S’il est un moment bien oublié de l’histoire de la guerre de Libération nationale, c’est assurément l’action menée par la cellule FLN d’Es-Sénia (Oran) contre un avion d’Air France qui effectuait la liaison entre Oran et Paris.
J’exprime ici toute ma reconnaissance à Mohamed Fréha qui, il y a quelques années déjà, avait attiré mon attention sur cet événement, alors hors champ historique, personne n’en avait fait mention. En effet, ni le récit national, ni les historiens, ni les journalistes n’ont évoqué «l’explosion en plein vol d’un avion commercial d’Air France !». Mohamed FREHA est bien le seul. Dans son ouvrage J’ai fait un choix, (Editions Dar el Gharb 2019, tome 2) il lui consacre sept pages. Ses principales sources étaient la mémoire des acteurs encore en vie, celle des parents des chouhada et la presse d’Oran de l’époque, (L’Echo d’Oran en particulier). Les archives du BEA (Bureau d’enquêtes et d’analyses pour la sécurité de l’aviation civile), Fonds : Enquête sur les accidents et incidents aériens de 1931 à 1967 et plus précisément le dossier Accidents matériels de 1957 intitulé à proximité de Clermont-Ferrand (Puy-de-Dôme), Armagnac (F-BAVH) 19 décembre 1957, conservées aux Archives nationales de France, ne sont pas encore consultables. Qu’en est-il des archives de la Gendarmerie française ? Qu’en est-il de celles de la Justice civile et militaire là-bas dont celles des Tribunaux permanents des forces armées (TFPA). Et ici ? Et chez nous ? Il reste à retrouver et travailler les minutes du procès.
C’est ainsi que le jeudi 19 décembre 1957, à 14 heures, affrété par Air France, un quadrimoteur « Armagnac SE » numéro 2010, immatriculé F-BAVH appartenant à la Société auxiliaire de gérance et transports aériens (SAGETA), avait quitté l’aéroport d’Oran-Es-Sénia pour Paris qu’il devait atteindre vers 20 heures. A 18 heures 15, il fut brusquement détourné vers Lyon alors qu’il survolait Clermont-Ferrand. Une déflagration venait de se produire à l’arrière de l’avion au niveau du compartiment toilettes. Selon le témoignage d’un passager, la vue des stewards et hôtesses de l’air, qui couraient dans l’allée centrale vers la queue de l’appareil avec des extincteurs à la main, inspira un moment d’inquiétude. Le vol se poursuivit normalement malgré une coupure d’électricité et la baisse soudaine de la température dans la cabine.
Un petit travail de recherches nous apprend que l’aéronef, l’Armagnac SE, avait une excellente réputation de robustesse. Il était le plus grand avion de transport français jamais construit à ce jour et avait la réputation d’avoir «servi à de très nombreux vols entre Paris et Saïgon (actuellement Ho-Chi-Minh-Ville) lors de la guerre d’Indochine, principalement dans le rapatriement des blessés et des prisonniers». A-t-il été repéré et choisi pour cela ?
Il n’en demeure pas moins que le commandant de bord décida alors de se poser à l’aéroport de Lyon-Bron, rapporte le journaliste du Monde (édition datée du 21 décembre 1957). Toujours selon le commandant de bord : «La robustesse légendaire de l’Armagnac nous a sauvés, car d’autres appareils dont la queue est plus fine auraient certainement souffert davantage ». Une photographie montre bien cette brèche de deux mètres carrés.
Débarqués, les passagers comprennent qu’ils ne sont pas à Orly et l’un d’entre eux remarque une « grande bâche qui recouvre le flanc droit du fuselage ». Ils apprennent qu’ils sont à Lyon et qu’il y avait eu une explosion dans l’arrière de l’avion. Ils sont tous interrogés par les enquêteurs de la police de l’Air. L’hypothèse d’un accident technique est écartée et celle d’une action (un attentat, disent-ils) du FLN s’impose, ce qui provoque l’intervention des agents du SDECE. Et pour cause, c’est bien une bombe qui avait explosé.
Mais il y avait aussi le fait que cet avion transportait 96 passagers et membres d’équipage parmi lesquels 67 étaient des militaires de tous grades, venus en France pour les fêtes de Noël. L’enquête reprend à l’aéroport d’Es-Sénia qui se trouvait, à cette époque encore, au sein d’une base de l’armée de l’Air. Elle est confiée dans un premier temps à la gendarmerie d’Es-Sénia et s’oriente vers le personnel civil algérien, femmes de ménage comprises. Mais les soupçons se portent vers les bagagistes qui étaient dans leur grande majorité des Algériens. Elle aboutit à la découverte d’une cellule FLN à Es-Sénia à laquelle appartenaient, entre autres, des bagagistes.
Dans son récit construit sur la base des témoignages, Mohamed Fréha nous donne des noms et un narratif assez détaillé de l’action de ces militants. Le chef de l’Organisation urbaine FLN d’Oran avait transmis à un membre de la cellule dormante d’Es-Sénia, un ordre du chef de Région. Ils devront exécuter «une action armée spectaculaire.» Lors d’une réunion, le 15 décembre, la décision fut prise de «détruire un avion de ligne en plein vol». Mais il fallait «trouver une personne insoupçonnable de préférence avec un faciès européen». Ce fut un Européen, Frédéric Ségura, militant du Parti communiste, bagagiste à l’aéroport. Mohamed Fréha nous donne six noms des membres de la cellule auxquels il ajoute un septième, Frédéric Ségura. Madame Kheira Saad Hachemi, fille d’Amar Saad Hachemi el Mhadji, condamné à mort et exécuté pour cette affaire, nous donne treize noms dont celui de F. Ségura et présente un autre comme étant le chef du réseau. Ce dernier n’est pas cité par Mohamed Fréha.
Lorsque les militants du réseau avaient été arrêtés l’un après l’autre suite à des dénonciations obtenues après de lourdes tortures, Frédéric Ségura, qui avait placé la bombe, est torturé et achevé dans les locaux de la gendarmerie. Selon un policier algérien présent lors de l’interrogatoire, Ségura n’avait donné aucun nom. «Je suis responsable de mes actes !» avait-il déclaré à ses tortionnaires du SDECE. Son corps n’a jamais été retrouvé. Après l’indépendance, le statut de martyr lui fut certes reconnu, mais son sacrifice n’est inscrit nulle part dans l’espace public d’Es-Sénia. Rien non plus sur cette action. La mémoire est impitoyable quand elle est courte et qu’elle laisse la place à l’oubli. Quant au chef de la cellule, Lakhdar Ould Abdelkader, il aurait trouvé la mort au maquis.
Lors du procès, fin mai 1958, Amar Saad Hachemi el Mhadji, gardien de nuit à l’aéroport, fut condamné à mort et guillotiné le 26 juin 1958. Il avait introduit la bombe, crime impardonnable. Dehiba Ghanem, l’artificier, qui avait fabriqué la bombe artisanale, fut condamné à la prison à perpétuité. Les quatre autres impliqués, Kermane Ali, Bahi Kouider, Zerga Hadj et Salah Mokneche, furent condamnés à de lourdes peines de prison. Quant aux quatre autres, la justice a condamné trois à des peines légères et en a acquitté un. Non seulement ils étaient dans l’ignorance de ce qui leur était demandé (transporter la bombe ou la cacher dans leur local) mais de plus ils n’étaient pas membres de la cellule FLN. Des questions restent en suspens faute d’avoir accès aux archives : l’avion a-t-il été choisi à dessein, à savoir le fait qu’il transportait des militaires ? L’objectif était-il vraiment de donner la mort aux passagers ? Sur cette question, Mohamed Fréha rapporte que, réprimandé par sa hiérarchie, l’artificier répondit : « Non seulement que le dosage n’était pas conforme à la formule, mais également la poudre utilisée était corrompue par l’humidité».
Pourtant, Le correspondant du Monde à Lyon avait alors écrit : «Des dernières portes de la cabine jusqu’à la cloison étanche, le parquet était éventré. Il s’en fallait d’une dizaine de centimètres que les gouvernes n’eussent été touchées, ce qui eut entraîné la perte du quadrimoteur». Enfin et curieusement, le passager avait conclu son témoignage en établissant un lien avec un autre événement survenu une année plus tôt: «Réagissant à la piraterie de la «France coloniale» le 22 octobre 1956, lorsqu’un avion civil qui conduisait Ahmed Ben Bella du Maroc à la Tunisie, en compagnie de Mohamed Boudiaf, Hocine Aït Ahmed, Mohamed Khider et Mostefa Lacheraf est détourné par les forces armées françaises, le FLN voulait une réciprocité spectaculaire».
Spectaculaire ? C’est bien ce qu’avait demandé le chef FLN de la Région. L’action le fut et à un point tel qu’aujourd’hui rares sont ceux qui croient qu’elle a vraiment eu lieu. Il est triste de constater que cette opération qui a causé la mort de deux militants : Frédéric Ségura et Amar Saad Hachemi, n’est inscrite ni dans notre récit national ni dans la mémoire locale. Il nous faut visiter le musée créé par Mohamed Fréha au boulevard Emir Abdelkader à Oran pour y trouver des traces. Ces martyrs et leurs frères du réseau d’Es-Sénia méritent la reconnaissance de la Nation. Peut-être alors que leurs frères d’Es-Sénia et d’Oran leur rendront hommage à leur tour. Inch’a Allah !
par Fouad Soufi
Sous-directeur à la DG des Archives Nationales à la retraite - Ancien chercheur associé au CRASC Oran
Entre 1954 et aujourd’hui, la part des ruraux dans la population algérienne a été divisée par trois. Pour cerner les origines de cette transformation, il faut revenir au rôle déterminant joué par les paysans aux premières heures de la guerre d’Algérie. Si leur soulèvement le 20 août 1955 a fait basculer le conflit, les mesures qu’il a suscitées ont ensuite affaibli la paysannerie.
hierry Ardouin ///// POACEAE, Sorghum halepense (L.) Pers., sorgho d’Alep, origine Bassin méditerranéen, de la série « Portraits de graines », Collection MNHN, 2022
La guerre d’Algérie n’a pas un an. On ne l’appelle pas encore ainsi. L’intensité des « événements » (attentats, embuscades, sabotages) tend même à diminuer après l’insurrection de la « Toussaint rouge » du 1er novembre 1954 et le pic de violences qui l’a suivie. Dans les villes, le Front de libération nationale (FLN) demeure discret. L’Armée de libération nationale (ALN) se montre surtout active en Kabylie et dans les Aurès, deux régions montagneuses. Mais un homme prépare l’insurrection des campagnes. Responsable du FLN pour le Nord Constantinois (la Wilaya II), Zighoud Youcef décide d’embraser l’Est algérien
Le 20 août 1955, encadrés par des djounouds de l’ALN, des milliers de paysans armés de faux, de haches et de couteaux s’attaquent aux centres urbains et aux intérêts économiques coloniaux : fermes, mines, transports. Une quarantaine de villes et de villages sont attaqués. À Collo, Constantine, Guelma ou Philippeville (Skikda aujourd’hui), près de deux cents Européens sont massacrés ainsi que des personnalités musulmanes plus ou moins proches de l’administration coloniale ou réticentes à suivre le FLN. L’armée française et les services de sécurité réagissent très vite et une répression disproportionnée s’engage. Des douars sont bombardés par la marine, les soldats tirent à vue sur les musulmans qui ont le tort d’être dans la rue. Les exécutions sommaires, souvent collectives, se multiplient. Bilan communément admis : 10 000 musulmans tués. Tout cela rappelle les événements du printemps 1945 quand, déjà, l’Est algérien s’était soulevé pour réclamer l’indépendance. Après avoir mené une impitoyable répression (entre 15 000 et 45 000 morts), le général Raymond Duval avait adressé une mise en garde prémonitoire aux autorités politiques de Paris : « Je vous ai donné la paix pour dix ans ; si la France ne fait rien [NDLR, pour améliorer la situation de la population musulmane], tout recommencera en pire et probablement de façon irrémédiable. »
Il ne s’agit plus de simples maquis qui s’en prennent de manière épisodique aux intérêts français. Une bonne partie de la population musulmane rompt avec l’attentisme
L’irruption violente et massive de la paysannerie algérienne à l’été 1955 va profondément modifier la nature du conflit. Il ne s’agit plus de simples maquis ou de cellules « terroristes » qui s’en prennent de manière épisodique aux intérêts français. Une bonne partie de la population musulmane (près de huit millions d’individus contre un million d’Européens) rompt avec l’attentisme et creuse un fossé irrémédiable avec les pieds-noirs. Les rangs de l’ALN se gonflent de recrues révulsées par la répression. À Paris, on prend très vite la mesure de ce basculement. Le gouvernement d’Edgar Faure ordonne le rappel du contingent et envoie 60 000 réservistes en Algérie. C’est le début d’un engrenage qui verra la mobilisation de 1,5 million d’appelés pour mener une guerre sans nom qui ne sera reconnue par le législateur français qu’en 1999.
Une victoire diplomatique
Le soulèvement du 20 août permet aussi au FLN d’internationaliser sa cause. Le 30 septembre, à l’initiative de quinze États arabes et asiatiques, la « question algérienne » est inscrite à l’ordre du jour de l’Assemblée générale des Nations unies. Le FLN remporte une victoire diplomatique quand le débat a lieu malgré les protestations de la France qui soutient que l’Algérie est « une affaire intérieure ».
L’insurrection d’août 1955 n’éclate pas dans le Nord Constantinois par hasard. Au XIXe siècle, la région a connu une implacable colonisation. Les autorités ont saisi les terres de tribus sous divers prétextes et ont reléguées ces dernières toujours plus loin à l’intérieur de terres arides. Essentiellement rurale (80 % des 8 millions de musulmans en 1954), la population musulmane vit dans un profond déclassement et la seconde guerre mondiale a aggravé son dénuement. Le taux de mortalité infantile atteint 210 pour mille tandis que 95 % de la population rurale musulmane ne sait ni lire, ni écrire, ni même comprendre la langue française. Mais la pauvreté n’emporte pas l’amnésie. Dans les villages et les douars, chez le khemass (métayer qui travaille la terre en échange du cinquième de la récolte), chez le fellah qui s’échine à travailler un minuscule lopin aux marges des hauts plateaux ou du désert, on se souvient que telle ou telle terre coloniale, comme celle exploitée par la Compagnie genevoise des colonies suisses de Sétif, appartenait à telle tribu ou à telle famille dont, ironie de l’histoire, des membres travaillent désormais pour le nouveau propriétaire.
Endiguer l’exode
Quand il planifie le soulèvement, Zighoud Youcef — qui tombera les armes à la main en 1956 — sait donc sur quel levier appuyer pour emporter l’adhésion des paysans. Il ne s’agit pas simplement de venger les morts du printemps 1945. Il faut revenir à l’ordre d’antan dont la disparition a répandu la misère. Pour l’historien Mohammed Harbi, cette implication de la paysannerie fut ainsi « l’un des basculements majeurs de l’histoire de la guerre d’Algérie ». Et ce conflit va aussi profondément bouleverser les équilibres au sein de cette paysannerie. Dès 1955, les autorités françaises décident de mettre en place un premier camp de regroupement de populations rurales à M’chouneche (Aurès) (1). Il y en aura un millier en 1959. On y parque les paysans pour couper le FLN de ses soutiens logistiques. Cela concernera 3,5 millions de personnes, soit la moitié de la population des campagnes. Dans le même temps, d’autres paysans fuient la violence des combats pour se réfugier dans les villes. La population urbaine musulmane passe de 20 % en 1954 à 33 % en 1960. À l’indépendance, les nouvelles autorités tenteront à plusieurs reprises d’endiguer l’exode, notamment par le biais d’une ambitieuse réforme agraire en 1972, mais le basculement paraît inexorable. Aujourd’hui, seuls 26 % des Algériens vivent en milieu rural (2).
(1) Pierre Bourdieu, Abdelmalek Sayad, Le Déracinement. La crise de l’agriculture traditionelle en Algérie, Paris, Éditions de Minuit, 1998.
Jean-Jacques Jordi (à droite), membre controversé de la commission Macron. D. R.
La montagne a accouché d’une souris. En effet, la publication cette semaine de la liste des historiens pour la partie française de la commission pour le travail mémoriel entre l’Algérie et la France donne l’impression d’un fricotage à peine déguisé qu’estampillent ses membres, exaltant la forte odeur de soufre, que donne cette alchimie particulière entre un chauvinisme français et un certain sépharadisme rancuneux, madré de pieds-noirs.
Pour dominer une nation jusqu’à la sève, il faut empoisonner son narratif historique. Une nation sans repères chronologiques solides avec lesquels elle décortique le présent, tout en construisant le futur, est juste un ensemble d’humains malléables pour ceux qui détiennent un minimum de savoir-faire.
L’âme d’un peuple est fortifiée par la mémoire des anciens, des parents, des ancêtres de chaque famille et par l’honneur rendu à ceux qui sont morts dans la foi ou pour la défense du peuple.
Un pays qui effacerait le nom de ses ancêtres, qui oublierait la lignée de tous ceux qui ont précédé les contemporains ; un pays qui oublierait le nom des saints martyrs qui ont forgé son âme depuis les siècles, se condamnerait lui-même à être privé d’histoire. Il n’aurait plus de passé. Il n’aurait plus d’avenir non plus, puisqu’il se montrerait incapable de fournir des ancêtres à ceux qui viennent à construire la future mémoire du peuple.
Habilement entretenue au gré des évènements politiques des deux côtes de la Méditerranée, l’élusive repentance de la France envers la nation algérienne reste un point de discorde sans égal dans l’histoire moderne que le colonialisme français peine à y faire face.
Il est à remarquer que la guerre d’Algérie ne fut reconnue par la République française en tant que telle que le 18 octobre 1999, c’est-à-dire presque 37 ans après l’indépendance, mettant ainsi fin à l’appellation officielle d’opérations de maintien de l’ordre.
Mais la rancune des nostalgiques de l’Algérie française est toujours vivace. Pour preuve, la loi num. 2005-158 du 23 février 2005 est votée par l’Assemblée française pour vanter le rôle positif de la colonisation de l’Algérie, un dispositif scélérat de la République des Chirac et des Sarkozy, élaboré par leurs mentors sionistes et pieds noirs.
A l’évidence, la repentance de la France est l’otage des ultras et des nostalgiques des bienfaits du colonialisme. Et cette situation est savamment entretenue par une pléthore d’historiens autoproclamés qui en ont fait un juteux fonds de commerce.
Leur dernière trouvaille est la commission sur les questions mémorielles portant sur la colonisation et la guerre d’Algérie. Les propositions inclues dans son initial rapport sont là pour subtilement persuader les Algériens que la Guerre d’Algérie est à la limite l’histoire d’une chamaillerie entre deux pays voisins qui se réconcilieront par enchantement grâce à quelques replâtrages expertement fignolés. Le comble, c’est que ces mêmes Algériens sont sollicités pour apporter leur concours essentiel à cette démarche !
La rente mémorielle de la France coloniale et de ses lobbies est toujours vivante chez les nostalgiques de l’Algérie française. Elle habite leurs âmes tourmentées à jamais par les horreurs et les violences commises.
Leur haine à travers le temps envers l’Algérie n’a pas diminué d’un iota. Elle continue même à supplicier nos morts ! Pour preuve, les centaines de corps de martyrs encore détenus par l’ancien colonisateur. Un exemple parmi tant d’autres : le colonel M’hamed Bougara, chef de la Wilaya historique IV, tombé au champ d’honneur le 5 mai 1959 et dont les restes sont à ce jour séquestrés par la France officielle. A noter qu’une tentative a été faite par la Fondation de la Wilaya IV, présidée par le colonel Si Hassan, auprès du gouvernement français pour réclamer sa dépouille, du temps de la mandature de Chirac. Demande qui ne reçut aucun écho.
Cette initiative de projet de travail mémoriel n’a d’égale dans la perfidie que le diabolique plan pour la paix des braves du général De Gaulle en 1958.
Cette supposée commission sur la question mémorielle n’est que le cheval de Troie d’un révisionnisme insidieux à l’encontre de la nation algérienne. Les Algériennes et Algériens en sont pleinement conscients, et ils mesurent, à juste titre, ses machiavéliques et inavoués objectifs.
Le peuple algérien doit être ferme et rester droit dans ses bottes devant cette cabale dont l’objectif est une razzia sur l’imaginaire de la nation algérienne mais, surtout, sur l’histoire de sa Guerre de libération.
Il faut rappeler, sans relâche, que la Révolution algérienne est un élément structurant et structurel de l’Etat national algérien, garant de la pérennité de la nation algérienne. De ce fait, l’histoire référence et véridique de cette Révolution ne peut être écrite que par les Algériens et les Algériennes eux-mêmes car ce sont eux les véritables maîtres du destin de leur pays.
Faute de quoi, l’ennemi de toujours ouvrira irrémédiablement une brèche qu’il utilisera à bon escient pour imploser, irrémédiablement, la conscience de la nation algérienne.
On ne peut que conclure que ce travail mémoriel n’est, en effet, qu’un pronunciamiento dans la pensée et l’acte, qui confirme, sans le moindre doute, que les pendules de l’Elysée sont encore bloquées en l’an 1961.
La seule solution pour ce simulacre d’exercice mémoriel sur le colonialisme français ne peut, et ne doit, être qu’un procès à la Nuremberg. Toute autre initiative n’est qu’une parodie de bas étage que le peuple algérien honnira à jamais.
Rabah Zerari dit Si Azzedine pendant des manifestations à Alger en 1990, malgré les tensions de 1962 et 1990 il restera toujours en Algérie, pas comme mohammed Harbi qui se réfugie en France dès 1973.
Si Azzedine est arrivé dans la Ville Blanche le 24 janvier 1962. Presque deux mois avant la proclamation du cessez-le-feu.
Or, il n’y a pas eu de franchissement de barrages, de traversée secrète de l’immensité algérienne, avec convois nocturnes, caravanes clandestines et camouflages ; non, ceci était bon en d’autres temps.
Si Azzedine n’a pas contourné l’Aurès et franchi les massifs kabyles pour entrer précautionneusement dans la capitale en guerre civile ; Il est arrivé à l’aéroport de Maison Blanche par la caravelle régulière Paris - Alger.
Il débarque alors dans une ville bouleversée où l’O.A.S. tient le haut du pavé. C’est ce qu’il explique dans son second livre.
Toute personne familiarisée avec la clandestinité, toute personne ayant vécu la guerre d’Algérie comprendra ce qu’a d’insolite le voyage d’un des chefs les plus connus et les plus "recherchés" du FLN, sur un courrier régulier effectuant pareil trajet.
Nul n’ignore combien les contrôles policiers et militaires pouvaient être tatillons sur ces lignes dans les périodes troublées, et celle-là l’était au plus haut point.
La question se pose : comment cela fut-il possible, alors que le FLN et le gouvernement français étaient encore en guerre ?
Des commandos FLN, armés de pistolets mitrailleurs parcourent la ville d’Alger en voiture en mitraillant tout sur leur passage, faisant 20 morts et 60 blessés. Le FLN présente officiellement cette opération comme une représailles justifiée des exactions de l’O.A.S. Parmi les représailles, cinq européens, précédemment enlevés sont menés enchaînés rue Albert de Mun et fusillés publiquement.
Il s’agissait d’une action soigneusement programmée, à l’occasion de l’Aïd El Kebir.
37 cafés devaient être attaqués à la mitraillette, à 18 heures, (l’heure de l’anisette).
En fait le bilan fût beaucoup moins lourd que prévu, tant les forces de l’ordre, averties, que les commandos deltas qui ne laissaient plus entrer de musulmans en ville européenne avaient réagi.
De nombreux F.L.N. laissèrent leur vie dans cette attaque.
[bleu marine]L’Humanité ( toujours EUX,)regrette que l’armée (accusée d’être passive vis à vis de l’O.A.S.) ait retrouvé de son mordant. Le Monde explique qu’il ne s’agissait pas d’une riposte voulue (et contraire aux déclaration d’intention d’Evian )mais d’un débordement d’incontrôlés.[/bleu marine]
Des débuts en 1954 aux derniers brasiers de 1962, les grandes étapes sont racontées par des acteurs directs dans un va et vient permanent entre les situations personnelles et les évènements : la pacification, le FLN, les émeutes du Constantinois en 1955, les embuscades, les représailles, la bataille d’Alger, les DOP, les commandos de chasse, la liquidation des harkis…
L'Etat d'Armes - L'Ennemi Intime, Histoire de la guerre d'Algérie
Après un retard à l’allumage, cinq historiens français viennent d’être nommés au sein d’un groupe conjoint où ils travailleront aux côtés de collègues algériens sur les archives de la colonisation et la guerre d’indépendance.
Le ministre des affaires étrangères algérien, Ramtane Lamamra, le président français, Emmanuel Macron, et l’historien français Benjamin Stora, lors d’une visite au Mémorial du martyr, à Alger, le 25 août 2022. LUDOVIC MARIN / AF
Le retard à l’allumage commençait à nourrir des interrogations sur la volonté politique d’avancer sur ce chantier sensible. Cinq mois après avoir été solennellement annoncée, la mise en place d’une commission mixte d’historiens, mesure phare du dialogue mémoriel esquissé entre Paris et Alger, semblait comme enlisée dans les sables bureaucratiques. Elle est désormais relancée avec la nomination de cinq historiens français, confirmée jeudi 26 janvier au Monde par Benjamin Stora, l’inspirateur de la politique mémorielle d’Emmanuel Macron. Ils seront appelés à travailler conjointement avec leurs homologues algériens, déjà nommés par Alger. M. Stora coprésidera la commission mixte au côté de Mohamed Lahcen Zeghidi, ancien directeur du Musée national du moudjahid.
La liste proposée par Paris comprend, outre M. Stora, Tramor Quemeneur, auteur de nombreux ouvrages sur la guerre d’Algérie, qui officiera comme secrétaire général de la partie française de la commission, Jacques Frémeaux, spécialiste de la conquête française de l’Algérie, Florence Hudowicz, conservatrice en chef du patrimoine et cocommissaire de l’exposition sur l’émir Abdelkader, au Musée des civilisations de l’Europe et de la Méditerranée (MuCEM), à Marseille, en 2022, et Jean-Jacques Jordi, historien d’origine pied-noire et auteur d’ouvrages sur les Européens d’Algérie. Ils tenteront d’apporter leur pierre à l’entreprise de réconciliation mémorielle avec Alger autour de la colonisation et de la guerre d’indépendance.
La tâche s’annonce délicate, semée d’embûches, exposée à bien des critiques, dont la principale tient dans la commande gouvernementale associée à cette commission, et donc sa vulnérabilité aux aléas d’une relation diplomatique volatile. Sans compter l’hypersensibilité que conserve dans les opinions publiques, des deux côtés de la Méditerranée, la mémoire de la guerre d’Algérie, avec ses blessures toujours à vif et ses zones d’ombre en quête d’éclaircissements. Si le caractère officiel d’une telle commission mixte est inédit, il reste à évaluer ce qu’elle apportera de plus par rapport à d’autres formats conjoints – et non officiels – qui l’avaient précédée, notamment l’équipe ayant publié la monumentale Histoire de l’Algérie à la période coloniale (La Découverte, 2014), sous la direction d’Abderrahmane Bouchène, Jean-Pierre Peyroulou, Ouanassa Siari Tengour et Sylvie Thénault.
« Une avancée historique »
L’annonce de cette nouvelle initiative remonte au voyage de M. Macron à Alger, fin août 2022. Le chef de l’Etat français avait alors salué comme une « avancée historique » la décision prise avec son homologue algérien, Abdelmadjid Tebboune, de créer cette structure commune vouée à « travailler sur l’ensemble des archives [françaises et algériennes] de la période coloniale et de la guerre d’indépendance ». La mesure ne figurait pas expressément dans les recommandations du rapport de M. Stora remis à l’Elysée en janvier 2021 (réédité en janvier, par Albin Michel, sous le titre France-Algérie. Les passions douloureuses, avec une nouvelle introduction). MM. Stora et Macron avaient toutefois entériné cette proposition algérienne s’inscrivant dans l’esprit du projet de réconciliation mémorielle défendu par Paris. A Alger, M. Macron avait même précisé que cette commission mixte rendrait « ses premiers travaux d’ici un an », c’est-à-dire en août prochain.
Une révision du calendrier s’imposera sûrement au vu d’un démarrage tardif, dû à des lenteurs proprement françaises. Le gouvernement algérien aura été plus réactif. Le président Tebboune a reçu en audience, le 30 novembre 2022, en son palais d’El-Mouradia, les cinq historiens qui formeront le versant algérien du groupe conjoint. Si M. Zeghidi a été choisi pour en assurer la coprésidence, le plus connu est Mohammed El-Korso, professeur d’histoire à la faculté d’Alger et ancien président de la Fondation du 8-mai-1945 [date de la répression de manifestations nationalistes à Sétif et Guelma, ayant causé la mort de 15 000 à 20 000 Algériens]. M. Korso est un partisan de longue date de « réparations » à exiger de la France pour ses « crimes d’Etat » commis en Algérie. Il n’en souhaite pas moins aborder les travaux de la commission dans un « esprit de coopération, d’apaisement et de sérénité », a-t-il confié au Monde. A leurs côtés figurent Abdelaziz Filali, spécialiste de l’Association des oulémas musulmans, Idir Hachi, jeune historien de l’insurrection de 1871 en Kabylie, et Djamel Yahiaoui, ancien directeur du Centre national du livre.
Les dossiers des harkis ou des disparus européens d’Oran en juillet 1962, qui ne manqueront pas d’être évoqués par la partie française, promettent d’âpres discussions
La mission assignée aux historiens français et algériens est expressément mentionnée dans l’un des chapitres de la « déclaration pour un partenariat renouvelé entre la France et l’Algérie », signée lors de la visite de M. Macron à Alger. Le document, présenté comme la nouvelle feuille de route bilatérale, précise que le « travail scientifique » de la commission mixte aura « vocation à aborder toutes les questions », y compris celles concernant « l’ouverture et la restitution des archives, des biens et des restes mortuaires des résistants algériens », ainsi que celles « des essais nucléaires et des disparus ». Le texte ajoute que ce travail se fera dans le « respect de toutes les mémoires ». La précision a toute son importance dès lors que les dossiers des harkis ou des disparus européens d’Oran en juillet 1962, qui ne manqueront pas d’être évoqués par la partie française, promettent d’âpres discussions.
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Les Algériens, pour leur part, nourrissent bien des attentes sur la clarification des circonstances de la disparition de milliers de « Musulmans d’Algérie » – selon la dénomination de l’époque – ainsi que sur les multiples violences, exactions, exécutions extrajudiciaires et cas de torture dont les militants du Front de libération nationale (FLN) tout comme les civils sympathisants – ou présumés tels – ont été victimes, de la part des forces de sécurité françaises. Tout comme ils souhaitent que la France assume ses responsabilités concernant les séquelles environnementales et sanitaires – toujours vives – héritées des expérimentations nucléaires dans le Sahara algérien : quatre essais atmosphériques à Reggane entre février 1960 et avril 1961 et treize essais souterrains à In Ekker entre novembre 1961 et février 1966, onze de ces derniers ayant été opérés après l’indépendance de 1962 avec le consentement du nouvel Etat algérien, en vertu des accords d’Evian.
Courant ultranationaliste
L’exploration de l’ensemble de ces sujets sensibles requerra une ouverture plus franche des archives. Si Paris a concédé des ouvertures, souvent plus limitées dans les faits que ne le suggère la rhétorique officielle, le régime algérien, quant à lui, maintient un strict verrouillage, conforme aux pratiques en vigueur dans les systèmes autoritaires.
La commission mixte évoluera également dans un environnement très particulier en Algérie, où un courant d’opinion nationaliste sectaire s’exprime sans retenue. La tendance aura été illustrée par l’attaque dont M. Stora a été l’objet, fin décembre, sous la forme d’un article ouvertement antisémite diffusé sur le site Algérie patriotique, fondé par Lotfi Nezzar, fils du général Khaled Nezzar, ancien ministre de la défense (1990-1993). Le texte, d’une rare violence, s’en prenait à « Benjamin Stora, ses semblables et ses aïeux», qui œuvreraient par la réconciliation mémorielle – qualifiée de «chimérique apaisement dans la servitude » – à imposer à l’Algérie une « pax judaica ». M. Stora regrette que ce type d’« horreurs racistes » circulant librement sur Internet n’ait suscité que peu de réactions dans la presse algérienne. « Un silence assourdissant », déplore-t-il.
L’incident pèse incontestablement sur le climat entourant la mise en place de la commission mixte. Certes, Algérie patriotique n’est nullement le porte-voix du président Tebboune, lequel avait personnellement reçu M. Stora en juillet 2022 et répété, dans un entretien au Figaro, le 29 décembre, l’« amitié réciproque » qui le lie à M. Macron. Mais la liberté d’action d’Algérie patriotique, dans un pays où s’intensifie par ailleurs la répression des voix démocrates (avec la fermeture du pôle médiatique Radio M/Maghreb émergent ou la dissolution de la Ligue algérienne de défense des droits de l’homme), en dit long sur la montée en puissance d’un courant ultranationaliste dans les cercles de pouvoir. «Il y a en ce moment en Algérie un durcissement des postures mémorielles et idéologiques», relève l’historienne Karima Dirèche, directrice de recherche au CNRS.
Alors qu’en France l’essor du discours droitier hostile à la « repentance » semble inhiber le président de la République, qui théorise habilement, dans son entretien du 12 janvier au Point, l’« indicible » et l’« inqualifiable » pour esquiver la question de la responsabilité de la France coloniale, la crispation symétrique en Algérie autour d’un récit victimaire diabolisant une France génocidaire risque de rendre le dialogue mémoriel plus que compliqué. La commission mixte des historiens, qui s’apprête enfin à voir le jour, aura bien besoin de toute la bonne foi du monde pour tracer son chemin.
En début d'année 2022, pour lutter contre le révisionnisme historique autour de la Seconde Guerre mondiale, le ministère de la Culture ouvrait de manière anticipée l'accès aux archives des procès de Maurice Papon. Ce dernier, mort en 2007, est impliqué dans la déportation des populations juives alors qu'il occupait le poste de secrétaire général de la préfecture de Gironde.
FACELLY/SIPA (publiée le 12/09/2022)
Roselyne Bachelot-Narquin, alors locataire de Valois, avait ordonné en avril 2022 une ouverture anticipée de l'accès aux archives des procès impliquant Maurice Papon (1910-2007).
Il s'agissait surtout d'un procès, mené sur une durée de 6 mois au cours de l'année 1997, alors que ses inculpations pour crimes contre l'humanité, pour sa participation à la déportation des populations juives en 1943-1944, remontaient tout de même à 1983 et 1984.
Le 2 avril 1998, l'ancien secrétaire général de la préfecture de Gironde et préfet de police est condamné une peine de 10 ans de réclusion criminelle, d'interdiction des droits civiques, civils et de famille pour complicité de crimes contre l'humanité.
Les archives portent donc sur ces procédures judiciaires liées à la Seconde Guerre mondiale et leur ouverture s'inscrivait aussi dans une volonté d'apaisement vis-à-vis des événements liés à la guerre d'Algérie. Maurice Papon, dans ses fonctions de préfet de police (entre 1958 et 1967) a en effet mené la répression des mouvements révolutionnaires et contestataires, en Algérie comme en France.
Nouvelles ouvertures aux Archives nationales
Successeur de Roselyne Bachelot-Narquin, Rima Abdul-Malak a signé un nouvel arrêté pour l'ouverture de l'accès aux archives publiques relatives aux procès impliquant Maurice Papon conservées aux Archives nationales.
Il s'agit plus précisément des documents correspondant aux cotes 19950419/5 ; 19950466/21 ; 20000251/19 ; 20080351/6 ; 20020060/6 ; 20020057/3 ; 20030010/40 et 41 ; 20070174/36 (affaire n° 238689) et 20080197/133 (affaires n° 254850 et n° 244349).
Avec une restriction, toutefois, pour les documents « relatifs aux caractéristiques techniques des installations utilisées pour la détention des personnes toujours affectées en tout ou partie à ces usages, ou présentant des caractéristiques similaires à des infrastructures ou parties d'infrastructures toujours affectées à ces usages ». Pour ceux-là, il faudra attendre la « fin de l'affectation à ces usages », tout simplement...
Le Code du patrimoine prévoyait à l'origine un délai de 25 ans après la mort du principal intéressé pour la communication de pièces relatives aux affaires portées devant les juridictions. Dans le cas de Maurice Papon, cela signifiait des archives accessibles en 2032.
Leur communication, désormais permise à quiconque en fait la demande, va permettre de progresser dans la connaissance de ce procès aussi retentissant qu’emblématique, et de favoriser toujours davantage le travail de mémoire et de vérité
- Ministère de la Culture, le 7 avril 2022
Il est possible de retrouver les notices correspondantes à ces archives, grâce aux cotes, sur France Archives.
Que vous soyez ou non historien, vous souhaitez comprendre les mécanismes des disparitions qui sont survenues durant la guerre d’Algérie (1954-1962) ? Ce guide vous pilotera dans votre recherche d’informations sur ces disparitions et permettra ainsi de développer la connaissance et le travail historique sur cette thématique. Pour faciliter votre enquête dans les archives conservées en France, celles-ci sont présentées par catégories de disparus, et non par lieux de conservation.
pour la partie rédactionnelle ci-dessous (la description des fonds vers laquelle renvoient les liens reste en français).
Introduction
Le présent guide sur les disparus de la guerre d'Algérie (1954-1962) s'inscrit dans le contexte de la déclaration du Président de la République du 13 septembre 2018 sur la mort de Maurice Audin, qui « vise notamment à encourager le travail historique sur tous les disparus de la guerre d’Algérie, français et algériens, civils et militaires ».
Le guide offre pour la première fois un panorama d’ensemble sur les archives relatives aux disparus de la guerre d’Algérie, quel que soit le lieu en France où elles sont conservées. Il vous dirige vers les principaux fonds susceptibles de répondre à une recherche. À l’archiviste revient de mettre les fonds à disposition du public (en expliquant ce qu’ils contiennent et le contexte de leur production) ; c’est l’objet de ce guide. Au public ensuite de s’en emparer et de les exploiter.
Ce guide a été conçu pour être accessible à tous, chercheur ou non. S’il a pour but de faciliter vos recherches, celles-ci n’en demeurent pas moins difficiles et seront peut-être même infructueuses, pour plusieurs raisons :
Certains documents sont aujourd’hui perdus.
Il n’existe pas de liste nominative complète des disparus de la guerre d’Algérie ; l’administration de l’époque n’en a jamais produite et les éléments qui permettraient de le faire sont potentiellement dispersés entre plusieurs fonds et répartis entre plusieurs institutions de conservation. L’établissement d’une telle liste relève de la recherche historique.
La qualité des informations données par les documents impose la prudence : des renseignements concernant une même personne peuvent diverger, selon le document consulté.
Les noms qui figurent dans les archives peuvent comporter des erreurs ou des variantes pour une même personne ; c’est cette orthographe que l’on retrouve aussi dans les inventaires qui décrivent les archives. Cette remarque concerne les noms des Algériens, pour lesquels il peut par ailleurs y avoir confusion entre nom et prénom, mais aussi les noms d’origine européenne.
Ce guide est le fruit d'une étroite collaboration interministérielle : piloté par le Service interministériel des Archives de France, il a été co-rédigé avec les Archives nationales, les Archives nationales d'outre-mer, les Archives de Paris et la Préfecture de Police de Paris ainsi qu'avec le ministère des Armées (Direction des patrimoines, de la mémoire et des archives, et Service historique de la Défense) et le ministère de l'Europe et des Affaires étrangères (Archives diplomatiques).
Définition
Les "disparus" auxquels ce guide est consacré sont ceux qui ont été considérés comme tels au moment où les dossiers ont été constitués ; ils concernent donc ceux dont le corps n'a pas été retrouvé mais aussi des personnes qui ont pu réapparaître ensuite ou dont le corps a été retrouvé plus tard. Le guide n'aborde pas en revanche la notion de "victime" en général (blessés physiques, victimes économiques, psychologiques, etc.), qui est plus large.
Fonds concernés
Sont concernés dans le guide les fonds conservés aujourd'hui dans les services d'archives français et non pas ceux qui peuvent se trouver sur l'actuel territoire algérien. Il s'agit principalement :
des archives produites par les différentes institutions civiles sur le territoire algérien antérieurement à l'indépendance (exemples : préfecture, communes mixtes, tribunaux), qui sont actuellement conservées aux Archives nationales d'outre-mer (Aix-en-Provence) ;
des archives produites par les différentes institutions militaires sur le territoire algérien antérieurement à l'indépendance (exemples : état-major, corps d'armée, unités de gendarmerie), qui sont actuellement conservées au Service historique de la Défense ;
des archives produites par des institutions dépendant directement de l'État à Paris (Commissariat central d’Alger, Service régional de police judiciaire de métropole, Commission de sauvegarde des droits et libertés individuels), qui sont actuellement conservées aux Archives nationales ;
des archives relatives aux événements qui se sont déroulés à Paris (exemples : manifestations d'octobre 1961) et qui sont actuellement conservées aux Archives de Paris et à la Préfecture de Police de Paris ;
des archives produites par les services relevant du ministère des Affaires étrangères (exemples : secrétariat d’État aux Affaires algériennes, ambassade et consulats de France en Algérie), qui sont actuellement conservées aux Archives diplomatiques.
Les institutions qui ont produit ces archives, et qui se trouvaient à l'époque en France et en Algérie, sont localisées sur la carte interactive ci-dessous, avec des liens vers les inventaires décrivant leurs archives.Sont cités dans le guide les fonds identifiés comme contenant des informations sur les disparus. Il en existe potentiellement d’autres : les recherches peuvent être élargies géographiquement sur le territoire français, au sein des services publics d'archives, dans les fonds des parquets, des services régionaux de police judiciaire, des cimetières en région parisienne. Certains fonds, concernant à la marge les disparus, sont en cours de classement et seront intégrés à ce guide au fur et à mesure.
Pour commencer une recherche
Il faut savoir que :
les documents sont, dans leur grande majorité, librement consultables ; certains sont soumis à des restrictions de communication inscrites dans la loi quand ils comportent des informations relatives au secret médical, à des enquêtes réalisées par les services de la police judiciaire ou à des affaires portées devant les juridictions ;
pour la plupart d'entre eux, les documents ne sont pas disponibles en ligne car ils ne sont pas numérisés ;
les inventaires ne comportent pas de listes nominatives, sauf exception.
Votre recherche sera facilitée si vous avez pu rassembler au préalable les éléments dont vous avez déjà connaissance, tels que le nom et le prénom de la personne, sa date de naissance et les circonstances, même approximatives, de sa disparition.
Ce guide distingue cinq grandes catégories de disparus : elles sont destinées à faciliter vos recherches. Pour autant, elles ne correspondent pas chacune à un fonds d’archives en particulier ni, souvent, aux termes employés à l’époque par les institutions qui ont produit ces documents.
Les liens dans le texte renvoient à la description des archives sur le portail FranceArchives, qui renvoie lui-même sur le site des institutions conservant les documents. Les fonds sont cités en commençant par les plus importants pour la recherche.
Algériens disparus en Algérie
Définition
Sont présentées ici les sources relatives aux Algériens disparus en Algérie, c’est-à-dire, selon les expressions figurant dans les documents, les « Français de souche nord-africaine » (FSNA), « Français nord-africains » ou « Français musulmans d'Algérie » (FMA), dont la disparition a été constatée sur le sol algérien. Cette catégorie ne concerne pas seulement des civils et des combattants du FLN, mais aussi des militaires (appelés du contingent ou engagés volontaires) ou des Harkis et autres supplétifs de l’armée française pour lesquels il conviendra de se reporter également aux entrées qui les concernent.
Les archives disponibles
Les sources sur les Algériens disparus en Algérie sont conservées principalement aux Archives nationales d’outre-mer (Aix-en-Provence). Il n’existe pas de fonds d’archives exclusivement consacrés aux disparus : les documents sont à rechercher dans la presque totalité des fonds relatifs à la guerre d'Algérie, hétérogènes par nature, inégaux dans leur tenue et leur contenu d’une portion du territoire à une autre. Par ailleurs, le transfert de milliers de dossiers sur le sol métropolitain en 1961 et 1962 a été opéré dans des conditions chaotiques, ce qui explique le caractère souvent partiel de leur conservation.
Les sources conservées aux Archives nationales d’outre-mer émanent de l’administration civile, qu’elle soit d’ordre administratif ou judiciaire. Trois types de procédure sont à considérer : les enquêtes menées dans l’intérêt des familles suite à des signalements de disparitions, les enquêtes menées dans le cadre de la surveillance des activités dites terroristes et les enquêtes menées lors de procédures pénales. À l’exception des dossiers de procédures criminelles ou correctionnelles qui relèvent des tribunaux, toutes ces enquêtes ont été diversement documentées à tous les échelons de l’organisation territoriale administrative : communes mixtes, sections administratives spécialisées, services régionaux de police judiciaire, services des liaisons nord-africaines au sein des préfectures, cabinets civil et militaire du gouvernement général puis du ministre résidant en Algérie.
Les types de documents recouverts par l’ensemble de ces procédures sont sensiblement identiques. Il s’agit de lettres de signalements de disparitions, de notes d’informations et de renseignements, de fiches ou de listes nominatives, de procès-verbaux de police et de gendarmerie, enfin, plus ponctuellement de dossiers individuels.
Parmi toutes ces sources, les dossiers des services régionaux de police judiciaire (SRPJ) constituent des éléments de tout premier ordre ; leurs dossiers contiennent des documents circonstanciés tels que les rapports et procès-verbaux de police ou de gendarmerie. Seul le SRPJ d’Alger offre une clé d’entrée importante avec un répertoire chrono-alphabétique des victimes des actes du terrorisme et un fichier nominatif des personnes citées dans les dossiers liés aux actes de terrorisme (à consulter sur place) ; les fichiers des SRPJ d’Oran et de Constantine n’ont pas été récupérés au moment du transfert des archives.
Quant aux tribunaux, dont les fonds sont en cours de classement, il est à noter que seuls les dossiers de procédure pénale sont présents aux Archives nationales d’outre-mer ; les minutes des jugements civils déclarant décédées les personnes disparues n’ont pas été transférées. Enfin, il convient de préciser ici que la procédure d’assignation à résidence, à domicile ou dans un camp d’internement, peut aussi avoir été à l’origine de disparitions ou à l’inverse, avoir servi à qualifier des disparitions. Les sources relatives aux assignés sont en grande partie les mêmes que celles concernant les disparus, à l’exception des archives des tribunaux : elles sont à rechercher dans les archives des services de police judiciaire ainsi que dans les archives des communes mixtes ou des sections administratives spécialisées sur le territoire desquelles se trouvait un camp d’internement ou de transit.
Aux Archives nationales (Pierrefitte-sur-Seine), les signalements d’attentats contre les biens et les personnes commis dans le département d’Alger transmis quotidiennement par le contrôleur général chef de la circonscription de police du Grand-Alger au cabinet du préfet de police d’Alger portent, pour certains, sur la découverte de cadavres ou sur des enlèvements et constituent de ce fait une source intéressante. Ils sont organisés en deux collections, l’une classées par catégories de délits (de janvier à juin 1962), l’autre par date (de novembre 1961 à juin 1962).
Les archives de la Commission de sauvegarde des droits et libertés individuels, créée par le décret du 7 mai 1957 auprès de la présidence du Conseil pour faire la lumière sur les tortures, les disparitions et les exactions diverses reprochées à la France lors du conflit et qui fonctionnera jusqu’au 1er février 1963, constitue, là encore, une source essentielle. Y sont conservés les procès-verbaux des séances de septembre 1958 à juillet 1962, les dossiers de principe (en particulier sur les relations entretenues avec les autorités publiques concernées ainsi que sur les internements administratifs et les assignations à résidence, les prisons, le fonctionnement de la justice, les disparitions, les violences, les tortures et les actes de représailles, des rapports généraux) et près de 2 300 dossiers individuels (liste à consulter sur place), ouverts pour chacun des cas signalés à la Commission (y compris les cas de disparitions, tout type confondu : environ 11% des dossiers à partir de 1958).
Au Service historique de la Défense (site de Vincennes), des dossiers d’enquêtes concernant des disparus entre 1960 et 1962, classés par ordre alphabétique, ont été constitués par le cabinet du ministère de la Défense (série GR R). Ils peuvent être complétés par les archives de l’état-major interarmées en Algérie qui a réuni des dossiers sur les enlèvements et exactions commises par le FLN à l'encontre de Français de souche nord-africaine pour la période 1956-1963 (sous-série GR 1 H). Ils sont composés de fiches de renseignements, de rapports et procès-verbaux de gendarmerie, de notes, de correspondance et de photographies. Dans cette même sous-séries sont conservées les archives des centres de résidence surveillée en Algérie (centres d’hébergement, centres de triage et de transit, centres militaires d’internés), qui peuvent documenter le parcours de disparus. Enfin on trouve dans les archives de la gendarmerie des dossiers relatifs à des disparus constitués dans le cadre de demandes portées par la Croix-Rouge ou la commission de sauvegarde des droits et libertés individuels (sous-série DE 2007 ZM 4). Les collections de procès-verbaux de gendarmerie constituées par unité peuvent également documenter des cas d’enlèvements et de disparitions (pour toute recherche dans ces fonds, il est primordial de disposer d’un nom, d’un lieu et d’une date de disparition).
Pour aller plus loin
Fonds des archives médicales hospitalières du ministère des Armées : les archives des hôpitaux militaires d’Algérie sont conservées de 1954 à 1967. Elles consistent en registres d’entrée et en dossiers de patient, propres à chaque hôpital militaire. On peut y retrouver trace du passage ou du décès d’une personne soignée, dans les seuls hôpitaux militaires, pendant la guerre d’Algérie.
Fonds des Morts pour la France (1954 à l’opération Daguet) : Ce fonds est principalement conservé par le Centre des archives du personnel militaire du Service historique de la Défense à Pau. Les archives consistent en des dossiers individuels regroupant, pour chaque individu, les documents essentiels/nécessaires à l’établissement de la mention « Mort pour la France » : des documents d’identification (copie d’état signalétique et des services, copie de pièces d’identité, des documents prouvant le décès ou la disparition pour la France - rapport circonstancié de la mort, acte de décès - et des échanges de correspondance pour obtenir la reconnaissance de « Mort pour la France » par la famille »). Ces dossiers sont aussi bien ceux de Français que d’Algériens, de Tunisiens ou de Marocains.
Fonds des archives matriculaires étrangères (Service historique de la Défense, Centre des archives du personnel militaire) : Le CAPM de Pau conserve l’ensemble des archives matriculaires des engagés et appelés algériens ayant servi dans l’armée française depuis 1870. Ces documents fournissent des informations sur les conditions de recrutement, le parcours militaire, les blessures éventuelles, les décorations obtenues, etc. Elles consistent en registres et fiches matriculaires, et sont complétées par des documents en liasses, appelés « pièces annexes », établies et collectées par les bureaux de recrutement tout au long de la carrière des appelés et engagés.
Fonds Georgette Elgey aux Archives nationales : le dossier 561 AP 36, provenant d'archives confiées par Robert Lacoste, contient une note sur des personnes disparues (notamment Maurice Audin).
Papiers Robert Delavignette : conservés aux Archives départementales de la Côte-d'Or (166 J, notamment dossiers 16 et 19) et aux Archives nationales d'outre-mer (19 PA, notamment dossiers 9 et 10), ils pourront apporter quelques éléments sur les disparitions dans le cadre de sa participation à la Commission de sauvegarde des droits et libertés individuels.
Algériens disparus en France
Définition
Sont ici présentées les sources relatives aux Algériens disparus en France, c’est-à-dire, selon les expressions figurant dans les documents, les « Français de souche nord-africaine » (FSNA), « Français nord-africains » ou « Français musulmans d'Algérie » (FMA), dont la disparition a été constatée sur le territoire métropolitain dans le contexte de la guerre d’Algérie. Les Algériens disparus en Algérie font l’objet d’une entrée particulière.
Les archives disponibles
Aux Archives de Paris, la principale source sont les archives des juridictions de droit commun du département de la Seine (puis de Paris) qui traitent des infractions, délits et crimes de tous types. Les cas de disparitions d’Algériens en France n’y sont donc pas signalés spécifiquement à quelques exceptions près. On trouvera ainsi, dans les archives du parquet du tribunal de grande instance :
Des versements intéressant particulièrement les disparitions et notamment des dossiers de morts classées sans suite, concernant des Français musulmans d'Algérie (FMA), Algériens ou Français, intervenues entre 1960 et 1962 dans le département de la Seine. Cet ensemble, réuni artificiellement par les Archives de Paris dans les années 1990, concerne majoritairement des personnes dont le patronyme est d’origine nord-africaine. Les recherches dans ce versement devront être complétées par un examen de la collection principale (versements 2582W et 2752W), de laquelle ces dossiers ont été extraits (1947-1962). Ils sont constitués de procès-verbaux de police, du rapport d’autopsie de l’institut médico-légal, et plus rarement d’effets personnels trouvés sur la victime. Ils ont été transmis au Parquet qui n’a pas jugé nécessaire d’engager des poursuites et d’ouvrir une information judiciaire. L’accès à ces dossiers se fait grâce au fichier alphabétique des morts, suicides et tentatives de suicide, découvertes de corps et repêchages, qui couvre la période 1947-1970. Les fiches y sont classées par typologie, par année, puis par ordre alphabétique et précisent le nom et prénom de la victime, la date de la découverte du corps ou tentative de suicide, le numéro de parquet ou le numéro d’information selon que le dossier a été instruit ou classé sans suite.
Des registres d’information dans lesquels sont enregistrées les plaintes confiées au juge d’instruction, qui détaillent, par numéro d’ordre, les noms des plaignants et des poursuivis, les motifs, les dates des réquisitoires, le nom du magistrat instructeur, les dates des ordonnances ou citations, des jugements (la nature de la peine y figure également souvent) ainsi que la date d’envoi au parquet général. Il est à noter qu’un registre spécifique a été ouvert pendant les évènements d’Algérie et concerne toutes les affaires dans lesquelles une personne d’origine nord-africaine est impliquée.
Plusieurs versements de dossiers de procédure ayant abouti à un non-lieu sont conservés aux Archives de Paris. On y retrouve de nombreux dossiers relatifs à des violences ou homicides subies ou perpétrées par des Algériens. Les registres d’information (cités plus haut) et les répertoires d’enregistrement des non-lieux permettent d’y accéder.
Des cas de disparitions d’Algériens en métropole sont également à rechercher dans les archives de la Commission de vérification des mesures de sécurité publique du ministère de l’Intérieur. Créée par l'ordonnance du 7 octobre 1958 relative aux mesures à prendre à l'égard des personnes dangereuses pour la sécurité publique en raison de l'aide apportée aux « rebelles » des départements algériens, cette commission a pour principale fonction de rendre des avis sur les mesures d'éloignement, d'internement ou d'assignation à résidence prises par arrêté ministériel ou préfectoral. Elle est en outre chargée de visiter régulièrement les centres d'internement. Elle a pu être saisie et instruire des cas de disparitions. Ses archives sont constituées des procès-verbaux de ses séances et des dossiers de demande classés par ordre alphabétique (1958-1962).
Les archives des services régionaux de police judiciaire conservées dans les services d’archives départementales complèteront utilement les archives du ministère de l’Intérieur conservées aux Archives nationales ainsi que celles de la préfecture de police de Paris.
Voir aussi, aux Archives de Paris, les dossiers de procédure ayant abouti à une condamnation et les décisions qui leur sont associées (jugements et arrêts) : tribunal correctionnel, cour d’appel, cour d’assises. On trouvera également, dans les fonds du tribunal de grande instance (civil) des jugements déclaratifs de décès.
Voir aussi les archives des cimetières de Paris et des communes avoisinantes. Les registres d'inhumations précisent la date du décès ou date d'inhumation, l’emplacement et l’étendue de la sépulture dans le cimetière concerné, le lieu du décès (arrondissement ou commune), l’âge du défunt. Dans certains cas, y sont mentionnés le lieu de provenance du corps (institut médico-légal par exemple) et le lieu où il a éventuellement été transféré après exhumation. Ces registres sont accessibles en ligne sur le site des Archives de Paris, pour la période de 1804 à 1968.
Français civils disparus en Algérie
Définition
Sont ici présentées les sources relatives aux civils « français de souche européenne » (FSE) disparus en Algérie, à l’exception des militaires qui font l’objet d’une entrée particulière. Peuvent être concernés également des civils d'autres nationalités.
Les archives disponibles
Le ministère des Affaires étrangères conserve un peu plus de 3 200 dossiers individuels de personnes déclarées disparues en Algérie dans les derniers mois de la souveraineté française et les premiers mois de l’indépendance algérienne (1962-1965). Ces dossiers nominatifs, répartis entre les sites de La Courneuve et de Nantes, proviennent à la fois du secrétariat d’État aux Affaires algériennes et de la direction des Conventions administratives et consulaires qui en reprit les attributions, et des services de l’ambassade et des consulats de France en Algérie. Constitués à partir de 1962, les dossiers contiennent des fiches de recherche, des rapports d’enquête du Comité international de la Croix Rouge établis à l’issue de la mission spéciale de recherche des personnes disparues ou détenues qu’il effectua en Algérie de mars à août 1963 et des échanges de correspondances diverses.
En complément des ensembles documentaires précédemment cités, le Centre des Archives diplomatiques (site de La Courneuve) conserve une collection de télégrammes rédigés entre les mois de juillet et septembre 1962 susceptibles de comporter des informations relatives aux disparus en Algérie ainsi que des fiches individuelles de recherche de Français disparus préparées à l’occasion des entretiens franco-algériens du 30 novembre au 4 décembre 1962. Un dossier général consacré aux disparus pourra également être consulté dans les archives relatives aux affaires sociales de la sous-direction Afrique du Nord, ainsi que deux cartons de la direction des Conventions administratives et consulaires, affaires consulaires qui portent sur des demandes de recherche et de renseignements relatives à des personnes disparues.
Aux Archives nationales (Pierrefitte-sur-Seine), les archives de la Commission de sauvegarde des droits et libertés individuels, créée par le décret du 7 mai 1957 auprès de la présidence du Conseil pour faire la lumière sur les tortures, les disparitions et les exactions diverses reprochées à la France lors du conflit et qui fonctionnera jusqu’au 1er février 1963, constitue une source essentielle. Y sont conservées les procès-verbaux des séances de septembre 1958 à juillet 1962, les dossiers de principe (en particulier sur les relations entretenues avec les autorités publiques concernées ainsi que sur les internements administratifs et les assignations à résidence, les prisons, le fonctionnement de la justice, les disparitions, les violences, les tortures et les actes de représailles, des rapports généraux) et près de 2 300 dossiers individuels (liste à consulter sur place), ouverts pour chacun des cas signalés à la Commission (y compris les cas de disparitions, tout type confondu : environ 11% des dossiers à partir de 1958).
Les signalements d’attentats contre les biens et les personnes commis dans le département d’Alger, transmis quotidiennement par le contrôleur général chef de la circonscription de police du Grand-Alger au cabinet du préfet de police d’Alger, représentent également une source intéressante. Ils portent en effet, pour certains, sur la découverte de cadavres ou sur des enlèvements. Ils sont organisés en deux collections, l’une classées par catégories de délits (de janvier à juin 1962), l’autre par date (de novembre 1961 à juin 1962).
Aux Archives nationales d’outre-mer (Aix-en-Provence), les sources relatives aux civils français de souche européenne disparus en Algérie sont à rechercher dans presque tous les fonds concernant l’Algérie. Comme pour les autres catégories de disparus, il n’existe pas de fonds ni de dossiers exclusivement dédiés. Les archives émanent des différentes autorités civiles à l’œuvre sur la totalité du territoire algérien ; elles offrent donc un regard parfaitement complémentaire aux archives produites par les autorités militaires.
Les types de documents présents dans les dossiers des différentes administrations sont sensiblement identiques d’un échelon à un autre (communes mixtes, sections administratives spécialisées, départements issus des Territoires du Sud, sous-préfectures, services des liaisons nord-africaines au sein des préfectures, cabinets civil et militaire du gouvernement général puis du ministre résidant en Algérie). Il s’agit de lettres de signalements de disparitions, d’arrestations et de documents relatifs à des recherches dans l’intérêt des familles constitués de notes d’informations et de renseignements, de fiches ou de listes nominatives, de procès-verbaux de police et de gendarmerie. À noter, dans les archives des trois services de liaisons nord-africaines pour les régions d’Alger, d’Oran et de Constantine, la présence d‘instructions et de circulaires générales ainsi que de rapports hebdomadaires établis par le service de recherche. Les dossiers relatifs aux disparitions, constitués par le cabinet civil des gouvernements successifs de l’Algérie puis du ministre résidant en Algérie pour la période de 1956 à 1962, contiennent principalement, quant à eux, des signalements et notes d’information et de renseignement tandis que les archives du cabinet militaire peuvent en outre être enrichies de listes nominatives et de dossiers d’enquêtes. Ces archives sont à compléter avec celles du ministère du Sahara qui peuvent également renfermer des signalements de disparitions et des pièces relatives à des recherches dans l’intérêt des familles (notes d’informations et de renseignements ainsi que listes nominatives le cas échéant).
Les dossiers en provenance des services régionaux de police judiciaire (SRPJ) constituent par ailleurs des éléments de tout premier ordre. Composés de dossiers d’enquêtes établis soit dans le cadre de la surveillance des activités terroristes soit dans le cadre de la procédure de recherche dans l’intérêt des familles, ils contiennent des notes de renseignements ou d’informations, des listes nominatives ou encore des procès-verbaux de police ou de gendarmerie. Il convient cependant de préciser que seul le SRPJ d’Alger a bénéficié du transfert de ses outils de référencement interne (fichiers nominatifs et répertoires), permettant un accès facilité aux dossiers.
Enfin les dossiers individuels de procédures pénales liées à des actes dits de terrorisme ou d’autres types d’actes criminels ou délictueux qui relèvent des tribunaux, dont les fonds sont en cours de classement, peuvent mentionner des cas de disparitions.
Au Service historique de la Défense (site de Vincennes), certains dossiers constitués, soit par les unités militaires stationnées en Algérie (sous-série GR 1 H), soit par les services de l’administration centrale du ministère de la Défense (série GR R), font mention de ces disparitions. On trouvera ainsi dans les archives des corps d’armée d’Alger et d’Oran, des dossiers relatifs à des affaires d’enlèvements et de disparitions de Français de souche européenne en Algérie, composés de fiches de renseignements, de rapports et procès-verbaux de gendarmerie, de notes, correspondances et photographies. Ces sources seront utilement croisées avec les collections de procès-verbaux de gendarmerie, les dossiers de renseignements sur des disparitions et les états des enquêtes demandées par la Commission de sauvegarde des droits et libertés individuels conservés dans les archives du commandement et des unités de Gendarmerie nationale implantées en Algérie (sous-série GD 2010 ZM 4).
Des dossiers de renseignements et d’enquêtes sur les disparitions de civils et militaires dans les archives du cabinet du commandant en chef des forces en Algérie ou encore des coupures de presse sur les disparitions, assassinats, libérations de civils et de militaires dans les archives de la délégation générale du gouvernement en Algérie complèteront cette cartographie des ressources disponibles en salle de lecture à Vincennes (sous-série GR 1 H).
La division des archives des victimes des conflits contemporains (site de Caen) conserve par ailleurs au sein de la sous-série AC 34R des dossiers individuels de régularisation d’état civil de Français de souche européenne pour lesquelles la famille a fait une demande d’attribution de la mention « mort pour la France ».
Pour aller plus loin
La sous-direction des Pensions du ministère des Armées conserve des dossiers d’indemnisation des victimes civiles (par exemple les victimes d’attentats terroristes) dans les archives des anciennes directions interdépartementales des anciens combattants dissoutes en 2010, et notamment les victimes civiles des événements d’Algérie pour peu que celles-ci aient lancé une démarche auprès de cette administration. Ces victimes ne constituent toutefois qu’une faible partie seulement de ce corpus documentaire. Les recherches sont possibles à partir du nom, du prénom et de la date de naissance de la personne recherchée.
Le fonds dit des rapatriés, conservé à l’Office national des anciens combattants et victimes de guerre (ministère des Armées), peut également permettre d’identifier un disparu et/ou sa veuve et ayants droits, par le biais des demandes visant à bénéficier des mesures en faveur des rapatriés. Il est constitué des archives de l’agence nationale d’indemnisation des Français d’Outre-mer (ANIFOM) et du Bureau central des rapatriés (BCR), anciennement appelé Service central des rapatriés.
Le service des archives médicales hospitalières du ministère des Armées peut constituer une autre piste de recherche. Il détient en effet les registres chronologique d’entrée dans les hôpitaux militaires situés en Algérie ainsi que les dossiers de patient de ces hôpitaux (accès par le nom de l’hôpital puis du patient), et des dossiers de décédés.
Enfin, le fonds de la Justice militaire du ministère des Armées pourra compléter cette cartographie des ressources disponibles mais de manière tout à fait marginale. Il conserve en effet les dossiers de procédures judiciaires instruites devant les trois tribunaux permanents des forces armées établis à Alger, Oran et Constantine, compétents durant la guerre d’Algérie pour juger les personnes, civiles ou militaires, mises en cause. Si la personne disparue n’a pas fait cependant l’objet d’une procédure judiciaire, elle n’apparaîtra pas dans le fonds.
Militaires français disparus en Algérie
Définition
Sont ici présentées les sources relatives aux militaires français de tous grades disparus en Algérie, les harkis et autres membres de formations supplétives faisant par ailleurs l’objet d’une entrée particulière.
Les archives disponibles
L’engagement de l’armée française en Algérie entre 1954 et 1962 fut massif. Outre les militaires de carrière, l’armée française a pu compter sur les appelés du contingent mobilisés dès 1955, de sorte que plus d'1,5 million de militaires français ont participé à la guerre d’Algérie.
Les sources sur les militaires français disparus se trouvent en grande partie au Service historique de la Défense (site de Vincennes). Il n’existe cependant pas de fonds d’archives homogène dédié aux disparus : à l’exception de quelques dossiers, les documents sont dispersés dans plusieurs fonds et souvent mélangés dans des dossiers portant sur les prisonniers ou les déserteurs.
Trois sources principales peuvent être mobilisées sur les disparus militaires :
Les procès-verbaux de gendarmerie : les procès-verbaux des unités de gendarmerie basées en Algérie entre 1954 et 1962 contiennent des informations sur les circonstances des enlèvements lorsqu’une plainte a été déposée, ce qui ne fut pas systématique, ou sur la découverte des corps. Les procès-verbaux de gendarmerie sont classés par brigade et selon un ordre chronologique (sous-série GD 2010 ZM 4) au sein des archives de la gendarmerie produites durant le conflit, qui représentent un volume de plus de 17 000 cartons. Il n’existe pas d’index nominatif général permettant d’identifier les procès-verbaux concernant tel ou tel individu. Pour toute recherche dans ces fonds, il est donc primordial de disposer d’un nom, d’un lieu et d’une date de disparition. Des procès-verbaux de gendarmerie peuvent également avoir été insérés dans des dossiers transmis à l’état-major.
Les bulletins de renseignement : les bulletins de renseignement proviennent essentiellement des deuxièmes bureaux (bureaux chargés du renseignement au sein des états-majors) et du Service de documentation extérieure et de contre-espionnage (SDECE). Ils sont conservés dans divers articles de la sous-série Algérie (sous-série GR 1 H). Ils étaient établis à partir d’informations recueillies auprès d’informateurs et d’interrogatoires de prisonniers, de ralliés et, plus exceptionnellement, de prisonniers français libérés. Les déclarations des autorités rebelles (notamment les annonces d’exécution) et les envois par le FLN de lettres aux familles des disparus donnaient également lieu à des synthèses. On trouve enfin des coupures de presse. Au total, l’information reste parcellaire et de valeur très inégale. L’emploi de ces documents nécessite des recoupements que l’éclatement des dossiers rend longs et difficiles.
Les comptes rendus au commandement (de l’autorité locale jusqu’au cabinet du ministre de la Défense) : les comptes rendus au commandement peuvent figurer parmi les archives des unités territoriales (sous-série GR 1 H) ou du cabinet du ministre de la Défense (série GR R). À partir de 1957, en effet, l’état-major des forces armées françaises en Algérie établit une procédure de prise en compte systématique des disparitions aboutissant à la production de dossiers individuels et de listes nominatives. Ces informations devaient alimenter un fichier des disparus et la redistribution des informations aux unités et aux deuxièmes bureaux (notamment grâce à la diffusion d’un album des disparus). Les éléments conservés apparaissent néanmoins lacunaires, tant par le contenu des dossiers que par leur nombre. Les listes sont d’une valeur inégale et doivent être systématiquement recoupées entre elles. À partir de 1962, l’explosion du nombre de disparitions temporaires rend les comptages particulièrement difficiles. Le suivi des dossiers cesse au fur et à mesure de la liquidation des structures de commandement en Algérie, jusqu’à la reprise des dossiers par le ministère des Affaires étrangères.
Ces sources trouvent un complément utile dans les fonds du Centre des archives du personnel militaire (CAPM) à Pau, qui conserve les dossiers d’officiers rayés des cadres après 1971 (ceux rayés des cadres avant cette date sont conservés à Vincennes), les archives matriculaires des appelés et engagés français ainsi que les archives des unités de l’armée de terre et des services communs. Il est possible d’y trouver des informations sur des disparus mais ces fonds ne sont pas classés de façon aisément consultable pour le public et ne disposent pas d’instruments de recherche normalisés. Pour le moment, il est possible de solliciter le CAPM pour identifier les fonds concernés et accéder à leur consultation.
Les sources relatives aux militaires disparus en Algérie conservées aux Archives nationales d’outre-mer (Aix-en-Provence) sont à rechercher dans presque tous les fonds concernant l’Algérie. Comme pour les autres catégories de disparus, il n’existe pas de fonds ni de dossiers exclusivement dédiés. Les archives émanent des différentes autorités civiles à l’œuvre sur la totalité du territoire algérien ; elles offrent donc un regard parfaitement complémentaire aux archives produites par les autorités militaires.
Seuls les dossiers en provenance des services régionaux de police judiciaire (SRPJ), qui constituent des éléments de tout premier ordre, et les dossiers de procédures criminelles ou correctionnelles qui relèvent des tribunaux, dont les fonds sont en cours de classement, présentent des documents plus circonstanciés.
On trouve enfin des dossiers concernant des militaires français parmi les dossiers sur les disparus constitués par les services du ministère des Affaires étrangères, conservés au Centre des Archives diplomatiques de La Courneuve.
La lune de miel entre l'Algérie et la France se prolonge. Les relations entre les deux pays sont en nette amélioration. Les responsables multiplient les annonces positives dans le sens de l'apaisement. C'est ainsi que l'axe Paris-Alger se construit. Cependant, certaines questions liées à la mémoire restent toujours en suspense et risquent d'empoisonner ces relations à chaque occasion. Pour désamorcer ces crises « latentes », la France a annoncé des décisions qui ne peuvent que réjouir l'Algérie.
En effet, la France s'est engagée à accélérer le processus de remise des archives de l'époque coloniale à l'Algérie. Elle s'engage également à nettoyer les sites d'essais nucléaires qu'elle a menés dans le désert au cours des années soixante du siècle dernier. L'annonce a été faite par le ministère algérien des Affaires étrangères, à l'issue d'une réunion tenue le 25 janvier à Alger. Cette réunion a eu lieu entre les représentants des deux pays, dans le cadre des commissions de la neuvième session du dialogue politique entre Alger et Paris.
Cette réunion a été présidée par les « secrétaires généraux des ministères des Affaires étrangères d'Algérie et de France, Ammar Belani et Anne-Marie Descôtes, avec la participation de représentants de plusieurs secteurs des deux pays », a annoncé le communiqué du ministère algérien des Affaires étrangères. Elle va servir, notamment, à préparer la prochaine visite du chef de l'État algérien Abdelmadjid Tebboune à Paris en mai prochain, à l'invitation de son homologue français Emmanuel Macron.
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Ainsi, donc, « la partie française s'est engagée à accélérer le processus de restauration des archives (de la période coloniale) et à traiter les sites d'essais nucléaires qui doivent être purgés des radiations », affirme le communiqué.
Il faut dire que ce geste va dans le sens de l'amélioration des relations bilatérales. Il vise également à équilibrer les choses suite aux déclarations du président français Emmanuel Macron, qui refuse de demander pardon aux Algériens en ce qui concerne la période coloniale. Il faut aussi rappeler que la France a décidé d'ouvrir l'accès aux archives relatives aux disparus de la guerre d'Algérie, dans un arrêté paru au Journal officiel du dimanche 12 avril 2020. Cette ouverture devait permettre de savoir davantage sur cette guerre (1954-1962) qui a fait beaucoup de martyrs. L'arrêté prévoit la libre communication de dossiers sur les disparus de la guerre d'Algérie conservés aux Archives nationales, ces dossiers proviennent de la « commission de sauvegarde des droits et libertés individuelles »,avait précise l'arrêté.
Algeriepatriotique publie la réponse intégrale du moudjahid Yacef Saâdi, chef de la Zone autonome historique d’Alger, au soldat de l’armée coloniale Ted Morgan, de son vrai nom Sanche de Gramont, dont les propos mensongers ont été repris avec un étrange enthousiasme par certains médias algériens.
Le journaliste franco-américain Ted Morgan ou, si vous voulez, le Comte Sanche Charles Armand Gabriel de Gramont – quelle noblesse ! – raconte, à sa façon, la «Bataille d’Alger», que Christophe Forcari appelle dans Libération et à juste titre, «une guerre si vile». La vilenie de cette guerre vient également du fait que l’auteur, Ted Morgan, n’oublie pas d’informer ses lecteurs, d’une façon cynique, qu’il a été partie prenante dans la «Guerre d’Algérie», avec le grade de sous-lieutenant, au sein d’un régiment sénégalais de l’infanterie coloniale… Il n’oublie pas, également – j’allais dire surtout – de révéler, toute honte bue, «qu’il a commis un crime de guerre après avoir frappé un prisonnier pour le faire parler jusqu’à le tuer». Pour ce qui est du droit à la parole qui se manifeste par son livre, je précise avant d’énoncer quelques principes et donner des justifications sur les propos émis à mon encontre, qu’il peut s’exprimer librement dans la mesure du respect des événements et de l’Histoire. Parce que je crois à la liberté d’expression et à la vérité ; celle qui nous vient de gens honnêtes.
Cependant, le journaliste Ted Morgan, qui a opté pour une nouvelle citoyenneté et par le truchement d’une simple anagramme, s’affuble d’une identité de consonance yankee, s’il a le droit de s’exprimer et même de fantasmer quelquefois, il n’a nullement ce droit d’aborder un sujet pour lequel il n’avait pas tous les tenants et les aboutissants, encore moins les archives crédibles qui lui permettent de s’attaquer vertement, aujourd’hui, à des personnages avec lesquels il n’avait aucun contact.
Monsieur le journaliste Ted Morgan, laissez-moi vous parler directement ! Je serai plus à l’aise pour vous démontrer que vous faites fausse route avec le patriote que je fus, que je suis et que je serai toujours, pourvu que Dieu me prête vie pour voir triompher la vérité que vous et vos semblables êtes en train d’occulter pour des buts inavoués.
Vous étiez, pendant notre glorieuse Révolution, soldat de propagande. Nous connaissons tous, et moi personnellement plus que les autres, les dégâts perpétrés par ce département auquel vous étiez attaché et par le biais duquel vous vous êtes exercé au mensonge, à la diversion et à la tromperie. Mais vous étiez, surtout, témoin de violences et d’atrocités perpétrées durant la «Bataille d’Alger» – comme vous le précisez si bien, dans votre livre. Vous ne pensez pas qu’avec votre première déclaration que je relate en introduction, et cette dernière où vous parlez de votre position de témoin, non seulement passif mais aussi complice, vous vous attribuez des missions d’une gravité monstrueuse et, du même coup, vous vous condamnez en vous imputant des délits plus importants car tragiques et démentiels ?
Monsieur le journaliste Ted Morgan, laissez-moi vous dire que lorsque le discours devient récurrent, comme c’est le cas de vos déclarations gratuites et immotivées, il prend la forme d’une attaque frontale de mauvais aloi, éhontée, ou carrément la forme d’une pernicieuse machination qui vous a été ordonnée par ceux qui vous emploient pour de tristes besognes. Et dans ces deux cas de figure, ma question comme celle de tous vos lecteurs, à qui vous offrez des moments de sensation forte par vos déballages incongrus, est la suivante : avez-vous les moyens – je veux dire les preuves suffisantes – qui vous permettent de me charger de la sorte ? En tout cas, je vous mets au défi de m’en montrer une, au moins une, dûment authentifiée comme celles que je détiens aujourd’hui ! Et là, franchement, je doute fort que vous ayez quelque chose qui tienne la route ! Ce en quoi, je vous pose une autre question : avez-vous la force de vous défendre demain, devant un tribunal juste, lors d’un procès équitable qui mettra fin à votre audace, voire à votre effronterie, et me donnera raison devant mon peuple tout en vous ridiculisant aux yeux du monde ?
Voyez-vous, ce sont des questions aussi simples qu’honnêtes et sincères de ma part. Des questions que je vous poserai constamment pour comprendre le pourquoi de vos assertions qui ont tout l’air d’une campagne – gratuite en ce qui me concerne – mais de mauvaise facture, je le répète encore une fois, parce que vous n’avez pas les compétences d’un véritable historien pour me juger ; pardon, pour m’accabler de la sorte. Parce que vous devez savoir que la mission première d’un historien avéré est de restituer la vérité et non d’entrer dans la polémique. Et Henry Rousso, l’historien français disait : «L’historien ne délivre aucun verdict, il est un universitaire dont le travail répond à des règles qui n’ont rien à voir avec celles d’un tribunal.» Rousso parlait de vrais historiens, justes et… honnêtes. Vous m’avez compris, et ce n’est pas votre cas, hélas !
Monsieur le journaliste Ted Morgan, laissez les véritables acteurs de la «Bataille d’Alger», de même que les bonnes archives, s’exprimer en fonction de leurs données incontestablement exactes. Il n’y a pas mieux que ceux-là qui puissent apporter des éclairages sur cette douloureuse période de notre glorieuse Révolution et de votre guerre, sale et vile, qui a été imposée au peuple algérien par les tenants du colonialisme. Parmi ces acteurs et les plus concernés, il y a qui sont encore de ce monde, plus valides que jamais, sur les plans de la santé et… de la mémoire. A eux de s’exprimer, courageusement et sincèrement, sur ce sujet ! Je leur adresse cette invocation, publiquement, et leur demande de me confronter sur tous les aspects de cette «bataille» qui, pour moi et pour les valeureux patriotes de la Zone autonome historique d’Alger, demeure un fait colonial aux multiples facettes qui mérite d’être analysé autrement que par des accusations gratuites et des révélations diffamatoires qui nous éloignent des véritables souffrances que la population d’Alger a endurées.
Vous constaterez, d’après ce qui précède, Monsieur le journaliste Ted Morgan, que j’ai cette honnêteté morale de vouloir m’expliquer, hautement, devant qui que ce soit. Parce que je peux – même en étant au crépuscule de ma vie – prouver, voire conforter mon discours par des documents authentiques que je possède et d’autres, plus importants, que je viens de récupérer par mes propres moyens, ces documents officiels que le commun des mortels appelle «ARCHIVES» et qui peuvent confondre et accuser plus d’un, sans m’éclabousser, fort heureusement.
Ainsi, il est temps, aujourd’hui, que je sorte de mon silence parce que je crains que j’ai pu laisser croire à tort que ma position de réserve ait été interprétée autrement que par une décision de sagesse et de sérénité. Oui, aujourd’hui, j’ai décidé, en effet, de me défendre en utilisant les meilleures ressources pour convaincre les Algériens, mes compatriotes, qui veulent connaître la vérité, sur toutes les causes de la mort d’Ali La Pointe, Hassiba Ben Bouali, le petit Omar – mon neveu – et Mahmoud Bouhamidi.
Les documents authentifiés qui sont en ma possession me permettent, présentement, après tant d’années durant lesquelles je m’étais imposé le devoir de réserve, de faire une fidèle reconstitution de toute la période où nous avons combattu obstinément contre cette «Bataille d’Alger» qui nous été imposée par les forces coloniales. Cette reconstitution viendra à point nommé pour restituer tous les événements dans leur véritable contexte et, ainsi, je crierai haut et fort, en engageant cette opération de rectification, que personne n’a le droit de déformer l’Histoire, en donnant à nos enfants un autre visage de cette guerre atroce que nous avons vécue et subie avec courage et détermination. Car nos enfants, qui attendent beaucoup de nous, attendent surtout qu’on leur apprenne les meilleures valeurs qui nous ont conduits à recouvrer notre souveraineté nationale, sous les idéaux de la glorieuse Révolution de Novembre 1954.
Cette déclaration vous est destinée en premier lieu, Monsieur le journaliste Ted Morgan, de même qu’elle est destinée à tous ces «autres» qui s’évertuent dans la palabre sans pouvoir apporter un iota de vérité, en arborant ne serait-ce qu’une preuve irréfutable de leurs déclarations faites, souvent, au cours de conciliabules interlopes.
Quant à moi, Monsieur le journaliste Ted Morgan, et sans vouloir me justifier pour autant, car j’ai la conscience tranquille et l’âme sereine, devant le Tout Puissant Seigneur, je vous convie à préparer votre arme de défense car, pour ce qui me concerne, j’ai l’intention d’utiliser les voies légales contre vous, pour défendre mon honneur et l’honneur de mes compagnons, qui ne sont plus de ce monde et qui ont consenti le sacrifice suprême.
Mais, dans le cas où vous n’accepteriez pas ce défi ou cette confrontation – c’est selon –, faite amende honorable et demandez pardon ! Non pas à moi seulement, mais à tous les patriotes de mon pays, par les moyens que vous jugerez utiles. Cessez votre campagne de diversion, une campagne fallacieuse et savamment préparée dans des officines spécialisées de la guerre psychologique, pour occulter les véritables responsables du drame algérien, d’insatiables criminels qui, eux, doivent être traînés devant les tribunaux, à l’image de celui de Nuremberg, pour crimes de guerre ou crime contre l’humanité !
Yacef Saâdi Responsable politico-militaire de la Zone autonome d’Alger0
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