iL esconstant qu'à la veille de toutes les élections présidentielles françaises, outre la récurrente thématique de l'immigration , éternelle bouc-émissaire, l'Histoire fait également irruption pour certains candidats qui espèrent engranger les voix d'une partie de l'électorat sensible à la démagogie. Ici, rappel des faits d'Histoire démontrant les méfaits de ce qu'il a été convenu d'appeler «le système colonial».
Force donc est de revenir à un réel débat sur les réalités historiques significatives qui exigent plus que des «excuses» et appelant une juste réparation («excuses» que d'autres pays ont officiellement formulées : Canada, Australie...) ; ainsi : restitution du Trésor d'Alger ayant servi à l'industrialisation de la France et aujourd'hui évalué à plusieurs milliards d'euros, restitution des archives non accessibles aux chercheurs et encore moins au commun des mortels (notamment celles des périodes coloniale et ottomane, indemnisation de centaines de milliers de familles d'Algériens ayant subi le génocide du système colonial de tout un peuple (enfumades, napalm, tortures...) et des Algériens du Sud suite aux essais nucléaires de l'ancienne puissance coloniale...
Ainsi, selon une légende tenace, le «coup de l'éventail» datant de 1827 a été le coup d'envoi du blocus maritime d'Alger par la marine royale française. L'aventure coloniale avait pour objectif de consolider l'influence française dans le bassin occidental de la Méditerranée. Le 5 juillet, les Français occupèrent Alger ; le même jour, le dey Hussein signa l'acte de capitulation. Premières conséquences : l'effondrement du pouvoir ottoman, le pillage des caisses de l'État, l'expulsion des janissaires d'Alger vers l'Asie Mineure et l'accaparement par la France de toutes les terres du Beylik. Le 1er décembre 1830, Louis-Philippe nomma le duc de Rovigo chef du haut-commandement en Algérie pour mettre en œuvre la colonisation dont la violence est notoire. Après avoir battu Abd-El-Kader, le général Desmichels signa avec ce dernier un traité qui reconnut l'autorité de l'émir sur l'Oranie et permit à la France de s'installer dans les villes du littoral. Officiellement, le 22 juillet, la Régence d'Alger devint «Possession française d'Afrique du Nord». Abd-El-Kader battit le général Trézel dans les marais de la Macta, près de Mascara. Il put également encercler la ville d'Oran durant une quarantaine de jours. Arrivé en renfort de métropole, le général Bugeaud infligea une défaite à celui-ci. Courant janvier 1836, le général Clauzel s'empara de Mascara et de Tlemcen. Le traité de la Tafna fut signé le 30 mai 1837 entre le général Bugeaud et l'émir Abd El Kader. Ce dernier établit sa capitale à Mascara. Le comte de Damrémont, devenu gouverneur général de l'Algérie en 1837, se mit en rapport avec le bey de Constantine pour obtenir une Convention similaire se heurtant au rejet de Ahmed Bey. Courant octobre 1837, ledit gouverneur général se mit en marche sur Constantine fort de dix mille hommes. Après sept jours de siège au cours desquels le comte de Damrémont fut tué, la ville fut conquise.
En 1839, l'armée française ayant entrepris d'annexer un territoire situé dans la chaîne des Bibans, (chaîne de montagnes du Nord d'El DjazaÏr), l'Emir Abdel El Kader considéra qu'il s'agissait d'une rupture du traité de Tafna. Il reprit alors sa résistance ; il pénétra dans la Mitidja et y détruisit la plupart des fermes des colons français. Il constitua une armée régulière (dix mille hommes, dit-on) qui reçut leur instruction des Turcs et de déserteurs européens. Il aurait même disposé d'une fabrique d'armes à Miliana et d'une fonderie de canon à Tlemcen. Il reçut également des armes provenant de l'Europe. Nommé gouverneur général de l'Algérie française en février 1841, Bugeaud arriva à Alger avec l'idée de la conquête totale de l'Algérie. Par l'entremise des «bureaux arabes», il recruta des autochtones tout en encourageant l'établissement de colonies.
Il a pu dire alors : «Le but n'est pas de courir après les Arabes, ce qui est fort inutile ; il est d'empêcher les Arabes de semer, de récolter, de pâturer, [...] de jouir de leurs champs [...]. Allez tous les ans leur brûler leurs récoltes [...], ou bien exterminez-les jusqu'au dernier.» Ou encore : «Si ces gredins se retirent dans leurs cavernes, imitez Cavaignac aux Sbéhas !
Fumez-les à outrance comme des renards». De fait, en mai 1841, l'armée française occupa Tagdemt (situé à Tiaret qui fut capitale des Rustumides), puis Mascara pratiquant la razzia et détruisant récoltes et silos à grains. Il semble que l'Emir Abd-El-Kader fit en vain appel au sultan ottoman. C'est ainsi que, courant mai 1843, le duc d'Aumale prit par surprise la «smala» d'Abd-El-Kader faisant trois mille prisonniers (smala : «réunion de tentes abritant les familles et les équipages d'un chef de clan arabe qui l'accompagnent lors de ses déplacements»).
En février 1844, la France mit en place une Direction des Affaires Arabes pour contrôler les bureaux arabes locaux dans les provinces d'Alger, d'Oran et de Constantine avec le dessein de disposer de contacts avec la population autochtone. Fin mai 1844, des troupes marocaines prirent d'assaut les troupes françaises installées dans l'Oranais, mais furent repoussées par le général Lamoricière. Réfugié au Maroc, l'Emir Abd-El-Kader a pu décider le sultan Moulay Abd-El-Rahman d'envoyer une armée à la frontière algéro-marocaine provoquant ainsi des incidents qui, après d'infructueux pourparlers, décida le général Bugeaud de repousser l'armée du sultan marocain qui fut défaite (bataille d'Isly). L'armée marocaine dut se replier en direction de Taza, obligeant le sultan à interdire son territoire à Abd-El-Kader qui finit par se rendre aux spahis (à l'origine, les spahis furent un corps de cavalerie traditionnel du dey d'Alger, d'inspiration ottomane ; lors de la conquête de l'Algérie par la France, ils furent intégrés à l'Armée d'Afrique qui dépendait de l'armée de terre française). L'Emir Abd-El-Kader fut d'abord placé en résidence surveillée durant quatre ans en France (il fut libéré par Napoléon III), puis résida en Syrie jusqu'à la fin de sa vie. C'est ainsi que la Constitution française de 1848 fit de l'Algérie une partie intégrante du territoire français, notamment par l'institution de trois départements français : Alger, Oran et Constantine, les musulmans et les juifs d'Algérie étant considérés des «sujets français» avec le statut d' «indigènes». La résistance continua d'être vive en Kabylie et dans l'oasis des Zaatcha dans l'actuelle wilaya de Biskra. Plus tard, la domination française s'étendit à la Petite Kabylie. Jusqu'en juillet 1857, le la résistance continua dans le Djurdjura avec Lalla Fatma N'Soumer.
Révoltes constantes
A la veille du début de la conquête française, on estimait la population algérienne à trois millions d'habitants. La violente guerre de conquête, notamment entre 1830 et 1872, explique le déclin démographique de près d'un million de personnes. On évoque également les invasions de sauterelles entre 1866 et 1868, les hivers très rigoureux à la même période (ce qui provoqua une grave disette suivie d'épidémies tel le choléra). Pour les Européens d'alors, cette donnée était bénéfique dès lors qu'elle diminuait le déséquilibre démographique entre les «indigènes» et les colons. Ce, outre que le nombre important de constructions détruites avait pour dessein de gommer l'identité d'El Djazaïr. L'objectif était de détruire matériellement et moralement le peuple algérien. Sous Napoléon III, il fut question d'un «royaume arabe» lié à la France avec celui-ci comme souverain. A la même période, on a estimé que quelques deux cent mille colons, français ou européens, possédaient environ sept cent mille hectares. D'un point de vue législatif, il y eut le sénatus-consulte du 14 juillet 1865 inspiré par le Saint-Simonien Ismaël Urbain, ayant trait au statut personnel et la naturalisation de l'«indigène musulman» et de l'«indigène israélite» (voire à la naturalisation des «étrangers qui justifient de trois années de résidence en Algérie», appelés plus tard «pieds noirs»). Force est de constater qu'en décembre 1866, furent créés des conseils municipaux élus par quatre collèges séparés : français, musulmans, juifs et étrangers européens, les Français disposant des deux tiers des sièges.
La révolte de 1871 est considérée comme la plus importante insurrection contre le pouvoir colonial français. Ainsi, plus de deux cent cinquante tribus se soulevèrent (environ un tiers de la population de l'Algérie d'alors). Elle fut menée depuis la Kabylie (les Bibans ou Tiggura) par le cheikh El Mokrani, son frère Boumezrag et le cheikh Haddad (chef de la confrérie des Rahmanya). Après cette révolte, plus de cinq cent mille hectares furent confisqués et attribués aux «émigrés hexagonaux» suite à la défaite française de 1870 face à l'Allemagne. C'est ainsi que de 245.000, le nombre des colons aboutit à plus de 750.000 en 1914. A la même date, le nombre des Djazaïris («indigènes») passa de deux millions à cinq millions. Après la chute de Napoléon III, les tenants de la Troisième République préconisèrent une politique d'assimilation, notamment par la francisation des noms et la suppression des coutumes locales. Le 24 octobre 1870, en vertu des décrets du Gouvernement provisoire, le gouvernement militaire en Algérie céda la place à une administration civile. La nationalité française fut accordée aux Juifs d'Algérie (décret Crémieux) qui furent néanmoins soumis à l'antisémitisme des colons. En accordant aux juifs algériens le même statut que les Français d'Algérie, ce décret divisa les autochtones qui continuèrent de vivre dans une condition de misère accentuée par de nombreuses années de sécheresse et de fléaux. Les biens des insurgés Algériens de 1871 furent confisqués. Ainsi, une loi du 21 juin 1871 attribua quelque cent mille hectares de terres en Algérie aux «migrants d'Alsace-Lorraine».
Et le 26 juillet 1873, fut promulguée la loi Warnier qui eut pour objectif de franciser les terres algériennes. Le 28 juin 1881, fut adopté le code de l'indigénat qui distingua deux catégories de citoyens : les citoyens français et les sujets français («indigènes»). Ces derniers furent soumis au code de l'indigénat qui les priva de leurs libertés et de leurs droits politiques (seul fut conservé le statut personnel, d'origine religieuse ou coutumière).
Lors de la première guerre mondiale, la France mobilisa les habitants des départements français d'Algérie : Musulmans, Juifs et Européens. C'est ainsi que les tirailleurs et spahis musulmans combattirent avec les zouaves (unités françaises d'infanterie légère) européens et juifs d'Algérie. Il semble que près de 48.000 Algériens furent tués sur les champs de bataille lors de la première Guerre mondiale, ayant été de toutes les grandes batailles de l'armée française (notamment à celle de Verdun). Plus tard, en 1930, la célébration par la France du centenaire de la «prise d'Alger» fut ressentie comme une provocation par la population. Le projet de loi Blum-Viollette (Front populaire) pour l'attribution de droits politiques à certains musulmans sera rejeté à l'unanimité lors du congrès d'Alger du 14 janvier 1937. Au cours de la seconde guerre mondiale, plus de 120.000 Algériens furent recrutés par l'armée française. Avec l'occupation allemande (1940-1944), plusieurs centaines de musulmans («Nord-Africains») installés en France furent engagés pour constituer ce qui a été appelé la «Légion nord-africaine». De trois millions en 1880, la population d'El Djazaïr passa à près de dix millions en 1960 pour environ un million d'Européens.
Il semble qu'à la veille du déclenchement de la guerre d'indépendance, «certaines villes sont à majorité musulmane comme Sétif (85 %), Constantine (72 %) ou Mostaganem (67 %)». L'essentiel de la population musulmane était pauvre, vivant sur les terres les moins fertiles. La production agricole augmenta peu entre 1871 et 1948 par rapport au nombre d'habitants, El Djazaïr devant alors importer des produits alimentaires. En 1955, le chômage était important ; un million et demi de personnes était sans emploi (la commune d'Alger aurait compté 120 bidonvilles avec 70 000 habitants en 1953). Dans ce cadre, l'Algérie était composée de trois départements, le pouvoir étant représenté par un gouverneur général nommé par Paris. Une Assemblée algérienne fut créée ; elle était composée de deux collèges de 60 représentants chacun : le premier élu par les Européens et l'élite algérienne de l'époque et le second par le «reste de la population algérienne».
Le Mouvement pour le triomphe des libertés démocratiques en Algérie (MTLD) de Messali Hadj avait alors obtenu une large victoire lors des élections municipales de 1947 ; ce parti devint la cible de la répression des autorités françaises. Il y eut ensuite des fraudes massives lors de l'élection de l'Assemblée algérienne. Il est vrai qu'au début du XXe siècle, les leaders algériens réclamaient alors tantôt le droit à l'égalité, tantôt l'indépendance. C'est ainsi que plusieurs partis furent créés : l'Association des Oulémas musulmans algériens, l'Association de l'Étoile Nord-Africaine, le Parti du Peuple Algérien (PPA), les Amis du Manifeste des Libertés (AML), le Parti communiste algérien (PCA)...
Le 8 mai 1945, prélude à la révolution
Le 8 mai 1945, eurent lieu des manifestations d'Algériens dans plusieurs villes de l'Est du pays (notamment à Sétif, Kherrata et Guelma) ; ce, à la suite de la victoire des Alliés sur le régime nazi. A Sétif, la manifestation tourna à l'émeute. La répression par l'armée française fut des plus brutales provoquant la mort de plusieurs centaines de milliers de morts parmi les Algériens. Cette férocité sans nom eut pour conséquence davantage de radicalisation. Certains historiens ont pu estimer que ces massacres furent le début de la guerre d'Algérie en vue de l'indépendance.
Devant l'inertie des leaders qui continuaient de tergiverser, apparut l'Organisation spéciale (OS) qui eut pour but d'appeler au combat contre le système colonial devenu insupportable. Elle eut pour chefs successifs : Mohamed Belouizdad, Hocine Aït Ahmed et Ahmed Ben Bella. Un Comité révolutionnaire d'unité et d'action (CRUA) fut créé en mars 1954 et le Front de libération nationale (FLN) en octobre 1954. En Algérie, le déclenchement de la guerre de libération nationale est caractérisé comme étant une Révolution (en France, on utilisa le terme de «guerre d'Algérie» après l'avoir désigné comme étant des évènements d'Algérie jusqu'en 1999). L'action armée intervint à l'initiative des «six historiques» : Rabah Bitat, Mostefa Ben Boulaïd, Mourad Didouche, Mohamed Boudiaf, Belkacem Krim et Larbi Ben M'hidi lors de la réunion des 22 cadres du CRUA. La Déclaration du 1er novembre 1954 fut émise depuis Tunis par radio.
La guerre d'Algérie débuta le 1er novembre 1954 avec quelques soixante-dix attentats dans différents endroits d'Algérie. La réponse de la France ne se fit pas attendre ; des mesures policières (arrestations de militants du MTLD), militaires (augmentation des effectifs) et politiques (projet de réformes présenté le 5 janvier 1955). François Mitterrand a pu alors déclarer : «L'Algérie, c'est la France». Il déclencha la répression dans les Aurès ; ce qui n'empêcha pas à l'Armée de libération nationale (ALN) de se développer.
De quelques cinq cent hommes, elle augmenta ses effectifs en quelques mois pour atteindre quinze mille et plus tard plus de quatre cent mille à travers toute l'Algérie. Les massacres du Constantinois des 20 et 21 août 1955, notamment à Skikda (alors Philippeville) constituèrent une étape supplémentaire de la guerre. La même année, l'affaire algérienne fut inscrite à l'ordre du jour à l'Assemblée générale de l'ONU, tandis que plusieurs chefs de l'insurrection de l'armée furent soit emprisonnés, soit tués (Mostefa Ben Boulaïd, Zighoud Youcef...). Des intellectuels français aidèrent le FLN, à l'instar du réseau Jeanson, en collectant et en transportant fonds et faux papiers.
Le 22 octobre 1956, eut lieu le détournement de l'avion qui transportait la Délégation des principaux dirigeants du FLN : Mohamed Khider, Mohamed Boudiaf, Aït Ahmed, Ahmed Ben Bella, Mostefa Lacheraf.
Ce fut là un acte caractérisé de piraterie aérienne. De même, il y eut l'opération d'intoxication de la bleuite (1957-1958) menée par les services secrets français ; le colonel Amirouche Aït Hamouda mit alors en place des purges internes (Wilaya III) qui firent de très nombreux morts dans différentes wilayas. Plus tard, le France déclencha de grandes opérations (plan Challe 1959-1961), les maquis ayant été sans doute affaiblis par ces purges internes.
Ce plan amoindrit davantage les maquis. Arrivé au pouvoir, Charles de Gaulle engagea une lutte contre les éléments de l'Armée de libération nationale algérienne (ALN). Il semblerait que le plan Challe ait entraîné, en quelques mois, la suppression de la moitié du potentiel militaire des wilayas. Les colonels Amirouche Aït Hamouda et Si El Haouès furent tués lors d'un accrochage avec les éléments de l'Armée française. En 1959, à sa sortie de prison, Messali Hadj fut assigné à résidence.
En France, les Algériens organisèrent des manifestations en faveur du FLN. En 1960, le général de Gaulle annonça la tenue du référendum pour l'indépendance de l'Algérie ; certains généraux français tentèrent en vain un putsch en avril 1961. Il n'est pas anodin de rappeler qu'en février 1960, la France coloniale a procédé à un essai nucléaire de grande ampleur dans la région de Reggane (sud algérien). Avec 17 essais nucléaires opérés par la France entre les années 1960 à 1966, il semble que 42.000 Algériens aient trouvé la mort ; des milliers d'autres ont été irradiés et sujets à des pathologies dont notamment des cancers de la peau.
Le Gouvernement provisoire de la République algérienne (GPRA) fut proclamé avec à sa tête Ferhat Abbas. Le colonel Houari Boumediene était alors le chef d'état-major de l'Armée de libération nationale. En 1960, l'ONU annonça le droit à l'autodétermination du peuple algérien. Des pourparlers avec le GPRA furent organisés pour aboutir aux accords d'Évian (18 mars 1962). Ce qui ne mit pas fin aux hostilités puisqu'il y eut une période de violence accrue, notamment de la part de l'OAS. Près d'un million de Français (Pieds-noirs, Harkis et Juifs) quitta l'Algérie entre avril et juin 1962. Le référendum d'autodétermination (1er juillet 1962) confirma les accords d'Évian avec 99,72 % des suffrages exprimés.
Le bilan de cette guerre, en termes de pertes humaines, continue de soulever des controverses des deux côtés de la Méditerranée. Si El Djazaïr se considère avec fierté comme le pays du million et demi de chahids, en France circulent d'autres chiffres qui oscillent entre 250.000 à 300.000 morts. Outre cette comptabilité macabre, bien d'autres sujets continuent de constituer un contentieux entre les deux pays. Il est vrai aussi que la guerre fratricide entre le FLN et le MNA (mouvement de Messali Hadj) fit quelques centaines de morts tant en France qu'en Algérie (notamment à Melouza), outre le nombre de harkis tués après le cessez-le-feu. Ce, sans oublier les luttes pour le pouvoir : d'un côté, le pouvoir civil avec le GPRA présidé par Ferhat Abbas appuyé par les wilayas III et IV, et de l'autre côté le pouvoir militaire (le «clan d'Oujda») et l'«armée des frontières») avec à sa tête Houari Boumediene.
A l'indépendance, El Djazaïr est sortie exsangue des suites de la guerre, des conflits internes et du départ massif des Européens ayant servi d'encadrement durant la période coloniale. L'armée française évacua ses dernières bases en Algérie (enclaves autorisées par les accords d'Évian) : Reggane et Bechar (1967), Mers el-Kébir (1968), Bousfer (1970) et B2-Namous (1978). Ainsi, nonobstant l'indépendance, la France continua d'avoir des bases en Algérie.
Le GPRA de Ferhat Abbas fut évincé par l'ALN au profit d'Ahmed Ben Bella qui fut ainsi le premier président de l'Algérie indépendante du système colonial français. Le FLN devint parti unique et prôna un socialisme à l'algérienne marqué par le populisme et le culte de la personnalité. Et, depuis le coup d'Etat du 19 juin 1965 à ce jour, El Djazaïr ne cesse de s'interroger sur son destin à travers l'Histoire, y compris jusqu'au Hirak dont on peut encore espérer un antidote au pouvoir politique marqué par l'échec de la gérontocratie.
Qu'émerge enfin une nouvelle élite de jeunes, organisés et conscients des enjeux et des défis à relever par El Djazaïr, au-delà des «excuses» de l'ancienne puissance coloniale ! Les gesticulations électoralistes outre-méditérranée ne sauraient faire oublier la barbarie du «système colonial».
Le cimetière musulman de l'île Sainte Marguerite - Photo : D. R.
Le travail de mémoire se poursuit entre l’Algérie et la France. Selon des informations rapportées par le média France Bleu, un travail de réhabilitation de cimetières d’Algériens déportés et emprisonnés durant la colonisation française est en train d’être effectuée sous l’égide d’un comité dirigé par Benjamin Stora, qui assure la coprésidence de la commission mixte algéro-française Histoire et Mémoire.
L’un de ces lieux historiques devant être réhabilités est le plus ancien cimetière musulman de France qui se trouve sur l’île Sainte Marguerite, dans la Côte d’Azur. «Pendant 40 ans, plus de 3000 déportés étaient emmenés de force sur l’île, précise le même média. Ces déportés s’opposaient au système colonial».
Selon Christophe Roustan Delatour, historien et directeur adjoint des musées de Cannes cité par France Bleu, il s’agissait d’«otages de marque, de prisonniers politiques». «Le plus grand cimetière musulman de France a donc été créé sur l’île, caché sous des arbres.
274 Algériens, des hommes, des femmes et des enfants y ont été enterrés. Des cercles de pierres en guise de tombe. Certains sont morts de maladie, la dysenterie ou encore le choléra. Des bébés de malnutrition, car le traumatisme de la guerre avait tari le lait des mères», souligne le même historien français. Ce cimetière est l’un des douze lieux datant du XIXe siècle que la Commission mixte algéro-française compte réhabiliter et valoriser à travers notamment des plaques commémoratives.
Les autres lieux concernés par ce travail de mémoire se trouvent à Toulon, Pau, Amboise, Sète, Agde, Porquerolles, Calvi, Corte, Ajaccio, la Guyane et en Nouvelle-Calédonie. La réhabilitation de ces sites de mémoire a été décidée par la Commission mixte lors de sa dernière session plénière du 25 janvier aux Archives nationales à Paris.
En effet, parmi les neuf propositions de travail, figurait la réhabilitation des cimetières des détenus algériens du XIXe siècle en France. Dans un communiqué rendu public le 3 février, la Commission mixte avait affirmé avoir décidé de poursuivre «l’identification et la recension des cimetières, des tombes et des noms des détenus algériens du XIXe siècle décédés et enterrés en France, et valoriser ces lieux de mémoire par l’apposition de plaques commémoratives».
Aussi, un site Internet sera dédié à ces lieux, sur lequel des précisions historiques seront données, notamment, sur les personnes qui y étaient emprisonnées. Ce point s’ajoute à huit autres dossiers retenus par la Commission mixte comme chantiers pour le travail de mémoire et de réconciliation entre les deux pays. Parmi eux, les archives, les restitutions de bien symboliques, la bibliographie, la création d’un portail numérique et la formation.
Ainsi, les biens de l’Emir Abdelkader, tels que son épée, son burnous, son Coran et ses canons seront restitués. Ceux d’Ahmed Bey et d’autres personnalités historiques algériennes aussi. «La Commission se félicite de la proposition faite par des musées français, comme le quai de Branly ou Le Louvre, de réaliser un inventaire des items provenant d’Algérie», avait précisé la Commission mixte qui a recommandé, entre autres, «le recensement des ouvrages traitant de l’histoire coloniale en Algérie dans toutes les langues et l’identification de ceux qui seraient à numériser ou encore à traduire».
Il est à rappeler que la création de cette commission mixte, composée de dix membres et chargée d’effectuer le travail de mémoire sous un angle purement historique, remonte à août de 2022, lors de la visite du président Emmanuel Macron en Algérie.
Horace Vernet (1789 – 1863) est le peintre favori de Louis-Philippe lors de la Monarchie de juillet (1830-1848). Avec la conquête de l’Algérie, il lui commande entre autres le tableau magistral « La prise de la smala d’Abdel Kader » et les Salles africaines du Château de Versailles. Artiste officiel, grand voyageur, il traverse le siècle, romantique à ses débuts puis peintre d’histoire avec un talent de narrateur. Certains le considéraient comme « l’Alexandre Dumas de la peinture ».
A découvrir dans une rétrospective de 200 œuvres exposé au Château de Versailles dans les Salles d’Afrique et d’Italie jusqu’au 17 mars 2024
Né au Louvre dans une famille de peintres de cour, son grand-père, Joseph Vernet est peintre de marine sous Louis XV connu pour ses ports de France, et Carl, son père chez qui il fait son apprentissage est peintre militaire sous l’Empire. Apprécié par Napoléon et sa famille, Horace devient romantique lors de la Restauration, très lié à Théodore Géricault et commence sa carrière comme directeur de l’Académie de France à Rome en 1829. Un poste très prestigieux où il peint Le Pape Pie VIII porté à la basilique Saint-Pierre, (1829, Château de Versailles) à l’origine destiné à Charles X. Lorsque Louis Philippe accède au pouvoir, il lui commande Louis Philippe quitte le Palais royal pour se rendre l’Hôtel de Ville, le 31 juillet 1830 (1832, musée national du château de Versailles et de Trianon). Il est dès lors son peintre officiel.
La conquête de l’Algérie au château de Versailles
En 1830, Vernet effectue son premier voyage en Algérie. A partir de 1832, à la demande de Louis-Philippe, il y retourne régulièrement et réalise en six ans les neuf grandes toiles des trois salles d’Afrique du château de Versailles. Neuf toiles qui documentent l’avancement des troupes françaises et leurs succès militaires sous les ordres des fils du Roi jusqu’à la conquête finale en 1848. Entre autres, la prise de la smala d’Abdel Kader par les troupes françaises conduite par le jeune Duc d’Aumale le 16 mai 1843 (1843-45) qui glorifie l’armée française dans une toile de 21 mètres de long et près de 5 mètres de haut.
En 1837, après leur présentation au Salon, les toiles sont installées définitivement dans les trois salles d’Afrique du Château de Versailles, celle de Constantine (photo), de la Smala et du Maroc qui sont exceptionnellement ouvertes. En effet les 3 salles africaines qui étaient jusqu’à présent occupées par les expositions temporaires, pourraient être désormais accessibles en permanence
Des écrans géants
Dans ces formats immenses, Vernet représente davantage la vie militaire et ses bivouacs que la bataille. Le pittoresque prend le pas sur le drame. La Prise de Tanger, restée inachevée du fait de la Révolution de 1848, est présentée pour la première fois au public. Elle est révélatrice de sa manière de travailler. Il commence par un point ou un côté puis continue jusqu’à couvrir la toile. « C’est sans doute cette totale présence de l’artiste dans son sujet qui lui permet d’y insuffler une telle vie, avec un instinct du décor et de la dynamique des figures qui anticipe véritablement le cinématographe. Les grandes toiles de la conquête de l’Algérie sont des écrans géants faits pour des travelings étourdissants » pour Laurent Salomé, Directeur du musée national des châteaux de Versailles et de Trianon. Sa manière deviendra plus dramatique pour les commandes de la guerre de Crimée en 1853 qui opposait la Russie à une coalition anglo-franco-ottomane.
Orientalisme et imaginaire colonial
Au-delà de ces grandes batailles, il alterne dans une veine orientaliste les sujets civils et religieux. Grand chasseur, avec La Chasse au lion au Sahara, 1836, (photo, Londres, Wallace collection), il associe dans un genre plus anecdotique l’exotisme et la violence du combat. Les hommes capturent les lionceaux avant de tuer la lionne. Avec Agar chassé par Abraham, 1837 (photo,Nantes, Musée des Arts), il reprend les vêtements des bédouins pour représenter des personnages bibliques et en fait dans un livre (Des rapports qui existent entre le costume des anciens hébreux et celui des arabes modernes, 1837) une théorie qui fit scandale à l’Académie des Beaux Arts. Dans Première messe en Kabylie, 1854, Lausanne, musée cantonal des Beaux Arts,il réunit l’armée française et les autochtones. Une messe qui aurait réveillée sa foi.
Ayant acheté des terres en Algérie, il y revient jusqu’en 1862 avec un long séjour de 2 ans en 1855. Il voyagera aussi en Angleterre, en Italie pour plusieurs séjours, en Russie en 1836 et 1843, à Berlin en 1838, à Malte, en Egypte en 1839 et en Crimée en 1854.
Roman royal et pillage de l’Algérie
Louis Philippe ouvre en 1837, dans une perspective de réconciliation nationale et voulant inscrire son règne dans l’histoire, la Galerie des Batailles, un musée de l’Histoire à « toutes les gloires de France » de Tolbiac en 496 à Wagram en 1809. Vernet y reçoit 3 commandes en plus de celle le représentant avec ses cinq fils sortant par la grille d’honneur de Versailles après avoir assisté à une revue militaire le 10 juin 1837. Lors des opérations militaires en Algérie, certains officiers polytechniciens font des recherches sur les ruines romaines. Une Commission scientifique créée en 1839, s’inspirant de l’expédition d’Egypte de Bonaparte, réunit des antiquités qui sont placées au Louvre à côté des antiquités égyptiennes dans le Musée algérien inauguré par le Roi Louis-Philippe en 1845. Le Duc d’Orléans, fils aîné de Louis Philippe, envisage de transporter l’arc de triomphe romain de Djemila érigé en 216 en l’honneur de Caracalla pour l’installer à Paris entre l’Arc du Carrousel et la place de la Concorde. Le projet fut abandonné à sa mort en 1842. Dès 1858, sont créés dans chaque ville, des musées municipaux et le musée algérien au Louvre sera fermé en 1895 après des débats houleux autour du dépouillement de l’Algérie, de la qualité des pièces et des difficultés de les entretenir dans des musées locaux.
Il n’est pas inutile de rappeler que la colonisation française a utilisé, bien avant Israël, les mêmes méthodes avec des moyens identiques. On peut être amené à penser d’ailleurs que les drames d’aujourd’hui servent à banaliser ceux d’hier et à déculpabiliser leurs auteurs.
Un article rédigé dans les années 1960 et publié en 1962 dans les Annales de géographie
par Marcel Lesne et un livre de Pierre Bourdieu et Abdelmalek Sayad, le Déracinement, adossé à des enquêtes menées, elles aussi, dans les années 1960, publiées par les éditions de Minuit en 1964, montrent on ne peut mieux qu’il suffit de changer les noms algériens et les nombres de personnes concernées pour avoir l’histoire de l’expansion territoriale d’Israël.
Ces textes décrivent la situation pendant les opérations militaires en Algérie et non, comme on pourrait le croire, la situation actuelle à Gaza (reste que les armes de l’époque étaient moins puissantes que celles d’aujourd’hui). Ils abordent l’expulsion progressive des Algériens de leurs terres comme cela s’est reproduit avec l’expulsion des Palestiniens vers des regroupements très localisés mais aussi vers les pays arabes voisins et vers les pays d’Europe occidentale.
Mieux leur « resserrement » dans la bande de Gaza, où ils sont « cantonnés », s’avère identique à ce qui s’est passé en Algérie. Ensuite, la misère est le lot de tous et de toutes dans les zones regroupées. Enfin, la désorganisation atteint en profondeur et sur le très long terme les individus « resserrés ». Il ne faut pas perdre de vue le traumatisme et ses effets (il se transmet sur plusieurs générations), dont on peut penser qu’il existe aussi en Palestine.
Comme on le sait, très tôt l’armée française a eu comme consignes d’« expulser » les tribus des terres les plus fertiles, de brûler leurs oliviers et d’abattre leur bétail. On assiste en Algérie, écrivait Marcel Lesne, à « un déplacement de population le plus important de l’histoire », d’abord vers des zones plus arides, mais aussi vers les villes, vers l’étranger et vers la métropole.
L’historien André Nouschi a bien montré que l’expulsion des indigènes vers les zones montagneuses commence bien avant le sénatus-consulte de 1863 et a été accentuée par « le séquestre » des terres après la révolte de 1871. Là, les populations étaient « resserrées » dans des « cantonnements » – les mots utilisés par le général Bugeaud, qui commandait l’armée française en Algérie au milieu du XIXe siècle, décrivent on ne peut mieux « le reflux » organisé vers les zones rurales les plus déshéritées et l’amorce d’une bidonvillisation dans les villes coloniales. La politique d’Israël a abouti au même résultat, resserrant les Palestiniens dans le cantonnement de Gaza après leur expulsion de leur habitat traditionnel.
Pour l’Algérie, Marcel Lesne écrit qu’il s’agissait de « faire le vide ». L’exécution des opérations a été « violente », « brutale ». Il donne des exemples, notant qu’« aucune population éparse n’existe plus dans l’arrondissement de Theniet el Had », où « la misère est presque totale » ; que, dans le secteur de l’Ouarsenis, 33 000 personnes, sur un total de 46 000 (soit sensiblement 72 %), ont été « regroupées ».
Dans les « cantonnements », « on s’entasse à une dizaine de personnes dans une pièce de 10 m2 » ; « parmi 41 centres de regroupement, 35 n’offrent aucun caractère de viabilité » ; ailleurs, « les fellahs sont rassemblés sur une crête exposée au vent » ou installés dans des « zones inondables ». Pour tous, le regroupement signifie « création de bidonvilles » et « clochardisation ».
Le « resserrement » produit aussi « une dislocation des correspondances qui existaient entre le terroir, l’histoire et les structures sociales » ; pire, les systèmes sociaux mis en place pour penser le temps et l’espace s’en trouvent défaits. Pierre Bourdieu et Abdelmalek Sayad écriront : « Dans le langage du corps la façon de se tenir, de porter la tête ou de marcher, s’expriment mieux que dans les mots l’égarement et le dépaysement ». D’une certaine façon, « le regroupement » altère « les rythmes temporels qui en sont solidaires et défait au plus profond les principes d’organisation de la vie du groupe et sa force d’intégration ».
Dans ces conditions, la population entre soit dans un abattement et une résignation mortifères, soit dans la disponibilité pour suivre tout mouvement radical ; elle est prête à toute violence. Mais, en 1962, après cent trente années de colonisation, El Djazaïr (Alger) fêtera son indépendance.
Par Christian de Montlibert, sociologue et Tassadit Yacine, anthropologue
Dans Le Pen et la torture. Alger 1957, l’histoire contre l’oubli qui sort le 19 janvier, l’historien Fabrice Riceputi reconstitue, documents, cartographie et témoignages à l’appui, un fait supposé avéré pour la mémoire collective, mais récemment remis en question par des journalistes de la radio publique : alors élu de la République et futur cofondateur du Front national, Jean-Marie Le Pen a commis des actes de torture en Algérie. Dans la conclusion dont nous publions ici quelques extraits, le spécialiste de l’histoire coloniale analyse ce que ce déni dit aujourd’hui de l’hégémonie culturelle de l’extrême droite en France.
Paris, 1960. Le député Jean-Marie Le Pen se rend à une réunion d’anciens combattants, entouré de membres de son parti, le Front national des combattants
AFP
Qu’est-ce que le lepénisme, sinon un rejeton idéologique et politique du colonialisme, au moins autant que de la Collaboration ? L’ère coloniale incarne en effet aux yeux de l’extrême droite française l’âge d’or perdu du suprémacisme blanc. La guerre raciste à « l’immigration » et aux « immigrés », la diabolisation de l’islam et des musulmans, celle des migrants exilés, la théorie complotiste et raciste du « grand remplacement », thèmes qui triomphent aujourd’hui en France bien au-delà de l’extrême droite, sont l’héritage direct de ce passé. Un héritage dont Le Pen et le Front national furent les principaux passeurs dans les années 1970 et 1980.
Pourtant, quand on évoque les origines idéologiques de ce courant aujourd’hui aux portes du pouvoir en France, on pointe à juste titre le collaborationnisme ou le nazisme de certains de ses fondateurs, mais sa matrice colonialiste pourtant si déterminante est presque toujours ignorée. Du reste, certains criminels notoires de l’OAS, fondateurs du Front national, sont régulièrement honorés publiquement par des élus d’extrême droite. Pour exemple, fin 2022, Louis Aliot, maire RN de Perpignan, décide de créer une esplanade Pierre-Sergent, une figure majeure de l’OAS1. Et l’Élysée lui-même ne craint pas de flatter ce courant lors de « gestes » mémoriels symboliques en direction des pieds-noirs, notamment en éludant les exactions sanglantes de l’OAS et sa lourde responsabilité dans le déroulement tragique de la fin de la guerre2.
En France, avoir trempé dans les guerres coloniales et leur cortège de crimes contre l’humanité n’est généralement pas jugé infamant. Car ce passé colonialiste est peu ou prou partagé avec le FN/RN par les autres courants politiques, à droite, mais aussi à gauche. C’est tout particulièrement le cas pour le courant socialiste, qui, au temps de la SFIO – celle des Guy Mollet, Robert Lacoste ou François Mitterrand –, fut un responsable majeur de la terreur coloniale et n’a jamais voulu faire l’inventaire de ce passé coupable.
[…]
Admettre que « l’épopée » coloniale française fut, des siècles durant, un système de domination raciste et brutal aurait en effet constitué une scandaleuse atteinte à une histoire patriotique nécessairement immaculée. Et une insupportable concession faite au « communautarisme », autrement dit à la population française issue de l’immigration coloniale et postcoloniale, soupçonnée de « séparatisme », un terme significativement emprunté au vocabulaire colonial. Comme si cette question, aussi bien que l’histoire de la Shoah ou celle de l’esclavage, ne concernait pas toute la nation française.
Dans ce véritable backlash colonial, comparable à celui qui suivit le mouvement féministe Me too aux États-Unis, le poids idéologique du Front national et d’une droite relayant elle aussi la nostalgie coloniale joua un rôle majeur. C’est par des essayistes d’extrême droite, mais aussi par des souverainistes issus de la gauche, que fut inventée la « repentance », mot-écran, épouvantail verbal vide de sens, mais destiné à disqualifier a priori tout examen critique du passé colonial3.
Devenue littéralement doctrine d’État sous Nicolas Sarkozy, l’anti-repentance coloniale l’est toujours, quoique plus discrètement. Ainsi, toutes les initiatives mémorielles d’Emmanuel Macron relatives à la colonisation et à la guerre coloniale d’Algérie sont soigneusement précédées d’une protestation de non-repentance de l’Élysée, gage de bonnes intentions donné à une opinion de plus en plus gagnée par le nationalisme et les racismes4.
L’aveuglement dont il a été question dans ce livre sur le passé tortionnaire de Jean-Marie Le Pen en Algérie et ses conséquences politiques est en vérité l’une des nombreuses manifestations de ce que l’historienne Ann-Laura Stoler a qualifié d’« aphasie coloniale »5, une pathologie française bien connue à travers le monde. Elle désigne une impossibilité chronique à dire ce qui est pourtant parfaitement su : au nom de la République française et par elle furent perpétrés en Algérie et dans bien d’autres colonies des crimes contre l’humanité, dont la torture n’est que le plus emblématique.
Précisément du fait des victoires du lepénisme et de ses avatars dans la bataille culturelle et politique, l’aveu du crime colonial paraît aujourd’hui plus impossible que jamais. Il faut à nos dirigeants en reculer sans cesse l’échéance, au prix de tergiversations et de diversions sans fin. La dernière en date de ces manœuvres dilatoires est la promotion par Emmanuel Macron d’une histoire officielle qualifiée d’« apaisée », c’est-à-dire en réalité décontextualisée, dépolitisée et largement expurgée de ses aspects criminels, surtout lorsqu’ils engagent la responsabilité de l’État6.
La question fondamentale à laquelle il ne faut surtout pas répondre est celle-ci : au regard des valeurs proclamées par la République française, le combat pour l’indépendance de l’Algérie était-il juste et la guerre menée par la France pour l’écraser condamnable ? À la négation et à l’occultation pures et simples des crimes commis en Algérie, battues en brèche par de solides travaux historiques, a succédé l’excuse dite « des deux côtés ». Dans une lecture anhistorique des événements, une absurde mise en équivalence est en effet généralement opérée. Les violences algériennes pour obtenir l’indépendance, alors que toute voie pacifique était brutalement interdite par la France, sont mises sur le même plan que celles commises à une échelle incomparable par un État surpuissant, incluant notamment massacres de civils en représailles collectives, pratique massive de la disparition forcée et de la torture, déportations de masse dans un système concentrationnaire, usage d’armes chimiques, le tout pour réprimer l’aspiration à la liberté d’un peuple. Comble de l’indécence, ceci est assorti d’une injonction faite aux Algériens et Algériennes de bien vouloir oublier leur « trauma colonial », de se « réconcilier » et de tourner la page coloniale de leur histoire dans les meilleurs délais7.
C’est à ce prix, celui d’un déni d’une vérité historique douloureuse mais têtue, que la légendaire bonne conscience coloniale française peut se perpétuer. Et que le lepénisme peut se trouver « dédiabolisé ».
Quant à la torture, aujourd’hui qualifiée en droit international de crime contre l’humanité, l’héritière de Jean-Marie Le Pen peut impunément en faire l’apologie, jugeant qu’aujourd’hui comme hier elle serait un « mal nécessaire ». Et ce, au nom du fameux scénario de la bombe à retardement, cette fable perverse qui servit à son père comme à tant d’autres à la justifier et à la pratiquer dans les colonies8.
Entre Paris et Alger, jamais d'indifférence. Ce qui se traduit, depuis le XVIe siècle, par des liens très forts de répulsion et d'attraction. En témoigne l'histoire méconnue du Bastion de France à l'extrémité du Constantinois.
Lorsque commence l'histoire, la Régence d'Alger est en droit une province de l'Empire ottoman ; en fait c'est, selon l'historien Charles-André Julien, " une colonie d'exploitation dirigée par une minorité de Turcs avec le concours de notables indigènes ". Et le dey d'Alger sait qu'il lui faut s'incliner devant la volonté de la Sublime Porte. Son hostilité à l'installation de marchands chrétiens sur son territoire doit s'effacer devant le désir fermement exprimé de Constantinople d'accorder à la France quelques privilèges commerciaux sur les côtes d'Afrique, avec l'autorisation d'y fonder des établissements. En 1560, un Corse établi à Marseille, Thomas Lenche, enlève ainsi entre le cap Rouge et Bougie le monopole de la péche du corail - la principale richesse de la Régence d'Alger -, et le droit de fonder, à dix kilomètres de La Calle, à l'extrémité du Constantinois un établissement non fortifié : le Bastion de France. Malsain, isolé sur une côte inhospitalière, ce site bénéficie cependant d'un emplacement privilégié, en raison de sa proximité avec les meilleures pécheries de corail et avec Bône, le port de Barbarie le plus fréquenté par les Marseillais au Moyen Age. Il suscite ainsi bien des convoitises. Et, durant près de trois siècles, jusqu'à la conquéte de l'Algérie, le Bastion de France est au centre des relations franco-algériennes.
A peine les Français en ont-ils pris possession que les Algériens les accusent de violer à longueur de journée les accords initiaux en exportant des grains, ce qui leur est interdit. Dès 1568, ils enlèvent la place et chassent les Marseillais. Thomas Lenche n'a donc gardé le Bastion que huit années. Mais ses héritiers ne sont pas décidés à renoncer à ce pactole. En 1597, son neveu réussit à le récupérer. Il y gagne des " richesses immenses ". Son triomphe est de courte durée. En 1604, des corsaires s'emparent du Bastion. Loin de plaider coupable, Alger revendique cette action : le Bastion a été " démoli par résolution de toute la Barbarie ", explique le grand vizir à l'ambassadeur français. Henri IV n'admet pas ce coup de force. Comme l'année précédente, il a obtenu de Constantinople la destitution du pacha d'Alger, tenu pour responsable des mauvais traitements infligés à notre consul ; il multiplie les interventions pour que le Bastion soit rendu aux Français. En vain.
Alors, il l'offre au duc de Guise, gouverneur de province, à charge pour lui d'en obtenir la restitution. Cependant que la famille Lenche reçoit une pension importante pour l'achat de ses droits, une expédition militaire est montée. C'est un échec. Les trois vaisseaux français, qui se sont emparés du Bastion, doivent rapidement l'évacuer. Venus d'Alger, les janissaires ont volé au secours des corsaires. Le Bastion de France reste donc aux mains d'Alger. La France semble l'accepter.
Avec l'arrivée aux Affaires du cardinal de Richelieu, les choses changent. Conscient de l'importance du commerce, de la nécessité pour le royaume d'accroître son empire colonial - d'où l'acquisition de quelques Antilles, l'établissement de comptoirs à Madagascar et au Sénégal, l'envoi de colons et de missionnaires au Canada -, Richelieu veut rendre à la France ses positions dans la Régence d'Alger.
Pour récupérer le Bastion de France, il décide de recourir aux bons offices de Sanson Napollon, ancien consul à Alep, dont les succès dans l'exercice de sa fonction lui ont valu d'étre nommé par Louis XIII gentilhomme de la Chambre. Comme Thomas Lenche, c'est un Corse d'origine devenu Marseillais. Le duc de Guise, la ville de Marseille et les capitaines de galères s'entendent pour lui fournir le nerf de la guerre nécessaire à l'accomplissement de sa mission : plus de 100 000 écus. Par l'entremise de Sanson Napollon, présents et argent coulent à flots sur la Régence d'Alger. Un traité de paix est signé le 16 septembre 1628. Les Français s'engagent à restituer les captifs turcs détenus à Marseille aux galères ainsi que les deux canons que le corsaire Simon Dansa avait pris au pacha d'Alger. Le Bastion de France n'est pas mentionné dans l'acte officiel. Mais dix jours plus tard, Sanson Napollon conclut lui-méme avec Alger la convention dite du Bastion. Moyennant redevance financière, les Français obtiennent le droit de redresser les places détruites, avec le monopole du commerce et de la péche dans l'étendue des concessions.
Sanson Napollon fait du Bastion un haut lieu de négoce avec plus de vingt bateaux. Sans se préoccuper des règles en vigueur, il s'enrichit non seulement de la péche du corail et du commerce légal, mais aussi de l'exportation de blé. Ainsi, il comble les déficits d'approvisionnement de la Provence. Il négocie aussi avec le régent de Tunis l'établissement d'une concession au cap Nègre. Le duc de Guise lui ayant accordé le tiers des bénéfices du Bastion, sa fortune est rapide, au point de permettre le mariage de sa fille avec le marquis de Ragusse, président du Parlement de Provence.
Bien que l'accord initial de 1560 l'interdise, Sanson Napollon transforme le Bastion en une place forte. Aujourd'hui encore, ses ruines témoignent de cette volonté guerrière : à côté des restes d'une chapelle et d'une tour, les vestiges d'une forteresse avec des salles de garde. Sanson Napollon en a fait un centre d'espionnage, " grâce auquel Sa Majesté [...] peut toujours savoir ce qui se passe en Barbarie ; une base militaire où Sa Majesté peut faire débarquer tant de gens qu'il lui plaira ".
La réussite d'une telle opération exige le secret le plus absolu : " Il est nécessaire, écrit-t-il, de conserver les dites places [le Bastion et les autres concessions] sous couleur de négoce et de péche du corail, afin que le dessein de faire les dites conquétes ne soit pas connu. "
En 1633, la mort tragique de Sanson Napollon - décapité par les habitants de l'île de Tabarka, au nord de Tunis, qu'il tentait d'enlever -, met un terme à ce premier projet de conquéte de l'Algérie.
Elle permet au pacha d'Alger d'ordonner la destruction définitive du Bastion, en 1637. Mais trois ans ne se sont pas écoulés qu'il doit revenir sur cette décision. L'anéantissement du bastion français, s'il ruine les héritiers de Sanson Napollon, appauvrit aussi les populations locales et surtout un de leurs chefs, qui s'était considérablement enrichi grâce aux Marseillais. Il soulève donc sa tribu, pose comme condition à sa soumission le rétablissement du bastion. Le pacha d'Alger s'incline. D'autant plus aisément qu'après le désastre infligé à la flotte barbaresque par Venise, les redevances versées par les exploitants du bastion sont indispensables à la reconstruction des navires. Si bien qu'en 1640, un émissaire du duc de Guise signe avec Alger une nouvelle convention prévoyant des amendes pour quiconque porterait atteinte au bastion.
Dès lors, les Français disposent, dans la Régence d'Alger, de plusieurs établissements : le Bastion, La Calle, le cap Rosa. Bien qu'ils aient également le droit d'ouvrir des magasins dans les ports de Bône et de Collo, ils ne retrouvent pas leur prospérité du temps de Thomas Lenche ou Sanson Napollon. Leur exploitation est menacée par les corsaires, dont c'est la grande époque. En huit ans, ces derniers ont ramené à Alger 936 prises ainsi désigne-t-on les navires capturés. La France, pourtant la moins éprouvée des nations maritimes, a perdu 80 navires et doit racheter des centaines de captifs.
Durant un demi-siècle, les relations de la France avec la Régence d'Alger sont particulièrement tendues.
Mais la nécessité de développer le commerce avec tous, y compris les Barbaresques, conduit la France à rechercher un nouvel accord. En 1689, un traité est signé entre le pacha d'Alger et Guillaume Marcel, commissaire des armées navales. La régence d'Alger et le royaume de France s'engagent à vivre en paix.
Les établissements français, le Bastion de France et le cap Nègre, ne cessent alors de se développer.
En 1691, une nouvelle compagnie est formée, sous l'impulsion du gouvernement, par des marchands marseillais. A partir de ce moment, les directeurs de La Calle - le nouveau centre des établissements français - sont toujours désignés par le gouvernement ou par les compagnies. Ce ne sont plus des personnages hauts en couleur comme Thomas Lenche ou Sanson Napollon. Aussi, ils n'ont plus de rôle diplomatique, sinon de verser à chaque nouveau dey, lors de son avènement, les présents et menus cadeaux qui assurent le renouvellement quasi-automatique de leur contrat. Ils deviennent d'authentiques " commerciaux " chargés de veiller à la prospérité de leurs entreprises.
En 1706, un arrét du Conseil du roi reconnaît la Compagnie d'Afrique, formée de marchands marseillais. En 1714, elle obtient du dey d'Alger l'autorisation d'exporter des blés, ce qu'elle faisait d'ailleurs depuis longtemps sans en avoir le droit. En 1730, les bénéfices du Bastion de France et du cap Nègre sont évalués à près de 100 000 livres. En 1731, Alger accorde à la France un monopole général de commerce. En 1741, le Conseil du roi en tire les conséquences avec la création de la Compagnie royale d'Afrique, qui est sous contrôle étroit de Paris. Contrairement à ses devancières, dont l'existence était limitée à quelques années, la Compagnie royale d'Afrique est perpétuelle. Elle connaît une très grande prospérité. Si elle perd le cap Nègre, elle conserve différents établissements, dont La Calle demeure le principal. Par l'importance de ses constructions et le nombre de ses habitants, ce comptoir ressemble à une véritable petite colonie.
Plus que la péche du corail, le commerce du blé est sa principale activité. Sur les 720 000 quintaux de blé que la ville de Marseille importe chaque année, 121 000, venant de la Régence d'Alger, sont fournis par la Compagnie royale d'Afrique. Les blés d'Alger servent à l'alimentation des provinces méridionales du royaume, quand la disette n'oblige pas le roi à les transporter vers Paris ou toute autre ville. Cela avait déjà été le cas en 1699, quand le roi avait détaché des frégates pour assurer le transport des blés jusqu'au Havre afin de secourir Paris. Marseille est l'entrepôt de la Méditerranée. Du Bastion de France et des autres établissements français d'Algérie lui parviennent aussi de grandes quantités de laine et de cuir.
En 1789, les bénéfices de la Compagnie royale d'Afrique ne sont pas négligeables. Mais en 1791, en raison de l'hostilité de la Constituante aux privilèges, elle perd son monopole, la loi du 27 juillet décrétant que tous les Français sont libres de commercer avec la Barbarie. Les dernières années de la Compagnie ne sont pas faciles. Bien que deux nouveaux traités de paix soient, en 1791 et 1793, conclus avec Paris, le dey d'Alger, conscient de la fragilité des responsables français, impose ses conditions : le doublement de la redevance que le Bastion lui verse, sans compter des cadeaux d'un montant jamais atteint certains mémoires mentionnent jusqu'à de 2 millions de livres....
Après la chute de la royauté, le Comité de salut public, le 19 pluviôse, an II 19 février 1794 supprime la Compagnie d'Afrique et la remplace par l'Agence d'Afrique, dépourvue des prérogatives qui avaient assuré la fortune des successeurs de Thomas Lenche.
Le Bastion de France perd sa principale source de richesse. Les blés d'Alger se retrouvent accaparés par un juif de Livourne, arrivé à Alger vers 1774, Michel Cohen-Bacri. Profitant de la suppression de la Compagnie d'Afrique, ce dernier fonde sa propre maison de commerce à Alger. Il s'associe avec un de ses coreligionnaires, Neftali Busnach qui, lui, s'est fixé à Alger dès 1723. Et bien que l'Agence d'Afrique ait pris - en principe - la place de l'ancienne Compagnie d'Afrique et gère les établissements français, la France comprend qu'elle ne peut se procurer de blé algérien si elle ne s'adresse pas directement aux Bacri. Jacob, le fils de Michel, vient méme s'établir à Marseille pour faciliter les transactions. A travers les lettres du dey d'Alger, les Bacri apparaissent sans conteste comme " ses représentants et ses facteurs ".
La République n'a pas d'argent. Qu'à cela ne tienne ! Les Bacri et les Busnach sont tout disposés à lui vendre à crédit... Elle s'endette pour des sommes colossales.
Le commerce du blé échappe donc au Bastion de France et aux établissements dont il était la principale source de richesse. Ses jours sont comptés. En 1798, à la suite de l'incursion de Napoléon sur ses terres - l'Egypte est partie intégrante de l'Empire ottoman -, Constantinople déclare la guerre à la France. Et, sur un ordre impératif de la Sublime Porte, Alger rompt avec la France. Le 21 décembre 1798, tous les Français d'Alger sont mis aux fers et conduits en captivité. La Calle, l'établissement français le plus puissant de la Régence, est détruit par les flammes. Méme si ayant acheté le silence des ministres algériens, le consul de France en 1817, fait relever les fortifications de La Calle, l'établissement ne retrouva jamais la splendeur de ses débuts.
L'histoire si méconnue du Bastion, avec ses moments d'attraction et de répulsion entre les deux pays, est symbolique des relations tumultueuses et passionnées qu'entretiennent Paris et Alger. Quarante ans après les accords d'Evian signés le 18 mars 1962, mettant fin dans la douleur à sept années d'affrontements sanglants, qui aurait imaginé que le président de la République française puisse recevoir un accueil aussi triomphal?
Repères
1535
Signature d'un traité entre la France et Alger. François Ier est le premier souverain chrétien à reconnaître la légitimité d'un Etat musulman.
1560
Thomas Lenche détient le monopole de la péche au corail et fonde le Bastion de France dans le Constantinois.
1604
Des corsaires s'emparent du Bastion.
1628
Signature d'un traité de paix le 16 septembre entre la France et la Régence d'Alger. Le Bastion devient un haut lieu du commerce.
1794
Suppression de la Compagnie royale d'Afrique créée en 1741, remplacée par l'Agence d'Afrique. La France perd le négoce du blé.
1830
Débarquement des troupes françaises à Sidi Ferruch le 14 juin.
1954-1962
Guerre d'Algérie. Le pays devient indépendant le 1er juillet 1962.
Ils ont tous voulu l'Algérie
En 1572, Catherine de Médicis veut profiter de l'affaiblissement de l'Empire ottoman pour donner à la France tout pouvoir sur l'Algérie . Elle décide de faire de son fils Henri, duc d'Anjou, un roi d'Alger. François de Noailles est prié de demander au sultan de lui céder la Régence d'Alger. Le prétexte invoqué est la protection de son territoire contre une éventuelle attaque de l'Espagne. Mais le Sultan ne veut rien entendre : " Il ne peut confier des territoires musulmans à un prince chrétien... "
Sous le règne de Louis XIII et du cardinal de Richelieu, l'idée d'une conquéte militaire de l'Algérie est envisagée.
La première tentative est due à Monsieur Vincent - le futur saint Vincent de Paul - le supérieur des lazaristes, dont la Compagnie a pour tâche première le secours aux chrétiens esclaves en Barbarie et la conversion à la foi chrétienne des musulmans. Sur la fin de sa vie, alors que le nombre des chrétiens dans les bagnes des Barbaresques est évalué à 10 000 ou 20 000, Monsieur Vincent s'efforce de mettre sur pied une expédition militaire contre Alger. Les Marseillais en facilitent le financement. Mais elle capotera en raison des mauvaises conditions météorologiques. Une seconde tentative, l'année suivante, fut tout aussi inefficace. De ces échecs, le chevalier Paul tire la conclusion d'attaquer les villes barbaresques sur terre avec une armée de 25 000 hommes.
Une nouvelle expédition est décidée en 1664. Elle tourne au fiasco. Le 21 juillet, les Français débarquent à Djidjelli. Fin octobre, attaqué par une armée turque de plus de 10 000 hommes, ils rembarquent en déplorant 1 400 cadavres et la perte d'une centaine de canons. En vue des côtes de Provence, un navire de la flotte coule avec 1 200 soldats à bord...
Sous le règne de Louis XV , la Cour caresse à nouveau le réve d'une conquéte. En 1754, après l'assassinat d'un officier français à Alger, la Cour demande à l'ingénieur Ricaud, un plan d'expédition. Il suggère de l'attaquer par " la plage qui fait face à Bab el-Oued. Mais les difficultés rencontrées en Europe dissuadent le roi de se lancer dans cette aventure.
Sous le Consulat et l'Empire, la conquéte de l'Algérie est étudiée dans ses moindres détails. En juillet 1802, Bonaparte , indigné par la capture de deux bâtiments français et par l'interdiction de pécher le corail fait savoir à l'ambassadeur de l'Empire ottoman que " le Premier Consul a décidé d'envoyer une armée s'emparer d'Alger ". La menace suffit. La France retrouve ses prérogatives. En 1808, Napoléon, à l'apogée de sa gloire, veut reprendre à l'Angleterre le contrôle de la Méditerranée. En mai, il envoie à Alger le chef de bataillon Vincent Boutin. Celui-ci débarque à Alger le 24 mai en civil. Durant trois mois, il parcourt le pays et accumule les données géographiques et politiques. Il établit un inventaire de ses défenses, multiplie les relevés topographiques. Dans son compte rendu daté de novembre 1818, il préconise une opération en plusieurs phases, avec un débarquement à Sidi Ferruch. Aux prises tout à la fois avec l'insurrection de l'Espagne, le retour offensif de l'Autriche, Napoléon ne donne pas suite à son projet de conquéte de l'Algérie.
Ses propositions seront fidèlement appliquées... en 1830. Le 14 juin, l'armée de Charles X débarque sur la plage de Sidi Ferruch, à une trentaine de kilomètres d'Alger, à l'endroit méme qu'il avait retenu à cet effet en 1808.
Comprendre
Barbarie
Ce nom, employé dès l'Antiquité par les géographes, est une altération de "Berbérie" ou pays des Berbères.
La Barbarie comprend les pays de l'Atlas, principalement le Maroc, l'Algérie et la Tunisie.
Le coup d'éventail
Les créances des Bacri, que la France se refuse à rembourser, sont à l'origine du fameux coup d'éventail donné par le dey d'Alger en 1828 au consul Pierre Duval. C'est le prétexte invoqué pour justifier la conquéte de 1830.
epoussée à deux reprises, la visite d’État que devrait effectuer Abdelmadjid Tebboune en France est toujours à l’ordre du jour, mais elle bute sur certains obstacles.
Elle devrait théoriquement avoir lieu au courant de l’année 2024. Reste que le programme de la visite et les dossiers appelés à être discutés entre Tebboune et son homologue français, Emmanuel Macron, ne sont visiblement pas encore ficelés.
« La visite fait toujours l’objet de préparatifs », a assuré le ministre des Affaires étrangères et de la communauté nationale à l’étranger, Ahmed Attaf, dans un entretien accordé à la journaliste algérienne Al Jazeera, Khadidja Bengana, dont des extraits ont été diffusés sur Atheer.
M. Attaf a confirmé ainsi les propos d’Abdelmadjid Tebboune tenus en août dernier.
Mais signe de la « sensibilité » de la relation entre l’Algérie et son ancienne puissance coloniale, cette visite envisagée se heurte toujours à des « désaccords » dont Ahmed Attaf vient de révéler un des éléments et qui est de nature à la faire capoter.
Il s’agit du refus des autorités françaises de restituer le burnous et l’épée de l’Émir Abdelkader comme souhaité et réclamé par Alger.
« Dans le programme, le président de la République devait se rendre au Château d’Amboise où était emprisonné l’Émir Abdelkader (entre 1848 et 1852 avec une centaine de personnes : sa mère, ses frères, des femmes, des dignitaires, des serviteurs, des enfants). Pour la symbolique, on a demandé la restitution de l’épée et du burnous de l’Émir, mais les autorités françaises ont refusé arguant la nécessité d’une Loi », a révélé Ahmed Attaf.
L’Émir Abdelkader pourrait bloquer la visite de Tebboune en France
« C’est très symbolique et l’Émir est notre patrimoine quand même », souligne-t-il.
À forte teneur symbolique, cette restitution, tributaire d’un texte de Loi, selon les arguments des autorités françaises, peut se révéler comme un sérieux handicap pour la programmation de la visite de Tebboune en France.
Ahmed Attaf ne s’est pas étalé sur les autres sujets qui sont au programme et qui éventuellement ne font pas l’objet de consensus. Mais ce « refus » illustre, selon lui, la « sensibilité » de la relation.
Dans un entretien télévisé diffusé en août dernier, Abdelmadjid Tebboune avait affirmé que la visite était toujours « maintenue » mais que les deux parties n’étaient pas encore tombées d’accord sur le programme de la visite.
« Nous ne sommes pas tombés d’accord sur le programme de cette visite. Une visite d’État a des conditions et doit déboucher sur des résultats. Ce n’est pas une visite touristique », avait-t-il déclaré.
Après de grandes villes comme Paris, Marseille, Rouen et Bordeaux, c’est au tour de Périgueux de faire l’objet d’un guide qui recense les rues portant les noms de personnages ayant eu un rôle dans la période coloniale de l’histoire de France.
Contrairement à Bordeaux ou Nantes, la préfecture de la Dordogne ne fut pas un port négrier. Mais en son centre, sur une place qui porte son nom, on trouve la statue d’un personnage qui a eu un rôle clé dans les débuts de la colonisation de l’Algérie: le maréchal Bugeaud.
C’est sa silhouette que l’on retrouve sur la couverture du Guide du Périgueux colonial. Né à Limoges en 1784, cet homme de guerre a vécu en Périgord. Il fut maire d’Excideuil, député de Dordogne et s’investit beaucoup dans l’agriculture via son domaine de la Durantie, sur la commune de Lanouaille.
"Fumez-les comme des renards"
À partir de 1836, le destin de ce soldat, qui a commencé sa carrière sous Napoléon, va être associé à celui de l’Algérie. Il est envoyé là-bas pour mater la révolte d’Abd-El-Kader, puis en 1840, il devient gouverneur général de ce territoire que la France a progressivement décidé de conquérir. La méthode Bugeaud n’est pas une ode à la tendresse. On lui prête cette phrase terrible: «Si ces gredins se retirent dans leurs cavernes, imitez Cavaignac aux Sbéhas! Fumez-les comme des renards».
Une violence qui ne fut pas dirigée contre les seuls combattants armés. En Algérie, l’armée française a brûlé délibérément, méthodiquement des champs, des villages et tué aussi des civils.
Une glorification qui interroge
Les temps ont changé. Plus de soixante ans après l’indépendance de l’Algérie, à Périgueux, comme à Paris, des citoyens estiment que le maréchal Bugeaud ne devrait plus être ainsi placé sur un piédestal. Il y a peu, le 21 octobre, le journaliste Jean-Michel Apathie a ainsi signé une tribune dans le Monde pour dénoncer "la glorification du maréchal Bugeaud, qui n’a que trop duré".
La municipalité de Périgueux ne s’est pas montrée indifférente à ce débat. Le 5 septembre, elle a dévoilé une plaque au pied de la statue de Bugeaud qui remet en perspective son rôle en Algérie. "Je fais partie des gens qui pensent qu’il est un peu bizarre, saugrenu, d’honorer avec une statue quelqu’un qui fut un criminel de guerre", confie Bernard Collongeon, l’un des contributeurs du Guide du Périgueux colonial.
Bugeaud, n’est pas la seule figure du colonialisme à être ainsi honorée à Périgueux. Le guide du Périgueux colonial recense ainsi via une "viographie", une étude des noms de rues ou de places, une soixantaine de personnalités dont le destin est lié de près ou de loin au passé colonial. On découvre ainsi que d’autres militaires, comme Cavaignac, Faidherbe, Chanzy, qui ont pris une part active aux guerres coloniales, ont leur rue à Périgueux.
Une démarche citoyenne
"Il ne s’agit pas ici d’un travail d’historiens, mais de celui de militants des droits humains et d’éducation populaire. C'est une démarche citoyenne en somme, une intention d’offrir une proposition de mise au jour - et pas uniquement à jour - de cette mémoire du colonialisme, entreprise historique célébrée en son temps, glorifiée alors, peu interrogée depuis…", est-il écrit dans l’introduction du livre.
Rappeler, derrière les lettres blanches des plaques de rue, un passé qui a eu son lot de célébrations patriotiques par la République, mais aussi son lot de larmes pour les peuples concernés.
En feuilletant le Guide du Périgueux colonial, on apprend certains faits étonnants. Ainsi l’écrivain Eugène Le Roy, l’auteur de Jacquou Le Croquant, un «monument» du Périgord, pourtant libre-penseur et franc-maçon, a lui aussi participé à la conquête de l’Algérie. A 18 ans, il s’engage dans les chasseurs à cheval et participe à huit campagnes entre 1855 et 1859.
Le communistePierre Semard, dont la rue borde les ateliers SNCF du quartier du Toulon, a lui fait de la prison pour son engagement en 1927 contre la guerre du Rif au Maroc.
Petite poche exotique, les rues du Sénégal, du Tonkin, de Madagascar et des Colonies dans le quartier Saint-Georges rappellent la présence de l’ancienne caserne Daumesnil. Ainsi se dessine une visite alternative de Périgueux, loin de ses valeurs sûres que sont la cathédrale et le musée gallo-romain Vesunna, mais très proche de notre histoire contemporaine.
Le Guide du Périgueux colonial et des communes proches est publié aux éditions Syllepse.
Figure sanguinaire de la colonisation française de l’Algérie (1830-1962), le maréchal Bugeaud porte aujourd’hui le nom de l’une des plus grandes avenues de Paris. Mais sur initiative de la maire socialiste de la ville, Anne Hidalgo, le nom de celui qui incarnait la terreur chez les Algériens au début de la colonisation française, devrait être remisé au placard. En effet, une résolution pour débaptiser l’avenue Bugeaud sera votée lors du prochain Conseil de Paris mi-décembre.
Plus de soixante années après l’indépendance de l’Algérie, la France est toujours rattrapée par ses sombres années coloniales. Parmi les figures de son passé colonial, figure le maréchal Bugeaud. Celui qui fut le symbole de la conquête coloniale française de l’Algérie en 1830, est surtout l’incarnation de la terreur chez les Algériens de l’époque.
Pour Olivier Le Cour Grandmaison, enseignant en sciences politiques et philosophie politique à l’université d’Evry-Val-d’Essonne, « on doit à Bugeaud de nombreux massacres de civils, je pense en particulier à l’enfumade dans les grottes du Dahra le 19 juin 1845, alors que Bugeaud était gouverneur général de l’Algérie », explique-t-il dans les colonnes d’El Watan. C’est aussi Bugeaud qui déclara « si les gredins (les Arabes) se retirent dans leurs cavernes, (…) fumez-les comme des renards », ajoute-t-il. L’historien rappelle que Bugeaud a « non seulement été un criminel en Algérie » mais aussi « un antirépublicain clairement affiché contre le peuple de France, au bénéfice du pouvoir royal en 1934 ».
La mairie de Paris veut débaptiser
l’avenue du maréchal Bugeaud
Le bourreau des populations algériennes durant la colonisation, s’est vu gratifier en France en érigeant des statues à son effigie et en baptisant des rues et avenues en son nom. C’est le cas de l’avenue Bugeaud, dans le 16e arrondissement de Paris. Cette voie, entre la très chic avenue Foch et la place Victor Hugo porte le nom du Maréchal Thomas Robert Bugeaud depuis 160 années.
Mais voilà : la mairie de Paris, sous la présidence de la socialiste Anne Hidalgo, veut faire enlever les plaques et changer le nom de l’avenue, rapporte France 3. Pour justifier sa décision, la mairie de Paris estime que la mémoire du maréchal est frappée du « discrédit, coupable de ce qui serait aujourd'hui qualifié de crimes de guerre (...), son armée employant des méthodes meurtrières et inhumaines », durant la colonisation de l’Algérie.
La mesure de débaptiser l’avenue Bugeaud devrait faire l’objet d’un vœu symbolique lors du prochain Conseil de Paris mi-décembre, avant une délibération d’ici l’été 2024. Mais cette décision suscite l’opposition du maire du 16e, Jérémy Redler du parti de droite, Les Républicains, que préside Eric Ciotti. « Changer le nom d’une rue, c’est d’abord beaucoup de tracas administratifs pour les habitants de cette rue », explique le service de communication du maire. « Les personnes n'habitent pas une rue pour mettre en valeur le nom de la rue. On parle de faits très anciens, la plupart des habitants ne savent même pas qui était Bugeaud », précise la même source.
Driencourt vs. Algérie – Révélations Explosives sur les Coulisses des Relations Franco-Algériennes !
Dans l’arène médiatique des relations internationales, il est rare que deux protagonistes s’affrontent aussi ouvertement que dans la vidéo intitulée « Relations France / Algérie : le face à face musclé entre Karim Zéribi et Xavier Driencourt ! » diffusée sur la chaîne Beur FM.
Une discussion passionnée, un ancien ambassadeur de France en Algérie, et une approche critique des relations franco-algériennes ont captivé l’attention de milliers de spectateurs. Aujourd’hui, nous plongeons au cœur de cette confrontation verbale, à la découverte des enjeux et des tensions qui sous-tendent les relations entre la France et l’Algérie.
La perception que l’Algérie « balade » la France, jouant sur les hésitations et complexes des Français, est l’un des sujets brûlants de cette discussion. L’ambassadeur Driencourt, auteur du livre « L’énigme algérienne : chronique d’une ambassade à Alger, » est mis sous le feu des projecteurs pour ses écrits parfois critiques envers l’Algérie. Le débat s’engage sur la question de la mémoire, des accords de 1968, de l’immigration algérienne en France, des investissements économiques et du potentiel de coopération régionale. Préparez-vous à un voyage au cœur des relations franco-algériennes, rythmé par des débats passionnés et des divergences d’opinions.
Driencourt : L’Algérie dans la Mire
L’interview commence par un échange piquant sur la perception que l’Algérie manipule habilement la France, jouant sur les doutes et les hésitations des Français. L’ambassadeur Driencourt est directement interpellé sur ses écrits, dont le titre évocateur « L’Algérie nous balade. » Il affirme ne pas nourrir de rancœur envers l’Algérie, soulignant son affection pour le pays et ses nombreux amis là-bas. Driencourt soutient que son livre vise à présenter une image réaliste de l’Algérie actuelle et de ses problèmes, ainsi que des relations franco-algériennes.
L’intervieweur soulève cependant des contradictions dans les écrits de Driencourt, notamment en ce qui concerne la période où le président Chirac a voulu signer un traité d’amitié avec l’Algérie en 2004, ainsi que la législation française de 2005 sur les aspects positifs de la colonisation. Driencourt est interrogé sur la responsabilité partagée entre la France et l’Algérie dans les relations difficiles entre les deux pays.
Complexité des Relations Franco-Algériennes
Les relations franco-algériennes sont loin d’être unilatérales, insiste l’intervieweur. Il souligne que les écrits de Driencourt semblent souvent critiquer l’Algérie, et que la question de la mémoire occupe une place centrale dans le débat. Driencourt évoque les efforts du président Macron pour aborder la question de la mémoire, mais regrette l’absence de réponse de l’Algérie à ces gestes.
Une suggestion inattendue surgit alors : Driencourt propose que, pour le 50e anniversaire de l’indépendance de l’Algérie, les personnes nées avant 1962 soient exemptées de visa pour visiter l’Algérie. Cette proposition vise à faciliter le retour des pieds-noirs et des Algériens ayant émigré en France en 1962. Cependant, l’intervieweur réagit avec surprise, suggérant que la réciprocité est essentielle et que les Algériens devraient également bénéficier de cette exemption de visa pour visiter la France.
Équité et Réciprocité dans les Relations
La discussion s’intensifie sur la question de l’égalité et de la réciprocité dans les relations franco-algériennes. L’intervieweur insiste sur l’importance de ces principes fondamentaux et critique la proposition de Driencourt pour son manque apparent de réciprocité. Driencourt mentionne que la France cherche souvent l’approbation de l’Algérie, en particulier sur les questions mémorielles.
Les visites présidentielles en Algérie, telles que le discours de Sarkozy à Constantine, sont également évoquées, mettant en lumière l’impact de ces événements sur les relations bilatérales. Cependant, il reste à voir si de tels gestes symboliques peuvent réellement contribuer à apaiser les tensions.
Colonisation, Regrets et Reconnaissance
La conversation se tourne vers la question délicate des regrets de la France concernant la colonisation. Les deux interlocuteurs discutent de la difficulté pour la France d’exprimer des regrets, même si certains présidents français ont parfois exprimé des regrets en Algérie. La manière dont la France et l’Algérie gèrent leur passé commun, notamment en ce qui concerne la colonisation et l’indépendance, est examinée en détail.
Driencourt partage son expérience en tant qu’ambassadeur de France en Algérie, évoquant également un autre livre qu’il a écrit sur les accords d’Évian. Il critique la gestion des relations économiques entre la France et l’Algérie, notant une baisse de la part de marché française et une concurrence accrue de la Chine et d’autres pays européens. Selon lui, les entreprises françaises manquent de dynamisme à l’international, contrairement à leurs homologues italiennes.
Investissements Français et Coopération Économique
Le débat s’oriente ensuite vers les investissements français en Algérie. L’intervieweur souligne que les entreprises françaises préfèrent souvent exporter des produits de France plutôt que de produire en Algérie. Il prend l’exemple de Renault, qui a établi une usine d’assemblage en Algérie avec un taux d’intégration limité, contrairement à son usine au Maroc qui produit des véhicules de A à Z. Driencourt admet que la décision d’investir en Algérie relève des entreprises elles-mêmes, mais mentionne les défis auxquels elles sont confrontées, tels que la bureaucratie et les problèmes de transfert de fonds.
Le Débat sur les Accords de 1968
Le point culminant du débat réside dans la question des accords de 1968, qui régissent la mobilité des travailleurs algériens en France. Driencourt a écrit sur ce sujet et a participé à des études critiquant ces accords. L’intervieweur exprime ses préoccupations quant à la proposition de Driencourt de mettre fin à ces accords, soulignant que cela pourrait être perçu comme un manque de respect envers l’Algérie. Une comparaison avec l’immigration marocaine en France est évoquée, mettant en lumière l’importance réelle de ces accords dans le contexte actuel.
Driencourt explique le contexte historique des accords d’Évian et des accords de 1968, soulignant leur rôle dans la régulation de la circulation entre la France et l’Algérie après l’indépendance algérienne. Il aborde également la hiérarchie des normes juridiques dans le droit français, expliquant que les accords internationaux comme ceux de 1968 ont préséance sur les lois nationales, ce qui signifie que les Algériens ne sont pas affectés par les lois françaises sur l’immigration de la même manière que d’autres nationalités. L’intervieweur mentionne que, sous la direction de Driencourt, la France a réduit le nombre de visas délivrés aux Algériens, passant de 400 000 à 260 000 visas, et interroge Driencourt sur les implications de cette politique.
Une Question de Négociation et de Respect
Le débat s’intensifie sur la proposition de Driencourt de mettre fin aux accords de 1968. L’intervieweur questionne pourquoi Driencourt propose une approche unilatérale avec l’Algérie, alors que de telles méthodes ne seraient pas utilisées avec d’autres pays comme l’Allemagne. Driencourt insiste sur la nécessité de renégocier les accords, affirmant qu’il est possible de dénoncer un accord international selon la Convention de Vienne. Il souligne l’importance de renégocier les accords pour les adapter à la situation actuelle, tout en respectant la souveraineté de l’Algérie.
Les Algériens : Attachement à la Patrie
et Développement National
La perception de Driencourt selon laquelle 45 millions d’Algériens souhaiteraient quitter l’Algérie pour la France suscite une réaction vive de l’intervieweur. Il qualifie cette déclaration d’exagérée et potentiellement alimentant la théorie du grand remplacement. L’intervieweur souligne l’attachement des Algériens à leur pays et leur désir de développement national, remettant en question l’idée que la France ou l’Europe soient perçues comme des eldorados.
La discussion se tourne vers la diaspora algérienne en France, et l’intervieweur exprime sa déception que Driencourt n’ait pas abordé ce sujet dans son livre. Il suggère que la diaspora pourrait jouer un rôle de pont entre la France et l’Algérie, contribuant positivement aux relations bilatérales. Cependant, il déplore le manque de reconnaissance et d’utilisation de la diaspora algérienne en France comme un atout dans les relations franco-algériennes, contrairement à d’autres pays comme l’Allemagne avec sa diaspora turque.
Un Avenir à Construire Ensemble
La conversation se termine par une réflexion sur l’avenir des relations franco-algériennes. Driencourt rappelle une époque où la France entretenait des relations équilibrées avec l’Algérie et le Maroc, et l’intervieweur encourage une approche respectueuse des tensions entre ces deux pays souverains. Il exprime le souhait que la relation entre la France et l’Algérie soit solide, durable et égale, en particulier en ce qui concerne les enjeux sécuritaires et économiques.
Driencourt propose également la création d’un groupe de travail 3 + 3, impliquant la France, l’Espagne, l’Italie, la Tunisie, l’Algérie et le Maroc, pour aborder des sujets communs tels que la sécurité, l’économie, l’énergie et l’immigration. En fin de compte, la discussion nous rappelle que, malgré les différences d’opinion, les relations entre la France et l’Algérie sont complexes et méritent une attention continue et réfléchie pour construire un avenir commun.
L’échange entre Xavier Driencourt et l’intervieweur sur Beur FM offre un aperçu fascinant des relations franco-algériennes sous un angle critique. Cette confrontation verbale révèle la complexité des liens entre la France et l’Algérie, marquée par des questions de mémoire, d’immigration, d’investissement économique et de réciprocité. Quelle que soit l’opinion que l’on puisse avoir sur les déclarations de Driencourt, une chose est claire : les relations entre la France et l’Algérie sont au cœur des enjeux contemporains, avec des implications politiques, économiques et culturelles majeures pour les deux nations. Il reste à voir comment ces débats façonnent l’avenir de ces relations complexes, où le respect mutuel et la compréhension seront des éléments clés pour construire un partenariat solide et équitable.
LR échoue à dénoncer l’accord de 1968 avec l’Algérie, après un débat houleux à l’Assemblée
La niche LR a donné lieu à une passe d’armes entre la députée Michèle Tabarot qui défendait le texte et sa collègue écologiste Sabrina Sebaihi qui l’a renvoyée à son histoire familiale…
Et enfin hier Darmanin a pris l’une des plus belles claques de sa vie
Après l’échec de Darmanin sur le projet de loi immigration, que peut faire le gouvernement ?
C’est un coup de théâtre qui met un coup d’arrêt au débat sur le projet de loi immigration qui devait commencer ce lundi en séance publique à l’Assemblée. Et un camouflet pour Gérald Darmanin.
Par micheldandelot1 dans Accueil le 12 Décembre 2023 à 07:51
Il aura fallu attendre deux mois pour que l’Élysée donne enfin son accord à la liste des Français qui feront partie de la commission mixte d’experts chargée de plancher sur la colonisation et la guerre d’Algérie. C’est mercredi 25 janvier que les autorités françaises ont validé par téléphone cette liste que l’historien Benjamin Stora avait soumise début décembre 2022 pour approbation. Un communiqué de la présidence française annonçant la composition de cette commission devait ensuite être rendu public, mais l’annonce officielle a tardé.
Outre Benjamin Stora, la liste française comprend Tramor Quemeneur, docteur en histoire, enseignant à l’Université Paris-VIII et à Paris-Cergy-Université, et membre de la Commission Mémoires et Vérité et du Conseil d’orientation du Musée national d’histoire de l’immigration (MNHI). Quemeneur, qui sera le secrétaire général de la partie française de la commission, a cosigné avec Benjamin Stora deux ouvrages sur la guerre d’Algérie.
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