S’il est un moment bien oublié de l’histoire de la guerre de Libération nationale, c’est assurément l’action menée par la cellule FLN d’Es-Sénia (Oran) contre un avion d’Air France qui effectuait la liaison entre Oran et Paris.
J’exprime ici toute ma reconnaissance à Mohamed Fréha qui, il y a quelques années déjà, avait attiré mon attention sur cet événement, alors hors champ historique, personne n’en avait fait mention. En effet, ni le récit national, ni les historiens, ni les journalistes n’ont évoqué «l’explosion en plein vol d’un avion commercial d’Air France !». Mohamed FREHA est bien le seul. Dans son ouvrage J’ai fait un choix, (Editions Dar el Gharb 2019, tome 2) il lui consacre sept pages. Ses principales sources étaient la mémoire des acteurs encore en vie, celle des parents des chouhada et la presse d’Oran de l’époque, (L’Echo d’Oran en particulier). Les archives du BEA (Bureau d’enquêtes et d’analyses pour la sécurité de l’aviation civile), Fonds : Enquête sur les accidents et incidents aériens de 1931 à 1967 et plus précisément le dossier Accidents matériels de 1957 intitulé à proximité de Clermont-Ferrand (Puy-de-Dôme), Armagnac (F-BAVH) 19 décembre 1957, conservées aux Archives nationales de France, ne sont pas encore consultables. Qu’en est-il des archives de la Gendarmerie française ? Qu’en est-il de celles de la Justice civile et militaire là-bas dont celles des Tribunaux permanents des forces armées (TFPA). Et ici ? Et chez nous ? Il reste à retrouver et travailler les minutes du procès.
C’est ainsi que le jeudi 19 décembre 1957, à 14 heures, affrété par Air France, un quadrimoteur « Armagnac SE » numéro 2010, immatriculé F-BAVH appartenant à la Société auxiliaire de gérance et transports aériens (SAGETA), avait quitté l’aéroport d’Oran-Es-Sénia pour Paris qu’il devait atteindre vers 20 heures. A 18 heures 15, il fut brusquement détourné vers Lyon alors qu’il survolait Clermont-Ferrand. Une déflagration venait de se produire à l’arrière de l’avion au niveau du compartiment toilettes. Selon le témoignage d’un passager, la vue des stewards et hôtesses de l’air, qui couraient dans l’allée centrale vers la queue de l’appareil avec des extincteurs à la main, inspira un moment d’inquiétude. Le vol se poursuivit normalement malgré une coupure d’électricité et la baisse soudaine de la température dans la cabine.
Un petit travail de recherches nous apprend que l’aéronef, l’Armagnac SE, avait une excellente réputation de robustesse. Il était le plus grand avion de transport français jamais construit à ce jour et avait la réputation d’avoir «servi à de très nombreux vols entre Paris et Saïgon (actuellement Ho-Chi-Minh-Ville) lors de la guerre d’Indochine, principalement dans le rapatriement des blessés et des prisonniers». A-t-il été repéré et choisi pour cela ?
Il n’en demeure pas moins que le commandant de bord décida alors de se poser à l’aéroport de Lyon-Bron, rapporte le journaliste du Monde (édition datée du 21 décembre 1957). Toujours selon le commandant de bord : «La robustesse légendaire de l’Armagnac nous a sauvés, car d’autres appareils dont la queue est plus fine auraient certainement souffert davantage ». Une photographie montre bien cette brèche de deux mètres carrés.
Débarqués, les passagers comprennent qu’ils ne sont pas à Orly et l’un d’entre eux remarque une « grande bâche qui recouvre le flanc droit du fuselage ». Ils apprennent qu’ils sont à Lyon et qu’il y avait eu une explosion dans l’arrière de l’avion. Ils sont tous interrogés par les enquêteurs de la police de l’Air. L’hypothèse d’un accident technique est écartée et celle d’une action (un attentat, disent-ils) du FLN s’impose, ce qui provoque l’intervention des agents du SDECE. Et pour cause, c’est bien une bombe qui avait explosé.
Mais il y avait aussi le fait que cet avion transportait 96 passagers et membres d’équipage parmi lesquels 67 étaient des militaires de tous grades, venus en France pour les fêtes de Noël. L’enquête reprend à l’aéroport d’Es-Sénia qui se trouvait, à cette époque encore, au sein d’une base de l’armée de l’Air. Elle est confiée dans un premier temps à la gendarmerie d’Es-Sénia et s’oriente vers le personnel civil algérien, femmes de ménage comprises. Mais les soupçons se portent vers les bagagistes qui étaient dans leur grande majorité des Algériens. Elle aboutit à la découverte d’une cellule FLN à Es-Sénia à laquelle appartenaient, entre autres, des bagagistes.
Dans son récit construit sur la base des témoignages, Mohamed Fréha nous donne des noms et un narratif assez détaillé de l’action de ces militants. Le chef de l’Organisation urbaine FLN d’Oran avait transmis à un membre de la cellule dormante d’Es-Sénia, un ordre du chef de Région. Ils devront exécuter «une action armée spectaculaire.» Lors d’une réunion, le 15 décembre, la décision fut prise de «détruire un avion de ligne en plein vol». Mais il fallait «trouver une personne insoupçonnable de préférence avec un faciès européen». Ce fut un Européen, Frédéric Ségura, militant du Parti communiste, bagagiste à l’aéroport. Mohamed Fréha nous donne six noms des membres de la cellule auxquels il ajoute un septième, Frédéric Ségura. Madame Kheira Saad Hachemi, fille d’Amar Saad Hachemi el Mhadji, condamné à mort et exécuté pour cette affaire, nous donne treize noms dont celui de F. Ségura et présente un autre comme étant le chef du réseau. Ce dernier n’est pas cité par Mohamed Fréha.
Lorsque les militants du réseau avaient été arrêtés l’un après l’autre suite à des dénonciations obtenues après de lourdes tortures, Frédéric Ségura, qui avait placé la bombe, est torturé et achevé dans les locaux de la gendarmerie. Selon un policier algérien présent lors de l’interrogatoire, Ségura n’avait donné aucun nom. «Je suis responsable de mes actes !» avait-il déclaré à ses tortionnaires du SDECE. Son corps n’a jamais été retrouvé. Après l’indépendance, le statut de martyr lui fut certes reconnu, mais son sacrifice n’est inscrit nulle part dans l’espace public d’Es-Sénia. Rien non plus sur cette action. La mémoire est impitoyable quand elle est courte et qu’elle laisse la place à l’oubli. Quant au chef de la cellule, Lakhdar Ould Abdelkader, il aurait trouvé la mort au maquis.
Lors du procès, fin mai 1958, Amar Saad Hachemi el Mhadji, gardien de nuit à l’aéroport, fut condamné à mort et guillotiné le 26 juin 1958. Il avait introduit la bombe, crime impardonnable. Dehiba Ghanem, l’artificier, qui avait fabriqué la bombe artisanale, fut condamné à la prison à perpétuité. Les quatre autres impliqués, Kermane Ali, Bahi Kouider, Zerga Hadj et Salah Mokneche, furent condamnés à de lourdes peines de prison. Quant aux quatre autres, la justice a condamné trois à des peines légères et en a acquitté un. Non seulement ils étaient dans l’ignorance de ce qui leur était demandé (transporter la bombe ou la cacher dans leur local) mais de plus ils n’étaient pas membres de la cellule FLN. Des questions restent en suspens faute d’avoir accès aux archives : l’avion a-t-il été choisi à dessein, à savoir le fait qu’il transportait des militaires ? L’objectif était-il vraiment de donner la mort aux passagers ? Sur cette question, Mohamed Fréha rapporte que, réprimandé par sa hiérarchie, l’artificier répondit : « Non seulement que le dosage n’était pas conforme à la formule, mais également la poudre utilisée était corrompue par l’humidité».
Pourtant, Le correspondant du Monde à Lyon avait alors écrit : «Des dernières portes de la cabine jusqu’à la cloison étanche, le parquet était éventré. Il s’en fallait d’une dizaine de centimètres que les gouvernes n’eussent été touchées, ce qui eut entraîné la perte du quadrimoteur». Enfin et curieusement, le passager avait conclu son témoignage en établissant un lien avec un autre événement survenu une année plus tôt: «Réagissant à la piraterie de la «France coloniale» le 22 octobre 1956, lorsqu’un avion civil qui conduisait Ahmed Ben Bella du Maroc à la Tunisie, en compagnie de Mohamed Boudiaf, Hocine Aït Ahmed, Mohamed Khider et Mostefa Lacheraf est détourné par les forces armées françaises, le FLN voulait une réciprocité spectaculaire».
Spectaculaire ? C’est bien ce qu’avait demandé le chef FLN de la Région. L’action le fut et à un point tel qu’aujourd’hui rares sont ceux qui croient qu’elle a vraiment eu lieu. Il est triste de constater que cette opération qui a causé la mort de deux militants : Frédéric Ségura et Amar Saad Hachemi, n’est inscrite ni dans notre récit national ni dans la mémoire locale. Il nous faut visiter le musée créé par Mohamed Fréha au boulevard Emir Abdelkader à Oran pour y trouver des traces. Ces martyrs et leurs frères du réseau d’Es-Sénia méritent la reconnaissance de la Nation. Peut-être alors que leurs frères d’Es-Sénia et d’Oran leur rendront hommage à leur tour. Inch’a Allah !
par Fouad Soufi
Sous-directeur à la DG des Archives Nationales à la retraite - Ancien chercheur associé au CRASC Oran
enri Pouillot : « Je suis retourné à Alger, "en pélerinage", à la Villa Susini. Cette photo où je retrouve Louisette IGHILAHRIZ, a été prise à cette occasion"
Viols pendant la guerre d'Algérie
un scandale occulté • FRANCE 24
Il y a soixante-et-un ans, l'Algérie prenait son indépendance. Si beaucoup d'ouvrages et de documentaires ont été réalisés sur la guerre d'Algérie, très peu ont abordé la question du viol. Honte des anciens soldats de l'armée française, censure ou auto-censure des femmes en Algérie, Florence Gaillard de France 24 a mené l'enquête sur ce sujet tabou.
Henri Pouillot : "J'avais 20 ans quand on torturait dans la villa Susini"
Né en 1938 en Sologne (Loiret), Henri Pouillot est jeune appelé, pendant la Guerre d’Algérie. Affecté de juin 1961 à mars 1962 à la Villa Susini à Alger., il est témoin de la torture - Auteur de 2 livres témoignages sur cette période. Auteur d’un livre fiction "Hamed, Sale fils de Français", parti d’un fait concret, dramatique. Militant des droits de l’homme, antiraciste et anticolonialiste, il raconte "son Algérie à lui". Entretien réalisé par Samia Arhab.
La disparition forcée, arme de guerre de l’armée française durant la « bataille d’Alger »
Illustration : Saint-Eugène (Bologhine), 14 mars 1957. Des parachutistes français du 3e régiment de parachutistes coloniaux du colonel Marcel Bigeard « interrogent » Omar Merouane, dit "Le Mince", membre du groupe de choc de Zghara, porté disparu (Jacques Grévin/AFP).
Le crime de disparition forcée a été massivement employé dans les dictatures latino-américaines dans les années 1970 et 1980. Durant la guerre d’indépendance algérienne, il avait été l’arme privilégiée de la guerre « antisubversive » menée à Alger par l’armée française contre la population algérienne.
Durant la longue guerre menée par le Front de libération nationale (FLN) pour obtenir l’indépendance de l’Algérie (1954-1962), l’administration coloniale française ne cessa jamais de fonctionner. Ainsi, tout au long de l’année 1957, la préfecture d’Alger adressa chaque semaine au général Jacques Massu des liasses de singuliers documents. Un formulaire indiquait les nom, prénom, âge, adresse et profession d’une personne, la date et les circonstances de son « arrestation » par des militaires et enfin le nom d’un membre de sa famille, « à prévenir en cas de découverte ». En une année, 2 039 de ces étranges avis de recherche furent émis par la préfecture, dans l’attente de réponses de l’armée sur le sort de l’intéressé. L’attente fut souvent vaine. Le dénommé Rambaud, responsable du service compétent, le déplorait dans une note interne : dans 70 % des cas, l’armée n’avait pas répondu ou bien ses réponses se révélaient « non valables » ou « insatisfaisantes ». « Il ne m’a pas été possible depuis longtemps de faire simplement connaître à un seul avocat si le client auquel il s’intéresse est mort ou en vie », écrivait-il.
Conservée aux Archives nationales d’outre-mer (ANOM), une partie ce fichier de « détenus-disparus » signalés par leurs familles en 1957 est le point de départ du projet historiographique Mille Autres, mené par Malika Rahal et Fabrice Riceputi. Elle a été mise en ligne sur un site dédié, avec un appel à témoignage en arabe et en français, interrogeant les proches et descendants des personnes enlevées par les militaires, qu’elles aient été ensuite libérées ou qu’elles aient disparu définitivement. Au-delà de cette information, les familles racontent aussi, dans leurs nombreuses réponses, les circonstances d’enlèvement par les militaires, leurs stratégies de résistance à la terreur, leurs démarches de recherche et leur vécu, depuis lors, de la disparition souvent définitive d’un parent.
S’appuyant sur ces témoignages de familles algériennes très peu sollicitées jusqu’ici par les historiens français, ainsi que sur diverses archives coloniales, le projet Mille Autres permet aussi de renouveler l’histoire de la séquence historique baptisée « bataille d’Alger », en rompant avec un point de vue encore largement dominant, y compris dans les livres d’histoire : celui des acteurs militaires de l’époque.
ÉRADIQUER LE NATIONALISME À ALGER
Le 7 janvier 1957, carte blanche est donnée par le gouvernement de Guy Mollet au général Massu pour rétablir l’ordre colonial à Alger. Celui-ci y est en effet gravement menacé par une augmentation depuis l’automne 1956 de l’activité dite « rebelle » — des actions de guérilla urbaine et des attentats —, et surtout, à cette date, par la perspective politiquement cauchemardesque pour les autorités françaises d’une grève anticoloniale de huit jours, par laquelle le FLN peut démontrer qu’il dispose d’une implantation de masse.
L’armée dont la mission était jusqu’alors principalement d’affronter les maquisards de l’Armée de libération nationale (ALN) dans les zones rurales doit cette fois « pacifier » Alger, selon les termes de l’époque. C’est-à-dire détecter et détruire l’organisation clandestine à la fois politique et paramilitaire du FLN, immergée parmi les 400 000 Algériens de la ville. Les méthodes employées dans les campagnes ne sauraient être les mêmes en milieu urbain, dans la grande ville de l’Algérie coloniale, peuplée pour moitié d’Européens et sous le feu des projecteurs. Inspirée par la « doctrine de la guerre révolutionnaire » ou contre-insurrectionnelle élaborée après la défaite française en Indochine, une arme de répression politique violente, mais pouvant être menée en secret est privilégiée : l’enlèvement en masse des Algérois suspects de liens avec l’insurrection en cours.
Le lieutenant-colonel Roger Trinquier, l’un des officiers idéologues inspirant l’opération, prescrit au ministre Robert Lacoste « une épuration » de la population « musulmane » d’Alger. Celle-ci doit être selon lui entièrement passée au crible. À la mi-janvier, il estime à 20 000 le nombre de suspects à enfermer dans des camps, soit un nombre bien supérieur à celui, estimé, des membres du FLN à Alger1.
À cette fin, l’armée obtient sans peine du pouvoir politique la mise en place d’un dispositif d’exception, parfois appelé « système arrestation-détention ». Au nom de l’efficacité, elle est dispensée de toute contrainte légale. Elle peut s’introduire dans les domiciles, perquisitionner, arrêter, détenir et interroger comme bon lui semble. Et ceci sans avoir de compte à rendre à quiconque sur ses motifs et sur l’identité et le sort des « suspects » arrêtés. Hormis, une fois le fait accompli et sans que nul ne puisse vérifier ses dires, à une préfecture simplement chargée d’officialiser les détentions. Les militaires disposent d’un temps « d’exploitation » du détenu avant de déclarer son arrestation à la préfecture. C’est ce système qui permet la généralisation de la torture, des viols et des exécutions suivies de la dissimulation ou de la destruction des corps.
L’armée expérimente ainsi à grande échelle une pratique de répression qui ne sera identifiée et qualifiée que bien plus tard, quand elle sera à nouveau employée dans les années 1970 et 1980, principalement en Amérique latine où, on le sait, ces mêmes militaires français allèrent ensuite l’enseigner : la disparition forcée. Depuis 2010, l’ONU définit comme un crime contre l’humanité « l’arrestation, la détention, l’enlèvement ou toute autre forme de privation de liberté par des agents de l’État ou par des personnes ou des groupes de personnes qui agissent avec l’autorisation, l’appui ou l’acquiescement de l’État, suivi du déni de la reconnaissance de la privation de liberté ou de la dissimulation du sort réservé à la personne disparue ou du lieu où elle se trouve, la soustrayant à la protection de la loi ».
DES ENLÈVEMENTS EN MASSE POUR TERRORISER
En janvier et février 1957, lors de la répression de la grève organisée par le FLN, une première vague d’arrestations — des enlèvements du point de vue des Algériens, ainsi que de celui du droit — se fait sur la base d’un fichier de police des opinions politiques et appartenances aux diverses organisations interdites ou considérées comme subversives : le FLN, le Mouvement national algérien (MNA), le Parti communiste algérien (PCA), l’Union générale des travailleurs algériens (UGTA), l’Union générale des étudiants musulmans algériens (Ugema) et l’association des oulémas. Malgré la terreur, la grève du FLN est un succès, mais désigne aux militaires, parmi les grévistes, de nouveaux suspects à interroger. Les enlèvements visent bientôt aussi les activités humanitaires comme les centres sociaux créés par l’ethnologue Germaine Tillion. Ils reprennent de plus belle durant l’été et l’automne 1957, lorsqu’il s’avère que le FLN algérois n’est pas mort malgré l’évacuation de la ville par sa direction, puisqu’il a encore la capacité de répliquer par de nouveaux attentats.
Tous les quartiers dits « musulmans », et pas seulement la Casbah, sont frappés par des rafles et des enlèvements ciblés, le plus souvent réalisés nuitamment et avec une brutalité ostentatoire. Les familles qui témoignent aujourd’hui en ont souvent gardé ou transmis le souvenir : portes défoncées, vols, violences envers les proches, propos glaçants sur le sort funeste de celui qu’on embarque dans un camion bâché, où se trouve souvent un indicateur cagoulé (surnommé par les témoins « bou shkara »2). On enlève aussi sur la voie publique ou sur les lieux de travail. Adolescents et vieillards ne sont pas épargnés. Toutes les couches de la population colonisée sont touchées. Le nombre d’enlèvements atteint en une année plusieurs dizaines de milliers. La plupart de ces « suspects », jamais jugés, sont enfermés dans des camps. Certains n’en sortiront qu’en 1962, après avoir été plusieurs fois transférés d’un lieu à un autre du vaste système concentrationnaire, en particulier lorsque la résistance des détenus devait être brisée et ces derniers dispersés.
LE COMBAT DES FAMILLES
Le mode opératoire des militaires atteint toute la population, qu’on veut arracher à l’influence nationaliste. Il ne neutralise pas seulement les « suspects » enlevés, il terrorise aussi leurs familles et, par capillarité, tous les habitants de leurs quartiers. Car l’on sait très vite que ceux qui sont pris risquent la torture et même la mort, dans des dizaines de centres disséminés dans et autour d’Alger où les personnes sont interrogées. Casernes, villas, écoles, fermes coloniales… : partout où des militaires cantonnent, les militaires torturent et, bien que les caves soient privilégiées, les cris des suppliciés sont parfois entendus par le voisinage. Le projet Mille Autres a d’ailleurs entrepris de recenser ces centres et de cartographier la terreur à Alger et dans ses environs.
Bien des récits collectés disent comment des épouses et des mères sillonnèrent alors la ville à la recherche de leur détenu-disparu, et stationnaient parfois des heures durant devant ces lieux, dans l’espoir de l’apercevoir ou d’obtenir une information. Quelquefois, elles y parvenaient, mais il arrivait aussi qu’elles soient chassées ou qu’un militaire leur signifie brutalement qu’il ne fallait plus espérer. Les détenus libérés pouvaient fournir des informations. Parfois, les familles recevaient des lettres de leur proche et pouvaient même lui rendre visite dans un camp durant quelque temps, puis n’avaient soudainement plus aucune nouvelle.
Pour beaucoup de familles, l’espoir d’une réapparition ne se dissipera qu’après le cessez-le-feu du 19 mars 1962, lorsque les camps libéreront leurs milliers de prisonniers, sans qu’elles voient revenir leurs proches.
Les familles, souvent avec l’aide d’un écrivain public, écrivaient beaucoup : à la préfecture, au ministre Lacoste, aux généraux Raoul Salan et Massu, à Suzanne Massu3, à l’archevêque d’Alger, et à toutes les autorités en métropole. Qu’elles implorent ou exigent des nouvelles, leurs lettres — disséminées aujourd’hui dans les archives civiles ou militaires — recevaient rarement une réponse. À partir de mai 1957, la Commission de sauvegarde des droits et libertés individuels créée par Guy Mollet pour enquêter sur « d’éventuelles exactions » à Alger, selon ses termes, reçut nombre de leurs requêtes. Elle se contenta de leur transmettre les réponses qu’elle obtenait de l’armée. Celle-ci affirmait le plus souvent avoir « libéré » l’intéressé4, n’éprouvant pas le besoin, dans leur cas, d’échafauder un scénario mensonger comme il leur fallut le faire en juin 1957 pour « l’évadé » Maurice Audin. Lorsqu’un des membres de cette commission demanda à consulter le fichier « des disparus » dont il avait eu vent de l’existence, cela lui fut refusé par la préfecture.
L’ampleur de la terreur répandue devait rester secrète. Une enquête à partir de ce fichier aurait permis de découvrir que certaines des personnes recherchées avaient disparu corps et âme durant leur détention. À ce jour, sur près de 1 200 cas rendus publics sur le site 1000autres.org où cette enquête longtemps impossible est finalement menée, environ 400 sont identifiés comme des cas de disparition définitive. Encore ne s’agit-il que d’un échantillon, puisqu’une partie seulement des familles concernées s’adressa à la préfecture. La dissimulation fonctionna si bien que nul ne sait le nombre total des « disparus de la bataille d’Alger ». L’estimation célèbre de Paul Teitgen (3 024 disparus) ne représente qu’un ordre de grandeur plausible5.
LA LUTTE ANTITERRORISTE COMME JUSTIFICATION DE LA TERREUR
En 1957, si l’armée garde un silence absolu sur les enlèvements massifs, elle communique abondamment durant l’opération sur les saisies d’armes et de bombes. Les membres du « réseau bombe » arrêtés sont exhibés devant la presse et présentés, quant à eux, devant les juges. L’armée élabore ainsi un narratif selon lequel la bataille d’Alger est un affrontement entre l’armée française et un FLN identifié au « terrorisme », car réduit, ou peu s’en faut, à ses poseurs de bombes. Cette version des faits est diffusée au printemps 1957 lors de la campagne contre la torture née en métropole. Elle est consolidée après la guerre par Massu et ses officiers dans des mémoires à grand succès, en riposte à l’accusation d’exactions6. Selon cette défense, la nécessité de faire cesser les attentats par la recherche impérieuse de renseignements sur les poseurs et poseuses de bombes aurait expliqué et justifié l’emploi de méthodes « exceptionnelles »7. Cette justification de la terreur par une nécessaire lutte antiterroriste a été encore plus ancrée dans l’imaginaire collectif, après 1962, par une surabondante littérature héroïsant les « paras »8, ainsi que par le cinéma. Le film culte de Gillo Pontecorvo La Bataille d’Alger fait la part belle à cet aspect des choses, même si c’est pour le dénoncer.
Selon cette grille de lecture des événements, qui occulte la dimension de terreur politique de l’opération, la mort des derniers membres du « réseau bombe » en octobre 1957 (dont celle d’Ali La Pointe) aurait, fort logiquement, mis fin à l’opération « antiterroriste » commencée en janvier. Ce découpage chronologique de la bataille d’Alger, porteur d’une interprétation des faits, est largement admis encore9. Or, les archives comme les témoignages analysés dans le projet Mille Autres conduisent pour le moins à le remettre en cause. En effet, alors que le réseau bombe est bel et bien détruit en octobre, la répression politique ne se poursuit pas moins à Alger sur le même mode : les signalements de disparitions forcées restent nombreux jusqu’en décembre 1957 et se poursuivent en 1958. Et loin de prendre fin en 1958, cette pratique, validée par le gouvernement français, se généralise ensuite à toute l’Algérie jusqu’à 1961 au moins.
UN CRIME LARGEMENT DISSIMULÉ
Le crime de disparition forcée a été analysé et qualifié juridiquement très tardivement, grâce surtout aux mobilisations des familles victimes, notamment argentines. Son emploi durant la guerre d’indépendance algérienne ne le fut jamais. En métropole, même si l’affaire Maurice Audin permit à Pierre Vidal-Naquet de décrire le système de la disparition à partir de 1958, c’est l’usage de la torture qui émut une partie de l’opinion, beaucoup plus que la disparition forcée.
Avant 1962, en dépit de leurs efforts, les familles algériennes victimes de cette pratique ne purent jamais se faire entendre. Après 1962, leur sort ne fut pas particulièrement distingué dans l’océan des deuils de la guerre de libération : leur disparu reçut, comme tous les autres morts, le statut de martyr. Enfin, l’auto-amnistie décrétée dès la fin de la guerre par la France annula les plaintes déposées et empêcha toute évocation de ces faits et audition de victimes et de témoins devant les tribunaux et l’opinion.
En 2018, la République française a reconnu officiellement sa responsabilité dans l’enlèvement, la torture et l’assassinat de Maurice Audin, universitaire d’origine européenne. En 2020, elle a fait de même pour l’avocat Ali Boumendjel, dont le meurtre déguisé en suicide avait été dénoncé par un célèbre juriste français, gaulliste de gauche, René Capitant. Un « système » permettant ces crimes a été également reconnu. Mais les milliers d’autres Audin et Boumendjel, tous ceux dont la disparition ne fut jamais une « affaire » en métropole restent inconnus des livres d’histoire. Les Algériens et Algériennes rencontrés à l’occasion de l’enquête Mille Autres expriment très souvent leur émotion quand leur histoire restituée est visible du monde entier sur un site internet. Elles n’en vivent pas moins toujours la douleur d’ignorer ce qui est arrivé à leur disparu et de n’avoir pas de sépulture sur laquelle se recueillir.
POUR ALLER PLUS LOIN
➞ Gilbert Meynier, Histoire intérieure du FLN (1954-1962), Fayard, 2002 ➞ Malika Rahal, Ali Boumendjel. Une affaire française, une histoire algérienne, La Découverte poche, 2022 ➞ Malika Rahal et Fabrice Riceputi, « La disparition forcée durant la guerre d’Indépendance algérienne. Le projet Mille autres, ou les disparus de la “bataille d’Alger” (1957) », Annales Histoire Sciences Sociales, 2022/2 ➞ Marie-Monique Robin, Escadrons de la mort, l’école française, La Découverte poche, 2008 ➞ Jérémy Rubenstein, Terreur et séduction. Une histoire de la doctrine de la « guerre révolutionnaire », La Découverte, 2022 ➞ Pierre Vidal-Naquet, L’affaire Audin, 1958SOURCE : La disparition forcée, arme de guerre de l’armée française durant la « bataille d’Alger » - Malika Rahal - Fabrice Riceputi (orientxxi.info)France-Algérie, deux siècles d’histoirela France
L’historienne et spécialiste de l’Algérie Malika Rahal reçoit le samedi 8 octobre 2022 le Grand prix des Rendez-vous de l’histoire du festival de Blois, pour son ouvrage Algérie 1962. Une histoire populaire (La Découverte, 2022).
Le nouveau livre de Kamel Beniaïche, Massacres du 8 mai 1945 en Algérie, la vérité mystifiée, vient de paraître aux éditions El Watan El Youm.
Le nouveau livre de Kamel Beniaïche, Massacres du 8 mai 1945 en Algérie, la vérité mystifiée, vient de paraître aux éditions El Watan El Youm.
Si l’on devait résumer ce livre en une phrase, ce serait celle-ci : « C’est toujours le vainqueur qui écrit l’histoire, défigure sa victime et fleurit sa tombe de mensonges… ». Il emprunte ces mots à Bertolt Brecht.
Notre auteur, par sa pugnacité, nous livre une réponse à cette phrase. En effet, par sa patience dans ses différentes recherches, il « démonte » au fur et à mesure les mensonges d’État de la période de mai 1945. Si le vainqueur écrit l’histoire, Kamel Beniaiïche éclaire avec rigueur une recherche de vérité qui peu à peu s’éclaire à nos yeux de lecteurs.
On imagine aisément l’énormité du travail, y compris en recevant plusieurs témoignages de témoins présents pendant cette terrible période. Comme un chercheur historien, il recoupe les propos des uns et recense les listes des protagonistes morts ou disparus, Algériens français et Français. Son honnêteté journalistique lui permet de prendre la distance nécessaire avec les faits et rien que les faits. Qu’ils soient des télégrammes secrets de l’administration coloniale ou que ce soit à partir de livres ou de journaux qui apportent un éclairage précis et sans ambages.
Cet auteur, journaliste par son style d’écriture, nous tient en haleine tout au long de ce que j’appellerais une enquête journalistique.
Les mensonges de l’administration
Dans ce « roman » historique, au fur et à mesure que les faits se déroulent, il nous emporte au gré de l’instant vécu et cela de chaque côté des protagonistes. Et, peu à peu, la vérité historique se dessine et elle est effroyable. Cette vérité, il nous l’offre au travers du prisme du regard abasourdi des Algériens en souffrance et de l’administration coloniale froide, inhumaine, et sans états d’âme au nom d’un pouvoir d’État qui va jusqu’à armer des milices européennes gorgées de haine et d’intérêts multiples. Au fur et à mesure des lignes, les mensonges de l’administration se font jour, qu’elles soient issues des institutions municipales d’alors, du Gouvernement Général d’Alger ou bien du Ministère de l’Intérieur. Le pouvoir colonial est tellement hautain d’un pouvoir non partagé qu’il ne doute pas un seul instant et ne voit qu’au travers de l’homme algérien un être inférieur et justifie donc un regard méprisant qui se prolonge par des tueries de milliers de personnes. Par les mensonges de l’administration, ce 8 mai 1945 et les semaines qui ont suivi ont donné lieu à une immense tuerie à huis clos. Kamel Biniaïche s’efforce et s’évertue dans sa quête de vérité. Au travers de cet immense travail d’écriture, il dévoile le gigantesque puzzle du désastre.
Il fait parler Guy de Maupassant envoyé par le quotidien Le Gaulois en 1881. Celui-ci, dans ses colonnes, fustige la politique coloniale en ces mots : « …dès les premiers pas, on est saisi, gêné par la sensation du progrès mal appliqué à ce pays […]. C’est nous qui avons l’air de barbares au milieu de ces barbares, brutes il est vrai, mais qui sont chez eux et à qui les siècles ont appris des coutumes dont nous semblons n’avoir pas compris le sens… ».
L’avidité de ce pouvoir colonial a rendu aveugles celles et ceux qui détenaient les intérêts, enrichis sur une terre étrangère devenue la leur et dont le doute n’avait plus de place. Il rappelle que « le gouvernement de Pétain fut le nouvel âge d’or des colons quand la population européenne se rallia au Maréchal et que le gratin colonial trinquait avec les officiers des commissions allemandes et italiennes installées à Alger ». Et puis, « le 7 octobre 1940, soixante-dix ans après sa promulgation en 1870, le décret Crémieux est aboli ; les Juifs d’Algérie deviennent « Indigènes ». Par une telle mesure, la démagogie vichyste tente d’enjôler les Algériens. En 1941, de sa prison, Messali Hadj dira « …en ôtant leurs droits aux Juifs, vous n’accordez aux musulmans aucun droit nouveau ».
Avec Ferhat Abbas, les Algériens retrouvent la parole
Dès le début du livre, et en quelques pages, le journaliste revient sur l’histoire et révèle peu à peu le visage colonial sans fards.
Le 14 mars 1944, le mouvement Les Amis du Manifeste de la Liberté (l’AML), dont Ferhat Abbas est le fondateur, voit le jour. Ce Manifeste souligne le principe fondamental des peuples à disposer d’eux-mêmes et l’auteur revient sur le texte fondateur. L’article 4 est clair : « Créer un courant d’opinion et rendre familière l’idée d’une nation algérienne et désirable ; la constitution, en Algérie, d’une république autonome fédérée à une république française rénovée, anticolonialiste et anti impérialiste […]. » Tout est dit dans cet article qui dérange en haut lieu le pouvoir colonial.
Le 4 avril 1944, Ferhat Abbas dépose les statuts des AML à la préfecture de Constantine. La fièvre politique, alors, s’empare des Algériens qui retrouvent la parole. On voit bien là toute l’importance d’un moment charnière qui annonce dès lors une réflexion plus intense auprès de la population algérienne. L’administration coloniale est aux abois, en lien avec la police et la gendarmerie et suivie de très près par les agents des services généraux. Des indicateurs seront infiltrés dans les différentes réunions.
Cette réalité va préfigurer la crainte et la férocité des représentants de l’État, plusieurs mois plus tard, dans les villes de Sétif, Guelma et Kherrata et autres municipalités alentour à partir de la journée du 8 mai 1945. De plus, le 24 avril, avec l’accord de de Gaulle, le secrétaire général du Gouvernement Général ordonne le transfert de Messali Hadj à Brazzaville au Congo en évoquant l’atteinte à l’autorité de l’État. On observe une fois encore l’immense crainte de supposés complots, qui ne se justifie pas. Très rapidement, les 4 et 5 mai, l’armée se déploie avec des blindés, l’artillerie et l’aviation. La nervosité du pouvoir colonial est bien présente. La journée du 8 mai et les jours et semaines suivants vont être scrutés avec précision où l’on apprend qu’après les troubles d’une inouïe violence, le territoire est à feu et à sang. Les gendarmes distribuent des armes aux Européens dans plusieurs localités sur fond de tirs de mitrailleuses et d’incendies volontaires
Le rapport de forces est magistralement déséquilibré face à des vieux fusils et des bâtons et une guérilla inorganisée en lien avec une émotion de fureur. Face à cela, il y a la présence de milices rurales et urbaines fortes de 3 000 hommes ! Sans oublier la forte présence de la police, de la gendarmerie et de l’armée, dont la Légion étrangère descendue tout droit de Sidi-bel-Abbès. On comprend, au travers des recherches de l’auteur, comment l’administration coloniale avait envisagé dès les mois précédents de profiter de cette journée de commémoration pour marquer d’une façon la plus ferme les velléités de liberté de ces « va-nu-pieds ».
Arrestations, tortures, assassinats à l’abri des regards
Et puis, il y a l’après carnage, les arrestations, la torture, les morts enterrés à la hâte. Aucun journaliste n’est présent pendant toute cette période, sinon la connaissance de cette tuerie sauvage par les services anglais et américains. Mais insuffisant pour dévoiler une vérité masquée et mensongère par le pouvoir colonial.
La presse nationale et algérienne ne relate pas la stricte réalité. En effet, aucune enquête n’est menée auprès des Algériens sinon, oui, auprès des Européens pour qui il y aura des cérémonies. Même le journal L’Humanité s’y laisse prendre quand il énonce dans ses colonnes du 16 mai 1945 et recommande de « punir comme ils le méritent les tueurs hitlériens ayant participé aux événements de mai 1945 et les chefs pseudo-nationalistes qui ont sciemment engagé de tromper les masses musulmanes". Cette répression féroce va générer la présence de centaines d’enfants orphelins sur les routes et l’errance. De plus, l’administration coloniale menace d’arrêter ou de passer par les armes quiconque accueille adultes ou enfants sans domicile ou sans parents qui, d’ailleurs, ont payé un lourd tribut pendant cette période. L’armée n’hésite pas à tuer sans sommation quiconque serait susceptible de se mettre en travers de son chemin, qu’il soit fauteur de trouble ou non.
La logique, le bon sens et la loi ne sont plus de mise pendant que l’aviation arrose de ses bombes de 50 et 100 kg, que les croiseurs au large de Bougie arrosent les douars et les mechtas, que la Légion étrangère exécute sommairement hommes, femmes et enfants et animaux. Pendant que les milices civiles tuent, appuyées et soutenues par la police et la gendarmerie. Oui, il y a eu des meurtres perpétrés par les « Indigènes » et l’auteur le précise. Mais ces tragiques événements sont le fruit orchestré par une administration civile et militaire qui nourrira longtemps la mémoire d’un peuple soumis au diktat colonial. Au 16 mai 1945, l’ordre est rétabli et l’administration ne manquera pas de cacher les massacres. « Tenues à distance par la censure et la rétention de l’information, les opinions française et internationale ne sauront rien d’un des pogroms les plus abominables survenu aux premières heures de l’armistice ».
Kamel Beniaïche conclue que la meurtrissure de mai 1945 n’a pas livré tous ses secrets. Sans doute, mais, à l’issue de la lecture de ce livre, on peut affirmer que le journaliste algérien nous éclaire d’un jour nouveau sur ce drame encore trop méconnu. Il démystifie, preuves à l’appui, les contrevérités et mensonges de l’administration civile et militaire de cette période et qui perdurent encore dans certains cercles des nostalgiques de l’Algérie française.
Philippe Chevrette
SOURCE : http://www.4acg.org/_Philippe-Chevrette
Par micheldandelot1 dans Accueil le 19 Septembre 2023 à 06:36
e chanteur de 80 ans annonce l'arrêt de sa carrière. Son ultime album, Aimer, est sorti le 7 octobre 2022.
"Il y a un moment où les choses s'arrêtent. Il faut savoir qu'on vieillit."
A 80 ans, Serge Lama confie ne plus avoir la force : "Mon corps me fait beaucoup souffrir. J'ai beaucoup de problèmes inhérents au temps qui passe. Il y a un moment, il faut savoir s'arrêter plutôt que d'être arrêté par les choses. Alors j'ai décidé que c'était fini, que j'ai une très belle vie avec ma compagne Luana."
Tous les jours, je souffre"
Le chanteur, qui souffre de problèmes de santé depuis quelques années, ne se sent pas de remonter sur scène. "J'ai des problèmes physiques. Ils sont très importants, ils sont devenus incontournables. C'est-à-dire que tous les jours, j'ai mal. Tous les jours, je souffre, je dors mal et c'est incompatible avec une tournée."
Et le chanteur refuse de monter sur scène "dans des conditions qui ne seraient pas optimales" : "J'ai eu la chance de pouvoir chanter cet album déjà, ce qui ne serait pas du tout le cas de tout le monde à près de 80 ans, puisque moi, j'étais quand même un homme de voix. Donc c'est compliqué d'être à la hauteur de ce qu'on a été."
Serge Lama espère malgré tout faire ses adieux à son public à la télévision : "Ce serait chouette. Renaud l'a fait, il n'y a pas longtemps. Il a été très content. Il faut appeler un peu les copains à la rescousse. Et puis chanter des chansons avec des gens. C'est-à-dire faire vibrer le cœur, mais à plusieurs, en groupe, en s'appuyant sur l'épaule."
Aujourd’hui 18 septembre 2023 c’est une confirmation :
Terrible nouvelle : Serge Lama doit mettre fin à sa carrière, son corps le fait trop souffrir
Par micheldandelot1 dans Accueil le 18 Septembre 2023 à 07:29
L’historien Benjamin Stora raconte dans L’Arrivée* le départ de sa famille d’Algérie en 1962. Il s’interroge sur les racines de l’oubli de la guerre d’Algérie en France et les voies complexes pour apaiser et réconcilier les mémoires.
Rencontre avec Benjamin Stora, historien, à l’occasion de la parution de son ouvrage "Une mémoire algérienne" (Robert Laffont, 2020).
Entretien animé par Corinne Bensimon. L’oeuvre de Benjamin Stora se confond pour partie avec la mémoire et l’histoire de la guerre d’Algérie.
Un de ses grands thèmes de recherche, intimement lié à son parcours individuel tel qu’il le relate dans trois de ses ouvrages. Dans "Les Clés retrouvées", il évoque son enfance juive à Constantine et le souvenir d’un monde qu’il a vu s’effondrer ; dans "La Dernière Génération d’Octobre", son militantisme marqué très à gauche avec son cortège de désillusions. "Les Guerres sans fin" témoignent d’un engagement mémoriel qui se fonde sur une blessure collective et personnelle que seules la recherche et la connaissance historiques peuvent aider à panser.
Benjamin Stora a étudié en ce sens le rôle spécifique joué par les grands acteurs de ce conflit singulier.
Dans "Le Mystère de Gaulle", il analyse l’attitude de ce dernier lors de sa prise du pouvoir en 1958 et sa décision d’ouvrir des négociations avec les indépendantistes en vue d’une solution de compromis associant de manière originale la France et l’Algérie. "Dans François Mitterrand et la guerre d’Algérie", écrit avec François Malye, il montre les contradictions de celui qui, avant de devenir un adversaire de la peine de mort, la fit appliquer sans hésiter en 1957 en tant que ministre de la Justice au détriment des Algériens. C’est enfin de la longue histoire des juifs en terre algérienne qu’il est question dans "Les
Trois Exils". Cet ensemble, qui porte la marque d’un historien majeur, permet de mieux comprendre la genèse, le déroulement et l’issue d’une tragédie où se mêlent un conflit colonial livré par la France, un affrontement nationaliste mené par les indépendantistes algériens et une guerre civile entre deux communautés résidant sur un même territoire. Ce sujet, resté sensible pour nombre de nos compatriotes, continue d’alimenter des deux côtés de la Méditerranée des débats passionnés.
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Musée d'art et d'histoire du Judaïsme
https://www.youtube.com/watch?v=oKyESbpNMNg
Juifs, musulmans, la grande séparation - Benjamin Stora
La torture que son mari a connu pendant la guerre d'Algérie la aussi beaucoup influencé mais pas que...
Révoltée par les crimes commis pendant la guerre d’Algérie, Danielle Mérian a commencé à militer à l’ACAT en 1975. Cette avocate passionnée par le combat pour les droits de l’homme lutte sur tous les fronts : disparus d’Argentine, abolition de la peine de mort, condition des prisonniers en France… Souvenirs d’une éternelle «Acatienne»
Attentats à Paris. Danielle Mérian, la dame qui a émule web, se livre
Elle s’appelle Danielle Mérian. Interviewée devant la salle de spectacles après la tuerie du Bataclan, cette ex-avocate a parlé de fraternité pour repousser la peur. Et a réconforté plein de gens.
Souvenez-vous. C’était le lundi après le massacre. Comme des milliers de Parisiens, Danielle Mérian qui habite plus bas, sur le boulevard Richard-Lenoir, était venue déposer une brassée de roses. Un micro s’est tendu. BFM TV. « Madame, pourquoi êtes-vous là ? »
Et les mots ont jailli, magnifiques, de la bouche de cette bourgeoise en apparence collet-monté. Devant le parterre de bougies où flottaient des exemplaires de Paris est une fête, elle a dit : « C’est très important d’apporter des fleurs à nos morts. C’est très important de lire plusieurs fois le livre d’Hemingway qui est une belle réponse à Daech (...) Nous fraterniserons avec les 5 millions de musulmans qui exercent leur religion librement et nous nous battrons contre les 10 000 barbares qui tuent, soi-disant au nom d’Allah. »
Vingt-huit secondes. Ses paroles ont fait le tour du monde, relayées par d’autres télés, les réseaux sociaux. « C’était mon premier micro-trottoir », fait remarquer la dame qui vous reçoit près d’un an après dans son appartement parisien. À 78 ans : un détonnant mélange de rigueur et d’humour au-dessus du rang de perles.
" Mon père doit bien rire"
« Quelle aventure ! », commente-t-elle, au milieu des meubles et tableaux de famille. Depuis plusieurs années, les remerciements, les embrassades, les selfies se sont enchaînés, dans la rue. Émanant « de jeunes, de vieux, de musulmans, de catholiques, de juifs et d’athées… ». Pas de fausse pudeur, Danielle Mérian savoure. Et se dit que « là où il est », son père, le résistant et journaliste Claude Darget, « doit bien rire ». « Il présentait le 20 h du temps où il n’y avait qu’une chaîne de télévision (dans les années 1950-1960). Je détestais me promener avec lui. C'était un don juan et tout le monde le reconnaissait. Je me disais : "Pour vivre heureuse, vivons cachée". »
"Je suis votre soldat"
Des plateaux télé, sa fille en a fait peu en 2016. Elle a notamment refusé de rencontrer Bernard Cazeneuve dans Des Paroles et des actes. « Je trouve la société civile beaucoup plus brillante que nos politiques ! » Mais sous d’autres projecteurs, le comédien Omar Sy lui a dit qu’elle était « kiffante ». En coulisses, il a ajouté : « Je suis votre soldat ». La promesse est allée droit au cœur de cette combattante, qui n’est pas née des dernières tempêtes de l’histoire. Danielle Mérian milite depuis des années au sein de l’Association des chrétiens contre la torture, Parcours d’exil et SOS Africaines en danger. Mère de deux enfants (qui travaillent l’un auprès des réfugiés, l’autre auprès des handicapés), elle a adopté récemment un réfugié politique camerounais. À Noël, « par solidarité », elle a amené toute la famille réveillonner à La Bonne bière, l’un des bars meurtris par la fusillade de novembre.
« Quand on me donne la parole je la prends ! »
Sa vie d’engagements, elle la raconte dans un petit livre écrit en collaboration avec l’écrivaine Tania de Montaigne, à la demande des éditions Grasset. On s’étonne de la démarche : elle y livre beaucoup de son intimité. Elle justifie : « Moi, quand on me donne la parole, je la prends ! » Normal, pour une ancienne avocate (spécialisée en droit de la famille). Un titre qu’elle revendique plus fièrement que le surnom de Mamie Danielle dont on l’a familièrement affublée après le Bataclan. « Grand-mère, je le suis avec bonheur, mais c’est ma vie privée ! » Pendant trois mois, Tania de Montaigne est allée l’enregistrer, chez elle, deux heures par semaine. « Une Badoit et en avant ! » L’auteure de Noire est tombée sous le charme de cette femme « libre et surtout curieuse. Curieuse de la vie et intrigante, car jamais là où on l’attend. » « Féministe convaincue », Danielle Mérian sait, pour être issue de l’aristocratie du côté paternel, de la paysannerie par sa mère, « que les femmes en ont bavé dans tous les milieux ».
Ennemie du prêt-à-penser
Au cœur de ses engagements, il y a la découverte, à 7 ans, dans un tiroir secret de son père, des photos des camps de concentration qu’il avait contribué à libérer, avec l’armée canadienne. Et aussi le souvenir de femmes tondues, sur le boulevard, à la Libération. « Voir très tôt ce que l’homme peut faire à l’homme m’a sûrement déterminée à être la voix des sans voix », dit-elle. La guerre d’Algérie a aussi été déterminante. Son défunt mari, l’amour de sa vie, s’y est trouvé impuissant face à la torture. La blessure a marqué tous leurs engagements de couple. « Ennemie du prêt-à-penser », Danielle Mérian ne considère pas son témoignage comme un énième « Engagez-vous » adressé à la jeunesse. Elle aimerait juste qu’il soit « une ombrelle sous laquelle s’abriter quand la terreur frappera à nouveau, quand il paraîtra plus simple de rejeter que d’embrasser. Ensemble, on est plus forts », martèle-t-elle. Et au fait, que pense-t-elle des représentants de la vieillesse, des gens de son âge et un peu plus, qui ont connu la guerre enfants ou adolescents ? La réponse de cette admiratrice de Stéphane Hessel fuse, avec la même véhémence que devant le micro de BFM : « Je ne com-prends-pas que des gens qui ont connu l’exode, qui ont fui devant l’ennemi, qui ont vu brûler leurs maisons, qui avaient faim et soif sur les routes, et qui se faisaient bombarder : je ne com-prends-pas que les mêmes puissent ne pas ouvrir leurs bras aux migrants ! »
Par micheldandelot1 dans Accueil le 17 Septembre 2023 à 11:23
En mars 2008, il indique avoir voté blanc à tous les scrutins depuis 1988, sauf lors du référendum sur le traité de Maastricht, avant d'indiquer en février 2009 : « J'ai été de gauche et je n'ai jamais été de droite ».
Débat avec Jean-Michel Apathie Des
Excuses pour la colonisation de l'Algérie ?
Un éclairage de Jean-Michel Apathie sur la colonisation française de l'Algérie. Un extrait de l'émission C l'Hebdo diffusée sur France 5 le 23 janvier 2021 après la remise du rapport de Benjamin Stora à Emmanuel Macron sur les questions mémorielles portant sur la colonisation et la guerre d'Algérie. À ne pas manquer.
« APPEL À LA MARCHE UNITAIRE DU 23 SEPTEMBRE " POUR LA FIN DU RACISME SYSTÉMIQUE, DES VIOLENCES POLICIÈRES, POUR LA JUSTICE SOCIALE ET LES LIBERTÉS PUBLIQUES"
Par micheldandelot1 dans Accueil le 16 Septembre 2023 à 08:51
Akli Gasmi a voué toute sa vie à l'enseignement. Il a été enseignant puis inspecteur de l'Éducation nationale avant de prendre sa retraite. Il vient de publier son premier livre aux éditions Hibr: «Oulkhou, village de regroupement». Dans cette interview, il parle de son livre, mais aussi de son ami d'enfance.
L'Expression: Les férus de lecture et de littérature qui vous suivent depuis des décennies se seraient sans doute attendus à ce que vous écriviez un livre sur votre ami d'enfance, Tahar Djaout, n'est-ce pas? Akli Gasmi: Non je n'ai pas écrit un livre sur mon ami Tahar Djaout bien que peut être le bienvenu. Mon livre raconte la vie de centaines de villageois enfermés durant cinq années de souffrances et de misère dans un véritable enfer à ciel ouvert.
Pourquoi avoir fait le choix de revenir sur cette page douloureuse de l'histoire de votre village Oulkhou? J'ai écrit mon vécu d'adolescent pendant la guerre de libération. Une adolescence marquée par les privations, la peur de sortir le matin et de ne pas revenir le soir. Une adolescence rythmée par la présence des soldats, des arrestations et la torture pratiquée sur des hommes et des femmes et cela dans la maison où j'étais né. Une maison dont on nous avait déplacés un matin du 1er avril 1957 à l'aube ensoleillée.
Pourquoi avoir choisi la période 1957-1962? Les soldats nous ont encerclés de nuit le 1er avril 1957. Au matin à l'aube, ils nous ont chassés de notre maison pour installer leur caserne qui allait devenir depuis cette date un centre de torture jusqu'à la fin de la guerre en mars 1962.
Votre livre est d'abord et avant tout un ouvrage qui parle de l'atrocité du colonialisme dans votre village, pouvez-vous nous parler de cet aspect? Mon livre parle de ce que des centaines de villageois ont vécu durant ces cinq années de souffrances et de misère sans nom.
Il s'agit aussi d'un livre autobiographique dans une large mesure puisque vous avez passé votre adolescence dans cette immense prison à ciel ouvert, comme vous l'écrivez, n'est-ce pas? J'ai parlé de la guerre et de ses conséquences physiques et morales sur une population de plusieurs villages, amenée de force et traitée par la violence. C'était le temps des descentes de soldats dans le village de regroupement de jour comme de nuit. Ces descentes étaient toujours suivies d'arrestations de tortures et de disparitions d'hommes et de femmes selon l'ambiance du moment.
Ecrire ce livre a-t-il été une forme de thérapie pour vous? Oui, c'est une thérapie. Les cinq années passées au village de regroupement sont encore et toujours en moi. Des souvenirs terribles hantent encore mon esprit. Chaque fois que je me retrouve à Tajmaat avec mes amis de l'époque les événements ressurgissent et animent nos discussions.
Parlez-vous de Tahar Djaout dans ce livre? Je respecte trop cet ami de jeunesse, fils de notre village, devenu vite journaliste poète et écrivain à la renommée Universelle, pour en parler comme il le mérite. Sincèrement je ne me sens pas capable de le présenter comme il le mérite. Bien que je pense toujours à lui, à son oeuvre considérable pour si peu de temps dont il a disposé.
Quelles sont les choses qui vous ont marqué le plus dans vos souvenirs communs avec Tahar Djaout? Dire les choses qui m'ont lié à Tahar Djaout, c'est écrire tout un livre.
Tahar Djaout a-t-il évoqué vos souvenirs d'enfance dans l'un de ses livres? Tahar a parlé des amis de son enfance. Je suis son aîné de 10 ans. Nous nous sommes retrouvés à Alger après l'indépendance
Comment et où avez-vous appris que Tahar Djaout avait été victime d'un attentat terroriste? J'étais à la maison le matin du drame. Vers 11 heures le téléphone sonne. Une dame de nos amis qui m'avait entendu parler de Tahar Djaout m'annonça la terrible nouvelle. Elle venait de l'écouter à la radio. Aussitôt, avec ma famille, nous sommes partis à Alger. À la maison de Tahar. Nous avons trouvé beaucoup de monde, à la cité, dont des citoyens de notre village Oulkhou.
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