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Rédigé le 26/07/2024 à 22:55 dans Féminicides | Lien permanent | Commentaires (0)
S’il est délicat de réduire la place de la femme au Moyen-Orient aux mesures dictées par l’islam et les traditions, force est de constater que les sociétés de la région restent majoritairement guidées par des visions patriarcales. Pourtant, des avancées existent, des progrès ont été enregistrés dans la lutte contre les disparités, tandis que les Iraniennes se révoltent contre le port du voile, devenu symbole de l’oppression.
Le 16 septembre 2022, Mahsa Amini meurt dans un hôpital de Téhéran des suites des blessures infligées par la police des mœurs qui l’avait arrêtée trois jours plus tôt pour port inapproprié du voile islamique. La tragédie est le déclencheur en Iran d’un soulèvement majeur, notamment guidé par des femmes dans un pays où elles représentent la moitié de la population : 43,49 millions sur 87,92 millions en 2021 (au 1er juillet), selon l’ONU. Depuis, nombreuses sont celles qui refusent de porter tout type de tissu sur le visage ou les cheveux, défiant ainsi une obligation imposée par le régime né en 1979. Le cas iranien n’est pas isolé : mis à part le vent de révolution, les statistiques régionales donnent une tendance similaire dans la plupart des États du Moyen-Orient. Les femmes y sont nombreuses, éduquées, aspirant à travailler, à faire de la politique et, surtout, à avoir les mêmes droits que les hommes.
Une région en retard
Le Maghreb et le Machrek présentent de grandes différences, même s’ils sont unis en quelque sorte par la religion (l’islam) et une langue majoritaire (l’arabe) – Israël est ici exclu. Si la plupart des régimes en place reconnaissent l’islam comme religion d’État, la charia n’est pas toujours source de loi : la Tunisie reste laïque dans les pratiques et l’Arabie saoudite, régie par un pouvoir religieux omniprésent. Mais, dans les deux cas, les femmes sont à la fois très présentes (la moitié de la population nationale), alphabétisées (à plus de 70 %) et touchées par le chômage (au moins 20 %). D’autres critères interviennent pour révéler des disparités : les femmes sont plus sujettes aux problèmes de santé que les hommes, notamment l’obésité ; elles ont moins accès aux nouvelles technologies, comme Internet.
Le Moyen-Orient arabo-musulman se classe en queue du classement 2022 du Forum économique mondial sur les disparités entre sexes : sur 146 pays enregistrés, le premier de la région, les Émirats arabes unis, arrivent en 68e position, les autres restant en dessous de la 119e (Liban), tandis que les dernières sont occupées par l’Afghanistan (146e), l’Iran (143e), l’Algérie (140e), etc. (1). De même, selon l’Union interparlementaire, la moyenne de la représentation des femmes dans les Parlements du Maghreb et du Machrek atteint 16,9 % au 1er janvier 2022. C’est certes un bond important par rapport à 1995 (4,3 %), mais ce chiffre est le plus bas au niveau mondial (2). Et l’institution rappelle que la région a enregistré un recul de la présence des femmes dans les Assemblées, notamment en Algérie. Rappelons que beaucoup de régimes sont autoritaires (et sans élections libres) ou des démocraties dysfonctionnelles. Enfin, dans les pays en guerre ou traversant une crise sévère, les femmes et les enfants sont les premières victimes civiles.
Des avancées… et des reculs
Certaines avancées sont à souligner, même dans un système aussi strict que le saoudien. Dans le royaume, où elles doivent porter le voile et l’abaya en public, les femmes n’avaient pas le droit de conduire jusqu’à 2017 ; l’année suivante puis en 2019, elles sont autorisées à créer une entreprise et à voyager en dehors du pays sans l’autorisation d’un tuteur masculin. Mais lorsqu’elles osent s’exprimer contre le régime ou font preuve de trop de liberté, elles finissent en prison. Et leur statut juridique inférieur à celui des hommes reste la base du problème en Arabie saoudite, mais aussi en Iran ou dans de nombreux pays de la région. Ainsi, en droit civil, les inégalités sont fortes, et peu de mesures officielles – voire aucune – sont prises (3). Au Maroc, si le Code de la famille a été modifié en 2004 pour empêcher le mariage de mineures, en matière d’héritage, les femmes n’obtiennent que la moitié d’un homme du même degré de parenté. Quant à l’égalité salariale, aucun État du Moyen-Orient n’a adopté de normes légales à ce sujet. En droit pénal irakien, un homme reconnu coupable de viol peut obtenir un allégement de peine s’il épouse sa victime.
Nombreuses sont les ONG à dénoncer régulièrement ces situations, rappelant que l’égalité des genres est la base d’un meilleur développement économique et de la démocratisation des institutions. En 2011, les « printemps arabes » avaient laissé poindre l’espoir d’améliorations, mais les évolutions – et leur effectivité – ont été faibles (4). Alors que l’Afghanistan replonge dans l’obscurantisme des talibans depuis août 2021, l’Iran est sous observation. Les autorités obligent non seulement le port du voile – ce que le Coran ne mentionne pas explicitement –, mais elles maintiennent également des normes extrêmes, comme l’interdiction de chanter en public, de se marier avec un étranger, de refuser d’avoir des relations sexuelles avec son mari, ou la condamnation à mort dès l’âge de neuf ans… Les manifestations organisées après la mort de Mahsa Amini rappellent que les femmes, en Iran et ailleurs au Moyen-Orient, savent être les actrices du changement.
Notes
(1) WEF, Global Gap Report 2022, 2022.
(2) Union interparlementaire, Les femmes au Parlement en 2021, 2022.
(3) IMC Worldwide, Situation Analysis of Women and Girls in the MENA and Arab States Region : A Decade Review 2010-2020, 2021.
(4) Juliette Gaté, « Droits des femmes et révolutions arabes », in La Revue des Droits de l’Homme, no 6, 2014.
https://www.areion24.news/2023/09/13/femmes-et-islam-vers-une-evolution-des-droits/
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Rédigé le 13/09/2023 à 09:30 dans Féminicides , Islam, Moyen-Orient | Lien permanent | Commentaires (0)
Rien ne va plus au pays des droits de l’Homme (blanc néocolonial), transformé en autocratie par la volonté discrétionnaire de son président réactionnaire. Rien ne va plus au pays des Lumières, métamorphosé en obscure nation plongée désormais dans la médiocrité, l’insécurité, l’instabilité et la précarité.
Depuis l’élection de Macron, «président du chaos, du désordre et de la violence», la France sombre dans la décadence et l’indécence. Frappée fréquemment par des émeutes, la France, assiégée par des meutes de forces de l’ordre qui font régner la terreur sur tout le territoire quadrillé par la tyrannie des restrictions politiques et alimentaires induites le durcissement autoritaire et la récession économique, ne survit que par la terreur. La terreur étatique, sociale, économique, urbaine, policière.
Et la terreur militaire, selon les vœux de certains de ses généraux séditieux proches de l’extrême-droite, auteurs d’une tribune appelant à l’insurrection contre les hordes banlieusardes (c’est l’expression polie usitée en lieu et place de «hordes arabes et musulmanes», pour ne pas tomber sous le coup de la loi), accusées d’entretenir un climat de violences.
On se souvient que, dans cette tribune choc de militaires, publiée le 21 avril 2021 par Valeurs Actuelles, parue quelques jours après l’appel à l’insurrection de Philippe de Villiers, intitulée «Pour un retour de l’honneur de nos gouvernants», les signataires galonnés menaçaient d’intervenir pour enrayer le «chao croissant», procéder à une opération de «pacification du pays», probablement selon les méthodes éprouvées durant la «guerre d’Algérie» par les autorités coloniales françaises qui avaient mobilisé 1 500 000 tueurs assermentés, autrement dit soldats, pour livrer la guerre aux Algériens innocents et désarmés en lutte pour l’obtention de l’indépendance de leur pays.
Dans cette tribune des militaires séditieux gâteux, le premier sujet cité (au vrai, la principale population ciblée) est «l’islamisme et les hordes de banlieue» qui «entraînent le détachement de multiples parcelles de la nation pour les transformer en territoires soumis à des dogmes contraires à notre Constitution», selon les termes de ces signataires galonnés (et sûrement pas galants nés, car ils sont dépourvus de noblesse, d’honneur et de loyauté).
Il est utile de souligner que, dans l’impuissante France en pleine débandade économique et déréliction politique, l’anti-islamisme est le cache-sexe du racisme anti-arabe et antimusulman. La fragile et frigide classe politique française dévirilisée, confrontée à des troubles d’érection électorale, illustrés par l’abstinence des électeurs affligés d’insensibilité idéologique militante, pour stimuler ses ébats politiques assaisonnés d’une indécente et lubrique rhétorique populiste et raciste, usent et abusent de cet aphrodisiaque xénophobe : la population immigrée d’origine arabe et musulmane, devenue le Viagra de la France politiquement émasculée.
La population immigrée est accusée régulièrement de tous les maux. Pourtant, aujourd’hui, cette population d’origine immigrée est devenue la seule dynamique composante de la France sénile à porter à bout de ventre la démographie française, donc la survie de la France ménopausée.
La tribune, publiée soixante ans jour pour jour après le putsch d’Alger de 1961, signée par une vingtaine de généraux, une centaine de hauts gradés et plus d’un millier d’autres militaires, dénonçait le «délitement» qui frappe, selon eux, «la patrie». Ces putschistes en herbe proclamaient être «disposés à soutenir les politiques qui prendront en considération la sauvegarde de la nation». La tribune s’en prenait au «délitement» qui s’attaque à la France. Les auteurs de la tribune, animés d’un esprit émeutier, avaient usé d’une rhétorique comminatoire. «Par contre, si rien n’est entrepris, le laxisme continuera à se répandre inexorablement dans la société, provoquant au final une explosion et l’intervention de nos camarades d’active dans une mission périlleuse», annonçaient-ils.
Leur constat se voulait alarmant : «La guerre civile mettra un terme à ce chaos croissant, et les morts, dont vous porterez la responsabilité, se compteront par milliers.» Les militaires étaient clairs. Ils seraient «disposés à soutenir les politiques qui prendront en considération la sauvegarde de la nation». Cette rhétorique fasciste est devenue l’apanage d’une grande partie des élites françaises. Notamment Michel Houellebecq qui avait déclaré dans une longue conversation avec le philosophe Michel Onfray, dans laquelle il présente les musulmans comme une menace pour la sécurité des Français non musulmans : «Quand des territoires entiers seront sous contrôle islamique, je pense que des actes de résistance auront lieu. Il y aura des attentats et des fusillades dans des mosquées, dans des cafés fréquentés par les musulmans, bref des Bataclan à l’envers.» L’écrivain raciste et puéril avait ajouté : «Le souhait de la population française de souche, comme on dit, ce n’est pas que les musulmans s’assimilent, mais qu’ils cessent de les voler et de les agresser. Ou bien, autre solution, qu’ils s’en aillent.»
Incontestablement, la France est gangrenée par la violence. Le racisme. La xénophobie. L’islamophobie. La pulsion pogromiste. Toutes les strates de la société sont rongées par l’agressivité, l’intolérance, la haine. On assiste à l’ensauvagement de la société française, depuis le sommet de l’Etat responsable d’une violente politique antisociale et d’une répression policière sanguinaire jusqu’à la base de la société déchirée par de furieuses tensions et frappée par la flambée de la criminalité, en passant par les entreprises dont les salariés sont en butte à la détresse psychologique et au délabrement physique.
Ironie de l’histoire, les militaires, signataires de la tribune, censés donner l’exemple en matière de discipline, de respect de l’ordre et de la loi, ont adopté les mêmes mœurs de voyous que ceux qu’ils dénoncent dans leur tribune : par leurs menaces de mutinerie sociale, de sédition politique, de subversion armée.
En effet, par leur infraction des règlements, transgression du droit de réserve, violation de la civilité, désobéissance politique, ils se sont comportés comme les «hordes de banlieue» qu’ils fustigent, comme la police raciste et émeutière qu’ils encensent, comme le gouvernement scélérat qu’ils condamnent.
A cet égard, il est important de relever que les dernières sorties médiatiques de Darmanin apportant son soutien aux policiers insurgés pour contester l’incarcération d’un agent de BRI de Marseille, s’inscrivent dans cette atmosphère anomique très répandue actuellement en France. Autrement dit, une France en proie au dérèglement social, à l’absence de normes morales et à l’anéantissement des règles de conduite. Il n’est donc pas surprenant que le gouvernement français abrite une horde de voyous en costume et cravate, que les institutions étatiques concentrent en leur sein des factieux en uniforme policier et militaire.
Décidément, la France en déclin, en plein déclassement économique, est réduite à la production en série de voyous de la République, tout juste capables de s’adonner à la fabrication en masse de discours haineux, xénophobe, raciste, islamophobe, pogromiste ; à l’exécution de comportements agressifs, violents, belliqueux, meurtriers. Une France en proie à l’anémie intellectuelle, l’anomie sociale, la pandémie raciste.
Au reste, non seulement la France s’enfonce dans la médiocrité, la vulgarité et la bestialité, mais également dans la pauvreté. Dorénavant, au déclassement industriel s’ajoute son décrochage économique. Selon la dernière étude relative à la richesse du pays publiée par l’ONU, en termes de PIB par habitant, la France ne fait même pas partie du Top 20 mondial. Pour rappel, le PIB par habitant est un baromètre du niveau de vie qui prend en compte le pouvoir d’achat des gens. Le pouvoir d’achat des Français subit également un massacre à la tronçonneuse antisociale commis par les psychopathes politiques du gouvernement Macron, ces équarisseurs du prolétariat.
Le FMI classe la France à la 25e place. Selon ce rapport, la position de la France dans le classement mondial du PIB par habitant a reculé au cours des quatre dernières décennies. Placée à la 13e place en 1980, la France chute à la 19e place en 2005, pour finalement dégringoler à la 25e position en 2022.
A la faillite économique, déliquescence institutionnelle, décadence culturelle vient de s’ajouter la débâcle géopolitique, matérialisée par l’expulsion de la France de plusieurs pays africains.
Khider Mesloub
août 30, 2023 - 10:28Rédaction
https://www.algeriepatriotique.com/2023/08/30/france-rien-ne-va-plus-au-pays-des-droits-de-lhomme-blanc-neocolonial/
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Rédigé le 30/08/2023 à 18:28 dans Féminicides , Racisme, Violences policières | Lien permanent | Commentaires (0)
Le 70ème anniversaire de la répression, quasiment inconnue, du 14 juillet 1953 contre un cortège de militants algériens à Paris, se prépare activement (6 Algériens et un Français tués et près de 50 blessés par balles). Dans ce cadre, un collectif s’est créé afin que cet événement dramatiquement oublié puisse être commémoré.
Petit problème de démarrage concernantla vidéo
Vous devez vous mettre sur la barre en bas où il y a le point rouge et appuyer une ou deux fois devant ce point jusqu’à ce que la vidéo démarre. Merci.
http://www.micheldandelot1.com/commemoration-en-memoire-des-victimes-de-la-repression-du-14-juillet-1-a214506503
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Rédigé le 14/07/2023 à 18:56 dans Féminicides , Violences policières | Lien permanent | Commentaires (0)
Anissa Zouani Zenoune
En ces jours où les femmes iraniennes luttent pour faire valoir leur vertueuse détermination à s’émanciper du dictat répressif et immonde des mollahs, où les jeunes filles afghanes se voient opprimées et interdites de scolarité, je rends hommage à une jeune martyre de la dignité féminine, victime innocente de l’atroce cruauté inhumaine des terroristes islamistes, ces fervents démons d’un islam des ténèbres.
Nombreux sont ceux qui ne la connaissent pas, même si son portrait pourrait leur rappeller quelqu’un. Mais néanmoins…
Elle s’appelle Amel Zouani Zenoune, jeune algérienne de 22 ans, une étudiante en droit à l’université, qui se prédestinait à devenir magistrate ou avocate au barreau d’Alger.
Il y a tout juste 26 ans, en ce 26 janvier 1997, à l’heure de la rupture du jeûne au 17ème jour du Ramadan d’alors, de prétendus musulmans haineux et assoiffés de sang, des algériens tout comme elle, mais démoniaques et sanguinaires, l’ont froidement et cruellement égorgée devant les autres passagers du car qui la ramenait à Sidi-Moussa, son village au sud d’Alger, pour avoir seulement refusé de porter le voile et d’incarner la femme libre.
Les assassins ne lui ont accordé aucun répit ni le moindre instant pour qu’elle leur explique que Dieu l’avait comblée de beaux cheveux, qu’Il lui offrait la vie et la liberté, et que nulle part il était écrit qu’elle devait s’obliger à se couvrir la tête, à cacher par honte la parure de Dieu qu’elle personnifiait avec élégance.
Une semaine auparavant, elle rassurait avec insistance sa maman qui s’inquiétait, avec effroi, de la tournure prise par les événements horribles et tragiques de cette guerre civile que traversait l’Algérie dans les années 90.
“Ne t’inquiète pas maman, j’espère que rien ne nous atteindra, mes sœurs et moi. Mais s’il nous arrive quelque chose à l’une d’entre-nous, maman, et que nous mourrons, ce sera au nom de l’instruction, du savoir et de la science. Nous irons au Paradis et, toi et papa, vous garderez la tête haute !”
Quelques courtes années plus tard, son honorable Papa qu’elle chérissait tant, effondré par le chagrin, la rejoignit là où elle est à présent, dans la Paix et l’Amour de Dieu. Puis, ce fût le tour tragique de sa douce, de sa tendre Maman, torturée par le terrible destin de sa fille adorée.
En ce douloureux et triste anniversaire, je me permets, à la mémoire d’Amel, juste ces quelques mots que j’adresse à toutes les musulmanes :
“Ne renoncez jamais, plus jamais, à votre liberté, à votre dignité et à votre indépendance. Dieu est avec vous, non contre vous, Il vous aime et Il vous a créées à l’égales des hommes, non en leur inféodation ! N’oubliez jamais !”
Elle aurait pu être ma fille, la vôtre aussi… Et je la pleure encore.
Par devoir de mémoire, pour que justice soit faite un jour, pour que l’âme d’Amel repose enfin en paix, sa soeur cadette Anissa nous rappelle inlassablement à son souvenir, car il est vrai, nul ne peut oublier cette horrible tragédie.
27 janvier 2023
Avec toute ma fraternité, Anissa Zouani Zenoune.
© Mohammed Guerroumi
Musulman rationaliste, engagé et laïc, nommé en 2016 Délégué régional à l’instance nationale de dialogue avec l’islam, Mohammed Guerroumi est très impliqué dans le dialogue interreligieux. Auteur à Causeur, il est un des Signataires du “Manifeste contre le nouvel antisémitisme
Rédigé le 27/01/2023 à 14:58 dans Décennie noire, Féminicides , Société | Lien permanent | Commentaires (0)
Si vous furetez au rayon bande dessinée de votre librairie, vous serez sans nul doute attiré·e par une couverture d’un jaune éclatant… attardez-vous donc sur cette bande dessinée qui rend hommage à l’avocate Gisèle Halimi. Écrite et dessinée par quatre femmes, elle met en lumière les moments décisifs de sa vie. C’est en 2020 que la journaliste Annick Cojean rencontre Gisèle Halimi et lui offre l’opportunité de se raconter dans une autobiographie. 160 pages pour résumer une vie…
Deux ans plus tard, Annick Cojean reprend le flambeau et s’entoure de Sophie Couturier pour le scénario, Sandrine Revel pour le dessin et Myriam Lavialle pour les couleurs afin de proposer une version condensée du destin de Gisèle Halimi.
Le défi est grand : que peuvent-elles garder de ce qui était partagé dans le livre ? Comment rendre compte de la force et de l’obstination sans gommer certains points plus sensibles comme ses différentes positions sur le port du voile, sur la prostitution ainsi que sur la GPA ? En prenant le parti de ne mettre en avant que trois de ses affaires judiciaires, les autrices ont détaillé chacune d’elles afin d’en délivrer toute leur essence.
Rédigé le 03/12/2022 à 19:54 dans France, Féminicides , Guerre d'Algérie | Lien permanent | Commentaires (0)
« Il a brûlé mon avenir ». Alors qu’elle attend le bus que doit l’emmener à Tizi-Ouzou, en Kabylie, à l’aube de ce 26 septembre 2022, Ryma Anane ne sait pas que sa vie va basculer. Seule dans l’abribus, cette enseignante de français de 28 ans au regard angélique ne se doute pas qu’elle est guettée. Profitant du vide matinal, un homme surgit de nulle part, l’asperge d’essence et met le feu avec son briquet avant de disparaître dans la nature. Choquée, traumatisée, la jeune femme court vers sa maison tout en se débattant contre les flammes qui dévorent son corps. Malgré la douleur, elle a le temps d’expliquer à sa famille que l’agresseur présumé est un prétendant éconduit. Il se serait livré aux services de sécurité qui l’ont écroué.
Transportée à l’hôpital, la jeune femme est entre la vie et la mort. Brûlée à plus de 60 %, notamment au dos et au cou, elle finit par être transférée dans un hôpital en Espagne. Les images de la victime emmaillotée et immobile, portée sur une civière avant d’être placée dans l’ambulance médicalisée qui doit la conduire jusqu’à un avion stationné sur le tarmac de l’aéroport d’Alger, ont ému des centaines d’Algériens et même au-delà. Il s’agit de la énième tentative de féminicide dans un pays qui en compte des dizaines par an.
Si Ryma Anane a eu la vie sauve — puisque les médecins espagnols qui l’ont prise en charge seraient optimistes pour sa guérison selon des membres de sa famille —, d’autres femmes n’ont pas la même chance. Le 18 octobre, Touatia Mazouz a été égorgée par son beau-frère dans la banlieue d’Oran. Selon Féminicides Algérie, une page Facebook et un site Internet qui répertorient les assassinats de femmes, la jeune fonctionnaire de 26 ans s’occupait des orphelins de sa sœur décédée il y a peu. Pour une raison encore inconnue, le veuf a décapité la tante de ses enfants. Elle est la 37e femme à être recensée comme étant victime de féminicide en Algérie depuis le début de l’année, selon ce groupe dont les recherches se limitent à un décompte des articles de presse, d’après Chérifa Kheddar, une militante féministe qui se bat depuis de longues années pour la criminalisation du féminicide.
Pour la majorité des féministes algériennes, ces crimes ne sont possibles que parce que la loi ne protège pas assez les femmes. Dans son article 40, la Constitution algérienne précise bien que
l’État protège la femme contre toutes formes de violence en tous lieux et en toute circonstance dans l’espace public, dans la sphère professionnelle et dans la sphère privée. La loi garantit l’accès des victimes à des structures d’accueil, à des dispositifs de prise en charge, et à une assistance judiciaire.
Mais « il y a une grande contradiction entre la Constitution et le Code de la famille » qui place la femme sous la tutelle de l’homme, observe Fatma Oussedik, éminente sociologue qui a publié d’innombrables ouvrages sur la situation des femmes en Algérie et milite depuis de nombreuses années pour leur protection. « Il faut reconnaître le féminicide comme crime », plaide pour sa part l’avocate Nadia Aït-Zaï, avocate. Et ce n’est pas le seul point de contradiction. Car, si la Constitution consacre « l’égalité » des sexes, le Code de la famille ne donne pas les mêmes droits aux hommes qu’aux femmes. Pis, les militantes rappellent que dans les cas de violences familiales par exemple, « l’homme a le droit de demander l’arrêt des poursuites s’il demande pardon ». Fatma Oussedik analyse :
Il s’agit uniquement de l’apprentissage, du mimétisme, mais pas de réflexion. On invoque Dieu parce que nous sommes dans une situation où on cherche la solution dans la religion, on cherche la parole divine. La religion devient un refuge. C’est une façon de comprendre ce qui se déroule, un niveau d’explicitation de la réalité. Or, quand on te dit : « ne réfléchis pas », tu dis simplement oui, cela ne devient plus un recours pour toi, mais un geste creux ; tu peux même tuer au nom de la religion.
Le Code pénal algérien punit, depuis 2015, les violences faites aux femmes, tout comme sont réprimés, théoriquement, le harcèlement de rue et le harcèlement sexuel. Mais on en reste au stade des intentions. Selon beaucoup de militantes pour les droits des femmes, la majeure partie de ces violences, notamment celles qui se déroulent dans l’espace familial, ne sont pas portées à la connaissance des juridictions. Pis, selon l’article 279 du Code pénal algérien, les meurtres commis en cas de flagrant délit d’adultère sont excusables et il y a réduction de la peine, qui peut être ramenée à moins de 5 ans. Ensuite, le Code de la famille introduit la notion de « pardon » qui fait cesser toute poursuite contre les violences conjugales. Mais aucun article n’est encore consacré aux féminicides qui ne sont toujours pas reconnus en tant que tels dans la loi. En 2021, les services de sécurité évoquaient l’enregistrement de plus de 8 000 plaintes de « violences à domicile ». Sans trop de détail.
En l’absence de recherche sur le sujet, il est quasiment impossible de cerner les profils des auteurs d’assassinats de femmes. Un travail plus compliqué encore par l’absence de statistiques fournies par les autorités, malgré la présence d’un ministère dédié à la femme. Avocate au long cours et fondatrice du Centre d’étude sur les droits de l’enfant de la femme (Ciddef), Nadia Aït-Zaï croit déceler un profil de tueur potentiel : « Souvent et selon les descriptions que donnent les médias, il s’agit d’hommes éconduits, comme c’est le cas pour Ryma Anane ». Il est vrai que des cas similaires sont répertoriés régulièrement par les médias ou les associations. Ainsi de Ghania Ouettar. Cette trentenaire, handicapée et habitant la ville de Sadrata (Souk-Ahras, est algérien) a été tuée par un homme dont elle voulait se séparer, selon le groupe Féminicides Algérie qui raconte que la victime serait morte par suite d’actes de violence.
Le dépit « amoureux » serait également derrière l’assassinat, en juillet 2020, d’une jeune avocate. Yasmine Tarafi a été retrouvée morte dans un véhicule à Bouira (100 km à l’est d’Alger). L’enquête a permis d’arrêter trois suspects dont l’un serait un prétendant éconduit. Ne supportant pas de la voir avec un autre homme, le principal suspect se serait entendu avec deux de ses amis pour violer collectivement la jeune femme avant de la tuer.
Ce type de « vengeance » peut conduire à des actes indicibles. C’est ce qui s’est passé avec Chaïma. La jeune fille de 19 ans au regard enfantin a été violée, décapitée puis brûlée par une ancienne connaissance, qui habitait avec sa mère dans un bidonville de Reghaïa, une banlieue est d’Alger. Deux ans avant ce jour d’octobre 2020, elle s’était plainte de lui aux services de sécurité, lesquels l’on arrêté pour tentative de viol. Il passera plus de deux ans en prison. Mais une fois sa liberté retrouvée, le jeune homme tente de renouer avec Chaïma. Il l’emmène dans une ferme isolée, la viole et la roue de coups. Il asperge son corps d’essence et la brûle. Il est retrouvé, trois jours après, dans une station-service abandonnée à Thénia, à une cinquantaine de kilomètres à l’est d’Alger. L’agresseur s’est livré aux services de sécurité, mais l’affaire, largement relayée par les réseaux sociaux a ému tout le pays, mettant au-devant de la scène une pratique criminelle ancienne qui n’a pas encore disparu.
En plus de ces crimes d’une rare violence, d’autres formes de féminicides, plus « classiques », continuent d’être rapportées par les médias. Souvent, ce sont des problèmes de couples qui finissent par des drames. Et cela se passe parfois en public, comme pour cette femme poignardée à mort par son mari à Tizi-Ouzou. La scène s’est produite en octobre 2021, dans une station de bus, devant les passants et les autres voyageurs. Le même mois et dans la même ville, un homme a tué sa femme dans son salon de coiffure après une dispute. Les deux hommes ont été arrêtés, puis condamnés à de lourdes peines. Mais cela n’a pas permis d’arrêter la spirale des féminicides.
Jusqu’à la mi-novembre, le collectif Féminicides Algérie a répertorié 37 féminicides dans le pays. Elles étaient 62 en 2021, tuées par un proche ou une connaissance, selon le décompte effectué par plusieurs associations qui précisent que le nombre exact est difficile à obtenir à cause des tabous qui empêchent les familles de s’exprimer. C’est l’exemple de ce meurtre commis en janvier 2021. Tinhinane Laceb, une journaliste de la télévision publique algérienne a été tuée par son mari après une série de disputes conjugales, rapportent les amies de la victime à qui elle s’était confiée. Mais à la surprise générale, le père de la jeune maman de deux fillettes a demandé aux médias de ne plus parler de « féminicide ». Pour lui, il s’agit d’un accident.
Pourquoi une telle position ? Pour Chérifa Khedar, fondatrice de l’association Djazirouna (notre Algérie) de lutte contre les violences faites aux femmes, une telle attitude a pour but « d’éviter d’évoquer d’éventuelles erreurs commises par la victime ». Par « erreur », la militante sous-entend des cas d’adultère que reprocheraient certains maris à leurs femmes avant de passer à l’acte. Mais « même en cas où ces fautes s’avéraient vraies, il y aurait toujours d’autres solutions sans recourir à la violence », objecte Chérifa Khedar qui regrette que la société « donne souvent raison aux auteurs des crimes ». « Souvent, on essaie de justifier ces crimes commis par des hommes », s’indigne-t-elle. Elle cite à ce propos un exemple qui a défrayé la chronique : un professeur en médecine, Mostefa Khiati, président d’une association qui aide les enfants victimes de traumatismes, a justifié le meurtre de la jeune fille en évoquant la responsabilité de sa famille, surtout des parents. Il avait déclaré à la presse :
Leur fille a dû avoir des relations faciles avec les gens. Elle s’est laissé berner soit à travers les réseaux sociaux, soit directement avec les personnes. Normalement, une fille, lorsqu’elle a une bonne éducation ne doit pas se lier d’amitié ou même de simples relations avec n’importe qui. Il faut qu’elle sache qui il est et quel est son comportement, à moins que ce soit un camarade à l’école ou l’université. L’éducation permet à la personne de se préserver, de se protéger, etc. S’il n’y a pas des mécanismes et des réflexes qui sont inculqués par le milieu familial, qui va les donner à la personne ? Ce n’est pas possible.
Il s’est justifié quelques jours plus tard en évoquant « une réalité sociale ». Mais sur les réseaux sociaux, comme chez beaucoup de citoyens, un acte de violence commis par un homme serait forcément justifié par une « faute » de la femme.
Pour des universitaires et des féministes, ces justifications des violences faites aux femmes, en général, et des féminicides en particulier, sont liées en partie à « une crise la masculinité », explique Fatma Oussedik. Pour elle, ces violences, parfois extrêmes, sont liées à « l’évolution » du statut de la femme dans la société algérienne.
Par « crise de la masculinité », la chercheuse désigne une situation où les hommes sont face à une situation où les femmes n’ont pas forcément besoin d’eux pour vivre — une situation qu’ils n’acceptent pas forcément. Le fait que « les filles réussissent mieux à la fac, prennent de plus en plus d’espace et que le célibat définitif apparaisse chez les femmes qui tiennent tête aux hommes » provoquerait chez ces derniers une crise identitaire qui les pousserait à la violence, a-t-elle analysé. Pour elle, l’indépendance financière de la femme algérienne a une valeur subversive qui leur permet, par exemple, de refuser un homme, ce que ce dernier n’accepte pas. Un sentiment inspiré du Code de la famille, inspiré directement de la charia, qui donne aux hommes le statut de reb, chef de famille — un mot qui signifie littéralement « dieu ». « Là, nous sommes dans une situation particulièrement difficile où l’idéologie dominante dit aux hommes qu’ils sont reb de la famille, une formule reprise dans le Code de la famille », résume Fatma Oussedik qui se dit consciente que son profil à elle peut servir d’exemple aux jeunes filles algériennes. « Objectivement, des femmes comme moi peuvent être une référence pour les petites jeunes, mais nous sommes une violence pour les femmes de maintenant », considérées comme plus soumises, donc exposées à plus de domination masculine. « On a une autonomie de circulation, on est mariées, on est mères de familles, on est grand-mères, cela veut dire que c’est possible pour d’autres femmes », suggère-t-elle.
Pendant ce temps, les associations de défense des droits des femmes continuent de décompter et de publier les chiffres des féminicides et de tenter d’aider les femmes victimes de violences. Ryma Anane, elle, est toujours soignée à Madrid, avec l’espoir de s’en sortir. Une « chance » que n’auront pas eue toutes celles qui sont déjà parties.
1ER DÉCEMBRE 2022
ALI BOUKHLEF
Journaliste algérien indépendant, a travaillé pour les quotidiens Liberté et Al Watan.
https://orientxxi.info/magazine/algerie-l-impunite-des-feminicides-zone-d-ombre-du-code-de-la-famille,6052
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Rédigé le 01/12/2022 à 07:25 dans Algérie, Féminicides | Lien permanent | Commentaires (0)
Kaouther Adimi le 27 septembre 2019 ©AFP - JOEL SAGET
Parfois une vie ne tient qu’à un pas, même un tout petit. Le pas qu’un jeune homme fait presque malgré lui, en direction d’un camion qui va l’emmener sur les fronts de la seconde guerre mondiale.
Il s’appelle Tarek. Il est né en 1922 et il est berger dans un village, à l’Est de l’Algérie.
Tarek aime Leïla. Le genre de gamine qui s’échappe de la maison pour aller jouer avec les garçons jusqu’à ce que son père installe des barreaux aux fenêtres.
“Au Vent Mauvais”, 5ème roman de Kaouther Adimi raconte l’amour entre Tarek et Leïla, en même temps que 70 ans d’histoire de son pays, l’Algérie.
Comment la vie de ces deux-là fut ballotée par le siècle ? Comment Tarek et Leïla ont existé dans la broyeuse d’événements qui les poussaient à l’effacement.
La vie de cet homme et de cette femme va aussi être abîmée par la publication d’un livre, écrit par un ami qui les trahit.
Le pouvoir des mots, le silence, ce que les enfants héritent de nos peines.
Il y a tout ça dans “Au vent mauvais”.
Parler de la Guerre d’Algérie
Jusque-là, Kaouther Adimi ne s’intéressait pas à la Guerre d’Algérie. Mais elle a décidé d’écrire dessus dans son dernier livre Au vent mauvais : « Plus jeune, j'ai évité de m'intéresser à ce moment historique. Les symboles de la Guerre d'Algérie étaient trop présents dans mon pays. L’Algérie glorifie sa guerre d'indépendance. Or, ma génération a connu une autre guerre : la guerre civile des années 90, ou la décennie noire. Mais elle est aujourd’hui effacée de l'histoire politique, ou de l'actualité. En comparaison, la Guerre d’Algérie nous semble un peu loin. Par ailleurs, cet épisode historique, est raconté en noir et blanc. On passe sous silence tout ce qui peut gêner. On efface les femmes qui ont énormément participé avant d’être mise de côté dès l’indépendance. J'étais aussi marquée par le fait que toute tentative de raconter une histoire de l'Algérie un peu différente de la version officielle était extrêmement mal reçue. Le film "L’Oranais de Lyes Salem" a été interdit de salle parce qu'il montrait une vision des anciens moudjahidine qui ne plaisait pas. »
Une mutinerie à Versailles en 1944
Dans son dernier livre, l’écrivaine Kaouther Adimi raconte un épisode méconnu des relations franco-algériennes : « Mon grand-père connaissait des ordres en allemand qu'il avait appris pendant la Seconde Guerre mondiale. Il a fait partie de ces fameux soldats nord-africains qui ont défendu la France.
J'ai eu connaissance d’une histoire à Versailles qui a accueilli beaucoup de ces troupes-là en mai 1944. J’avais trouvé quelques lignes sur cet épisode. Ce n’était pas assez, mais pour raconter une histoire. Je suis donc partie enquêter dans les archives de la police et du ministère de l'Intérieur. Là, j’ai trouvé des informations sur ces soldats d’Afrique du Nord cantonnés par milliers à Versailles.
On leur dit qu’ils seront rapatriés sous huit jours, mais ils restent là des mois. Les Versaillais n'en peuvent plus de ces soldats étrangers dont ils ne veulent pas. Ils prennent toute une série d'arrêtés leur interdisant l'accès aux cinémas, aux cafés, ou aux bordels. Cela conduit à une mutinerie. En décembre 1944, pendant quelques heures, des soldats nord-africains ont pris toute la ville de Versailles. La gendarmerie et le ministère de l'Intérieur réagissent en menant une rafle contre des Nord-Africains dans des cafés qui n'ont rien à voir avec cette histoire. Mais il faut rehausser le prestige de la gendarmerie et donc on va arrêter des gens à l'aveugle. Cela dit beaucoup sur les violences policières à l'issue des populations nord-africaines. »
La littérature peut sauver, mais aussi faire beaucoup de mal
Dans son livre, il y a le personnage Leïla inspirée de la propre grand-mère de l’écrivaine. Une femme très forte, mariée mineure à un ami de son père et qui décide de divorcer contre l'avis de tout le monde. Un de leurs amis, le frère de lait de Tarek, va écrire un livre qui raconte leur histoire. Leila et Tarek vont se sentir dépossédés de leur identité. « J’ai longtemps mis cette histoire de côté, car j’admire cet écrivain. J’avais l'impression de trahir mon grand-père avec cet attrait. J'ai donc mis du temps à la raconter.
J'avais envie de poser la question de la responsabilité de l'écrivain. C'est une chose que nous les artistes n'aimons pas beaucoup. On aimerait créer comme on le souhaite.
Moi, je pense que nous les écrivains avons un pouvoir extraordinaire proche de celui de Dieu. On imagine ce que l'on veut, on crée les êtres que l'on souhaite, on en fait ce qu'on veut, on crée des univers... On a un pouvoir tout-puissant… Mais quelle est notre responsabilité lorsqu'on utilise et qu'on vampirise des gens qu'on a rencontrés ? Surtout lorsqu'on a le souhait qu'ils soient identifié,s et identifiables, qu'on garde le même nom, le même âge, les mêmes prénoms pour ses personnages... D’autant, et c’est très violent, qu’il s'agissait là de personnes très éloignées du livre. Cet objet qui ne signifiait pas grand’chose pour eux devient dangereux. Leila a l'impression qu'elle a disparu dans le livre qui a pris sa place. »
Kaouther Adimi : "J’ai ouvert le grand placard, celui qui contient des classeurs et des boites de rangement. Ma vie répertoriée, classée, documentée. Quelque part là-dedans, se trouve un vilain papier reçu il y a une dizaine d’années.
J’ignore où il se cache. Alors j’ouvre les boites au hasard pendant que sur les chaînes de radio Gérald Darmanin promet de rendre « impossible » la vie des étrangers soumis à une OQTF, tout cela sur fond de crime atroce. Je me retrouve vite envahie d’avis d’imposition, de factures téléphoniques, de fiches de paie, et que sais-je encore. Je plonge dans les souvenirs de cette dernière décennie passée en France. Les adresses qui changent au grès des déménagements, les contrats d’édition, les courriers obscurs de l’URSSAF, ici et là, des lettres de lecteurs, des photos, des articles de presse.
Je ne le retrouverai pas ce vilain papier dans sa vilaine enveloppe. Je sais pourtant que je ne l’ai pas jeté, que ce vilain papier dans sa vilaine enveloppe m’a suivi tout ce temps. Je sais qu’il n’est plus là mais je sais aussi qu’il est là. Qu’il a simplement été enseveli sous la vie qui a continué après l’avoir reçu. Et je sais aussi que quelque part dans les archives d’un avocat, se trouve une copie du vilain papier et de la vilaine enveloppe sur laquelle figure deux tampons : celui de la date qui fait foi et celui d’une préfecture de police.
Je cherche le vilain papier pendant que des journalistes rapportent que le gouvernement veut inscrire toutes les OQTF au fichier des personnes recherchées.
Il y a une dizaine d’années, dans une vilaine enveloppe, moi aussi j’ai reçu une OQTF.
C’est étrange la mémoire et ce qu’on conserve des évènements. La texture du papier, la moquette grise de ma chambre d’étudiante et le ciel qui tombe, la nuit à travers la grande fenêtre, uniquement la nuit, comme si elle avait déteint sur le jour. Les gens autour de moi qui se mobilisent, l’avocat, bien droit, l’avocat qui photocopie la vilaine lettre, qui fera des miracles en moins de trente jours.
Du reste, je ne me souviens de presque rien. Si ce n’est de cette intime conviction : moi, je n’applaudirai jamais à la justice des injustes."
Mardi 8 novembre 2022
https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/totemic/totemic-du-mardi-08-novembre-2022-3957730
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Rédigé le 08/11/2022 à 16:10 dans Féminicides , Guerre d'Algérie, Littérature, Livres | Lien permanent | Commentaires (0)
L’État français persiste à occulter le crime d’État perpétré en octobre 1 961 contre des manifestants algériens. Emmanuel Macron fera-t-il un pas décisif en ce sens ? Un appel unitaire à manifester ce lundi exige vérité et justice.
Rassemblement le 17 octobre 2021, près du Pont-Neuf, à Paris. © Alain Jocard/AFP
61 ans après le massacre de manifestants algériens à Paris, un geste fort de reconnaissance et de condamnation se fait toujours attendre. L’an dernier, Emmanuel Macron avait fait un pas en allant déposer une gerbe près du pont de Bezons, un des lieux où la police française avait jeté dans la Seine les corps de manifestants.
Mais il n’avait pas dit un mot et avait déçu, ceux, nombreux, qui espéraient qu’un cap soit franchi par celui qui, dans sa politique mémorielle à l’égard de l’Algérie, avait reconnu la responsabilité de l’armée dans l’assassinat du militant communiste Maurice Audin puis de l’avocat indépendantiste Ali Boumendjel.
Le silence du président de la république, malgré un communiqué de l’Élysée affirmant que « les crimes commis sous l’autorité de Maurice Papon sont inexcusables pour la république », confirmait alors la politique d’occultation du crime d’État dans laquelle s’enferment les gouvernements français depuis six décennies. En faisant porter la responsabilité du crime sur le seul Préfet Papon, il éludait, encore une fois, celle de l’État français.
Le crime d’État commis en octobre 1961, documenté et démontré depuis longtemps par des témoins et par les historiens, n’est toujours pas reconnu. Cela faisait plus de six années que les Algériens luttaient pour l’indépendance de leur pays colonisé depuis 132 ans.
Alors que des négociations sont menées suite à au référendum favorable à l’autodétermination, le premier ministre Michel Debré instaure, le 5 octobre, un couvre-feu pour les seuls « Français musulmans d’Algérie ». Contre ce couvre-feu discriminatoire, des milliers d’Algériens manifestent pacifiquement, le 17 octobre. Ils sont violemment réprimés par la police aux ordres du préfet Papon et du ministre de l’Intérieur, Roger Frey. On parle d’une centaine de morts.
Après plus d’un demi-siècle, il est temps que les responsabilités soient clairement définies comme le souligne l’appel signé par tous les partis de gauche, les syndicats CGT, FSU, Solidaires et par de nombreuses organisations et associations dont la LDH, le MRAP, SOS Racisme et ATTAC. (1)
Exigeant la vérité et la justice, les signataires veulent « un geste fort et une parole claire des autorités de la République, au moment où certains osent encore parler des bienfaits de la colonisation, célébrer le putsch des généraux contre la République et honorer les criminels de l’OAS ».
L’appel donne rendez-vous sur le sur le pont Saint-Michel à Paris ce 17 octobre à 18 heures. D’autres commémorations sont prévues dans plusieurs villes.
https://www.ldh-france.org/wp-content/uploads/2022/10/LISTE-SIGNATURES-OK.pdf
Rédigé le 17/10/2022 à 10:16 dans Féminicides , Guerre d'Algérie | Lien permanent | Commentaires (0)
La jeune femme a pu être évacuée pour des soins en Espagne et son état se serait stabilisé.
Le drame a choqué toute l’Algérie. Le 26 septembre, en Kabylie, Ryma Anane, 28 ans, enseignante de français, a été attaquée par son voisin alors qu’elle s’apprêtait à prendre le bus pour aller à son travail. Il l’a aspergée d’essence et brûlée vive à l’aide d’un briquet.
La nouvelle s’est répandue très vite sur les réseaux sociaux. Selon des sources locales, l’agresseur a fini par se rendre à la police quelques heures après l’attaque. D’après ses aveux, il aurait agi ainsi parce que la jeune femme avait refusé de se marier avec lui et choisi un autre futur époux.
« Son dos et son cou en flammes, Ryma s’empresse d’aller chercher de l’aide. Arrivée chez elle, elle s’effondre, et bredouille quelques mots : ‘’Il a brûlé mon avenir !’’ », rapporte le site d’information TSA.
Après son transfert à l’hôpital de Tizi Ouzou (Kabylie), les médecins ont jugé que son état nécessitait une prise en charge rapide à l’étranger au regard de la gravité des brûlures (60 % de son corps).
Rapidement, la solidarité s’est organisée à travers les réseaux sociaux et une cagnotte a été lancée pour payer les frais d’un transfert en Europe.
« La famille s’est d’abord tournée vers l’hôpital Saint-Louis à Paris, connu pour son expertise des grands brûlés. D’après le devis consulté par France 24, l’hôpital demandait plus de 316 000 euros pour 70 jours d’hospitalisation en réanimation », relate France 24.
Mais l’établissement n’a pas accepté l’échelonnement de la facture. « Qui peut faire ça ? Cela a retardé la prise en charge de Ryma à l’étranger. Et pendant ces quelques jours, elle aurait pu y passer », témoigne toujours sur France 24 un ami de la victime.
Faute d’avoir pu obtenir un visa pour la France, l’entourage de Ryma s’est tourné vers l’Espagne, qui a accepté de lui en délivrer un. Et grâce à une société d’assistance médicale, ADM international, la famille a pu trouver un hôpital à Madrid qui proposait un devis moins onéreux, avec par ailleurs la possibilité de payer par tranches.
Ryma a donc été transférée en Espagne par avion médicalisé grâce aux efforts de ses proches et des nombreux donateurs en Algérie et à l’étranger. Selon les dernières informations, son état se serait stabilisé.
La cellule de veille indépendante Féminicides Algérie relève qu’une jeune femme, mère de quatre enfants, a été assassinée, brûlée vive, par son époux le 16 avril 2022. Depuis le début de l’année, 32 cas de féminicides ont été recensés par les militantes.
Rédigé le 16/10/2022 à 14:38 dans Divers, Féminicides | Lien permanent | Commentaires (0)
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