S’il est un moment bien oublié de l’histoire de la guerre de Libération nationale, c’est assurément l’action menée par la cellule FLN d’Es-Sénia (Oran) contre un avion d’Air France qui effectuait la liaison entre Oran et Paris.
J’exprime ici toute ma reconnaissance à Mohamed Fréha qui, il y a quelques années déjà, avait attiré mon attention sur cet événement, alors hors champ historique, personne n’en avait fait mention. En effet, ni le récit national, ni les historiens, ni les journalistes n’ont évoqué «l’explosion en plein vol d’un avion commercial d’Air France !». Mohamed FREHA est bien le seul. Dans son ouvrage J’ai fait un choix, (Editions Dar el Gharb 2019, tome 2) il lui consacre sept pages. Ses principales sources étaient la mémoire des acteurs encore en vie, celle des parents des chouhada et la presse d’Oran de l’époque, (L’Echo d’Oran en particulier). Les archives du BEA (Bureau d’enquêtes et d’analyses pour la sécurité de l’aviation civile), Fonds : Enquête sur les accidents et incidents aériens de 1931 à 1967 et plus précisément le dossier Accidents matériels de 1957 intitulé à proximité de Clermont-Ferrand (Puy-de-Dôme), Armagnac (F-BAVH) 19 décembre 1957, conservées aux Archives nationales de France, ne sont pas encore consultables. Qu’en est-il des archives de la Gendarmerie française ? Qu’en est-il de celles de la Justice civile et militaire là-bas dont celles des Tribunaux permanents des forces armées (TFPA). Et ici ? Et chez nous ? Il reste à retrouver et travailler les minutes du procès.
C’est ainsi que le jeudi 19 décembre 1957, à 14 heures, affrété par Air France, un quadrimoteur « Armagnac SE » numéro 2010, immatriculé F-BAVH appartenant à la Société auxiliaire de gérance et transports aériens (SAGETA), avait quitté l’aéroport d’Oran-Es-Sénia pour Paris qu’il devait atteindre vers 20 heures. A 18 heures 15, il fut brusquement détourné vers Lyon alors qu’il survolait Clermont-Ferrand. Une déflagration venait de se produire à l’arrière de l’avion au niveau du compartiment toilettes. Selon le témoignage d’un passager, la vue des stewards et hôtesses de l’air, qui couraient dans l’allée centrale vers la queue de l’appareil avec des extincteurs à la main, inspira un moment d’inquiétude. Le vol se poursuivit normalement malgré une coupure d’électricité et la baisse soudaine de la température dans la cabine.
Un petit travail de recherches nous apprend que l’aéronef, l’Armagnac SE, avait une excellente réputation de robustesse. Il était le plus grand avion de transport français jamais construit à ce jour et avait la réputation d’avoir «servi à de très nombreux vols entre Paris et Saïgon (actuellement Ho-Chi-Minh-Ville) lors de la guerre d’Indochine, principalement dans le rapatriement des blessés et des prisonniers». A-t-il été repéré et choisi pour cela ?
Il n’en demeure pas moins que le commandant de bord décida alors de se poser à l’aéroport de Lyon-Bron, rapporte le journaliste du Monde (édition datée du 21 décembre 1957). Toujours selon le commandant de bord : «La robustesse légendaire de l’Armagnac nous a sauvés, car d’autres appareils dont la queue est plus fine auraient certainement souffert davantage ». Une photographie montre bien cette brèche de deux mètres carrés.
Débarqués, les passagers comprennent qu’ils ne sont pas à Orly et l’un d’entre eux remarque une « grande bâche qui recouvre le flanc droit du fuselage ». Ils apprennent qu’ils sont à Lyon et qu’il y avait eu une explosion dans l’arrière de l’avion. Ils sont tous interrogés par les enquêteurs de la police de l’Air. L’hypothèse d’un accident technique est écartée et celle d’une action (un attentat, disent-ils) du FLN s’impose, ce qui provoque l’intervention des agents du SDECE. Et pour cause, c’est bien une bombe qui avait explosé.
Mais il y avait aussi le fait que cet avion transportait 96 passagers et membres d’équipage parmi lesquels 67 étaient des militaires de tous grades, venus en France pour les fêtes de Noël. L’enquête reprend à l’aéroport d’Es-Sénia qui se trouvait, à cette époque encore, au sein d’une base de l’armée de l’Air. Elle est confiée dans un premier temps à la gendarmerie d’Es-Sénia et s’oriente vers le personnel civil algérien, femmes de ménage comprises. Mais les soupçons se portent vers les bagagistes qui étaient dans leur grande majorité des Algériens. Elle aboutit à la découverte d’une cellule FLN à Es-Sénia à laquelle appartenaient, entre autres, des bagagistes.
Dans son récit construit sur la base des témoignages, Mohamed Fréha nous donne des noms et un narratif assez détaillé de l’action de ces militants. Le chef de l’Organisation urbaine FLN d’Oran avait transmis à un membre de la cellule dormante d’Es-Sénia, un ordre du chef de Région. Ils devront exécuter «une action armée spectaculaire.» Lors d’une réunion, le 15 décembre, la décision fut prise de «détruire un avion de ligne en plein vol». Mais il fallait «trouver une personne insoupçonnable de préférence avec un faciès européen». Ce fut un Européen, Frédéric Ségura, militant du Parti communiste, bagagiste à l’aéroport. Mohamed Fréha nous donne six noms des membres de la cellule auxquels il ajoute un septième, Frédéric Ségura. Madame Kheira Saad Hachemi, fille d’Amar Saad Hachemi el Mhadji, condamné à mort et exécuté pour cette affaire, nous donne treize noms dont celui de F. Ségura et présente un autre comme étant le chef du réseau. Ce dernier n’est pas cité par Mohamed Fréha.
Lorsque les militants du réseau avaient été arrêtés l’un après l’autre suite à des dénonciations obtenues après de lourdes tortures, Frédéric Ségura, qui avait placé la bombe, est torturé et achevé dans les locaux de la gendarmerie. Selon un policier algérien présent lors de l’interrogatoire, Ségura n’avait donné aucun nom. «Je suis responsable de mes actes !» avait-il déclaré à ses tortionnaires du SDECE. Son corps n’a jamais été retrouvé. Après l’indépendance, le statut de martyr lui fut certes reconnu, mais son sacrifice n’est inscrit nulle part dans l’espace public d’Es-Sénia. Rien non plus sur cette action. La mémoire est impitoyable quand elle est courte et qu’elle laisse la place à l’oubli. Quant au chef de la cellule, Lakhdar Ould Abdelkader, il aurait trouvé la mort au maquis.
Lors du procès, fin mai 1958, Amar Saad Hachemi el Mhadji, gardien de nuit à l’aéroport, fut condamné à mort et guillotiné le 26 juin 1958. Il avait introduit la bombe, crime impardonnable. Dehiba Ghanem, l’artificier, qui avait fabriqué la bombe artisanale, fut condamné à la prison à perpétuité. Les quatre autres impliqués, Kermane Ali, Bahi Kouider, Zerga Hadj et Salah Mokneche, furent condamnés à de lourdes peines de prison. Quant aux quatre autres, la justice a condamné trois à des peines légères et en a acquitté un. Non seulement ils étaient dans l’ignorance de ce qui leur était demandé (transporter la bombe ou la cacher dans leur local) mais de plus ils n’étaient pas membres de la cellule FLN. Des questions restent en suspens faute d’avoir accès aux archives : l’avion a-t-il été choisi à dessein, à savoir le fait qu’il transportait des militaires ? L’objectif était-il vraiment de donner la mort aux passagers ? Sur cette question, Mohamed Fréha rapporte que, réprimandé par sa hiérarchie, l’artificier répondit : « Non seulement que le dosage n’était pas conforme à la formule, mais également la poudre utilisée était corrompue par l’humidité».
Pourtant, Le correspondant du Monde à Lyon avait alors écrit : «Des dernières portes de la cabine jusqu’à la cloison étanche, le parquet était éventré. Il s’en fallait d’une dizaine de centimètres que les gouvernes n’eussent été touchées, ce qui eut entraîné la perte du quadrimoteur». Enfin et curieusement, le passager avait conclu son témoignage en établissant un lien avec un autre événement survenu une année plus tôt: «Réagissant à la piraterie de la «France coloniale» le 22 octobre 1956, lorsqu’un avion civil qui conduisait Ahmed Ben Bella du Maroc à la Tunisie, en compagnie de Mohamed Boudiaf, Hocine Aït Ahmed, Mohamed Khider et Mostefa Lacheraf est détourné par les forces armées françaises, le FLN voulait une réciprocité spectaculaire».
Spectaculaire ? C’est bien ce qu’avait demandé le chef FLN de la Région. L’action le fut et à un point tel qu’aujourd’hui rares sont ceux qui croient qu’elle a vraiment eu lieu. Il est triste de constater que cette opération qui a causé la mort de deux militants : Frédéric Ségura et Amar Saad Hachemi, n’est inscrite ni dans notre récit national ni dans la mémoire locale. Il nous faut visiter le musée créé par Mohamed Fréha au boulevard Emir Abdelkader à Oran pour y trouver des traces. Ces martyrs et leurs frères du réseau d’Es-Sénia méritent la reconnaissance de la Nation. Peut-être alors que leurs frères d’Es-Sénia et d’Oran leur rendront hommage à leur tour. Inch’a Allah !
par Fouad Soufi
Sous-directeur à la DG des Archives Nationales à la retraite - Ancien chercheur associé au CRASC Oran
Le 4 mai 1978, le militant tiers-mondiste Henri Curiel était assassiné à Paris. Un crime revendiqué par un mystérieux groupe d’extrême droite jamais identifié. Après un premier non-lieu, une enquête rouverte puis classée sans suite, la justice française a ouvert début 2018 une nouvelle information judiciaire après les aveux posthumes d’un membre de l’Action française. 40 ans après cet assassinat, Maître William Bourdon, avocat de la famille, fait le point sur l’enquête judiciaire.
Il fut grand et mieux encore il fut un militant de la guerre de libération, proche même de quelques dirigeants historiques du FLN.
Un fou de l’Algérie
Triste 30 août qui marque la date du 50e anniversaire de l'assassinat du poète Jean Sénac, alias Yahia Al Wahrani. Poète au verbe magique et poète inspiré, ses deux émissions à la radio: Le poète dans la cité puis Poésie sur tous les fronts, avant qu'on ne mette fin à cette dernière en septembre 71, étaient particulièrement suivies par les jeunes. Cet espace de libre poésie leur permettait de respirer sous la poigne de fer de Boumediene. Quand on a 20 ans, on peut vivre d'amour et de poésie. Mais cela n'a qu'un temps. Et Sénac ne l'avait pas compris, lui qui approchait du virage de la cinquantaine en continuant à vivre comme un adolescent. Il l'était d'ailleurs comme le sont tous les poètes. Ceux qui économisent l'argent ne seront jamais poètes. L'odeur de l'argent coupe toute inspiration.
Il ne s'agit pas ici de revenir sur l'oeuvre de cet homme qui fut assurément l'un des plus grands poètes algériens de graphie française, expression qu'il employait pour parler de la langue française. Il fut grand et mieux encore, il fut un militant de la guerre de libération, proche même de quelques dirigeants historiques du FLN.
«Ma mort est optimiste»
Contrairement à beaucoup d'écrivains et d'intellectuels algériens - on les appelait alors indifféremment sous les vocables arabe, kabyle, musulman- qui s'adressaient à Camus révérencieusement, lui qui avait osé le traiter de lâche pour ne pas avoir pris position avec la révolution algérienne. Oui, monsieur, il avait traité le prix Nobel, celui qu'il considérait comme son père de substitution et son maître, de lâche. Qui pourrait en dire autant? Sénac l'a fait. Il était fou. Fou de l'Algérie. Il l'aimait plus que tout, plus même que sa propre mère qui mourut en France sans qu'il assiste à ses funérailles. En vérité, sa vraie mère était l'Algérie. D'ailleurs, il mourut d'avoir trop aimé cette Algérie que ses écrivains de souche autochtone -Dib, Kateb, Farès, Bourboune, Bencheikh pour ne citer que ceux-là- fuyaient à l'indépendance, alors que lui restait pour la chanter avec mille vers dont le moindre n'est pas «Tu es belle comme une coopérative agricole», tiré du magnifique poème Citoyens de beauté.
Pauvre, Sénac le fut à l'indépendance, comme il le fut pendant la colonisation. Il avait les poches trouées et le coeur encore plus. Il n'eut jamais la nationalité alors qu'il la méritait plus que quiconque, puisqu'il s'était battu pour son indépendance, puisqu'il était algérien de coeur, de tripes et d'engagement. Dans son livre Un homme debout, Mohamed Harbi lui rend hommage en des termes touchants. C'est grâce à Jean Sénac que la revue clandestine du FLN fut éditée en France.
Le 2 septembre 1973, deux jours après son assassinat, on découvrit, dans son sous-sol, son corps troué de 5 coups de couteau. Émoi dans le monde de la culture ici et en France. Version des autorités: crime crapuleux, qualificatif pudique pour qualifier un crime de moeurs, car Sénac était homosexuel. Pour ses biographes étrangers et beaucoup d'intellectuels algériens qui l'ont connu, Boudjedra en tête, c'est un crime politique. Comprendre qu'il avait été tué par des islamistes. Sénac lui-même disait qu'il allait mourir comme le poète Lorca et qu'on maquillerait sa mort en une affaire de moeurs. Qu'en est-il vraiment? Cette légende d'un crime politique tissée par lui-même, ainsi que ses amis ne résistent pas à l'analyse. L'analyse de ceux qui ne sont ni ses disciples ni ses contempteurs, l'analyse de ceux qui connaissaient l'Algérie de Boumediene et les risques que prenaient Sénac à accueillir chez lui le tout-venant. Primo, à l'époque de Boumediene, il n'y avait pas l'ombre d'un intégriste. Et s'il y en avait eu un seul, les services de sécurité l'auraient identifié et annihilé avant même qu'il ne passe à l'action.
Politiquement correct
Deuxio: si c'était un intégriste, la belle affaire, le pouvoir aurait exploité cet assassinat pour faire le ménage en dénonçant, comme il en avait l'habitude, les nageurs en eaux troubles, avant de réprimer brutalement ce courant qui était quasiment inexistant à l'époque sinon dans le parti du pouvoir, mais ces gens-là, en costume 3 pièces n'étaient pas des assassins mais des notables. Pourquoi alors les autorités ont-elles arrêté un jeune lycéen pour le désigner comme le présumé coupable, alors qu'il n'était pas convertible sur le plan politique si le crime ne relevait pas de la rubrique du fait divers? Insistons: ça aurait été un intégriste, rien n'aurait empêché le pouvoir de le dénoncer comme tel et de lui réserver le châtiment qu'il mérite pour dissuader d'autres candidats au meurtre d'autres personnalités déviantes. On le voit, cette piste islamiste ne tient pas la route. Djaout mort sous les coups des intégristes, comme le souligne Boudjedra pour accréditer cette idée? Djaout, c'est 20 ans plus tard et l'Algérie d'alors n'était plus celle de Boumediene. La vérité la voilà: jamais les proches et admirateurs du poète n'ont accepté qu'il finisse comme Pasolini, écrivain et cinéaste homosexuel assassiné par un jeune prostitué qui se rétracta 20 ans plus tard. Ils le voulaient en Lorca, exécuté par les franquistes. Le problème avec ceux qui n'admettent pas une mort sans gloire, c'est qu'ils politisent tout: sa mort pour en faire un martyr, son limogeage de la radio pour en faire un paria, ses conditions de vie pour en faire un misérable, sa poésie pour en faire un rebelle alors qu'il soutenait le régime à fond. Il était politiquement correct n'était-ce son mode de vie sur le fil du rasoir. En vérité, Sénac était un derviche comme le qualifiait son ami Mostefa Lacheraf. Un derviche qui ne savait pas tourner sur lui-même comme un soufi. Lui ne tournait qu'autour des mots. Et que peut-on faire avec des mots sinon des phrases qui ne protègent de personne. Il voulait mourir en Algérien. À défaut d'en avoir les papiers, il a eu la terre dans laquelle il repose. Il voulait être inhumé dans un cimetière musulman, mais ne l'étant pas sa tombe a vue sur un cimetière musulman. C'est toujours ça de gagné. Écoutons sa voix d'outre-tombe: «Vous serez des hommes libres/ Vous construirez une culture sans races/ Vous comprendrez pourquoi ma mort est optimiste.» 50 ans plus tard, l'amour de Sénac pour l'Algérie fait chaud au coeur. Un homme qui ne renie pas sa patrie avant et après l'indépendance mérite bien un hommage des braves. Comme lui-même le fut dans une période noire de notre Histoire.
*Ecrivain, auteur du roman sur Jean Sénac, On dira de toi, éditions Dalimen
L'historien Gilles Manceron s'est exprimé sur franceinfo dimanche à propos d'un décret publié au Journalofficiel le même jour qui assouplit l'accès aux archives sur la guerre d'Algérie.
Le président Emmanuel Macron tient le rapport sur la colonisation et la guerre d’Algérie par l’historien français Benjamin Stora, à l’Elysée à Paris le 20 janvier 2021. (CHRISTIAN HARTMANN / POOL)
"Cela devrait permettre de faire davantage la lumière sur la période de la fin de la guerre d'Algérie", a salué dimanche 27 août sur franceinfo l'historien Gilles Manceron, alors qu'un décret publié au Journal officiel le même jour assouplit l'accès aux archives sur la guerre d'Algérie, en autorisant la consultation des dossiers impliquant des mineurs.
Ce geste de la France était réclamé par les historiens et les familles. "C'est quelque chose de positif", selon Gilles Manceron. "Cela vise les tribunaux spéciaux qui ont été mis en place à la fin de la guerre, durant la période où l'OAS avait continué le combat", explique-t-il. "Des attentats ont été commis en grand nombre, y compris par de très jeunes hommes qui étaient alimentés en armes et explosifs par les réseaux de l'OAS".
Selon l'historien, "cela devrait permettre de faire davantage la lumière sur la période de la fin de la guerre d'Algérie, au moment où les tribunaux ont travaillé sur des dossiers impliquant de très jeunes hommes".
Ce nouvel assouplissement s'inscrit dans la politique d'apaisement décidée par Emmanuel Macron durant son premier quinquennat, après les recommandations du rapport de Benjamin Stora sur le conflit mémoriel entre l'Algérie et la France sur le passé colonial.
SOURCE : Guerre d'Algérie : l'assouplissement de l'accès aux archives va permettre de "faire davantage la lumière" sur la fin de la guerre, selon l'historien Gilles Manceron (francetvinfo.fr)
Par micheldandelot1 dans Accueil le 29 Août 2023 à 07:25
Illustration : Paris, 30 septembre 1955. Des appelés français se sont rassemblés dans l’église Saint-Séverin pour protester contre leur départ vers l’Algérie
Avec Désobéir en guerre d’Algérie. La crise de l’autorité dans l’armée française, et à travers les traces laissées dans les archives des tribunaux, Marius Loris Rodionoff passe en revue les différentes formes de la désobéissance de soldats réfractaires de l’armée française en Algérie
« En se concentrant sur les soubresauts au sein de l’armée française durant la guerre d’Algérie, sur les désobéissances, désertions, révoltes qui agitèrent la « Grande Muette », jusqu’à une tentative de coup d’État contre le général de Gaulle, Marius Loris Rodionoff nous donne à comprendre l’évolution de la France depuis les années 1960 jusqu’à aujourd’hui. Son livre Désobéir en guerre d’Algérie. La crise de l’autorité dans l’armée française est issu d’une thèse soutenue en 2013, grâce à une ouverture partielle des archives de la justice militaire, à la faveur de l’arrivée au pouvoir du gouvernement Jospin. »
« L’originalité de l’approche de l’auteur réside dans la mise en regard de réfractaires qui s’insurgèrent pour des choix radicalement opposés : d’un côté ceux, le plus souvent des appelés, qui refusaient de servir cette guerre, avatar de plus d’un siècle de colonisation, et une hiérarchie qui n’hésitait pas à recourir à la torture et aux assassinats. De l’autre, de petits chefs et des officiers supérieurs qui voulaient la mener jusqu’au bout, et par toutes les méthodes, décidés qu’ils étaient à garder la mainmise de la France sur l’Algérie. Dans les deux camps se trouvaient des soldats “en résistance”. »
Il faut parfois attendre des décennies avant de mesurer l’ampleur d’un événement et de ses effets sur une société, un pays, un État. Ce qui se passa en Afrique du Nord, et plus précisément en Algérie, de 1954 à 1962, était alors identifié par des périphrases, des expressions, choisies avec constance pour diminuer, démilitariser ce qu’il se passait de l’autre côté de la Méditerranée : « événements d’Algérie », « opérations de police », « actions de maintien de l’ordre », « opérations en Afrique du Nord » ou encore « pacification ». Tandis que les combattants du FLN n’étaient surtout pas nommés, réduits à la qualité de « suspects, terroristes, hors-la-loi ou rebelles ».
Sur le terrain, les combattants du FLN, les militaires français engagés et appelés, les insoumis pacifistes employaient, eux, les mots pour la dire, cette guerre d’Algérie qui changea radicalement l’État français. Il fallut attendre 1999 pour que l’Assemblée nationale vote la reconnaissance de cette « guerre ».
En se concentrant sur les soubresauts au sein de l’armée française durant la guerre d’Algérie, sur les désobéissances, désertions, révoltes qui agitèrent la « Grande Muette », jusqu’à une tentative de coup d’État contre le général de Gaulle, Marius Loris Rodionoff nous donne à comprendre aussi l’évolution de la France depuis les années 1960 jusqu’aujourd’hui. Son livre Désobéir en guerre d’Algérie. La crise de l’autorité dans l’armée française est issu d’une thèse soutenue en 2013, grâce à une ouverture partielle des archives de la justice militaire, à la faveur de l’arrivée au pouvoir du gouvernement Jospin. Ouverture temporaire : conservées dans une caserne de la ville de Le Blanc, une sous-préfecture de l’Indre, siège en outre d’un célèbre lycée militaire, elles sont redevenues inaccessibles pour des raisons politico-sanitaires : le bâtiment serait gangréné par l’amiante…
L’originalité de l’approche de l’auteur réside dans la mise en regard de réfractaires qui s’insurgèrent pour des choix radicalement opposés : d’un côté ceux — le plus souvent des appelés — qui refusaient de servir cette guerre, avatar de plus d’un siècle de colonisation, et une hiérarchie qui n’hésitait pas à recourir à la torture et aux assassinats. De l’autre, de petits chefs et des officiers supérieurs qui voulaient la mener jusqu’au bout, et par toutes les méthodes, décidés qu’ils étaient à garder la mainmise de la France sur l’Algérie. Dans les deux camps se trouvaient des soldats passés par la résistance, une constatation perturbante parmi d’autres.
Cette autre guerre, au sein de l’armée française, portait aussi en germe l’abandon du service militaire et l’avènement d’une armée exclusivement de métier, a priori obéissante sans réserve. Pas sûr que les citoyen·nes y aient gagné en pratique démocratique.
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Sylvie Braibant. — Vous dédiez votre livre à vos grands-parents, Andrée Tissot-Rodionoff qui vous a donné « le goût de l’histoire » et Nicolas Rodionoff « qui réussit à ne pas partir en Algérie ». Est-ce cela qui vous a mené vers l’étude de la guerre d’Algérie ?
Marius Loris Rodionoff. — En 1960, mon grand-père terminait ses études et il ne voulait pas partir en Algérie. C’était la fin de la guerre, mais en 1961-1962, et jusqu’en 1964, on continuait à y envoyer des appelés, et lui ne voulait vraiment pas y aller. Alors, il a organisé, avec d’autres, des grèves de la faim, plus précisément des grèves de réfectoire, ces grèves qui avaient lieu aussi bien en Algérie qu’en France. Il a fait ce qu’il a pu, il n’a pas été déserteur, il n’a pas été insoumis, mais il a été sanctionné. Il a quand même réussi à ne pas partir, à rester dans sa caserne en France, grâce à un acte de désobéissance.
Mon intérêt pour l’Algérie passe par le lycée Buffon, dans le XVe arrondissement de Paris, grâce à Claude Basuyau, un professeur d’histoire, à la retraite aujourd’hui, qui recueillait, avec ses élèves la parole de témoins, d’abord de déportés revenus d’Auschwitz, puis quand moi je l’ai eu pour professeur, de 2002 à 2004, il faisait la même chose avec les appelés du contingent en Algérie. Et donc j’ai découvert la guerre d’Algérie par cette recherche orale, et aussi par des archives que nous avions consultées. Quand en 2011 je suis arrivé en master, à l’université, mon parcours a croisé celui d’une Franco-Algérienne, écrivaine, donc mon intérêt pour l’Algérie passe aussi par l’intime. Il y avait aussi une question générale, politique, qui m’intéressait : cette mémoire cachée d’un événement fondamental.
B. — Vous évoquez donc la « mémoire cachée » de la guerre d’Algérie. Vous citez nombre de sources militaires dans votre ouvrage ; l’accès aux archives sur cette période a donc été possible ?
M. L. R. — Au début des années 2000, avec Lionel Jospin, il y a eu une première ouverture. Elle a permis à des historiennes comme Raphaëlle Branche ou Sylvie Thénault de mener leurs travaux universitaires sur cette période, grâce à des demandes de dérogation. Cette période a duré, mais il restait des pans d’archives totalement inaccessibles, notamment du côté des archives de la justice militaire. Moi, je suis arrivé au bon moment. J’ai commencé ma thèse en 2013, nous étions alors en période d’alternance politique, et les socialistes revenaient au pouvoir. S’ouvrait la possibilité d’accéder aux archives de la justice militaire en Algérie, conservées dans une caserne à Le Blanc dans l’Indre.
Bien sûr, il faut toujours s’y prendre longtemps à l’avance, passer les obstacles des demandes, des autorisations, mais elles sont progressivement ouvertes, ce qui me permet de terminer ma thèse. Depuis, ces archives se sont refermées, avec le changement de gouvernance et la mise en œuvre en 2019 d’une interprétation beaucoup plus restrictive de l’instruction générale interministérielle (IGI) 1300 sur la protection du secret de la défense nationale), et la fermeture du bâtiment en raison de la présence d’amiante. Et en plus aujourd’hui, les archives de la défense sont en plein déménagement… Ça va devenir très compliqué de faire de la recherche en histoire militaire et sur les guerres de décolonisation.
B. — Est-il nécessaire de revoir, de transformer l’historiographie de la guerre d’Algérie ? L’histoire de l’armée durant cette période est-elle l’un des moyens d’y parvenir ?
L. R. — Il y avait eu la thèse sur La justice dans la guerre d’Algérie de Sylvie Thénault (1999), qui allait dans ce sens, puis celle de l’historienne Raphaëlle Branche, L’armée et la torture pendant la guerre d’Algérie : les soldats, leurs chefs et les violences illégales (2001), celle de Tramor Quemeneur : Une guerre sans « non » ? Insoumissions, refus d’obéissance et désertions de soldats français pendant la guerre d’Algérie : 1954-1962 (2007). À leur suite est arrivée une génération d’historiens — dont moi — intéressés à travailler sur d’autres champs, tels « la doctrine de la guerre révolutionnaire » mise en œuvre durant la guerre d’Algérie avec Denis Leroux, le rôle du « cinquième bureau », les camps de regroupement avec Fabien Sacriste, ce qui était assez nouveau.
Mais dans le même temps — celui où j’arrive —, la guerre d’Algérie est passée de mode dans le champ universitaire, au profit de la colonisation en général. J’ai soutenu en 2018 ma thèse Crises et reconfigurations de la relation d’autorité dans l’armée française au défi de la guerre d’Algérie (1954-1966), dirigée par Raphaëlle Branche, mais je n’ai toujours pas de poste universitaire en France, ce qui montre le désintérêt pour la question.
Ce qui m’a intéressé, c’est de faire une histoire sociale de la justice militaire, de comprendre de manière beaucoup plus globale ce que sont les relations d’autorité, de négociation et de résistance dans l’armée, et je me suis aussi inspiré, au-delà de la guerre d’Algérie, des recherches de ceux qui ont travaillé sur l’histoire sociale de l’armée en général et des historiens et des sociologues de l’autorité, tel Yves Cohen.
B. — Vous faites le parallèle entre ceux qui ont désobéi parce qu’ils étaient contre la guerre d’Algérie, et ceux qui se sont insurgés parce qu’ils étaient pour plus de guerre contre les combattants algériens…
L. R. — Je les distingue clairement dans le livre. Mais ce que je voulais montrer c’est la crise de l’autorité dans l’armée. Et cette crise prend des chemins différents, à l’image de la société française. Il y a ceux qui pensent que la guerre est un droit et qu’il faut aller plus loin, et ceux, à gauche, qui luttent contre cette guerre. Ces résistances ne vont pas dans le même sens, mais elles ébranlent, les unes et les autres, l’institution. C’est une réalité majeure de la guerre qui fait que cette institution, qui n’est pas un monolithe, sort très affaiblie de la guerre d’Algérie. C’est aussi une réalité, plus généralement, des mouvements sociaux : par exemple, dans celui des « Gilets jaunes », on trouvait aussi bien l’extrême gauche que l’extrême droite.
Il ne s’agit pas de mettre en équivalence — et je ne le fais pas — les actions de l’Organisation armée secrète (OAS) et celles des réfractaires. Dans cette histoire des résistances militaires durant la guerre d’Algérie, il n’y a pas que ceux du contingent, il y a aussi ceux de « l’active », etc. L’armée est le reflet de la société française, de la France coloniale, et des forces très différentes s’opposent.
B. — Ces multiples désobéissances, petites ou grandes, sont-elles la manifestation d’une demande de plus de liberté ou de plus d’obéissance ?
L. R. — C’est l’une des questions sous-jacentes au livre. Dans le chapitre consacré aux formes discrètes de désobéissance, la question qui se pose est : est-ce un vrai refus d’obéissance ou bien au contraire une manière de mieux accepter ? Une question qui reste irrésolue, mais qui semble indiquer quand même un rejet général de la discipline, même si le rejet ne va pas jusqu’à la remise en cause de la guerre parce que c’est trop risqué. Aller jusqu’à la désertion, au risque de l’emprisonnement, très peu de personnes peuvent le faire.
Mais certaines formes de désobéissance témoignent aussi d’un souhait d’être mieux ou plus commandé, c’est le paradoxe soulevé par Michel Foucault à travers plusieurs crises de désobéissance. La révolte contre un chef, c’est au cas par cas. Elle naît d’un ras-le-bol de la discipline, et aussi de la peur de se faire tuer à cause de ce chef.
B. — Pourquoi les combattants indépendantistes algériens et les harkis sont-ils si peu présents dans le livre ?
L. R. — Les tirailleurs ou les appelés algériens sont présents. J’évoque plus rapidement les « supplétifs » (les harkis), parce que d’autres travaux leur ont été consacrés, et que ce sont d’autres ressorts qui sont à l’œuvre : ils sont, par exemple, mieux payés que les soldats normaux, les appelés du contingent. Il me semble qu’ils ne sont pas soumis à la même relation contractuelle d’obéissance avec l’armée.
B. — À travers l’approche des soubresauts au sein de l’armée durant la guerre d’Algérie, vouliez-vous aussi montrer ses conséquences sur la société et la République françaises, jusqu’à aujourd’hui ?
L. R. — Ce qui est sûr, c’est qu’on vit les conséquences de la guerre d’Algérie, ne serait-ce que parce que l’avènement et les modalités de la VeRépublique en sont issus, tels les pouvoirs exceptionnels du président, renforcés par son élection au suffrage universel, un mode de scrutin directement lié à la guerre, puisque c’est la tentative d’assassinat de Charles de Gaulle par l’OAS en août 1962 qui le conduit à faire ce choix constitutionnel.
D’un autre côté la guerre d’Algérie a aussi provoqué une crise d’autorité générale. Les soldats qui rentraient en métropole ne supportaient plus aucun ordre, en particulier de la part des chefs, des patrons, dans les usines, les ateliers où beaucoup travaillaient. Ce n’est pas un hasard si les années 1960 sont un moment de révolte contre l’autorité, dont bien sûr celle de Mai 1968. Il y a eu aussi un grand recyclage des chefs de l’armée, dans les préfectures, dans les grandes entreprises françaises. Ainsi Marcel Bigeard, dont je parle souvent. Bigeard, c’est l’Indochine, c’est l’Algérie, et où le retrouve-t-on dans les années 1970 ? Secrétaire d’État à la défense nationale, un poste qui lui est offert en 1975 par le président Valéry Giscard d’Estaing, qui lui demande explicitement, entre autres, de lutter contre les comités de soldats1.
Et puis bien sûr, il y a la question de la mémoire de la guerre d’Algérie, en particulier pour les Algériens de France et pour leurs descendants, mais aussi pour les pieds-noirs et leurs enfants. On entre alors dans la question plus générale de la mémoire de la colonisation. Entre la France et l’Algérie, la guerre n’est pas terminée sur le plan mémoriel et elle ne le sera pas tant qu’un discours au plus haut niveau, tel celui, en juillet 1995, de Jacques Chirac sur la responsabilité de Vichy dans le génocide des juifs, ne viendra pas reconnaître cette guerre. En France, le champ politique est encore polarisé sur ce sujet, avec par exemple, un parti, le Front national (rebaptisé depuis Rassemblement national, RN,) directement issu de cette histoire. On voit aussi que la recherche sur cette guerre est encore minée en France.
B. — Votre livre raconte une histoire d’hommes, comme souvent quand il s’agit de l’armée. Et pourtant les femmes sont « entrées » officiellement dans l’armée en 1952.
L. R. — Dans les épisodes de la guerre d’Algérie que je rapporte, je ne rencontre effectivement pas de femmes. Il y a des femmes dans l’armée qui occupent divers postes, mais sur les questions d’autorité, comme elles ne sont pas dans les troupes combattantes, je ne les vois pas. Les femmes que je « rencontre » sont des Algériennes, victimes de viols dont les auteurs sont très rarement poursuivis devant la justice militaire.
B. — Vous évoquez un « devoir de désobéissance » à tout ordre manifestement illégal. Un principe inscrit dans la loi en 1972, puis réaffirmé par une « instruction » parue au Bulletin officiel des armées en décembre 2005. Est-ce une réponse directe, par un vrai droit, à la tentative de putsch des généraux en avril 1961 à Alger ?
L. R. — Il y a une querelle byzantine sur la formulation. Le fait est que finalement, pour éviter un nouveau putsch, dans le discours militaire, de Gaulle, ses ministres et chefs d’état-major ont opté pour une formulation alambiquée : il faut désobéir si on est face à des ordres illégaux, mais si l’ordre n’est pas jugé illégal, alors il ne faut pas désobéir. Et le fait que ce soit juste un texte réglementaire, et pas un devoir inscrit dans la Constitution, en atténue considérablement la portée. Par ailleurs, lorsque l’armée n’était pas seulement de métier, lorsqu’il y avait encore un contingent d’appelés, la désobéissance était encore envisageable. Avec la fin du service militaire, la possibilité d’un contre-pouvoir à l’armée de métier disparaît.
Illustration : Paris, 30 septembre 1955. Des appelés français se sont rassemblés dans l’église Saint-Séverin pour protester contre leur départ vers l’Algérie (Intercontinentale/AFP).
En relatant la vie de plusieurs réfractaires inconnus à travers les traces laissées dans les archives des tribunaux, Marius Loris décrit les différentes formes de la désobéissance – de la contestation discrète à la résistance plus directe – parmi les soldats de l’armée française en Algérie. Si l’on connaît l’épisode du putsch d’avril 1961 ou le mouvement des rappelés en métropole contre le service militaire en 1955-1956, les résistances quotidiennes et les déviances de guerre restent largement inconnues et sous-estimées. Des épisodes d’importance mais ignorés, comme les nombreuses mutineries ayant eu lieu après les Accords d’Évian (mars 1962) jusqu’au départ définitif du contingent en 1964, ont pourtant émaillé le conflit. Comment et pourquoi des appelés ont refusé les ordres ? C’est toute la question de la discipline dans une armée en guerre que pose ce livre à un moment où le commandement ne va plus de soi. Après la Seconde Guerre mondiale, le sentiment de l’honneur perdu couplé à celui de la perte de prestige de l’uniforme forme en effet un terrain explosif pour des officiers français qui se sentent méprisés et déclassés. Parallèlement, la guerre d’Algérie est aussi un moment de politisation intense du contingent, à l’image des mutations à l’œuvre dans la société française des années 1950-1960. L’heure est au refus de l’autorité et à l’antimilitarisme. La multiplication des petits actes de résistance dans le contingent en témoigne. À la sortie de la guerre, le pacte qui lie l’armée aux citoyens doit être repensé.
Docteur de l’Université Paris 1 Sorbonne, Marius Loris Rodionoff a mené des recherches sur la guerre contre-révolutionnaire durant la guerre d’Algérie. Il est par ailleurs poète et performeur.
Par micheldandelot1 dans Accueil le 28 Août 2023 à 10:35
Il y a cinquante ans, le meurtre d’un chauffeur de bus dans la cité phocéenne par un Algérien atteint de troubles mentaux engendre une grande vague de violences xénophobes. En représailles, 16 Maghrébins sont tués dans les jours qui suivent.
Plus d’une dizaine de personnes assassinées en quelques jours parce que maghrébines et, pourtant, cette page de l’histoire de France a été oubliée. Le 25 août 1973, un fait divers va libérer une haine raciste d’une violence inouïe sur Marseille et le reste de l’Hexagone.
Ce jour-là, le chauffeur de bus Émile Guerlache est tué par un passager à coups de couteau. Légitimement, le meurtre du traminot suscite, dans les journaux, une émotion générale. Les gros titres s’attardent sur le profil du passager. Il s’appelle Salah Bougrine, est atteint de troubles mentaux depuis une agression xénophobe subie en 1968, mais, surtout, comme le souligne Paris Match, le lendemain : « Le tueur est un Algérien. »
Dès le 27 août, la Marseillaise et l’Humanité sont les seuls à s’inquiéter des conséquences de ce drame. Dans le quotidien national, Claude Lecomte témoigne déjà de l’atmosphère nauséabonde qui règne à Marseille : «Les nostalgiques de l’Algérie française, les aigris du colonialisme d’antan se réveillent, trempent leur plume dans le venin raciste, appellent quasi ouvertement au pogrom.»
Un appel au lynchage signé Gabriel Domenech, qui en 1986
sera élu député du Front national
Un éditorial du quotidien local Le Méridionial est distribué massivement par le comité de défense des Marseillais, qui se constitue pour l’occasion. Un appel au lynchage signé Gabriel Domenech, qui en 1986 sera élu député du Front national.
Celui-ci écrit : «Bien sûr, on nous dira que l’assassin est fou, car il faut bien une explication, n’est-ce pas, pour satisfaire ceux qui refusent d’admettre que le racisme est arabe avant d’être européen. (…) Nous en avons assez. Assez des violeurs algériens, assez des proxénètes algériens, assez des fous algériens, assez des tueurs algériens.»
«Dans cette période post-guerre d’Algérie, de 1970 à 1982, le racisme anti-Arabes n’a jamais été aussi fort»,plante Yvan Gastaut, de l’université Côte-d’Azur. La mort du traminot va alors provoquer une colère haineuse «auprès de centaines, de milliers de personnes qui ne sont pas des militants d’extrême droite, et que le FN dans les années suivantes va commencer à convertir en électeurs», raconte l’historien.
Le parti de Jean-Marie Le Pen a été fondé un an plus tôt et va tenter de surfer sur le meurtre d’Émile Guerlache en coorganisant une manifestation «contre l’immigration sauvage».Des centaines de badauds mais aussi de militants d’extrême droite et d’anciens de l’OAS, très présents politiquement à Marseille, y exhibent leurs armes au cri de : «Les bicots dehors! »
Une prise de conscience: entre 10000
et 25000 ouvriers débrayent dans la région marseillaise
Dans un tel climat, la vengeance raciste ne tarde pas. Dès le 26 août, le corps criblé de balles de Saïd Aounallah est découvert près d’un dépôt de la compagnie de bus marseillais d’Émile Guerlache. Le même jour, Abdel-Wahab Hemahoum est tué à coups de planche sur le Vieux-Port. Les trois jours suivants, au moins quatre autres hommes arabes sont abattus à Marseille.
D’après les recherches de la sociologue Rachida Brahim, 16 Nord-Africains sont exécutés dans la région marseillaise entre le 25 août et décembre 1973. Cette vague de crimes racistes ne se cantonne pas à Marseille. Ailleurs en France, plus de 10 immigrés sont tués, d’autres sont victimes de lynchage, d’agressions comme à Toulouse où une cinquantaine de militaires d’une compagnie de parachutistes organisent une ratonnade, la nuit du 27 au 28 août.
À Marseille, un homme va devenir le symbole de tous ceux qui ont perdu leur vie dans cette période. Ladj Lounès, 16 ans, interpellé par un policier en civil le 29 août, alors qu’il sort de chez lui. Il est abattu de sang-froid.
Il faudra un an et demi pour que le brigadier François Canto soit interpellé, quelques semaines avant de mourir, malade, en détention. «Le brigadier Canto aurait sans doute été un des seuls auteurs de ces meurtres racistes de 1973 àêtre condamné,pense Yvan Gastaut. Car la grande majorité de ces crimes est restée impunie. La police a fermé les yeux sur les auteurs, et les rares inculpés ont eu du sursis ou obtenu un non-lieu. Et aucun juge d’aucune affaire n’a reconnu le caractère raciste de ces meurtres.» Une injustice qui n’a jamais été réparée, ni reconnue officiellement.
La mort de Ladj Lounès, présenté dans plusieurs journaux comme un voleur de motocyclettes, provoque une émotion immense dans la population immigrée, qui vit dans la terreur. Une marche blanche, lors de ses obsèques le 1er décembre, réunit 2 000 personnes brandissant dans le silence le portrait de l’adolescent. Elles ne veulent pas en rester là.
Le 3 décembre, le Mouvement des travailleurs arabes (MTA) appelle à une grande «grève générale contre le racisme». Dans la région marseillaise, entre 10 000 et 25 000 ouvriers débrayent. Cette journée du 3 septembre constitue une des premières grandes organisations autonomes d’immigrés en France.
Pour eux, l’été 1973 a commencé par l’application d’un décret établissant la reconduite à la frontière de toute personne n’ayant pas de contrat de travail ou d’adresse, et se termine dans un bain de sang. «Ces crimes vont accélérer une prise de conscience pour ces travailleurs qui étaient très stigmatisés, socialement cantonnés à ce rôle de travailleur»,relate l’historien Yvan Gastaut.
«Le 3septembre, ils demandent la justice et la fin des violences racistes. Mais ils vont très vite dénoncer aussi les inégalités qu’ils subissent par rapport aux autres travailleurs, celles d’une sous-classe ouvrière qui vit dans des bidonvilles avec de maigres salaires», explique Samia Chabani, directrice de l’association marseillaise Ancrages.
Les animateurs du MTA, à l’initiative du mouvement de 1973, seront d’ailleurs les mêmes qui, entre 1975 et 1980, organisent la grève des loyers dans les foyers Sonacotra qui hébergent des migrants à des prix élevés. «Ce mouvement des travailleurs arabes, autonome, était relativement puissant mais a été oublié, explique l’historienne Naïma Yahi. Contrairement à ce qu’on a appelé la “ marche des Beurs”, en 1984, l’histoire n’a pas du tout retenu celle de 1973 car il n’y a pas eu de communion avec la population française, pas de fraternisation.»
Georges Pompidou est longtemps resté muet
Emmanuel Macron n’a pas prévu de commémoration
À l’automne 1973, les agressions racistes, quotidiennes, se poursuivent à Marseille. Les représailles à la mort d’Émile Guerlache s’étendent au moins jusqu’au 13 décembre. Ce jour-là, une bombe explose dans le hall du consulat d’Algérie. Quatre personnes sont tuées et 28 blessées.
Le groupe d’extrême droite nommé Club Charles-Martel revendique très vite cet attentat, mais ses auteurs ne seront jamais retrouvés. Pour plusieurs historiens, cette attaque marque la fin de cette période de crimes racistes commencée après le 25 août.
Mais «ces événements de Marseille ne sont pas une simple parenthèse», alerte Naïma Yahi. «Août 1973 est l’épicentre d’une décennie qui voit la haine raciste se déchaîner et va questionner la place de l’immigration dans la société française, ajoute l’historienne. La France a connu 200 arabicides entre 1970 et 1990. Ces drames s’inscrivent dans un continuum colonial qui aujourd’hui n’a toujours pas été purgé car, de la police jusqu’au sommet de l’État en passant par la justice, le caractère raciste et systémique de ces crimes a rarement été reconnu.»
À propos de ceux de Marseille, le président de la République Georges Pompidou est longtemps resté muet. Il a fallu que son homologue algérien Houari Boumédiène l’interpelle sur le sujet pour qu’il prenne officiellement la parole. En déplorant les drames, tout en assurant : «Il y a bien peu d’actes qui peuvent être suspectés, même indirectement, de réactions racistes.» Cinquante ans plus tard, son successeur à l’Élysée n’a prévu aucune commémoration pour les victimes de cette fin d’été meurtrier de 1973.
MON PÈRE ET LA FRANCE… LE RETOUR D’UN FILS DE HARKI
Par Sophie Serhani est journaliste à « Sud Ouest ». Elle a accompagné son père, Messaoud, sur les traces de son enfance en Algérie, jusqu’au village où fut tué son propre père, combattant harki.
C’est ici, à Constantine, en Algérie, de l’autre côté de la Méditerranée, que mon père, Messaoud Serhani, a embarqué pour la France il y a soixante ans. Nous sommes partis ensemble sur les traces de son passé.
Son village d’enfance a été difficile à retrouver. Les noms des villes ont été arabisés à l’Indépendance. Edgar-Quinet est ainsi devenu Kaïs. Le village se situe à une centaine de kilomètres de Batna, que l’on rejoint par une route cabossée à travers les montagnes rondes et arides des Aurès.
PAR SOPHIE SERHANI
Le pont de Constantine par lequel Messaoud Serhani est arrivé des Aurès pour rejoindre le port d’Annaba en 1962.
« Viens, c’est par là », dit-il, la voix tremblante. Mon père marche toujours en regardant droit devant. Il se retourne. Son visage rond, habituellement serein, est mâché par le doute. Comme si la reconnaissance des lieux exigeait le rappel immédiat de souvenirs longtemps enfouis. « À l’époque, c’était un hameau de 1 000 villageois avec des champs… » Aujourd’hui, ce sont 41 000 habitants, comptabilisés lors du dernier recensement, et des immeubles en construction, jamais terminés.
MORT DANS UNE EMBUSCADE
C’est ici que tout a basculé. Le 27 novembre 1961, l’armée française a tapé à la porte de la maison familiale. « Les soldats m’ont dit : ‘‘Il est mort dans une embuscade, tué par une balle perdue.’‘ » Slimane Serhani, né à Yabous, avait 33 ans. Les soldats ont présenté à la famille le corps, allongé sur un brancard, recouvert d’un drap. Seul le visage ensanglanté dépassait : « Je l’ai vu une dernière fois. Une balle dans la tête. » Harki « depuis toujours », il est décédé en service à Menaa, dans la région de Batna.
Son fils, Messaoud, avait 9 ans. Aujourd’hui encore, son père lui revient en rêve, assassiné : le regard fier et ce sourire innocent pris dans une mâchoire carrée. Il tient sa mitraillette, il approche, on lui tire dessus, il tombe.
Ce cauchemar fait écho aux nuits de terreur qu’il a connues plus jeune, quand les Fellaga arrivaient dans le village, hurlant, tirant des coups de feu. « Mon père s’accroupissait devant la porte. Il tenait une mitraillette contre sa poitrine. Il était prêt à nous défendre. Heureusement, les chars français faisaient fuir le FLN. »
ANCIEN FIEF DU FLN
Bien sûr qu’on avait peur. Dans toutes les guerres, ce sont les pauvres qu’on envoie se faire tuer !
Messaoud Serhani
À Edgar-Quinet, Slimane Serhani n’était pas le seul combattant harki. Comme beaucoup d’autres, ce jeune agriculteur avait rejoint les rangs, car « le salaire faisait vivre une famille ».
L’armée française avait établi un camp dans son village des Aurès, montagnes qui étaient un fief du FLN. « Bien sûr qu’on avait peur. Dans toutes les guerres, ce sont les pauvres qu’on envoie se faire tuer ! »
De l’Algérie, mon père n’a connu que les Aurès et la guerre. Et, une succession de séparations. Avec sa mère. Son père. Une rupture avec sa terre natale. Il évacue. « C’est la vie. » Longtemps tiraillé par le mythe du retour, aujourd’hui médecin à la retraite, Messaoud Serhani n’était jamais retourné dans son village d’enfance jusqu’à ce voyage. L’Algérie, l’Indépendance, le déracinement… « La guerre, on n’en parle pas. On a tout étouffé. Je ne t’ai rien dit, car c’est à toi de te faire ta propre philosophie. J’ai eu du mal, moi-même, à sortir de cette fournaise. » Il avait tourné la page. Avait-il oublié ?
La guerre, on n’en parle pas. On a tout étouffé. Je ne t’ai rien dit, car c’est à toi de te faire ta propre philosophie
Messaoud Serhani
Il ne garde qu’un « vague souvenir » de Menina Fatma Bent Mohamed, sa mère, « brune aux cheveux longs ». Il n’avait que 3 ans lorsqu’elle est décédée en allant chercher du blé. « Elle est tombée dans un silo. Elle est morte étouffée par les émanations d’acide hyaludrique. »
Messaoud adore les mots scientifiques. C’est sa manière de rappeler qu’il est parti de loin. Il n’a même pas de livret de naissance. Ses parents l’ont déclaré, né le 31 décembre 1952, à M’Toussa. « C’est à peu près ça. Tout était déclaratif à cette époque. Et Messaoud, ça veut dire chanceux ! C’est vrai, je peux m’estimer heureux de mon parcours… »
QUELQUES CLICHÉS JAUNIS
Mort dans une embuscade
L’acte de décès de Slimane Serhani, mort dans une embuscade en novembre 1961, en Algérie, fait partie des quelques documents officiels que son fils, Messaoud, a gardé avec lui.
Il a été élevé par son père, un petit homme « trapu et costaud, qui portait toujours une casquette et une chemise militaires ». Le gamin, au sourcil ébouriffé d’un côté du visage parce qu’il avait été « léché par un sanglier », jouait dans les montagnes à perte de vue, l’hiver, sous la neige. « Chaque matin, avant l’école, j’avais une pièce pour un beignet. Et cette roue de vélo que je poussais avec un fil de fer. Je courais derrière. Quand je vois tout ce que vous avez, maintenant, et vous n’êtes jamais content ! »
Lui ne garde qu’une dizaine de documents officiels : « L’acte de décès du Harki Serhani Slimane » ; une « situation des membres de la famille du rapatrié » ; une « déclaration de nationalité en vue de la reconnaissance de la nationalité française ». Et deux courriers de la République française allouant des allocations suite au décès de l’ancien supplétif : 55 000 et 33 000 francs.
Mon père garde aussi avec lui un album photos. Des clichés jaunis de son enfance qu’il a emportés de son Algérie natale, à l’âge de 10 ans, quand il a été rapatrié en France en 1962.
Il était alors avec sa demi-sœur, du même père, Fatima Serhani. Son oncle, Lakdar Serhani, sa tante, Fettouma Nasroui et son cousin, Lakdar Serhani, faisaient partie du voyage. « À la fin de la guerre, après la mort de mon père, l’armée française nous a demandé si on voulait aller en France. On a dit oui. C’est là qu’on est monté dans un camion militaire, pour rejoindre le port d’Annaba, direction Marseille. On nous a accueillis sur le camp du Larzac. En partant d’Algérie, on savait ce qu’on quittait. On ne savait pas ce qu’on trouverait… »
ENFIN, LE RETOUR AUX SOURCES
Il dit de l’Algérie : « C’est compliqué », « c’est difficile », « ça fait longtemps ». Il livre des versions parfois différentes, toutes aussi floues : « Disons… Je suis Français. J’ai toujours été Français. Je suis du Nord. Du Nord de la France… » Mon père ne s’est jamais appesanti sur son histoire.
Parfois, qu
and j’étais enfant, je l’entendais parler arabe au téléphone. Des conversations entrecoupées de mots français où il prenait un accent : « télévision », « téléphone », « Internet ». Chez sa tante, qu’il appelait « grand mère », à Roubaix, dans le nord de la France, il faisait froid. Au-dessus des murs en brique, de la fumée s’échappait des cheminées. Derrière la porte d’entrée en ferraille, se cachait cette vieille dame berbère, Fettouma Nasroui, au visage ridé et tatoué : un trait vertical entouré de points sur le menton, un autre entre les sourcils.
Elle portait une longue robe colorée. Pour embrasser mon père, elle lui tenait affectueusement le visage entre ses mains orange ; les cheveux rougis par le henné, quelques mèches dépassaient de son turban orné de grelots dorés. Il y avait aussi ceux qui ont rejoint le continent avec lui en 1962 : sa demi-sœur, Fatima, et Lakdar, qui était parfois son « frère », parfois son « cousin ». De toute façon, « c’est pareil. C’est la même famille ».
Quand on leur rendait visite, dans mon enfance, mon père passait des heures à discuter. Il les aidait à remplir des papiers et mangeait quelques gâteaux sucrés. La vie normale reprenait. Nous retournions dans notre grande maison, il continuait à travailler au cabinet médical, jusqu’à tard le soir…
QUELS SOUVENIRS ?
En retournant dans son village d’enfance algérien, soixante ans après son départ, qu’allait-il y trouver ? Se souviendrait-il de son passé, de sa langue maternelle, de la guerre, de ce qu’il y a laissé ?
Ce matin de septembre, de retour en Algérie, à Kaïs, autrefois Edgar-Quinet, mon père interpelle en chaoui un vieil homme planté sur une chaise en plastique devant la porte d’entrée d’une épicerie où l’on vend de tout : des piles, des chips, de l’eau, des lunettes de soleil… Le vieil homme arbore un tatouage sur l’avant-bras. L’encre a bavé. Une phrase aux traits épais est gravée à vif : « Ma mère avant tous. »
Mon père ne semble rien avoir perdu de ce dialecte. Il lui explique que nous recherchons sa famille. Le vieux monsieur remonte dans sa boutique. Il ressort avec des tabourets et trois cafés.
Rapidement, ce n’est plus un, mais deux, trois, puis quatre hommes qui rejoignent le cercle. Finalement, Walid, un homme d’une soixantaine d’années au grand chapeau de paille, approche, curieux. « Je connais la famille Serhani. ». Un coup de fil. « Rendez-vous demain, ici, à 10 heures. Je vous emmènerai chez eux. » Mon père est impatient. « Je n’en reviens pas. Ils vont te présenter ma famille. » Notre famille.
LA FAMILLE SERHANI
Walid attend sur le bord de la route, devant l’épicerie. En sortant de Kaïs et en s’enfonçant dans les montagnes, un verger de pommiers s’étend sur des kilomètres. C’est ici. Un vieillard au visage émacié arrive d’un pas lent, turban blanc enroulé sur la tête. Avec une élégance tranquille et dans des vêtements poussiéreux, il referme la porte d’une petite baraque montée sur des parpaings et couverte de tôle.
Mohamed Tayeb Serhani ne parle qu’en « chaoui » traduit mon père. « Il dit qu’il est de la famille Serhani, mais il ne connaît pas mon père. On porte le même nom. Sans doute, parce qu’on vient du même village. Là où est né mon père, à Yabous. » Rapidement, Messaoud est invité à rejoindre le salon avec les hommes. Une femme voilée sort pour m’accueillir côté femmes.
Elles servent du Rfiss sur la table, ce gâteau de semoule à base de dattes. Puis du pain chaud, tout juste sorti d’un plateau en terre cuite. De la pastèque, du lait. Il y en a tant, trop, entassé sur cette petite table en plastique qui tient sur trois pieds fragiles. Le sens de la famille, par-delà la barrière de la langue.
Halima, 40 ans, est la seule à parler français. Ingénieure à Kaïs, elle fait la traduction de ce qui se dit au gré des rires et sourires de la petite dizaine de femmes réunies dans la cuisine. Des enfants de tous âges se cachent dans les jupons. Sont-ils de lointains cousins ? Elle ne connaît pas mon grand-père. N’en revient pas que l’on porte le même nom. Elle n’a pas vécu la guerre d’Algérie, mais raconte que sa grand-mère n’aurait quitté le pays pour rien au monde. « C’est pour ça que la famille est encore là. C’est le Mektoub (NDLR, le destin). »
On s’est quitté un peu comme ça : sans que mon père ait dit un mot sur ce qui s’était vraiment raconté entre hommes. On s’est quitté avec beaucoup de dattes. Des pommes. Et des silences.
« ON VA LE TROUVER »
C’était notre famille. Peut-être. Mohamed Tayeb Serhani « m’a juste dit où était enterré mon père. » Il s’appelait Slimane, il était un combattant harki, mort au combat en novembre 1961. Direction Yabous, un hameau en dehors de l’agitation de la ville. La terre jaune trouble l’air d’un nuage sablonneux permanent. Le cimetière musulman est désert ce jour-là.
Il y a une connexion entre les vivants et les morts. C’est sûr. Au moins, il saura que son fils est venu le voir…
Messaoud Serhani
Mon père descend de la voiture. Sa jambe tremble. Ses yeux brillent. « On va le trouver. » Il remonte l’allée principale, les bras ballants, comme s’il ne savait pas où chercher. « Je ne me souviens pas de l’enterrement. » Les yeux baissés et l’allure prudente, il serre les poings et suit les cailloux alignés délimitant le corps des défunts enterrés en pleine terre. Des inscriptions en arabe sont gravées sur les plaques funéraires : quelques versets du coran et des dates. Mais pas de nom. Impossible de retrouver la tombe de Slimane.
« Il y a une connexion entre les vivants et les morts. C’est sûr. Au moins, il saura que son fils est venu le voir… » Messaoud Serhani tient à sa culture, la terre de son enfance, à ses origines. Il tient à ce père « toujours aimant ». Mais, répète-t-il, « mon pays, c’est la France. » À 70 ans, ce jour-là, il faut l’imaginer : heureux.
LA FRANCE, SA VRAIE PATRIE
Soixante ans après son départ d’Algérie, Messaoud Serhani est donc revenu sur sa terre natale, dont il n’a rien perdu de la culture ni de la langue. Il a vécu plus longtemps en France que là-bas, mais il a toujours été tiraillé entre les deux.
Dans son quartier, à Roubaix, « il y avait un Tunisien, une Polonaise, des Espagnols, et des Italiens qu’on appelait les ritals. Et moi, j’étais le petit bougnoule. Il y a eu quelques bagarres dans la cour d’école… » Messaoud Serhani a commencé l’école à Roubaix, vers 13 ans, trois ans après avoir été rapatrié d’Algérie en 1962. « Il fallait passer un concours pour être accepté en quatrième d’accueil, et j’ai été pris ! Après, j’ai continué en troisième d’accueil. C’était des classes qui accueillaient les jeunes, comme moi. » Comme lui, orphelin de Harki. Il n’a jamais eu honte de l’engagement de son père parmi les supplétifs de l’armée française. Bien au contraire.
Il était fier comme un premier de la classe, recueilli par son oncle et sa tante, avec son cousin et sa demi-sœur, à la maison. Le petit bonhomme aux cheveux bruns et lisses, coiffés avec une raie sur le côté, était le seul à savoir lire et écrire. Le seul à avoir eu le baccalauréat. Un « sésame. Ça permettait d’être libre. »
LE MYTHE DU RETOUR
J’étais persuadé qu’en devenant médecin, j’allais préserver et honorer l’héritage de mon père
Messaoud Serhani
Mais il grandissait avec le mythe du retour, tiraillé entre la soif de s’affranchir et la tradition berbère dans laquelle il baignait. « Psychologiquement, c’était compliqué. Dans ma famille, je vivais comme en Algérie. Bien sûr, j’étais aimé, et ça allait. Mais ici, en France, tout était différent. J’étudiais, j’apprenais des choses. Je voulais vivre comme tout le monde, m’intégrer. »
Un jour, un ami de la famille, Benbia, leur a rendu visite à Roubaix. « Il m’a demandé ce que je voulais faire après le bac. J’ai dit médecine. J’étais persuadé qu’en devenant médecin, je ne modifierais pas mon caractère : je savais que je n’allais pas devenir un bourgeois. Que j’allais préserver et honorer l’héritage de mon père. Je voulais faire des études. C’est en se cultivant qu’on grandit. Ça me permettait de fuir les images de la guerre. Docteur, c’est bien. C’est pacifique. »
On avait fui, parce qu’on y avait été contraints. Mais c’était comme s’ils étaient toujours restés là-bas
Messaoud Serhani
Boursier à la fac de Lille, il a réussi la première année de médecine du premier coup. Dans son costume, pour « être présentable », Messaoud Serhani étudiait, matin, midi et soir, huit années jusqu’au diplôme. Sans répit. En quatrième année, il alternait avec un boulot d’infirmier la nuit. « J’étais fatigué. »
Lorsqu’il rentrait chez lui, c’était l’Algérie qu’il retrouvait. « On n’avait pas les codes sociaux français. Ma tante était toujours habillée en vêtements traditionnels. On avait fui, parce qu’on y avait été contraints. Mais c’était comme s’ils étaient toujours restés là-bas. »
DEUX CULTURES
Pris en étau entre deux cultures, Messaoud gardait un pied dans l’Algérie figée des années 1960 à la maison, et voulait croire à un destin français réussi. Dans son esprit, tout s’emmêlait. Les réminiscences de la guerre apparaissaient, troublaient le sommeil et l’humeur. Les mêmes questions lui revenaient en tête sans pouvoir y échapper. Allait-il rentrer dans le pays où il était né ? Ne reniait-il pas ses origines en vivant en France ? « Je ne savais pas si j’allais finir mes études en Algérie, si j’allais rester en France. Est-ce que je pourrais seulement revenir là-bas, et pour qui, et pour quoi ? J’étais orphelin après tout. Alors pourquoi je me demandais tout ça ? »
Des Arabes, je n’en avais pas rencontré avant la fac. Mais chez moi, ton père a été accepté.
Josiane Serhani
La famille sentait son désarroi. Les questionnements commençaient à se faire de plus en plus oppressants. Messaoud prenait ses distances. Mais il n’était toujours pas libre de ses choix. « Ils m’ont dit, c’est le mariage qui te manque ! » Une Française aux parents algériens était toute trouvée. Ils ne se connaissaient pas. Ils ont pris un café ensemble et se sont mariés. Deux enfants sont nés. « Après, s’est posée la question du troisième, du quatrième : j’ai dit non ! Et j’ai compris que c’était fini. Je suis pour la femme libre et indépendante. Ce n’est pas normal qu’une femme ne réussisse pas autant qu’un homme et vive à son crochet. J’ai divorcé et j’ai rencontré ta mère. J’étais fier que ce soit une femme intelligente qui ait réussi. Mais c’était une Française, et à l’époque, les couples mixtes, ce n’était pas accepté comme aujourd’hui. »
Sans doute avait-il l’impression qu’en aimant ma mère, Josiane Volpato, il tournait le dos à son passé. « Quand tu es née, tout s’est apaisé. Ta mère a eu la sensation d’être reconnue. » Il allait rencontrer une belle famille, des Italiens immigrés dans le Lot-et-Garonne. « Des Arabes, je n’en avais pas rencontré avant la fac, s’amuse ma mère. Mais chez moi, ton père a été accepté. Il était médecin, ça aide. On n’est plus vraiment un Arabe quand on est médecin. »
UNE HISTOIRE UNIVERSELLE
Les années passaient, les questions restaient. La France, l’Algérie. Quel est ton pays ? Celui où tu es né où celui où tu vis ? « C’est important de savoir qui on est. Mais se remettre en question, c’est douloureux », marmonne-t-il, le regard fermé avant de s’affairer à autre chose pour évacuer.
Lors de la dernière élection présidentielle, lorsqu’il a entendu qu’on questionnait l’identité de la France, il s’est emporté : « Qu’est-ce que ça veut dire ? Moi, j’ai toujours été pour l’intégration. À partir du moment où tu t’intègres, que tu travailles, tu t’adaptes au pays et aux coutumes. C’est tout. »
La politique, il n’y croit plus beaucoup. Ni même en Dieu. Issu d’une famille musulmane, il s’est toujours dit athée. « Je ne crois plus. Sauf en la médecine, c’est-à-dire à la science, car là, on voit des résultats. Et c’est réel. Comme la musique, c’est universel. »
Médecin retraité à Langon, en Gironde, Messaoud Serhani a été victime d’un AVC en 2018. Son pronostic vital était engagé. Plongé dans le coma, il a entendu cette voix, au fond d’un couloir blanc : « Tu veux rester ou tu veux partir ? » Il a réappris à marcher, à parler et il a retrouvé la mémoire. « Papa, la voix dans le couloir blanc, tu lui as répondu quoi ? » Il m’a regardé, avec son regard doux et son sourire d’enfant : « Eh bien, ma fille, je lui ai dit que je voulais rester. »
Ce nouvel arrêté supprime l’exclusion de consultation pour les dossiers impliquant un mineur. Restent classifiés ceux dont la communication « porte atteinte à l’intimité de la vie sexuelle des personnes » ou à « la sécurité de personnes nommément désignées ou facilement identifiables impliquées dans des activités de renseignement ».
Le Général Charles de Gaulle prononce un discours le 4 juin 1958 depuis le balcon du Gouvernement général sur la place du Forum à Alger. (AFP)
Ce nouvel arrêté supprime l’exclusion de consultation pour les dossiers impliquant un mineur. Restent classifiés ceux dont la communication « porte atteinte à l’intimité de la vie sexuelle des personnes » ou à « la sécurité de personnes nommément désignées ou facilement identifiables impliquées dans des activités de renseignement ».
La France va assouplir davantage l’accès à ses archives sur la guerre d’Algérie, en autorisant la consultation des dossiers impliquant des mineurs, indique un arrêté paru ce dimanche 27 août au « Journal officiel », un geste que réclamaient historiens et familles.
En décembre 2021, après des annonces d’Emmanuel Macron de mars 2021, la France avait ouvert, avec quinze ans d’avance sur le délai légal, ses archives judiciaires liées à la guerre sur la période entre le 1er novembre 1954 et le 31 décembre 1966.
Mais en pratique, l’accès à ces documents restait « toujours aussi difficile » pour les familles et les chercheurs, avait regretté dans une tribune dans Le Monde l’historien Marc André en novembre 2022.
« Ignorer la réalité d’une guerre menée par des jeunes »
L’un des principaux obstacles était l’exclusion des dossiers impliquant des mineurs (les moins de 21 ans, en raison de la législation de l’époque), toujours soumis au délai de classification de 100 ans. En raison de cette limitation, couplée à plusieurs autres, « la majorité des dossiers se referment », relevait l’historien.
« Cette gestion bureaucratique conduit à ignorer la réalité d’une guerre menée par des jeunes. Cela est vrai tant dans l’immigration algérienne en France que dans les maquis, les réseaux urbains et les prisons où les indépendantistes, leurs soutiens, les réfractaires, les appelés avaient pour nombre d’entre eux autour de 20 ans lors de leur engagement ».
« Suffisamment majeur à l’époque pour avoir la tête tranchée, il est aujourd’hui suffisamment mineur pour voir son dossier soustrait de la dérogation générale », s’indignait Marc André, dont les critiques ont été reprises par des médias algériens.
Le nouvel arrêté, paru ce dimanche et daté du 25 août, supprime l’exclusion de consultation pour les dossiers impliquant un mineur. Restent classifiés en revanche ceux dont la communication « porte atteinte à l’intimité de la vie sexuelle des personnes » ou à « la sécurité de personnes nommément désignées ou facilement identifiables impliquées dans des activités de renseignement ». Ce qui, soulignait Marc André, referme également de nombreux dossiers.
Ce nouvel assouplissement s’inscrit dans la politique d’apaisement décidée par Emmanuel Macron durant son premier quinquennat, après les recommandations du rapport de Benjamin Stora sur le conflit mémoriel entre l’Algérie et la France sur le passé colonial. Mais la relation entre la France et l’Algérie reste difficile et empreinte de malentendus et de non-dits.
En 2012 Danièle Ponsot était maire de Chaussin et a inauguré une rue du 19-Mars-1962. Comme elle a été une des rares maires pieds-noirs à avoir accompli cette belle action aujourd'hui je vous propose de voir et d'écouter Danièle Ponsot dans l'émission de Samia Arhab "Mon Algérie à moi "
Par micheldandelot1 dans Accueil le 26 Août 2023 à 19:45 http://www.micheldandelot1.com/mon-algerie-a-moi-daniele-ponsot-a214713011
Emmanuel Macron : "La colonisation est un crime contre l'humanité"
Macron a dit cela dans un but électoral, il s'en est très vite éloigné et sa politique dit du "En même temps" nous conduit lentement mais sûrement pour qu'en 2027 l'extrêmiste Le Pen prenne sa place.
Alors revenons à un épisode de la colonisation et plus précisément de la guerre d’Algérie.
Si l'expression David contre Goliath pouvait être illustrée par des événements des temps
modernes, c'est la guerre de libération algérienne qui lui donnerait la plénitude de son sens…Et pourtant c’est David qui a gagné !!!
LE 25 AOÛT 1958
La nuit où la France s'était embrasée
La contribution de l'émigration a été déterminante dans la guerre
de Libération nationale
Pour desserrer l'étau sur l'ALN qui menait une guerre contre une armée de 400 000 hommes, la Fédération de France du FLN a frappé au coeur de la métropole.
Si l'expression David contre Goliath pouvait être illustrée par des événements des temps modernes, c'est la guerre de libération algérienne qui lui donnerait la plénitude de son sens. Voilà un peuple qui, pauvre, affamé et réduit volontairement à l'ignorance décide d'arracher sa liberté par la lutte armée. Et après tant de soulèvements et une résistance qui n'a jamais faibli durant 132 ans d'occupation de peuplement, d'expropriation, de violence, de mépris, il a sonné le glas de l'ordre obscur du colonialisme. Le 1er Novembre 1954, sa jeune avant-garde nationaliste a donc fait parler la poudre dans tous les coins du pays pour recouvrer l'indépendance de la terre et l'identité des ancêtres. Elle exauçait ainsi les faibles plaintes des Algériens qui étaient arrivés à la conviction que la délivrance n'allait pas venir des palabres parlementaires, mais par le feu, le sang, la révolution. Neuf ans plus tôt, en effet, le 8 mai 1945, pendant que les Parisiens fêtaient leur délivrance du joug allemande leurs soldats mitraillaient sans discernement des manifestants indépendantistes sur la rive sud de la Méditerranée. Le massacre avait fait 45.000 morts dans diverses villes d'Algérie, qui réclamaient une réponse proportionnelle à sa barbarie. Se battre cependant contre l'une des plus grandes puissances militaires et contre un Etat des plus avancés pouvait apparaître comme un acte de folie suicidaire. Or, les responsables du Front et l'Armée de Libération nationale étaient tout sauf fous. Comme ils l'avaient démontré durant les sept ans qui ont suivi, ils possédaient le génie et la détermination des révolutionnaires aguerris et savaient parfaitement atteindre leurs objectifs. Ainsi, ils avaient planifié des actions où les fusils n'étaient que des instruments au service de la politique, puis concentré leurs tirs sur les points faibles de l'hydre à sept têtes de la colonisation pour l'abattre définitivement. En face, la France avait déployé 400.000 hommes et des moyens colossaux pour venir à bout d'une insurrection dotée d'un équipement léger et d'un peuple de neuf millions d'habitants perclus de misère. Ces forces susceptibles de mener un conflit mondial avaient alors pratiqué toute les formes de la guerre totale: bombardements intensifs des villages, napalm, terres brûlées, torture, punitions collectives, camps de concentration, condamnations à mort en série... Le rouleau compresseur infernal cherchait à écraser non seulement l'ALN mais réduire par la terreur la population. Il fallait donc que «la peur change de camp» pour paraphraser la formule de feu Réda Malek et c'est Ferhat Abbas qui, du Caire, a annoncé en juin 1958 la nouvelle stratégie. «Si le général de Gaule poursuit la politique de ses prédécesseurs sur le problème algérien, le FLN portera la lutte sur le sol français.» Et bien sûr il l'a fait sans laisser aux combattants algériens un autre choix que de mettre leur menace à exécution. Dans la soirée du 25 au 26 août 1958, une cascade d'attentats spectaculaires avait secoué le territoire et enflammé le ciel de la France métropolitaine. En une nuit, dès zéro heure, des dépôts de pétrole ont été ainsi brûlés à Marseille et à Narbonne avant qu'une avalanche d'incendies n'enflamme Lavéra, La Mède, Saint-Louis, les Aygalades, Cap Pinède, Port de Marseille, Mourepiane. A Paris, c'est la préfecture de police qui a été visée et trois policiers ont été abattus. Dans les faubourgs de la ville où d'autres policiers ont été tués, plusieurs opérations coordonnées ont frappé de nombreuses cibles dont une fabrique de munitions. A Toulouse, deux cuves contenant 1.200.000 litres de carburant ont été soufflées. A Port-la-Nouvelle, dix citernes de huit millions de litres de fuel ont été transformées en brasier. Le Havre au nord et Alès au sud ont aussi été ébranlées par les explosions d'une raffinerie et d'un réservoir de combustible. En parallèle, à Cagnes-sur-Mer, une voie ferrée a été sabotée provoquant le déraillement d'un train et une forêt a été incendiée dans le Var pour donner plus d'ampleur à l'offensive. La stratégie consistait, selon Mohamed Ghaffir, dit Moh Clichy, un des responsables de la Fédération de France, à: «1- frapper les réserves de carburant; 2- prolonger sur le territoire français la guerre que l'ALN mène méthodiquement en Algérie.» Jusqu'au 27 septembre 1958, la Fédération de France a mené un combat héroïque en organisant de multiples coups d'éclats pour desserrer l'étau sur l'ALN à l'intérieur et promouvoir l'idée de l'indépendance dans le monde entier. «Les bilans officiels établis entre le 25 août et le 27 septembre ont dénombré 56 sabotages et 242 attaques contre 181 objectifs», écrivait Mohamed Ghaffir il y a de cela douze ans dans les colonnes de L'Expression. «Les opérations ont fait 82 martyrs et 188 blessés.» En règle générale, la contribution de l'émigration a été déterminante, selon lui, en matière de financement de l'effort de guerre, mais aussi par le nombre de partisans qui avaient rejoint le maquis. Sur le plan politique, elle a permis «la sensibilisation de l'opinion française et internationale et la formation des cadres dans les prisons et les camps de France.» Aujourd'hui, la Fédération de France, écrit-il encore, «demande uniquement sa place dans l'Histoire et à ne pas être marginalisée comme c'est le cas depuis 1962».
Ancien élève officier de réserve, issu de l'Ecole Militaire d'Infanterie de Cherchell,promotion 806,juillet/décembre 1958 et devenu officier de carrière, j'ai constaté l'absence d'informations sur la vie de cette école après la guerre 39/45 et laissé ma trace sur le site des Cadets de Cherchell. Rejoint par Christian ,un camarade plus ancien,promotion mai à octobre 1954, nous tombons d'accord pour combler ce vide par un site, qui marquera la pérennité glorieuse de ce centre , la valeur de ses chefs et instructeurs , celles de ses jeunes volontaires, futurs meneurs d'hommes, qui, après l'Italie et l'Allemagne , inscriront leurs faits d'armes et aussi leurs noms sur le livre d'or en Indochine et en Algérle.
Il est bon que ce drapeau , qui dort aujourd'hui au musée de l'Infanterie à l'EAI de Montpellier, retrouve par un moyen moderne sa gloire et son histoire.
Faute de compétence , le recours au blog est une première empreinte . L'ouvrage complet dans sa forme actuelle pèse 7 mo.Avis aux bonnes volontés compétentes pour créer ce site !..
Cette devise est née en mars 1961, un an avant le transfert de l'Ecole de Cherchell à Montpellier. La devise en latin évoque le passé romain de l'antique Césarée, capitale de Maurétanie. Elle s'inscrit dans un croissant encadrant l'insigne de l' Ecole dont les colonnes à chapiteaux symbolisent elles aussi l'époque romaine et la grenade emblème des grenadiers rappelle l'appartenance de Cherchell à l'Infanterie. Le Colonel Bernachot dans la brochure éditée en 1961 écrivait:
"Devise qui marque le caractère même de la vocation et de la conditiond'élève-Officier de Réserve d' Infanterie . Car,par un choix libre et décidé, ils veulent,eux aussi, assumer la charge du commandement. Ils estiment, en effet, que celui qui s'est préparé à être un Chef civil, pour construire et animer la Cité, doit également être un Chef dans le sein de l' Armée , pour protéger le Pays à l' heure des périls. Son exigence militaire doit aller de pair avec son exigence civile: pour lui il n' y a qu' une seule manière de SERVIR.
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