Les dirigeants et députés du RN répètent que le parti et son fondateur ne sont pas antisémites. L’histoire du mouvement montre pourtant l’inverse. Et Jean-Marie Le Pen a, au fil des années, multiplié les déclarations antisémites et négationnistes. Pour Marine Le Pen, ce rappel des faits est « une manipulation politique ».
a« La diabolisation que nous avons vécue n’existe quasiment plus. » Dans un entretien au Journal du dimanche, ce 12 novembre, Marine Le Pen se félicite que certaines digues aient sauté, qui lui permettent de se rendre, ainsi que le Rassemblement national (RN), à la marche contre l’antisémitisme organisée ce dimanche. Elle qui, il y a cinq ans encore, avait été huée lors de la marche qui avait suivi le meurtre de l’octogénaire juive Mireille Knoll.
« Il y a beaucoup de Français de confession juive qui ont pris conscience dans les dernières années que nous étions dans le vrai », assure-t-elle au JDD. Elle accuse les responsables politiques d’avoir « leurré » les « compatriotes de confession juive » en répétant « que le danger était le Rassemblement national ». « Pendant des années, ils ont imposé l’idée des gentils d’un côté et des méchants de l’autre – en l’occurrence le Rassemblement national. Ils s’aperçoivent que les méchants ne sont pas là où ils le pensaient. »
Dans cet entretien, la cheffe de file des députés RN va plus loin. Elle voit dans le retour des questions sur l’antisémitisme du parti et de son fondateur une « manipulation politique ». Sans jamais qualifier Jean-Marie Le Pen d’antisémite, elle évoque ses « ambiguïtés », une « faute politique » qui l’a contrainte de l’exclure du parti en 2015. Une décision qui fut « difficile », insiste-t-elle, qui lui a « coûté sentimentalement ». Jean-Marie Le Pen restera cependant, jusqu’en 2018, le président d’honneur du parti.
Si elle souligne qu’« il ne peut exister en matière d’antisémitisme aucune ambiguïté », elle prend à nouveau la défense de son père. « À l’évidence, il n’y a pas un Français qui considère que le danger, aujourd’hui, c’est Jean-Marie Le Pen. Il a 95 ans et n’est plus en capacité de se défendre. Honte à ceux qui font ça. »
À rebours des faits, elle nie aussi que le Front National ait été créé avec d’anciens collaborationnistes : « Dire cela est un mensonge historique. Qu’il y ait eu des gens qui, parmi les fondateurs du Front national, se sont trompés de camp, c’est une certitude. […] Des dizaines de grands résistants ont accompagné notre mouvement. »
Depuis le massacre du 7 octobre en Israël, son parti se présente en « bouclier pour les juifs de France », tout en revisitant sa propre histoire. Toute la semaine, des députés et cadres du RN ont répété que le mouvement et son fondateur n’étaient pas antisémites. L’histoire du parti d’extrême droite montre pourtant l’inverse. Et Jean-Marie Le Pen a, au fil des années, multiplié les déclarations ou allusions antisémites et négationnistes. Ce qui lui a valu plusieurs condamnations judiciaires.
Une commission d’historiens français et algériens mise sur place pour travailler sur la colonisation française et la guerre doit se réunir mercredi en Algérie pour la première fois depuis sa création en août 2022, selon une source proche du dossier.
La réunion se tiendra mercredi et jeudi à Constantine (e
st), a précisé la source qui a requis l’anonymat.
La création de cette instance de dix membres avait été annoncée en août 2022 à Alger par les présidents français Emmanuel Macron et algérien Abdelmadjid Tebboune. Il s’agit pour les deux pays de « regarder ensemble cette période historique » du début de la colonisation française (1830) jusqu’à la fin de la guerre d’indépendance (1962).
L’idée est d’aborder le sujet « sans tabou, avec une volonté (...) d’accès complet à nos archives », avait alors souligné M. Macron.
Elle s’était réunie en avril par visioconférence.
Les cinq historiens français qui en font partie sont Benjamin Stora (également coprésident de la commission), Florence Hudowitz (conservatrice au MUCEM), le professeur des universités Jacques Frémeaux ainsi que les historiens et enseignants universitaires Jean-Jacques Jordi et Tramor Quemeneur, a indiqué l’Elysée.
Elle est coprésidée côté algérien par l’historien Mohamed Lahcen Zighidi. En novembre 2022, la présidence algérienne avait désigné M. Zighidi et les historiens Mohamed El Korso, Idir Hachi, Abdelaziz Fillali et Djamel Yahiaoui pour faire partie de cette commission.
Sa mise en place s’inscrit dans la politique d’apaisement décidée par Emmanuel Macron durant son premier quinquennat, après les recommandations du rapport de Benjamin Stora sur le conflit mémoriel entre l’Algérie et la France sur le passé colonial. Mais la relation entre les deux deux reste difficile et empreinte de malentendus et de non-dits.
L’objectivité journalistique des médias français a fortement été mise à mal depuis le début de la guerre contre Gaza après les attaques du Hamas contre Israël samedi 7 octobre.
Les musulmans de France sont particulièrement ciblés par les défenseurs d’Israël parmi les médias et la classe politique.
De la lutte contre l’islam radical, puis de l’islamisme, la guerre contre Gaza a fait franchir à certains un autre pas. Désormais, ils parlent carrément de musulmans et non d’islamistes. Un glissement dangereux de la part de la nouvelle alliance entre les pro-israéliens et l’extrême droite.
La France officielle a très vite donné la couleur de son engagement. Emmanuel Macron et son gouvernement offrent un soutien inconditionnel à Israël, peu importe les conséquences sur les civils palestiniens dont le nombre de morts ne cesse d’augmenter.
La majorité des médias français a pris le parti de soutenir cette version en adoptant un traitement médiatique à deux vitesses de ce conflit. L’accent est davantage mis sur les victimes israéliennes présentées comme visées et traquées.
Alors que les blessés et les morts palestiniens résultent de dommages collatéraux ou d’erreurs de frappe. Même dans la mort, ces médias et les influenceurs israéliens qui peuplent leurs plateaux font la différence. Pour eux, les victimes israéliennes sont toujours au-dessus des autres.
À l’inverse, les médias qui accordent une place aux victimes palestiniennes dans leur ligne éditoriale sont vite pointés du doigts par les figures politiques. Par exemple, la Une du journal Ouest France consacrée aux victimes à Gaza a été condamnée par le secrétaire général du parti présidentiel Renaissance. Seulement parce qu’elle abordait un autre angle de vue.
L’Association des journalistes antiracistes et racisé·e·s (AJAR) dénonce d’ailleurs ce double traitement. L’AJAR reconnaît que les médias français ont su faire "à juste titre, des portraits humanisants des victimes israéliennes et étrangères".
Alors « les Palestinien·nes, de leur côté, ne bénéficient pas d’un tel traitement médiatique et sont souvent réduit·es à des additions désincarnées : 1000, 6000, 7000, 10 000 morts ».
L’association a d’ailleurs conçu un zapping de l’approche que les médias français ont adopté depuis le 7 octobre. Cette succession d’interventions médiatiques donne le ton général :
Pourquoi les médias français assument-ils si franchement cette différence de traitement ?
Un mélange de soutien à Israël et de lutte contre le cauchemar musulman de la France
Raconter ce conflit de manière égale est très compliqué pour les médias français. La France est l’un des pays qui compte l’une des plus grandes communautés juive et musulmane en Europe. Le pays, dans son histoire, a majoritairement pris position en faveur de la création d’un État d’Israël. L’escalade de violence au Proche-Orient la touche dans son histoire.
Mais ce conflit lointain réveille surtout les querelles internes que vit le pays. Puisqu’au-delà de son lien à Israël, une partie de la France persiste à voir le monde à travers une métaphore de "croisade".
Sa lutte contre l’islamisme mène le pays à lier chaque fait de ce conflit à sa propre politique. Or, cette politique est de plus en plus islamophobe.
La marche contre l’antisémitisme qui a eu lieu le 12 novembre a marqué un nouveau tournant. Au lendemain de cet événement, des médias français dont certains sont très proches de l’extrême droite ont surtout focalisé sur l’absence supposée de manifestants musulmans. Comme s’il s’agissait d’un événement censé les blanchir d’une accusation imaginaire.
Comme on peut le voir dans ce zapping média publié par le média Quotidien :
Comme à chaque attaque terroriste, les musulmans de France sont pris pour cible dans un débat qui ne les concernent pas. Il fallait être "Charlie", il fallait s’excuser de chaque attentat, comme si chaque Français pratiquant l’islam était complice d’actes radicaux et terroristes.
La normalisation de ce discours anti-musulmans en France est si présente que même le recteur de la Lecteur vidéo :Grande Mosquée de Paris a pris le parti de dénoncer l’attitude des médias.
Mais cet acharnement médiatique, politique et le fait de citer constamment les musulmans comme des personnes en faute qui refusent de se mobiliser pourra générer des situations dramatiques dans le futur.
La députée La France Insoumise, Nathalie Oziol, l’a souligné lors d’une intervention à l’Assemblée nationale :
Cette manifestation qui était censée être apolitique et sous le signe de la tolérance et de la paix est devenue le procès des musulmans. Un procès largement médiatisé qui laisse penser que l’islam est le cœur du problème et que les musulmans sont la source de l’antisémitisme en France. Quitte à frôler la diffamation et un racisme franchement assumé sur les Lecteur vidéo :plateaux de télévision.
Une critique des musulmans de France légitimée et renforcée
"Tu vas à la boulangerie pour t’acheter du pain et on te demande si tu es contre le Hamas, pour Gaza ou Israël. C’est pesant« , explique Asma, 37 ans, une Française d’origine maghrébine. »L’air est irrespirable, on doit forcément donner son avis, même si on n’en a pas", raconte Farid, 56 ans, un Franco-Maghrébin.
Ce traitement médiatique n’est pas sans conséquence. Il implique coûte que coûte les Français dans ce conflit qui a pris une dimension militante.
Comme ces deux témoins, de nombreux Français musulmans ou d’origine arabe se sentent à nouveau surveillés. On attend d’eux une forme de désolidarisation du Hamas, par extension de tous les Palestiniens et donc un soutien affirmé d’Israël. Sous peine parfois d’être accusé de frôler l’antisémitisme s’ils se risquent, à l’inverse, à évoquer leur solidarité pour les victimes palestiniennes.
Karim Benzema en a déjà fait les frais dès le début du conflit en raison d’un simple tweet solidaire avec les victimes de Gaza. Plusieurs personnalités politiques ont appelé à le destituer de sa nationalité française, à lui retirer son ballon d’or ou encore l’ont accusé à faire partie des Frères musulmans.
Cette exigence de solidarité envers Israël ne demande pas seulement aux musulmans de France de s’excuser – ce qui est déjà hors propos – mais surtout d’arrêter d’exister.
Il n’y a pas de place pour la nuance. Les discours dénonçant les discriminations à l’égard des musulmans de France dans les médias sont tout simplement inexistants.
Ceux qui parviennent à prendre la parole sont tout de suite moqués ou mis de côté. Très peu de journalistes, chroniqueurs ou personnalités sont autorisés à nuancer le traitement médiatique du conflit israélo-palestinien ou de manière plus générale de la communauté musulmane.
Lorsqu’ils le font, c’est une bataille. On a pu le voir pour Karim Zeribi dans la vidéo au-dessus qui tente d’expliquer l’attitude raciste de son interlocuteur sur le plateau de Laurence Ferrari. Ou encore Lecteur vidéo :Gilles Verdez, qui doit rappeler les larmes aux yeux que les musulmans sont à bout et ne demandent qu’à vivre sereinement au sein de la société française.
La presse française est en proie à un musellement de plus en plus forcé. Le conflit israélo-palestinien n’est que la partie émergée de l’iceberg. Depuis le début du second mandat d’Emmanuel Macron, plusieurs médias dénoncent l’impossibilité de faire leur travail de manière impartiale sous peine de mesures judiciaires, de pertes financières ou de pressions variées.
Le 30 novembre, 80 médias et organisations de journalistes se réuniront pour "libérer l’information des pouvoirs politiques, des médias de la haine et des milliardaires".
Karim Zéribi : « Non, le conflit
israélo-palestinien n’est pas religieux
entre le judaïsme et l’islam ! »
Karim Zéribi, consultant dans les médias et ancien député européen, revient dans cet entretien sur la position de la France sur la guerre en Palestine, explique que le conflit israélo-palestinien n’est pas religieux, répond à ceux qui veulent une confrontation entre les juifs et les musulmans…
TSA. Est-ce que ce qui se passe en Palestine est une guerre des religions comme le soutiennent Israël et ses partisans notamment en France ?
Karim Zéribi. Non, ce conflit n’est pas un conflit religieux mais bel et bien un conflit politique et plus précisément un conflit territorial.
La question israélo-palestinienne doit être analysée avec un spectre géopolitique plus large car le Proche-Orient est un sujet d’instrumentalisation politique incluant des puissances extérieures au conflit.
Ainsi, les États-Unis, l’Arabie saoudite, l’Iran et la Russie utilisent ce conflit depuis des décennies pour positionner leurs intérêts et mettre en place des rapports de force qui dépassent le seul destin des peuples palestinien et israélien.
Pour répondre précisément à votre question, je dirai que l’extrême-droite israélienne et française ont intérêt à transformer ce conflit en guerre de civilisations, reprenant ainsi la théorie de l’auteur américain Samuel P. Huntington qui a développé cette thèse dans son ouvrage intitulé « Le choc des civilisations » (The Clash of Civilizations and the Remaking of World Order) publié en 1996.
La volonté des extrémistes consiste à faire croire qu’il s’agit d’une guerre entre la civilisation occidentale judéo-chrétienne représentant le camp du bien contre la civilisation islamique représentée par les pays arabo-musulmans, qu’ils veulent réduire au terrorisme, et qui incarnerait ainsi le camp du mal.
Cette approche est grotesque, caricaturale et dangereuse car elle est synonyme de guerre à l’échelle mondiale.
TSA. Pourquoi ?
Karim Zéribi : Il est aisé de démontrer que cette théorie est fallacieuse et infondée car de très nombreux pays dans le monde, qui n’ont rien à voir avec l’Islam, se mobilisent et sont scandalisés par l’offensive militaire disproportionnée de l’armée israélienne qui massacre des civils palestiniens par milliers à Gaza où la moitié des victimes sont des femmes et des enfants selon MSF (Médecins sans frontières) et d’autres ONG qui ne sont pas dans la propagande.
L’attaque odieuse du 7 octobre sur des civils israéliens ne permet pas tout. On ne combat pas la barbarie par le massacre, c’est le message de millions de voix dans le monde aujourd’hui avec des manifestations géantes à Londres, en Belgique, en Espagne mais également en Bolivie, Colombie, aux États-Unis, au Canada, en Turquie, en Afrique ou en Asie.
« Non ce n’est pas un conflit religieux, c’est un conflit politique, territorial »
Les opinions publiques s’insurgent et s’indignent à l’échelle planétaire car ils constatent un bafouement total du droit international corrélé d’une politique meurtrière envers des civils, femmes et enfants pour la plupart, à laquelle il faut ajouter le projet de déplacement de centaines de milliers de Palestiniens vers des camps en Égypte où en Jordanie.
Cette stratégie est qualifiée par des responsables onusiens d’épuration ethnique de gaza. Non, ce n’est pas un conflit religieux, c’est un conflit politique, territorial, qui mobilise de par le monde des millions de femmes et d’hommes de toutes nationalités, de toutes origines et de toutes les croyances. Ce conflit est à visée universelle car il porte d’abord et avant tout sur l’idée que l’on se fait de l’humanité envers un peuple opprimé.
TSA. Il n’y a pas que les pays musulmans qui dénoncent les bombardements israéliens contre Gaza. De nombreuses voix dans le monde, en Europe, en Amérique et en Asie ont condamné l’agression israélienne. Comment l’expliquez-vous?
Karim Zéribi. Le monde entier est horrifié par ce massacre à l’encontre des populations civiles perpétré par un État qui tue des innocents par milliers au prétexte de mener une guerre au terrorisme.
Tous les êtres humains qui aspirent à la justice, au respect du droit international, aux droits humains les plus élémentaires sont bouleversés par le sort réservé aux Palestiniens, et ce, sans distinction d’origine, de nationalité, de couleur de peau ou de religion.
Partout dans le monde des voix s’élèvent pour dire stop ! Combattre un mouvement terroriste n’autorise pas à éradiquer un peuple qui subit l’oppression, la colonisation de ses terres, l’expropriation de ses foyers, un blocus depuis 15 ans faisant de gaza une prison à ciel ouvert…
Où va le monde si l’on accepte de faire payer les actes ignobles du Hamas sur des civils israéliens à tout un peuple Palestinien victime et innocent ?
Les parlementaires irlandais disent non, les ministres espagnols disent non, les syndicats belges disent non, les dirigeants politiques d’Amérique du Sud disent non!
Aucune de ces voix n’est musulmane donc cessons d’instrumentaliser ce conflit en guerre de religions ! Plus de 120 pays de toutes obédiences religieuses ont appelé à un cessez-le-feu immédiat au sein de l’assemblée de l’ONU. Ce conflit dépasse largement la communauté musulmane à l’échelle de la planète.
« Cessons d’instrumentaliser ce conflit
en guerre de religions ! »
J’ajoute qu’une tribune vient d’être co-signée par 85 personnalités de confessions juives en France pour dire leur indignation à la riposte totalement disproportionnée de l’armée israélienne.
Non il faut le dire et le répéter : ce conflit n’est pas un conflit religieux entre le judaïsme et l’islam, il n’incarne aucunement la guerre de civilisations que certains appellent de leurs vœux.
Il s’agit surtout et avant tout de notre conception de l’humanité basée sur la justice, sur la protection des populations civiles innocentes et sur le droit à l’autodétermination des peuples contre l’occupation.
Il faut revenir à l’application immédiate de la résolution 242 du Conseil de sécurité des Nations unies sur la base des frontières de 1967 avec deux États vivant en sécurité.
C’est le meilleur moyen d’éradiquer le terrorisme qui prend racine dans la souffrance, la désespérance, l’humiliation de générations qui n’ont connu que l’oppression et l’occupation.
TSA. Pourquoi les pro-Israéliens et l’extrême droite veulent opposer les juifs aux musulmans ? Est-ce qu’il n’y a pas un risque sur la cohésion nationale en France, un pays qui compte de fortes communautés juive et musulmane ?
Karim Zéribi : Ce risque de fracturation de la société française existe et certains attisent la haine. C’est un piège à éviter si l’on veut garantir la cohésion nationale en France.
Ce conflit est déjà importé sur le sol français du point de vue des sensibilités des uns et des autres par-delà les communautés juives et musulmanes mais il doit rester sur le terrain de la confrontation politique, sur le terrain des idées, des arguments et ne jamais dériver vers la violence physique ou verbale.
Les premiers pyromanes sont ceux qui essentialisent leurs analyses en laissant entendre que l’antisémitisme proviendrait d’une présence trop importante en France de Français de confession musulmane.
C’est gravissime de porter une telle accusation car l’immense majorité des Français de confession musulmane vit paisiblement, sans poser aucun problème et en respect total des valeurs républicaines et des principes de laïcité en France.
D’ailleurs beaucoup de Français de confessions juive et musulmane vivent ensemble, commercent ensemble, se fréquentent, sont amis d’enfance.
Il y a certainement des minorités négatives porteuses de paroles ou de comportements condamnables mais ceux-là ne représentent aucunement les Français de confession musulmane qui en ont assez d’être montrés du doigt en permanence dans une société française qui cherche sans cesse des boucs émissaires à son incapacité à traiter des problématiques politiques de fond qui n’ont rien à voir avec les musulmans de France en réalité.
« Les tirailleurs musulmans ont aidé à libérer la France de l’occupation nazie »
Je rappelle au passage que durant la terrible période de la Seconde guerre mondiale 1939-1945, ce ne sont pas les musulmans qui ont collaboré avec les nazis.
Les tirailleurs musulmans ont aidé à libérer la France de l’occupation nazie, il est bon de rafraîchir la mémoire de certains. J’ajoute que durant cette période sombre de l’histoire, la Grande Mosquée de Paris, qui est de sensibilité algérienne, a caché des juifs durant les rafles honteuses autorisées et encadrées par les Pétainistes que monsieur Eric Zemmour veut honorer aujourd’hui donc cessons d’instrumentaliser les consciences.
Manifester pour la cause palestinienne, critiquer le gouvernement israélien de Benyamin Netanyahou ne font pas de vous un antisémite.
En revanche, s’il y a des actes contre les juifs de France, je le dis sans détour, il faut être ferme et faire tomber des sanctions lourdes car cela est inacceptable tout comme l’islamophobie envers les musulmans et le racisme anti-français qui peut découler de comportements indignes sur notre sol.
Je ne le répéterai jamais assez, toutes violences physiques ou verbales envers quiconque nuisent à la cause palestinienne et à la paix car il va bien falloir revenir au plus vite à un processus de discussion pour obtenir un État palestinien qui est la seule garantie d’une sécurité durable pour Israël.
TSA. Comment trouvez-vous l’évolution de la position française après près de 10 000 morts à Gaza ?
Karim Zéribi. Je suis déçu de la position française depuis le 7 octobre dernier jusqu’à ce jour car elle n’est pas à la hauteur des enjeux.
Nous avons tous été pris d’émotion et de stupeur suite à l’attaque d’une violence inouïe de la part du Hamas sur des populations civiles israéliennes.
J’ai dit moi-même qu’une attaque de ce type relevait du terrorisme et non d’une stratégie de résistance du peuple palestinien à laquelle je crois si elle épargne les populations civiles israéliennes et si elle vise les cibles militaires de l’occupant.
J’assume mon propos car la résistance palestinienne est une cause trop noble à mes yeux pour verser dans la barbarie à l’encontre de populations civiles désarmées, femmes et enfants de surcroît.
« Je suis déçu par la position de la France »
La France a partagé l’émotion générale le 7 octobre et c’est bien normal. En revanche, un grand pays se distingue par sa capacité à voir au-delà de l’instant présent et à anticiper sur les événements à venir.
La France a apporté un soutien inconditionnel au gouvernement israélien, or ce fut une erreur car le soutien à la population israélienne oui, le soutien à la riposte disproportionnée du gouvernement de Netanyahou non !
Le Général de Gaulle portait une voix forte, indépendante et juste de la France dans le monde. Il avait impulsé une politique arabe de la France qui consistait à se démarquer des États-Unis et à faire preuve de justice et de justesse dans la vision française.
J’aurais apprécié que des voix politiques françaises s’élèvent pour condamner fermement le 7 octobre mais pour affirmer immédiatement derrière qu’il ne peut être toléré que le peuple palestinien soit victime d’une riposte synonyme d’un massacre soutenu par la France et la communauté internationale.
J’aurais aimé que la voix de la France soit une voix d’équilibre, de nuance, de discernement, de justice, capable de proposer une lutte ciblée contre le terrorisme tout en relançant un processus de discussion vers la paix et la création d’un État palestinien.
Malheureusement, la France recule dans le monde arabe, elle recule en Afrique et sa voix n’est pas aussi puissante que nous le voudrions à l’échelle européenne également.
J’en suis triste mais je veux garder une once d’optimisme malgré tout car lorsque j’entends un homme comme Dominique De Villepin (ancien Premier ministre de Jacques Chirac), je veux croire que la posture gaullienne de la France n’a pas complètement disparu.
Il faut que la France retrouve le chemin de l’audace, du courage et défende avec conviction ses valeurs universalistes.
INTERVIEW. Dans « Le Petit Blond de la Casbah », le cinéaste de 76 ans évoque sa famille qui vivait en Algérie dans le bonheur et l’insouciance jusqu’à la guerre d’indépendance.
ingt ans après la publication de son livre, Le Petit Blond de la Casbah, dans lequel il évoquait son enfance à Alger, dans les années 1950, et sa passion pour le cinéma, Alexandre Arcady l'adapte au grand écran. Émouvant et nostalgique, c'est un film en famille, tourné avec ses deux frères et son fils Alexandre Aja. C'est également un film de famille puisqu'il met en scène sa mère, la douce Driffa (jouée par Marie Gillain), son père, ancien légionnaire (Christian Berkel), ses quatre frères, son double enfant dans la peau d'Antoine (le jeune Léo Campion) son oncle Coco, le souteneur gominé (Dany Brillant), Tonton Jacob, le génial inventeur (Pascal Elbé) et sa femme Blanche, la coquette (Judith El Zein), sa grand-mère, l'énorme Lisa (jouée par Jean Benguigui), sa voisine Josette (Iman Perez et Valérie Kaprisky) et sa mère cartomancienne (Rona Hartner). Une joyeuse troupe qui vit dans l'insouciance jusqu'au chaos de la guerre d'indépendance.
Comédie dramatique qui évoque en filigrane la diversité et l'harmonie entre juifs, musulmans et catholiques, Le Petit Blond de la Casbah prend une dimension particulière au moment de la guerre tragique entre Israël et le Hamas, et relève pour son auteur d'un paradis perdu.
Le Point : Pourquoi avez-vous décidé d'adapter votre livre au cinéma ?
Alexandre Arcady : J'ai écrit ce livre il y a vingt ans, après avoir présenté, à Alger, Là-bas mon pays, film qui racontait le retour d'un journaliste pied-noir trente ans après l'indépendance du pays. Je suis rentré à Paris très ému par ce voyage, et l'éditeur Olivier Orban m'a dit : « Pourquoi ne racontes-tu pas ton enfance là-bas pour expliquer l'homme que tu es devenu ? » Il m'a convaincu et je me suis lancé alors dans l'écriture sans penser qu'un jour, j'en ferai un film parce qu'il me semblait inimaginable de ressusciter toute ma famille, mes parents, mes oncles, mes proches. Tout est resté en plan jusqu'au confinement où me sont revenus les bruits et les souvenirs de mon enfance dans l'appartement de mes parents. Je me suis mis à écrire le scénario en reprenant le thème du livre qui suit un cinéaste retournant à Alger présenter son film et qui y retrouve ce petit blond de la Casbah qu'il était.
Il y a beaucoup de nostalgie, d'émotion dans votre film. Comme l'impression d'un paradis perdu ?
Oui, parce que j'ai eu une enfance merveilleuse, ensoleillée. Comment ne pas être heureux dans un pays comme celui-là où tout nous était donné à profusion, comme disait Camus. Même si la guerre était à la porte de mon immeuble, il y avait ce qu'on appelle communément un « vivre-ensemble » qui nous semblait si naturel.
En gardez-vous des souvenirs douloureux ?
Non, j'ai tourné ce film dans l'émotion et le bonheur, pas la tristesse. Vous savez, ce n'est pas donné à beaucoup de monde de retrouver son enfance, son passé grâce à des acteurs magnifiques, à des décors et des costumes d'époque. C'est beau et compliqué. Il y a beaucoup de scènes fortes, notamment lorsqu'Antoine, le petit blond [joué par Léo Campion, découvert dans Le Temps des secrets de Christophe Barratier, NDLR], offre un portefeuille à son père ou lors du départ de toute la famille, en 1962, dans le port d'Alger. Réaliser un film sur son enfance est une expérience unique. Beaucoup de réalisateurs le font : Alfonso Cuaron avec le magnifique Roma ou encore Steven Spielberg avec The Fabelmans. Moi, je me sens plus proche de Cinema Paradiso, qui raconte la passion d'un petit garçon pour le cinéma de son village sicilien.
Comment se passait à l'époque la cohabitation entre juifs et musulmans ?
Chez nous, il y avait quelque chose de très important, c'est que les portes des appartements étaient ouvertes tout le temps. Les gamins, musulmans, juifs, cathos allaient et venaient en toute liberté et les adultes suivaient. Il y avait à la fois du respect et de la connivence. Et quand j'ai présenté Là-bas mon pays en Algérie, je me souviens qu'un Algérien m'a dit : « En 1962, vous pleuriez sur le bateau qui quittait le port d'Alger et nous pleurions aussi le départ de nos amis, de nos voisins, de nos compagnons de travail. » Cela voulait dire que la rupture était des deux côtés.
Où avez-vous trouvé ce petit immeuble où cohabitent les familles ?
En Tunisie, où j'ai eu la chance de trouver le décor extraordinaire d'un immeuble qui ressemblait à s'y méprendre au mien, celui du 7, rue du Lézard, avec ses coursives, ses ouvertures, son escalier, ses paliers ouverts sur une cour. À Alger, j'ai tourné les extérieurs parce qu'il me semblait important de montrer la ville aujourd'hui.
Justement, quel est votre sentiment sur l'Algérie qui traverse une grave crise économique et connaît le chômage de masse ?
Ce qui me frappe, c'est le grand décalage entre le pouvoir et la population. D'un côté, une jeunesse avide de vivre, de s'en sortir, et de l'autre un pouvoir assez figé. Mon film, Ce que le jour doit à la nuit, adapté du roman de Yasmina Khadra, qui évoque la douleur d'un peuple, ses idéaux, ses espoirs, a été téléchargé cinq millions de fois. Je crois – et beaucoup de Franco-Algériens me l'ont dit – qu'ils avaient besoin d'apercevoir et de comprendre une page d'histoire qu'ils ne connaissaient pas parce qu'elle avait été effacée. Ce film-là et Le Petit Blond de la Casbah parlent au fond de la même chose : la coexistence. Et il est bon de restituer cette époque assez étonnante par le cinéma et par la littérature.
Avez-vous l'impression aujourd'hui d'avoir bouclé la boucle avec l'Algérie ?
Oui, même si Le Petit Blond de la Casbah aurait dû être mon premier film et pas Le Coup de sirocco. Mais j'étais jeune, à peine 33 ans, et pas encore assez mûr pour raconter mon enfance et ma famille. Je n'ai pas voulu trop m'exposer.
Pourtant, vous préparez un film surL'Étranger d'Albert Camus qui se déroule à Alger…
Le scénario est déjà bouclé et adapté du livre passionnant d'une universitaire américaine, Alice Kaplan, En quête de L'Étranger (Gallimard), qui suit l'écrivain dans la conception de son livre à partir de ses propres expériences.
Peut-on dire que votre film est une sorte d'appel à la coexistence, au vivre-ensemble ?
À chacun de l'interpréter. En tout cas, c'était ma réalité quand j'étais enfant en Algérie. Aujourd'hui, c'est une forme d'utopie alors que la guerre fait rage au Proche-Orient et en Ukraine. Dans mon film, je ne fais que décrire ce que j'ai vécu, sans enjoliver les choses. Et voilà, on a perdu cette innocence, malheureusement.
Le Petit Blond de la Casbah, en salle le 18 novembre.
Robert Goddard est de retour avec un roman dans lequel il est encore une fois question de secrets de famille, mais aussi d’histoire contemporaine. Un thriller palpitant qui va nous faire voyager à travers le temps, en Angleterre, mais également en France et en Algérie.
Le 17 octobre 1961, des centaines d’Algériens sont assassinés par les forces de l’ordre à Paris. Alors qu’il vient d’arriver de Londres, un jeune britannique, Nigel Dalby, assiste à ce massacre sans vraiment comprendre ce qui se joue devant ses yeux.
Quelques années plus tard, Nigel est de retour à Paris pour retrouver sa jeune fiancée, Harriet, employée sur le tournage du film de Jacques Tati, Playtime, comme figurante. Sur le plateau, le jeune couple fait la connaissance de Wassim Zarbi, un Algérien membre du FLNC. Ce dernier va convaincre Nigel de lui rendre un petit service pour une opération des plus secrètes.
De nos jours, enfin, dans un cottage du Hampshire, Suzette Dalby, La fille de Nigel, rend une visite à Stephan, le frère de Harriet, disparue dans des conditions étranges en 1965. Elle vient lui annoncer qu’elle a reçu de la part d’un mystérieux contact, l’extrait d’un manuscrit contenant la confession de son père, mort assassiné 20 ans plus tôt, et dans lequel est expliquée la disparition de Harriet. Ces pages ont elles été vraiment écrites par son père ou bien est-ce un faux ?
Avec ce nouveau roman, Robert Goddard nous offre un récit foisonnant, un thriller politique et historique dans lequel se mêlent fiction et réalité et où il sera question de rancune, de vengeance mais aussi de justice et de rédemption… pour le plus grand plaisir du lecteur.
Pour composer son histoire, l’auteur de L’héritage Davenall nous entraîne sur trois niveaux de temporalité : les années 60, les années 90, et aujourd’hui. Il nous plonge, au fil des pages, dans l’histoire tourmentée des relations franco-algériennes, depuis la guerre d’Algérie, dont certaines cicatrices ne se sont toujours pas refermées. Il rappelle à notre mémoire la « décennie noire » de ce pays, ces années de plomb durant lesquelles se multipliaient les actes terroristes et les assassinats.
Avec un sens aiguisé de la dramaturgie, une capacité à composer une histoire complexe, aux ramifications multiples, dans laquelle évolue de nombreux personnages (au point, par moment, que l’on s’y perde un peu dans tout ce petit monde), Robert Goddard nous propose un ouvrage aussi dense que passionnant, habilement construit, et richement documenté.
Près de 450 pages ponctuées de rebondissement multiples, pour remonter le cours du temps et suivre la destinée de personnages pris dans la tourmente de l’Histoire. Du Robert Godard de haut volée !
Benoit RICHARD
Les dernières pages Roman de Robert Goddard Traduit par Jean Demanuelli 456 pages – 24,50€ Date de parution : 12 octobre 2023
"Je raconte une Algérie où il faisait bon vivre ensemble malgré la guerre qui frappait à la porte"
Réalisateur de succès des années 1980 comme "Le grand pardon" ou "L'union sacrée", Alexandre Arcady ranime la mémoire perdue des juifs d'Alger dans "Le Petit Blond de la Casbah", en salles le 15 novembre, un film autobiographique et pittoresque sur son enfance dans la Casbah.
Six décennies séparent le réalisateur qui reçoit dans un confortable bureau à deux pas des Champs-Elysées, et le gamin juif de la rue du Lézard, son paradis perdu.
Une enfance dans son souvenir "lumineuse" et populaire, entourée de personnages hauts en couleur, de toutes confessions et de toutes origines, où le regard insouciant d'un enfant peut à peine distinguer l'injustice de la colonisation - présente en arrière-fond dans le film. Jusqu'à ce que la guerre déchire la carte postale. Dans le fracas de l'indépendance, la famille Arcady, comme l'essentiel de la communauté juive d'Algérie présente depuis des siècles, part en catastrophe pour la métropole.
"Ce film était une promesse faite à 13 ans à ma mère. En se tournant vers nous, sur le bateau qui quittait l'Algérie, les larmes aux yeux, elle nous a dit 'j'ai oublié les photos (de famille) dans le buffet'", raconte le réalisateur. "C'est pas grave maman, je te les ramènerai ces photos", lui répond-il.
Un film touchant, car il parvient à transmettre l’amour pour un pays et une époque, celle de l’Algérie où le vivre-ensemble prévalait. On apprécie la façon dont il saisit la passion pour le cinéma, où le cinéclub est la messe des cinéphiles.
Le film illustre comment la passion pour l’art peut transformer une personne et changer la perspective des autres sur le monde. C’est une déclaration d’amour envers un pays qui a contribué à façonner l’individu d’aujourd’hui, tout en constituant un récit émouvant sur les Français déracinés.
À travers des citations visuelles, des extraits de films on revoit l’histoire du cinéma, des grands classiques comme film Zazie dans le métro et Babette s’en va-t-en guerre. Des films montrant l’histoire, des héros et des modèles de pensée, dont le cinéphile va peu à peu construire son monde intérieur pour fuir la noirceur du quotidien compliqué et remplit de paradoxe.
Un casting parfait
Marie Gillain est incroyable et confirme le vrai retour au cinéma en tant que mère devant gérer une grande famille. Léon Campion est la révélation de ce film, tant par la justesse de son rôle, mais aussi pour sa présence à l’écran.
Il y a aussi ce personnage d’ancien légionnaire incarné par Christian Berkel. Son personnage de chef de famille rappelle à quel point la légion étrangère est un monde régit par un code d’honneur. Il est basé sur des valeurs telles que la loyauté, le sacrifice, la discipline et la camaraderie. Les légionnaires s’engagent à servir avec honneur et fidélité, prêts à donner leur vie pour la Légion. Ils font vœu de ne jamais abandonner un camarade au combat et de ne jamais reculer, même face à une mort certaine. La discipline est essentielle, avec un respect strict de la hiérarchie et des ordres. La camaraderie est une valeur fondamentale, où chaque légionnaire est le frère d’arme de l’autre, quelles que soient leurs origines. C’est un code exigeant qui incarne le dévouement total au service, la solidarité et l’intégrité, faisant de la Légion étrangère l’une des unités militaires les plus respectées au monde.
Le contexte politique et social du film
Les Juifs d’Algérie ont vécu une période de profonds bouleversements avec la guerre d’indépendance qui a éclaté en 1954. Avant cela, la communauté juive d’Algérie avait des liens historiques profonds avec le pays, ayant vécu en harmonie avec les musulmans et les Européens. Cependant, la guerre d’indépendance a entraîné des tensions croissantes, des violences et des actes antisémites, poussant de nombreux Juifs à quitter le pays pour échapper à cette situation.
Le film fait la différence entre les Algériens et les Algérois. Elle réside dans la perspective géographique. « Algérien » se réfère à une personne originaire de l’Algérie, quelle que soit la région du pays. En revanche, « Algérois » fait référence aux habitants d’Alger, la capitale de l’Algérie. Cette distinction souligne la diversité culturelle du pays, avec différentes régions et une variété de cultures et de coutumes.
La guerre d’indépendance a également eu un impact sur l’identité des Algériens et des Algérois, marquant un tournant historique dans leur histoire collective. Les Juifs, en tant que composante importante de la société algérienne, ont été profondément touchés par ces événements, marquant la fin d’une époque d’harmonie intercommunautaire et le début d’une nouvelle ère pour le pays et ses habitants. Le film met en avant ce désarroi et cette éternelle question « On vivait bien comment on en est arrivé là », poussant des familles à fuir un pays qui était leur, qui les a vu grandir sur plusieurs générations.
Un presque documentaire d’une fracture identitaire
L’exode des Juifs d’Algérie a engendré un profond déracinement et une fracture identitaire au sein de cette communauté. Pour de nombreuses familles, quitter un pays où elles avaient vécu depuis des générations a créé un déchirement douloureux, les privant de leurs attaches culturelles, de leurs traditions et de leur histoire. Cette perte de repères a alimenté un sentiment de déracinement, les laissant dans une quête perpétuelle de leur identité, partagés entre leur héritage algérien et le besoin de s’intégrer dans leur nouveau pays d’accueil.
Cette fracture identitaire, provoquée par l’exil forcé, a laissé des cicatrices profondes dans le tissu social et psychologique de cette communauté, tout en témoignant des bouleversements historiques et culturels de l’époque. En regardant ce film, on en ressort grandi, car même si la nouvelle génération n’a pas vécu directement cela, on comprend mieux les conséquences du déracinement et ce malêtre de certains anciens.
Les actions du mouvement Boycott, Désinvestissement, Sanctions, dont la légalité vient d’être reconnue en France par la Cour de cassation, trouvent un écho de plus en plus grand auprès de la société civile alors qu’Israël est accusé de crimes.
La grande chaîne française de supermarchés Carrefour est la cible d’une campagne de boycott en France et à l’international depuis la publication par sa franchise israélienne, le 10 octobre dernier, au troisième jour de la guerre israélo-palestinienne, d’un post sur Instagram montrant des employés affairés dans la préparation de colis alimentaires pour l’armée israélienne.
Cette image ainsi qu’une autre de soldats récupérant des sacs remplis de nourriture ont fait le tour des réseaux sociaux, comptabilisant des centaines de milliers de vues et suscitant de vives condamnations.
France: L’ombre des essais nucléaires français, menés entre 1960 et 1996 en Algérie et en Polynésie, plane toujours sur les victimes et leurs familles. Au cœur de cette tragédie persistante se trouve un épisode judiciaire récent, révélant les difficultés auxquelles sont confrontées les victimes dans leur quête de reconnaissance et de réparation. Cet article plonge dans les méandres de cette histoire complexe, exposant une France qui semble esquiver ses responsabilités morales et éthiques.
Essais Nucléaires et Justice : Un Système Controversé
La France a longtemps été critiquée pour les conséquences dévastatrices de ses essais nucléaires. L’émission de radiations nocives, que ce soit dans le Sahara algérien ou dans les atolls polynésiens, a laissé un lourd tribut sur la santé des populations locales. Alors que le monde évolue vers une prise de conscience accrue des méfaits passés, la France semble rester réticente à assumer pleinement la responsabilité de ses actes.
Verdict de Strasbourg : Un Rejet qui Fait Débat
Le 10 novembre dernier, le tribunal administratif de Strasbourg a rendu un verdict qui a secoué les familles des victimes. Trois veuves et leurs enfants, cherchant une reconnaissance de leur préjudice propre, ont vu leurs demandes d’indemnisation rejetées. Ce verdict, basé sur la prescription, soulève des questions sur la validité du système judiciaire en place.
La Loi Morin : Entre Espoir et Désillusion
La loi Morin, censée réguler les indemnisations liées aux maladies provoquées par les essais nucléaires, est devenue un sujet de discorde. Entre 2010 et 2020, le Comité d’indemnisation des victimes des essais nucléaires (Civen) a enregistré 1 747 dossiers. Cependant, la loi semble insuffisante pour aborder pleinement les préjudices moraux et matériels subis par les proches des victimes.
L’argument de la prescription légale, invoqué par le tribunal pour rejeter les demandes d’indemnisation, suscite des débats passionnés. Me Cécile Labrunie, avocate des familles, conteste le point de départ de la prescription, soutenant que la reconnaissance en tant qu’ayants droit aurait dû marquer le début du délai. Cette bataille juridique souligne les lacunes du système existant.
Les familles des victimes demeurent résolues dans leur quête de justice. L’échec de cette démarche judiciaire révèle un besoin urgent de réforme du système d’indemnisation pour garantir une prise en compte complète des souffrances endurées par les proches des victimes.
L’Éthique et la Morale : La France Face à ses Responsabilités
Au-delà des débats juridiques, la France est confrontée à une question cruciale sur le plan moral et éthique. Éviter de reconnaître pleinement les conséquences de ses essais nucléaires semble être une fuite de responsabilité envers ceux qui ont subi les retombées de ces actes. Les critiques soulignent que l’aspect moral ne peut pas toujours être éludé derrière des procédures juridiques.
Me Labrunie, représentante des familles, a annoncé que l’appel serait déposé, soulignant que « le combat ne fait que commencer ». Cela met également en lumière la nécessité d’une réforme législative approfondie pour garantir une indemnisation équitable et complète des victimes des essais nucléaires.
Plongée Historique : Les Essais Nucléaires en Algérie
Pour saisir pleinement l’impact des essais nucléaires en Algérie, il est impératif de revisiter l’histoire de ces événements tragiques. Entre 1960 et 1966, la France a conduit une série d’essais nucléaires dans le Sahara algérien. Ces explosions, supposées rester secrètes, ont en réalité exposé des milliers de personnes aux radiations nocives.
Le Sahara, alors colonie française, est devenu le théâtre de tests nucléaires, transformant la région en un terrain de désolation radioactive. Les retombées radioactives ont contaminé l’air, le sol et l’eau, laissant un héritage toxique qui perdure jusqu’à aujourd’hui. Les conséquences sur la santé des populations locales sont dévastatrices, avec des taux élevés de cancers et de malformations congénitales.
Algérie : Les Effets à Long Terme des Essais Nucléaires
Les conséquences à long terme des essais nucléaires en Algérie sont profondément ancrées dans la réalité quotidienne. Les communautés locales continuent de souffrir des effets dévastateurs sur la santé et l’environnement. Les terres, autrefois fertiles, sont devenues stériles, impropres à toute forme de vie.
Les taux de cancer ont augmenté de manière alarmante, touchant toutes les tranches d’âge de la population. Les chercheurs indiquent également une augmentation des maladies génétiques transmises de génération en génération. Les effets sur la faune et la flore locales sont tout aussi dramatiques, avec des espèces en voie de disparition et des écosystèmes détruits.
Polynésie Française : Des Atolls Meurtris par les Essais
Les essais nucléaires dans les atolls polynésiens de Mururoa et Fangataufa ont créé une autre tragédie environnementale. Entre 1966 et 1996, la France a mené 193 essais nucléaires dans cette région éloignée du Pacifique. Les retombées radioactives ont affecté non seulement les habitants locaux mais aussi l’écosystème marin qui entoure ces atolls.
Les conséquences sur la santé des Polynésiens sont palpables, avec des taux élevés de cancers et de maladies thyroïdiennes. Les retombées radioactives dans l’océan ont eu des effets dévastateurs sur la vie marine, provoquant des mutations génétiques et la disparition de nombreuses espèces. Les conséquences sociales et économiques persistent, créant un fardeau intergénérationnel pour les habitants de la Polynésie française.
Le Silence Brisé : Témoignages des Victimes
Au-delà des chiffres et des statistiques, ce sont les témoignages poignants des survivants et des familles qui donnent une voix humaine aux conséquences des essais nucléaires. Des récits de vies bouleversées, de pertes insensées et de souffrances indicibles émergent, brisant le silence qui a trop longtemps entouré ces tragédies.
Les survivants, souvent marginalisés et oubliés, cherchent simplement une reconnaissance de leurs souffrances et de la responsabilité de ceux qui ont orchestré ces expérimentations nucléaires. Les enfants de ces victimes, porteurs de l’héritage douloureux de leurs parents, réclament justice et réparation pour les préjudices subis.
La France face à ses Responsabilités Historiques
La question fondamentale qui persiste est de savoir si la France est prête à assumer pleinement ses responsabilités historiques. Alors que d’autres nations reconnaissent et s’excusent pour les torts passés, la France semble traîner les pieds dans la reconnaissance totale de l’impact de ses essais nucléaires.
La responsabilité morale et éthique ne peut être écartée par des considérations juridiques. Reconnaître le préjudice infligé aux populations algériennes et polynésiennes va au-delà de la simple compensation financière. Cela nécessite un acte de contrition, une reconnaissance profonde des erreurs passées et un engagement envers un avenir plus juste et éthique.
Réforme Législative : Vers une Indemnisation Équitable
La nécessité d’une réforme législative dans le traitement des conséquences des essais nucléaires est plus urgente que jamais. La France doit repenser son approche de l’indemnisation, en garantissant que les victimes, directes ou indirectes, reçoivent une réparation juste et équitable.
Cela implique de réévaluer la loi Morin pour la rendre plus inclusive, reconnaissant pleinement les préjudices moraux et matériels des proches des victimes. Il est également crucial d’établir un processus d’indemnisation transparent et accessible, éliminant les barrières bureaucratiques qui ont entravé la justice dans de nombreux cas.
Conclusion
En conclusion, les essais nucléaires français en Algérie et en Polynésie représentent une tache sombre sur l’histoire de la France. Alors que le monde évolue vers une compréhension plus profonde des conséquences de ces expériences, la France est confrontée à un choix crucial. Assumer ses responsabilités, morales et éthiques, ou continuer à fuir les ombres du passé.
La récente décision du tribunal de Strasbourg ne fait que renforcer la nécessité d’une réforme profonde et d’une introspection nationale. Les victimes et leurs familles méritent plus que des rejets juridiques basés sur des procédures dépassées. Elles méritent la reconnaissance, la justice et la réparation.
La France a l’occasion de rectifier les erreurs du passé, de reconnaître la douleur infligée à ces communautés et de s’engager envers un avenir où de tels actes ne se reproduiront plus. L’histoire jugera la France non seulement sur ses actions passées mais aussi sur la manière dont elle répond aux défis éthiques et moraux d’aujourd’hui. La balle est dans le camp de la France, et le monde attend de voir si elle choisira la voie de la justice et de la rédemption.
n livre sur à la guerre d'Algérie fait écho à la mort d'un appelé de Loudéac (Côtes-d'Armor) en 1961. Son régiment avait été le fer de lance du putsch des généraux d'Alger.
Vers 14 h ce 2 avril 1961, dimanche de Pâques, André Dupland, jeune « para » natif de Loudéac (Côtes-d’Armor), est frappé d’une balle en pleine poitrine. Pris avec ses camarades dans une violente embuscade. C’était en Algérie, dans le djebel.
Il succombe quelques instants plus tard.
Son corps ne pourra être récupéré qu’à la tombée de la nuit, tant le feu de la poignée de moudjahidines qui les a accrochés – des hommes aguerris pour avoir servi en Indochine et pendant la Seconde Guerre mondiale – était nourri. Non loin de lui, un soldat est retrouvé « complètement hagard » mais toujours vivant, prostré des heures durant derrière un maigre caillou, seul rempart contre la mitraille.
« Il est mort comme un héros »
Dans la lettre qu’il adresse à ses parents pour leur annoncer la mort de leur fils, le commandant du régiment d’André Dupland, le 14e régiment de Chasseurs Parachutistes (RCP), dépeint le défunt comme « un combattant d’élite », un « exemple de courage et de sang froid ».
André Dupland avait 22 ans. C’était un simple appelé du contingent ; le fils de Gaston Dupland, né en 1892, retraité de l’armée, ancien combattant de 14-18, et de Germaine Férère. Ils habitaient à Très-le-Bois, à Loudéac.
« Il est mort comme un héros, face au danger, sans une plainte, sans un mot ». Et son sacrifice, selon la formule consacrée, n’avait pas été inutile. « Sur son cercueil, j’ai épinglé la Médaille militaire et la Croix de la Valeur militaire », écrit le commandant du 14e RCP, bien conscient que « ces distinctions ne pourront certes pas atténuer votre peine immense. »
Le ministre des Armées dissout son régiment
Dans un livre paru en juin 2023, Patrick-Charles Renaud retrace les « dernières heures » de ce Loudéacien « mort pour la France » en Algérie. Tombé cejour-là comme beaucoup d’autres camarades, dont des légionnaires venus à leur rescousse. Et aujourd’hui encore, on se demande bien pourquoi.
L’un des premiers à s’être posé la question n’est autre que le commandant du 14e RCP, le lieutenant-colonel Pierre Lecomte, le même qui a écrit aux parents d’André Dupland.
Jamais je ne pourrai admettre que mes gosses soient morts pour rien !
L’auteur de ce livre, lauréat de plusieurs prix, l’a rencontré, ce Pierre Lecomte. Bien longtemps après que celui-ci a épinglé, amer, les médailles sur les sept bérets posés sur les les sept cercueils de ceux qu’il appelait ses « gosses ».
Il avait bien averti l’aumônier de sa division, à l’époque : « Jamais je ne pourrai admettre que mes gosses soient morts pour rien ! »
De fait, il n’a pas admis.
Pourquoi, en effet, « la France » a-t-elle ordonné de telles opérations, inutilement risquées, « alors même que le général De Gaulle avait engagé le processus qui allait conduire à l’Indépendance de l’Algérie ? », se demande Patrick-Charles Renaud.
Deux semaines après la tragique vadrouille de ses « gosses » en territoire rebelle, le lieutenant-colonel Lecomte prenait part à la célèbre tentative de coup d’Etat d’avril 1961, dite « Putsch des Généraux d’Alger« . Le régiment de feu André Dupland en fut même « l’un des fers de lance« .
Huit ans de réclusion criminelle
A telle enseigne qu’après l’échec du putsch, le Ministre des Armées Pierre Messmer fit dissoudre le 14e RCP (ainsi que deux autres régiments impliqués). Quant à Pierre Lecomte, il fut condamné à huit ans de réclusion criminelle pour avoir « dirigé et organisé un mouvement insurrectionnel« .
Pour autant, Patrick-Charles Renaud souligne que « au sein de cette unité – et contrairement à tout ce qui a parfois été affirmé – plus de la moitié des cadres étaient contre le putsch ainsi que la grande majorité des appelés« , dont le 14e RCP était composé « à plus de 90 %« .
Des anonymes plongés dans une guerre qui, elle-même, depuis le début, refusait de dire son nom. « Outre des combats rudes et meurtriers livrés en Kabylie et dans les Aurès à la demande la France, les militaires du 14e RCP avaient été conduits à assurer, à trois reprises, le maintien de l’ordre en ville, à Alger. Une mission ingrate pour laquelle ils n’étaient pas préparés et qui a profondément marqué les esprits », indique Patrick-Charles Renaud.
« La complexité de donner un sens au combat »
L’auteur a lui-même perdu un oncle en Algérie, un parachutiste du 14e RCP également tué au combat. Son livre est le fruit de nombreuses années de recherches, émaillées de nombreuses interviews.
Il relate les derniers mois du régiment, de septembre 1959 à avril 1961 et détaille le déroulement d’un putsch très mal préparé.
« Ce n’est pas seulement un récit de guerre au sens strict. Il décrit aussi des situations ubuesques, tragiques, révoltantes parfois. Il s’efforce de démontrer la complexité à donner du sens à un combat ; le cheminement intellectuel et les événements qui ont mené des officiers disciplinés et brillants à se dresser contre l’autorité de l’État ».
Le cinquième et dernier Loudéacien tué en Algérie
Cinq Loudéaciens sont morts pour la France pendant la guerre d’Algérie. Chaque année, lors des commémorations du 5-décembre ou du 19-mars, leurs noms sont cités devant le monument de l’avenue des Combattants : Louis Collin, André Mahé, René Rouxel, Jean-Claude Le Denmat et donc, André Dupland.
Les parents d’André louaient, à Très-le-Bois, une maison où vit d’ailleurs actuellement Alphonsine Collin, la vaillante doyenne des Loudéaciens, qui aura bientôt 104 ans.
Ils ont eu neuf enfants dont deux sont encore vivants aujourd’hui.
L’une des sœurs d’André Dupland, Marcelle Corbel, a vécu à Loudéac jusqu’à son décès en février 2023. Elle avait pu communiquer, il y a quelques années de cela, des documents à l’auteur lorrain de Parachutistes du 14e RCP en Algérie, Patrick-Charles Renaud, dont la lettre du lieutenant-colonel Lecomte adressée aux parents pour annoncer la disparition de leur fils. La famille a conservé l’originale
Monique, la fille de Marcelle Corbel qui vit au Sourn (Morbihan), n’avait que six ans et demi lorsqu’on a rapatrié le corps de son oncle à Loudéac. Mais elle n’a jamais oublié « le grand choc que cela a été pour toute la famille ».
Michel, son frère qui vit aujourd’hui à La Motte, avait 14 ans lorsque le cercueil, drapé de tricolore, a été déposé par le camion du centre de dispersion de Nantes devant la mairie de Loudéac, le 10 mai 1961. « On a vécu des choses assez dures, raconte-t-il. Mes parents ont porté le deuil pendant presque deux ans« .
« Il faisait très froid »
Une chapelle ardente avait été dressée à l’étage de l’hôtel de ville et un autre frère d’André, Bernard, engagé dans l’armée comme son père Gaston, avait obtenu une permission pour venir saluer la dépouille mortelle d’André Dupland. Le maire de l’époque, le Dr Pierre Etienne, était présent parmi les nombreuses personnalités locales.
André a été enterré le 12 mai : la date est restée à jamais gravée dans la mémoire de Bernadette, 18 ans à l’époque, mais l’émotion est toujours palpable. En réprimant une larme, elle souffle : « Il faisait très froid… »
Parachutistes du 14e RCP en Algérie – Des doutes à la révolte – Septembre 1959 – Avril 1961, de Patrick-Charles Renaud est paru aux éditions Memorabilia. 34 €.
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