nous recevions rarement des équipements de l’extérieur et nous ne les portions jamais. Que ce soit les armes ou les tenues, je ne me souviens pas que le commando en ait un jour fait usage. Face à l’ennemi, peu économe en matériel de combat, nous disposions nous aussi de mitrailleuses 30 (voir encadré). Toutefois, comme elles consommaient des quantités de munitions trop importantes nous avons dû renoncer à leur emploi. En revanche, nous avions des FM BAR, fusils-mitrailleurs de l’OTAN, des FM 24/29, fusils-mitrailleurs français, des mitraillettes Thomson, d’un calibre 11.43, comme celle des films noirs américains, des MAT 49 françaises, des fusils MAS français, armes de précision, des fusils américains Garand, des carabines US, etc. Pour tout dire, le commando était armé de 9 fusils-mitrailleurs. A ma connaissance, aucune compagnie de l’armée d’en face n’en disposait d’autant. Si nous ne comptons que les armes de poing et d’épaule, conventionnelles s’entend, notre puissance de feu dans les engagements était souvent supérieure à n’importe quelle équivalence numérale française. Cela signifie aussi que chaque groupe avait un FM soit un total de trois par section ! Neuf fusils-mitrailleurs qui aboient de concert est d’un effet déconcertant sur l’adversaire !
Lors de nos diverses opérations et embuscades nous récupérions beaucoup d’armements. Nous gardions les meilleurs et nous donnions à nos frères, des autres secteurs et régions ou aux moussebiline, celles dont nous n’avions pas besoin. Comme nous ne voulions pas dépasser la katiba de 110 hommes, nous ne conservions que les armes requises pour un tel effectif… Le petit incident du drapeau passé, nous nous sommes fondus dans terrain et observions les agissement des soldats à la jumelle. Au bout d’un moment, nous avons compté à première vue deux compagnies environ qui arrivaient du sud là-bas vers Palestro. Une compagnie française est composée de quelque 140 hommes. Vu la distance qui nous séparait, nous avions présumé qu’il s’agissait de la section de Si Boualem qui repliait. Mais très vite nous nous sommes rendus compte qu’il s’agissait aussi d’unités ennemies. Nous les avons laissés venir à nous, toujours tapis, nous confondant avec le relief et la végétation de broussailles et d’épineux. Subrepticement, avec un petit groupe de djounoud armés de mitraillettes nous allons à leur rencontre, laissant les fusils et six fusils-mitrailleurs sur la crête pour nous protéger d’un raid aérien éventuel. Nous allions résolument vers l’affrontement, sans trop d’agitation. Les hommes sur lesquels nous allions fondre étaient comme nous, jeunes, mais visiblement sans expérience, ils étaient hésitants, bavards, s’interpellaient sans cesse. Ils se tordaient les chevilles dans la caillasse, se plaignaient, puis repartaient sans trop savoir vers où ils se dirigeaient. Ils nous aperçoivent mais ils sont persuadés que nous étions des leurs, vu que ne tirions pas. Mais une fois à portée de nos MAT nous les arrosons copieusement…
– Bon Dieu nous sommes des dragons ne tirez pas ! Hurlaient-ils.
– Mais alors que faites vous là-bas, si vous êtes des dragons Rejoignez-nous dans ce cas ! leur répondais-je, avec force gestes autoritaires, ajoutant ainsi à la confusion s’emparait d’eux.
– Vous êtes complètement barjos, vous avez abattu des hommes à moi, criait celui qui commandait la troupe. Alors qu’ils croyaient avoir affaire aux leurs, nous surgissions et en arrêtions par paquets dans cet embrouillamini total. On les arrête par sections entières. «Levez les mains !» Délestés de leurs armes, paniqués, les prisonniers montent en courant la pente jusqu’à la crête où les cueillent les membres du commando restés en poste. Ils s’entassent, s’accroupissent dans les cours des maisons. Nous jetons en tas leurs armes et leurs munitions. «Quel pactole ! Jamais vu ça !» A un moment donné l’aviation a survolé le champ de bataille, mais pour opérer il faut qu’une distance nous sépare et comme nous étions vêtus des mêmes uniformes, du ciel, les pilotes ne pouvaient pas nous distinguer les uns des autres. De même pour l’artillerie qui ne pouvait pas pilonner, tant que nous étions rivés à eux. Nous ne leur laissions pas le temps de se positionner loin de nous et dégager un espace qui nous séparerait suffisamment pour permettre un bombardement aérien ou un tir de barrage de l’artillerie. Mais au bout d’un instant, les appareils reviennent et l’artillerie se réveille. Les uns mitraillent, l’autre canonne, sans distinction. A l’aveugle. Nous reculons et nous dégageons pour rejoindre les fusils-mitrailleurs et les fusils embusqués sur la crête et les laissons faire un carnage dans leurs propres rangs. Le combat se déroulait à la mitraillette. Habitués au terrain et à ses accidents, nous nous déplacions plus rapidement et utilisions le moindre escarpement pour nous placer hors de portée de leurs tirs. A la décimation causée par l’aviation et l’artillerie, qui s’acharnent sur leurs propres troupes, s’ajoutent les giboulées de nos fusils mitrailleurs qui entrent en action… C’est une opération qui a débuté vers 15h et qui a duré jusqu’au début de la nuit.
Quoiqu’en dise, la propagande militaire française relayée par les journaux colonialistes de l’époque qui ont fait état de prétendues dizaines de morts dans nos rangs, j’affirme, en tant que responsable de ce commando d’élite dont l’héroïsme et la bravoure ont été chantés par le peuple qui l’a enfanté, et déclare devant les vingt témoins de cette bataille et qui sont toujours en vie (voir leur liste), que nous avons relevé hélas la mort de moussebilin et de pauvres civils sans arme et que le commando n’a enregistré qu’un blessé. Un courageux déserteur de l’armée française que nous surnommions Ahmed El Garand, qui est arrivé chez nous armé d’un fusil de cette marque. Le journal parisien Le Monde parlera, au lendemain de cette débâcle, de plus de 600 morts parmi les hommes des 4 généraux ! Les combats rapprochés ont fait rage jusqu’à ce que tombe la nuit. Aussitôt Baya El Kahla, qui avait organisé les femmes de la déchra, me rejoint et nous informe des multiples possibilités de retraite qu’elles avaient aménagées. Elles nous donnent les mots de passe. Et à mesure de notre progression protégée par la nuit, nous rencontrions des femmes postées en éclaireuses pour ouvrir le passage et nous prévenir de la présence éventuelle de groupes ennemis et des embuscades qu’il pouvait tenter. Rapidement, nous sommes sortis de l’encerclement emportant avec nous une soixantaine d’armes, car c’est tout ce que nous pouvions porter. Nous avons laissé sur place des dizaines d’autres que la population du douar devait récupérer pour les donner aux sections ou aux djounoud de leur région ou de leur zone. Ce fut la défaite de Massu et de ses trois généraux. Sans avoir l’honnêteté de reconnaître qu’il s’agissait d’une déconfiture, il ruminera jusqu’à la fin de ses jours son échec sur les cimes de Bouzegza. Je n’ai jamais raté l’occasion d’enfoncer davantage le clou en rappelant aux pires de ses mauvais souvenirs, comment il y mordit la poussière ! ça lui sapait son ego de grand stratège. Le fait d’avoir racolé quatre généraux comme lui, pour les convier à ce qu’il croyait être un pique-nique estival, ou une randonnée de montagne, ajoute à ses rots atrabilaires.
Il ignorait et il a compris que tout ce qu’il savait de la guerre révolutionnaire, c’était celle qu’il menait jusque-là contre le peuple désarmé. Que ce qu’il savait de la guerre tout court, c’était ce qu’il avait accompli sous le bouclier tutélaire et protecteur des alliés pendant la Seconde Guerre mondiale. Anglais dans le Fezzan en Libye en 1941 et Américain au sein de la deuxième DB de Leclerc en 1944. Les quatre généraux n’avaient rien cogité, rien préparé, convaincus qu’ils étaient, qu’ils allaient «casser du fell comme on va aux fraises». Le commando Ali Khodja leur a prouvé ce jour-là que la guerre n’est pas une promenade de santé. Ils avaient sous-estimé la combativité de leur adversaire, ils avaient méjugé la réactivité des djounoud de l’ALN, tout comme ils avaient surévalué leur capacité d’organisation qu’ils croyaient naturellement supérieures à celles des indigènes que nous étions. Par ricochet, notre victoire revient aussi et indirectement à ce jeune infirmier courageux de la section de Si Boualem qui les a involontairement jetés dans un guêpier. Le 4 août à Bouzegza, la victoire a été celle du remarquable commando Ali Khodja. C’est aussi celle de tous les moussebilin et de toute la population de la région de Zima. Mais ce qu’on appelle la bataille de Bouzegza, ne s’arrête pas à la journée du 4 août 1957… Le 8 août, soit trois jours plus tard, persuadée que comme la foudre qui ne frappe pas deux fois au même endroit, l’armée française ne repassera pas là où elle a déjà opéré, d’autant qu’elle en garde un souvenir plutôt affligeant. Nous sommes donc revenus dans ce massif, après nous être reposés et repris des forces non loin de là. Mais ils ont eu exactement la même réaction et nous n’avions pas posé nos bardas que…
«El Askar ! El Askar !»
Des deux versants montaient des colonnes de soldats. Nous nous trouvions entre les deux. Armés et comme toujours en tenue impeccable, nous sommes sortis et nous nous sommes engagés en colonne tout comme eux sur un sentier qui allait en direction de taillis assez touffus pour nous permettre de décrocher. Les avions arrivaient derrière nous. C’étaient des T6, «es seffra» (jaune), armés de mitrailleuses 12/7, qui approchaient en piqué sans tirer. Leur altitude n’était pas fort élevée et leur vitesse modérée (environ 250 km/h). Nous distinguions parfaitement les pilotes qui jetaient des regards à partir de leur cockpit. Cette fois encore, notre sang-froid sera à l’origine de notre succès. Alors que les appareils menaçants arrivaient dans notre dos en hurlant, sans nous démonter, nous leur faisions des signes amis de la main pour leur signifier que nous étions «des leurs». Alors que les deux colonnes, nous «encadraient» mais à distance, les avions poursuivaient leur noria menaçante au-dessus de nos têtes. Tireront-ils, ne tireront-ils pas ? Au bout d’un moment, qui nous a semblé un siècle, nous nous sommes mis hors de vue, sous le couvert végétal avant de nous disperser. Aussitôt, les pilotes comprennent qu’ils avaient été leurrés. Cette fois-ci, il n’y a pas eu d’engagement et nous avons réussi à nous faufiler à travers bois et ravines pour nous éloigner du théâtre du ratissage. Aussi étonnant que cela puisse paraître, nous sommes revenus au même endroit le 12 août, croyant dur comme fer qu’un lieu que les Français ont ratissé, brûlé, bombardé, pilonné, «napalmé», serait le meilleur des abris. Mais la loi des probabilités a été bousculée et pour la troisième fois, en une semaine, nous sommes tombés nez à nez sur l’ennemi. Nous venions d’ouvrir les portes de l’enfer. Ce n’étaient plus des dragons, mais des paras. Tôt, les affrontements ont commencé avec l’engagement des ferka de si Boualem encerclé, sur une position qui lui était défavorable. Elles ont été pratiquement décimées, les pertes ont été considérables. Nous avons perdu des hommes tout comme nous avons enregistré une dizaine de blessés. Notre connaissance du terrain nous a sauvés d’un immense péril. Tout ce que l’ALN comptait dans cette zone de commissaires politiques, de responsables des renseignements, de chargés de la logistique, des agents de liaison, et toute la population avaient été sollicités pour nous permettre de sortir de la nasse avec le moins de dégâts possibles. Tirant les enseignements des deux précédents affrontements, cette fois les «léopards» ont mis pour ainsi dire le paquet et se sont ingéniés à tenter de redorer le blason terni des quatre généraux. Un feu roulant ininterrompu, des pluies de grenades, que nous réexpédions d’ailleurs, car dans leur hâte de se débarrasser de l’engin explosif, ils lançaient aussitôt la goupille retirée, ce qui nous donnait souvent le temps de les renvoyer à l’expéditeur. Ce que m’a appris mon expérience au maquis, c’est que si la peur est contagieuse, le courage l’est tout autant. Lorsque vous savez que vous pouvez compter sur ceux qui se trouvent à votre droite et à votre gauche, eux aussi sont convaincus qu’ils peuvent compter sur vous. Ce que j’ai appris à Bouzegza, c’est qu’au combat comme dans la vie, il ne faut jamais sous-estimer l’autre.
Liste des membres du commando Ali Khodja encore en vie
– Zerari Rabah dit Si Azzedine
– Yahi Ahmed dit Ali Berianou
– Aït Idir Hocine dit Hocine
– Tounsi Djilali dit Abdelkader
– El Kahlaoui Abdelkader dit El Kahlaoui
– Rafaâ Louennass dit Rouget
– Kouar Hocine dit Hocine
– Blidi Abdelkader dit Mustapha Blidi
– Ben Salah Ammar dit Nachet
– Boulis Lakhdar dit Lakhdar
– Ladjali Mohamed dit Hamid Doz
– Rahim Mohand dit Bédja
– Si Athman
– Bachir Rouis dit Nehru
– Zerrouk
– Touhami Ali
– Nezlioui
– Kadi Mohamed-Chérif dit Chérif el Kbayli
– Hout Ahmed
Quelques action du commando Ali Khodja
– Juillet 1957 : accrochage à Djebel Belemou (Bou Zegza)
– 05 mars 1958 : accrochage à Belgroun
– 1958 : accrochage à Eryacha
– 1958 : accrochage à Lemchata
– 15 mai 1958 : accrochage à Maghraoua – 1958 : accrochage à Hadjra Essafra – 1958 : accrochage à Zaouïa (Soufflat)
– 1958 : attaque d’un camp près de Aomar
– 17 octobre 1958 : accrochage à Souflat
– 22 octobre 1958 : accrochage à Ouled Sidi Abdelaziz
– 06 janvier 1959 : accrochage à Tafoughalte (en Wilaya III)
– mai 1959 : accrochage des commandos des zones 1 et 2 près de Batna
hassbetna khobza tohna aliha berraffale ya Khouya” ?
Que reste-t-il de Bouzegza et de ses illustres batailles menées par les moudjahidine contre l’armée coloniale sinon que ce djebel surnommé par le général Massu “la montagne pourrie” ? Une montagne qui est en train de pourrir réellement et pour de vrai. Ce que le napalm lâché par les avions français n’est pas parvenu à détruire, des centaines de kilos de TNT que des entreprises algériennes lâchent chaque semaine sur les lieux ont réussi à défigurer le site historique. Plus de sept entreprises spécialisées dans la production des agrégats dont quatre privées et une étrangère participent à ce qui est considéré désormais dans la région comme une opération autorisée de dévastation. La fameuse grotte d’Ifri connue sous le nom Ghar Ifri qui avait abrité l’unité d’élite des combattants de la glorieuse ALN de la Wilaya IV dirigée par le commando Ali Khodja a été intégré dans le périmètre des 26 hectares donnés en exploitation. Au lieu d’être classée comme monument historique, la grotte qui porte encore sur ses parois des graffitis faits par les baïonnettes des moudjahidine est réduite tristement à un vulgaire bloc de pierre. Déjà, elle a connu des modifications notamment au niveau de sa porte d’entrée. Selon un cadre d’une entreprise opérant sur les lieux, la société qui exerce dans ce périmètre a jugé utile d’agrandir, sans souci ni état d'âme, l’entrée principale de la grotte pour permettre une meilleure circulation de ses ouvriers et des engins. Des citoyens de la région travaillant sur les lieux affirment que seulement 700 à 800 mètres séparent le théâtre des opérations ou des explosions du cœur de Ghar Ifri. À cette allure, la grotte disparaîtra dans deux à trois ans, indique un ancien moudjahid qui prédit la disparition du pic de Bouzegza dans dix à quinze ans. Pour illustrer ses propos, notre interlocuteur nous a tout bonnement invités à bien examiner la montagne qui n’est plus Bouzegza de l’année 1969. Pour lui comme pour beaucoup d’autres, la montagne n’est plus la même. Ses traits et ses lignes légendaires que les Algérois accrochés sur les hauteurs contemplaient depuis leurs balcons commencent à fondre entraînant dans leur passage la mémoire et une partie de l’histoire d’un peuple. Une opération d’anéantissement qui se poursuit dans l’indifférence générale. Récemment les restes de 12 squelettes dont on n’a pas jugé faire des tests ADN pour déterminer s’ils appartiennent à des moudjahidine, ont été transférés dans un cimetière à Kharrouba. Les responsables ont imputé, sans aucune preuve scientifique, ces ossements à d’anciens habitants de la région. L’affaire a suscité de nombreuses interrogations chez les moudjahidine et la population mais les voix qui se sont élevées ont été aussitôt étouffées. De nos jours, on ne badine pas avec “l’économie” même si ces carrières d’agrégats rapportent beaucoup plus à leurs propriétaires pour la plupart des privés, qu’à l’État algérien. D’ailleurs, les populations de Bouzegza et de Keddara qui subissent chaque jour les bruits insupportables des explosions et la poussière suffocante des camions aimeraient bien connaître le chiffre d’affaire réalisé par l’État algérien dans ces opérations. Les responsables comme les moudjahidine à tous les niveaux sont interpellés sur ce cas Bouzegza, où les lois semblent avoir été laissées de côté, voire bafouées, notamment la loi n° 91-16 du 14 septembre 1991 relative au moudjahid et au chahid. Celle-ci considère à juste titre comme symbole et monument de la guerre de Libération, tout ce qui a trait à la guerre de Libération nationale tels que les sites de regroupement, les lieux de bataille, les bâtiments, les refuges, les précipices, les grottes, les hôpitaux fixes et mobiles, les vestiges, les prisons, les lieux de détention, de concentration, d'exécutions collectives et les lieux de surveillance, et d'une manière générale tout ce qui a trait directement à la guerre de Libération nationale. L’article 41 de cette loi précise que “l'État œuvre à la protection et à la classification des monuments de la guerre de Libération et de ses symboles, ainsi qu'à leur préservation de toute déformation dégradation ou destruction comme il veille à leur entretien.” Quant à l’article 42, il stipule que “toute atteinte aux monuments de la guerre de Libération et à ses symboles est sanctionnée conformément à la législation en vigueur, notamment le code pénal”. M.T Liberté
IL Y A 60 ANS LA BATAILLE DE BOUZEGZA
La bataille de Bouzegza est une bataille qui s'est déroulée durant la Guerre d'Algérie dans la région berbérophone du massif d'Adrar Azegzaw (Djebel Bouzegza), dans la partie orientale de la région atlassienne.
Les 4, 8 et 12 août 1957, le commando Ali Khodja de l'Armée de libération nationale de la wilaya IV. affronte les unités de l'Armée française commandées par le général Massu en personne accompagné de trois généraux.
Malgré le nombre de ses soldats et les moyens considérables qu'elle met en œuvre, l'armée française subit un lourd échec. Le commandant Azzedine a déclaré qu'un article du quotidien Le Monde paru le lendemain de cet événement a fait état de pertes françaises de l'ordre de 600 morts, blessés et disparus, les combattants de la Wilaya IV déplorant selon lui seulement quelques blessés.
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