Le Vieux Fusil : de quels faits réels le film s’inspire ?
Un fait historique horrible
Sorti en 1975, “Le Vieux Fusil” fut un grand succès critique et commercial. Le film s’inspire d’ailleurs d’un dramatique fait historique survenu durant la Seconde Guerre Mondiale.
Depuis ses débuts dans le cinéma, Robert Enrico a parfois maille à partir avec la censure et la critique. En effet, son premier long-métrage intitulé La Belle Vie, qui traite en partie de la Guerre d’Algérie, s’est vu interdit de distribution en France. En 1975, il réalise ce qui sera sans doute le plus grand film de sa carrière : Le Vieux Fusil. Pour l’occasion, il collabore pour la seconde fois avec Philippe Noiret, un an après l’avoir dirigé pour la première fois dans Le Secret. Il fait surtout appel à l’une des plus grandes actrices de son époque : Romy Schneider.
Le Vieux Fusil suit donc Julien Dandieu, un chirurgien honnête et pacifiste qui mène une vie tranquille avec Clara et leur fille Florence. Cependant, l’invasion allemande survient en France lors de la Seconde Guerre mondiale. Un incident qui bouleversa la famille de Julien, ainsi que Julien lui-même.
A sa sortie, Le Vieux Fusil crée de vrais débats au sein de la critique. Il est vrai que le film traite clairement de justice expéditive, thème très peu abordé dans le cinéma français, alors qu’il brille aux Etats-Unis (via Un Justicier dans la ville et La Dernière Maison sur la gauche, notamment). Cependant, cela n'empêchera pas le film de Robert Enrico d’être un vrai succès critique et commercial. Il remporte d’ailleurs trois César sur neuf nominations en 1976. 9 ans après sa sortie, il sera également couronné du César des Césars, preuve de sa grande place dans le cinéma français.
Un fait historique horrible
Si l’histoire de Le Vieux Fusil trouble autant, c’est parce qu’il est tiré d’un fait réel qui a marqué l’Histoire de la Seconde Guerre mondiale : le massacre d’Oradour-sur-Glane.
En effet, Le Vieux Fusil prend place en 1944, date au cours de laquelle l’armée nazie est en pleine déroute. Ainsi, les Allemands sont désarçonnés par les Soviétiques qui leur infligent défaite sur défaite sur le front Est et les Américains qui apportent un soutien de poids à la coalition alliée sur le front ouest. Sans compter que sur le territoire français, les Nazis voient leur invasion être mis à mal par la Résistance qui freine sans cesse leur progression.
Excédé par tout cela, la division blindée SS Reich décide alors de s’en prendre à la population en semant la terreur et la mort sur son passage. On retrouve d’ailleurs des références au célèbre massacre de Tulle dans Le Vieux Fusil, lorsque des soldats allemands marchent devant des pendus au début du film. Pour faire diminuer les actions des résistants, l’armée allemande décide alors de marcher vers le petit village Oradour-sur-Glane le 10 juin 1944. Le bilan sera monstrueux : 643 morts, qu’ils soient hommes, femmes ou enfants. Le village lui-même est totalement détruit, tandis que les maisons et autres bâtisses sont brûlées. Le Vieux Fusil s'inspire donc de ce drame ainsi que de l’ambiance morbide qui a subsisté dans le Limousin à la suite de ce massacre.
RACINES Mohamed Hamidi, réalisateur de « Né quelque part », renvoie un écrivain joué par Kad Merad en Algérie dans « Citoyen d’honneur », au cinéma ce mercredi.
Fatsah Bouyahmed, Jamel Debbouze, Kad Merad dans «Citoyen d'honneur» de Mohamed Hamidi — Apollo Films
« Citoyen d’honneur », c’est l’histoire d’un écrivain lauréat du prix Nobel qui revient dans son petit village natal après trente années d’absence.
Kad Merad interprète cet homme qui reçoit un choc énorme en découvrant à quel point l’Algérie a changé depuis sa jeunesse.
Mohamed Hamidi («La Vache ») signe un film dopé à la bienveillance qui réconcilie passé et avenir.
Si on regarde le mot « bienveillant » dans un dictionnaire, on pourrait avoir la surprise d’y trouver une photo de Citoyen d’honneur de Mohamed Hamidi, découvert au Festival du film francophone d’Angoulême. Le réalisateur de Né quelque part y renvoie un écrivain en panne d’inspiration, joué par Kad Merad, dans le petit village algérien de son enfance où il est honoré après avoir reçu le prix Nobel.
« Il va découvrir que les choses ont bien changé en trente-cinq ans, confie le cinéaste à 20 Minutes. Cela va lui permettre de retrouver ses racines et son enthousiasme. » Le romancier croise des Algériens attachants incarnés par Fatsah Bouyahmed (La Vache), Oulaya Amamra (Divines), Brahim Bouhlel (Validé) et même Jamel Debbouze lors d’une apparition savoureuse. Ces rencontres sont bénéfiques pour toutes et tous.
Un retour tout en nuances
« Notre héros a un peu oublié d’où il venait, bien qu’il se soit largement inspiré de son passé pour écrire ses livres, explique Mohamed Hamidi. Ce voyage lui permet de réconcilier l’Algérie d’hier et celle d’aujourd’hui. » Cette comédie tendre est largement moins féroce que le Citoyen d’honneur (2016) de Mariano Cohn et Gaston Duprat dont le film est librement inspiré. « Je n’ai souhaité me montrer méchant avec personne, insiste le réalisateur. J’estime que les spectateurs ont plus besoin de douceur que de férocité par les temps qui courent. » Cela ne l’empêche pas de révéler à quel point la jeunesse algérienne, surtout féminine, doit lutter pour faire entendre sa voix, dans un pays misogyne et corrompu.
« Citoyen d’honneur est à la fois le portrait d’un homme qui s’est perdu et un tableau d’un pays que se cherche », ajoute le réalisateur. On rit de bon cœur quand le romancier est promené dans son village en camion ou qu’il doit gérer un troupeau d’ovins qui bloque sa voiture. Mais le rire s’étrangle face aux pressions mafieuses qu’il subit ou quand il retrouve une camarade de jeunesse qui lui rappelle ses luttes estudiantines.
« Je pense que le film peut intéresser toutes les générations de spectateurs dans la mesure où il traite de sujets qui parlent à tous les âges », insiste le cinéaste. Thème universel, la famille sous toutes ses formes est au centre de ce Citoyen d’honneur qui confirme à quel point Mohamed Hamidi sait aimer et faire aimer ses personnages.
Alors que ce mercredi sort Sœurs, le nouveau film de Yamina Benguigui, la comédienne française d’origine algérienne qui partage l’affiche avec Rachida Brakni et Maïwenn a évoqué avec émotion l’Algérie dans plusieurs médias.
De gauche à droite : Rachida Brakni, Isabelle Adjani et Maïwenn dans Sœurs (StudioCanal/Jour2F
Yamina Benguigui tenait à ce que les trois actrices de son film, Sœurs, qui sort ce mercredi en France, aient un « lien avec l’Algérie ». Et c’est Isabelle Adjani – une des trois sœurs, avec Rachida Brakni et Maïwenn, qui partent à la recherche de leur frère – qui s’est le plus exprimée sur son pays d’origine, celui de son père, à l’occasion de la promotion du film.
Dans Le Dauphiné libéré, elle confie : « C’était bouleversant de revenir en Algérie pour tourner un film qui met en scène un drame familial, qui expose la complexité des liens entre le ‘’ici’’ et le ‘’là-bas’’, entre deux pays qui ont une histoire commune si douloureuse dont je fais aussi partie tout en ayant ma propre histoire. J’ai été émue par la gentillesse des personnes qui ont participé à ce qu’on pourrait appeler des retrouvailles secrètes. Il y avait beaucoup de simplicité, c’était apaisant. »
Celle qui fut récompensée par cinq César de la meilleure actrice, un record inégalé, a toujours été très engagée aux côtés des Algériens.
En novembre 1988, de passage à Alger, elle s’était par exemple adressée aux étudiants de la faculté de Bouzareah, dans une intervention restée célèbre : « Je suis venue pour vous dire que je vous admirais, vous êtes les nouveaux combattants de ce pays. C’est ça que je voudrais que la jeunesse française sache et j’aimerais qu’elle vous soutienne. Je suis fière en tant que Française d’assister à la naissance d’une démocratie grâce à vous. »
Aujourd’hui encore, Isabelle Adjani suit ce qu’il se passe en Algérie : « Le pays évolue, il est en pleine mutation, les femmes algériennes sont diplômées, actives… Et comme elles, comme Zohra [un des personnages du film], j’espère que le code de la famille va changer, qu’il sera plus favorable aux mères, aux filles, aux femmes… aux sœurs », ajoute-t-elle dans l’interview au Dauphiné libéré.
« Dans notre ADN »
Sur ce sujet, Yamina Benguigui la rejoint : « C’est dans notre ADN de suivre ce qui se passe en Algérie », a-t-elle déclaré dans l’émission « C à vous » sur France 5. « On suit, sur la pointe des pieds, avec beaucoup d’émotions, avec notre cœur car le peuple algérien est avec nous. Mais à quel moment le peuple algérien et la diaspora font-ils corps ? »
Cette relation à leur pays d’origine n’est pas sans douleur.
Rachida Brakni rappelle dans l’émission cette « injonction à choisir entre deux nations », ce « tiraillement », « en France, le regard des autres, faisait que je [n’étais] pas totalement française, et quand j’allais en Algérie, on m’appelait ‘’l’immigrée’’ ».
Au bord des larmes, Isabelle Adjani a lu sur le plateau de « C à vous » un passage du livre L’Or du temps de François Sureau, rêverie autobiographique, littéraire et philosophique, en expliquant : « Elles ont toutes une réparation à faire. Pour moi, ce sont trois visages de l’Algérie, qui sont fracturés de façons différentes, comme le rapport entre l’Algérie et la France, et elles font ce chemin, même de façon antagoniste, pour réparer quelque chose qui les réunit, pour ne faire qu’une et être ensemble, à trois, dans une sororité intégralisée. »
Algérie-France : la guerre et la colonisation expliquées à ma fille
Le cinéma est peut-être une des solutions pour « réparer » les êtres des deux côtés de la Méditerranée.
Dans le magazine Elle, à la question « le cinéma peut-il combler le silence sur l’Algérie ? », l’actrice défend : « Il n’y a jamais assez de films de mémoire. Les Américains n’ont jamais cessé d’en faire sur le Vietnam, mais, pour nous, anciens colons, c’est compliqué, et l’Algérie est un pays qui veut rester impénétrable ».
« La quatrième génération va s’intéresser à cette histoire parce qu’il y a un grand silence qui prête au malentendu. Je n’ai jamais entendu mon père parler un mot d’arabe, par exemple. Il va falloir que les uns et les autres se posent en réconciliateurs d’un héritage, pour retrouver une culture qui, bien souvent, se réduit à l’identité religieuse. »
Pour le comédien Kad Merad, « le film a une tonalité politique, par le prisme de la comédie ».
Citoyen d’honneur est le remake d’un film argentin, El Ciudadano ilustre, de Mariano Cohn et Gastón Duprat, sorti en 2017 (capture d’écran)
Le retour en Algérie d’un enfant du pays qui a réussi : l’acteur français Kad Merad confie à l’AFP avoir été touché par son rôle teinté « d’une résonance très personnelle » dans Citoyen d’honneur, une comédie aigre-douce en salles en France mercredi.
Né en 1964 à Sidi Bel Abbès d’une mère berrichonne et d’un père algérien, Kad Merad – Kaddour Merad de son vrai nom – n’a vécu que deux ans en Algérie avant que ses parents ne s’installent définitivement en France.
Dans Citoyen d’honneur, il campe un écrivain français d’origine algérienne récompensé par le prix Nobel. En perte d’inspiration, il accepte l’invitation de son village natal.
Un retour aux sources contrasté : au-delà des honneurs, certains viennent lui demander des comptes sous la pression des islamistes locaux, tandis que le film montre un pays en proie aux difficultés politiques et à la censure, avec une jeunesse éprise de liberté.
Citoyen d’honneur est le remake d’un film argentin, El Ciudadano ilustre de Mariano Cohn et Gastón Duprat, sorti en 2017 en France.
« Une résonance très personnelle »
« Beaucoup de choses m’ont touché car il y a forcément une résonance très personnelle », confie Kad Merad. « Je suis né en Algérie. Je ne me revendique pas comme Algérien, mais comme un Français avec des racines. »
« Mes parents se sont installés en Algérie deux ans avant ma naissance, mais sont revenus en France car un couple franco-algérien, c’était compliqué… », ajoute l’acteur.
« C’est un cliché de cliché » : un documentaire français sur le hirak algérien suscite une vive polémique
« Le film a une tonalité politique, par le prisme de la comédie. On ne pouvait pas ne pas montrer les manifestations de la jeunesse. Les relations entre la France et l’Algérie sont très particulières, compliquées… Je souhaite vraiment qu’une sérénité s’installe enfin… », confie Kad Merad, qui a participé au voyage officiel en Algérie du président français François Hollande en 2012.
« Le président [Emmanuel] Macron m’a invité à son tour il y a quinze jours, mais j’étais en tournage à l’étranger », précise-t-il.
Mohamed Hamidi, le réalisateur de Citoyen d’honneur (tourné au Maroc), a souhaité « montrer l’Algérie avec toutes ses richesses, ses espoirs mais aussi ses défauts : un pouvoir autoritaire et une jeunesse qui n’est pas entendue ».
« En Algérie, même si quelques films et séries étrangères commencent à s’y tourner, ce n’est pas encore évident », a déclaré le réalisateur à Allo Ciné. Il confiait craindre qu’on ne l’autorise pas à y tourner un tel scénario, qui aborde « l’Algérie d’aujourd’hui avec toute sa complexité ».
Par
MEE et agences
Published date: Dimanche 11 septembre 2022 - 09:57
Entre épopée historique somptueuse, drame féministe et réalisme magique, les films de la région n’ont pas tenu toutes leurs promesses.
Adila Bendimerad, qui a co-écrit le scénario de La Dernière reine avec Damien Ounouri – elle y incarne également le rôle de Zaphira – a remporté la mention spéciale décernée aux auteures femmes de moins de 40 ans aux Giornate degli Autori (Journées des auteurs) (Facebook/Giornate degli Autori)
Après deux éditions boudées par l’industrie cinématographique, la 79e édition de la Mostra de Venise, qui s’est déroulée du 31 août au 10 septembre, a fait son retour avec une sélection fidèle aux standards observés avant la pandémie.
Avec la levée de toutes les restrictions sanitaires, la 79e édition du festival s’est avérée beaucoup moins angoissante que les deux précédentes.
Ces dernières années, le festival vénitien s’est imposé comme une rampe de lancement majeure avant les grandes cérémonies américaines, fort d’une relation plus chaleureuse avec Hollywood que son grand rival, le Festival de Cannes.
Au cours des dernières années, plusieurs films majeurs nommés et primés aux Oscars ont été présentés en avant-première à Venise : Dune, Spencer, La Voix d’Aïda, mais aussi Nomadland, auréolé d’un Oscar du meilleur film.
Plus encore que le Festival de Cannes, la Mostra de Venise joue la carte du tape-à-l’œil, et l’édition de cette année n’a pas échappé à la règle.
La programmation de 2022 comprenait White Noise, l’adaptation du livre Bruit blanc Don DeLillo par Noah Baumbach, avec Adam Driver et Greta Gerwig, The Whalede Darren Aronofsky, avec un Brendan Fraser méconnaissable, ou encore Bardo, premier film réalisé par Alejandro González Iñárritu (The Revenant, Birdman) dans son Mexique natal depuis Amours chiennes (2000).
Si la plupart des films connus en compétition accéderont sans difficulté à une distribution mondiale, des interrogations subsistent quant au sort d’un marché du film indépendant qui ne s’est pas encore remis du coup colossal porté par la pandémie.
Éclatement de la bulle du streaming
Alors que les blockbusters ont fait revenir les spectateurs dans les salles obscures cet été, le rebond ne s’est pas encore produit pour le cinéma de niche. De plus en plus de films non américains peinent à récupérer leur budget et le sort du cinéma indépendant et d’art n’a jamais été aussi précaire qu’aujourd’hui.
Argent et soft power : l’Arabie saoudite a fait de l’entrisme au Festival de Cannes
Les sorties en salles représentaient autrefois la principale source de revenus des producteurs comme des cinéastes, alors que les droits de diffusion en streaming étaient considérés comme la cerise sur le gâteau.
Dans le contexte post-pandémique, ce gâteau n’existe plus, comme me l’a confié récemment le directeur d’un grand festival, tandis que les recettes issues du streaming ne sont jamais suffisantes pour que les cinéastes puissent en vivre.
L’inflation et l’augmentation du coût de la vie dans le monde entier ont entraîné des coupes importantes qui ont engendré en partie l’éclatement de la bulle du streaming cette année.
Netflix possède certains des plus grands titres présentés à Venise – Blonde, White Noise et Bardo – mais n’est plus le mastodonte invincible qu’elle était il y a un an.
Même si MUBI, HBO Max, Shahid, OSN et d’autres plateformes de streaming continuent de s’offrir du contenu, l’ère des folies dépensières semble révolue alors que la concurrence entre les petits films s’intensifie.
En cette période difficile sur le plan économique, les petits films doivent faire preuve d’audace pour se démarquer véritablement sur un marché largement dominé par les auteurs établis
Les films du Moyen-Orient, en particulier, sont confrontés à des difficultés croissantes, compte tenu de la réduction des financements publics dans toute la région (à l’exception de l’Arabie saoudite, nouvelle puissance du secteur) et de la fugacité des subventions accordées par les festivals.
Pour les cinéastes de la région, une place dans un grand festival tel que la Mostra de Venise représente une chance unique de lancer une carrière viable.
L’urgence politique a peut-être attiré le public vers certains films moyen-orientaux par le passé. Mais aujourd’hui, en cette période difficile sur le plan économique, les petits films doivent faire preuve d’audace pour se démarquer véritablement sur un marché largement dominé par les auteurs établis.
Cette audace a été la marque de fabrique de la sélection arabe presque parfaite présentée cette année à Cannes et a aiguisé notre appétit pour les films à venir. Néanmoins, Venise a toujours joué un rôle secondaire par rapport à Cannes lorsqu’il est question d’attirer les meilleures productions cinématographiques de la région, et cette édition ne semble pas avoir dérogé à la règle.
La Dernière reine, peut-être la plus grande déception arabe du festival
La première – et peut-être la plus grande – déception arabe du festival a été La Dernière reine, le premier long métrage narratif du cinéaste franco-algérien primé Damien Ounouri, qu’il a coréalisé avec son actrice principale et épouse Adila Bendimerad.
L’histoire se déroule à l’époque de la brève occupation espagnole de certaines parties de l’Algérie au XVIe siècle : Adila Bendimerad incarne la reine Zaphira, épouse du roi algérien Salim Toumi, qui forge une alliance avec le célèbre pirate Barberousse (Dali Benssalah) pour libérer le port occupé.
Le roi Salim est trahi par Barberousse, qui l’assassine et prend le contrôle du royaume. Désirée par Barberousse, Zaphira devient le dernier espoir du royaume pour mener une rébellion contre le pirate.
Au cours de la dernière décennie, Damien Ounouri s’est imposé comme l’un des cinéastes les plus passionnants de la scène algérienne. Son documentaire Fidaï(2012) remet en question de manière audacieuse les sacrifices moraux liés au fait de combattre pour son pays. Il y dresse un portrait saisissant d’un ancien combattant du FLN, hanté par son expérience de la guerre d’Algérie.
Son moyen métrage Kindil el Bahr, nommé à Cannes en 2016, est un film fantastique féministe relatant la vengeance d’une jeune mère ressuscitée en tant que sirène violente après avoir été agressée et tuée par un groupe d’hommes.
Le cinéma algérien, star montante des festivals internationaux
Hélas, cette inventivité et cette rigueur intellectuelle ne trouvent aucun écho dans La Dernière reine, un tableau froid qui déborde d’énergie mais manque cruellement de fond. La production ne comporte pas de véritables faux pas : c’est une épopée élégante, riche en rebondissements, avec une intrigue fluide, mais c’est à peu près tout.
La Dernière reine se déroule dans l’Algérie du XVIe siècle, sur fond de luttes de pouvoir entre Espagnols et Ottomans (Agat Films)
L’objectif sous-jacent du film est de mettre en évidence le rôle délibérément oublié des femmes dans la résistance, que ce soit il y a plusieurs siècles ou pendant la guerre d’Algérie.
L’exploration d’une période méconnue de l’histoire de l’Algérie se double également d’une réfutation de l’insistance de la France à présenter l’Algérie comme une terre sans histoire ni nation, qui n’existait pas avant que les Français ne la revendiquent.
En d’autres termes, La Dernière reine tente de rendre à l’Algérie ses mythes perdus, mais son approche didactique ne laisse aucune place à la contemplation, étant donné que le message se noie dans les rouages robustes de l’intrigue.
Damien Ounouri est certes un cinéaste remarquable, mais La Dernière reine n’est pas la grande démonstration de ses talents tant espérée par les critiques
Les meilleurs films d’époque de ces dernières années – La Favorite, Godland, entre autres – ont touché une corde sensible auprès du public en subvertissant les tropes du genre tout en établissant un lien thématique avec les préoccupations contemporaines.
Damien Ounouri et Adila Bendimerad ne s’aventurent jamais sur ce terrain, s’en tenant de manière déconcertante aux règles du jeu sans chercher à approfondir une histoire qui n’est guère plus qu’un cours d’histoire illustré.
Les séquences d’action manquent également d’inventivité, avec des effets dignes des années 2000 qui paraissent aujourd’hui datés et ordinaires. Ce sont toutefois l’absence de complexité thématique et le manque de relief des personnages qui maintiennent la distance avec le spectateur. L’histoire ne parvient jamais à capter l’attention, tandis que les coups de pinceau épais éliminent tout pathos. Au-delà de l’absence de filigrane, ce film est difficile à savourer sur un plan purement narratif.
Dans une interview récente, Damien Ounouri a expliqué que son souhait de concrétiser ce projet découlait d’une lassitude vis-à-vis des questions sociales. C’est une intention louable que de vouloir créer « quelque chose avec de l’aventure et de l’émotion », comme le cinéaste l’affirme lui-même.
Damien Ounouri est certes un cinéaste remarquable, mais La Dernière reine n’est pas la grande démonstration de ses talents tant espérée par les critiques.
Dirty Difficult Dangerous ou la corde usée du commentaire social
Plus gracieux mais tout aussi glacial, Dirty Difficult Dangerous est le nouveau film du cinéaste libanais Wissam Charaf, après son premier long-métrage Tombé du ciel(2016), présenté dans la sélection ACID du Festival de Cannes.
Située dans l’actuelle Beyrouth, la dernière création de Wissam Charaf est une romance entre Ahmed (Ziad Jallad), un réfugié syrien et Mehdia (Clara Couturet), une travailleuse domestique éthiopienne.
Confrontés à l’indifférence d’une société zombifiée et au mépris de leur famille, les deux personnages s’efforcent de trouver un moyen de sortir du purgatoire éternel beyrouthin. Alors qu’il livre ce combat, Ahmed se rend compte que son corps est rempli d’éclats d’obus, un mal qui renforce le côté surréaliste de sa vie.
Dirty Difficult Dangerous est une bête étrange : un mélodrame conçu comme une comédie pince-sans-rire, parsemé de commentaire social. Malgré la passion palpable qui s’en dégage, le film ne sort victorieux sur aucun de ces fronts.
La comédie pince-sans-rire – rappelant le style d’Elia Suleiman et du maître finlandais de la comédie Aki Kaurismäki – ne s’accorde pas avec le mélodrame. Au cœur de cette rencontre, la corde usée du commentaire social se perd dans le mélange.
Dirty Difficult Dangerous est une bête étrange : un mélodrame conçu comme une comédie pince-sans-rire, parsemé de commentaire social. Malgré la passion palpable qui s’en dégage, le film ne sort victorieux sur aucun de ces fronts
Pris séparément, chacun de ces éléments fait défaut.
La comédie n’est ni suffisamment surréaliste, ni assez drôle, tandis que le mélodrame ne parvient pas à véhiculer la charge émotionnelle souhaitée, ce que n’arrange pas le manque d’alchimie entre les deux personnages principaux.
Le commentaire social s’avère pour sa part rudimentaire : il montre des choses familières et énonce des évidences.
On a certes droit à quelques plans à couper le souffle qui démontrent le potentiel du projet. Mais au bout du compte, Dirty Difficult Dangerous n’est rien d’autre que l’ébauche d’un concept intrigant qui n’est pas pleinement concrétisé.
Nezouh montre à peine ce qui se passe actuellement en Syrie
Nezouh, deuxième long métrage très attendu de la cinéaste syrienne Soudade Kaadan, dont le film Le Jour où j’ai perdu mon ombreavait fait grand bruit à Venise en remportant le prix Orizzonti du meilleur premier film en 2018, se révèle moins glacial et bien moins ambitieux.
Alors que son premier long métrage utilisait des éléments fantastiques discrets pour évoquer le danger invisible et le sentiment d’enfermement qui caractérisaient les premières années de la guerre en Syrie, son nouveau film emploie une approche plus directe et prosaïque pour aborder le conflit.
Âgée de 14 ans, Zeina (Hala Zein) vit avec ses parents (Kinda Alloush et Samer al-Masri) dans une maison détruite dans une ville syrienne déserte sans nom. Son père refuse d’abandonner la maison, tandis que sa mère aspire à un nouveau départ dans un nouveau pays.
Dans un endroit qui n’a rien de normal, la puberté devient d’autant plus déroutante pour Zeina, dont l’expérience n’est qu’atténuée par une amitié naissante avec le garçon d’à côté (Nizar Alani).
Le désir de départ de la mère grandit lorsque son mari accepte de marier leur fille à un jeune combattant, la poussant à prendre leur destin en main.
Entre histoire de passage à l’âge adulte et portrait d’une femme en rupture avec le patriarcat, Nezouh est une histoire familière de plus d’une famille meurtrie par la guerre : un plaidoyer passionné, bien que prévisible, pour le droit de mener une vie normale, à l’abri de la destruction permanente.
Il est impératif de continuer de dénoncer les crimes d’Assad et de raconter les histoires des Syriens, mais pas d’une manière aussi ordinaire
Cependant, les supplications sincères ne sont pas forcément gages d’une narration convaincante ou captivante. Si l’on retire la Syrie de l’équation, on se retrouve avec un drame familial inefficace et banal, qui mise excessivement sur l’humour pour masquer la platitude du scénario.
Le film est ponctué de moments de lyrisme émouvant et de réalisme magique, mais le scénario évite d’aborder les sujets plus importants et plus complexes du moment : le rôle de la classe sociale et de la religion dans la décision du départ, la division sectaire en partie à l’origine de l’échec de la révolution, et surtout la nouvelle réalité syrienne marquée par l’acceptation imminente du régime d’Assad par l’Occident – ou plutôt sa tolérance à l’égard de ce dernier.
Nezouh est trop peu entreprenant, trop exaspérant de modestie pour donner un nouveau souffle d’urgence à un sujet exploité depuis onze ans.
Plutôt que d’explorer une nouvelle facette inabordée de la guerre, Soudade Kaadan nous livre le même récit qui nous est servi au fil d’innombrables fictions et documentaires depuis 2011.
Dans une des premières scènes du film, la mère de famille lance : « Y a-t-il encore quelqu’un ici ? »
Il y a bien sûr des millions de personnes qui sont restées, mais le cinéma fait preuve d’une indifférence injustifiée à l’égard de cette population et on ne peut s’empêcher de se demander ce qui se trouve au-delà des ruines.
YEMA, une plateforme VOD pour la promotion du cinéma d’Afrique du Nord et du Moyen-Orient
Il est impératif de continuer de dénoncer les crimes d’Assad et de raconter les histoires des Syriens, mais pas d’une manière aussi ordinaire. Nezouh ne se distingue pas des films qui l’ont précédé.
La dernière partie du film est particulièrement fallacieuse, avec un happy end forcé tiré des opéras égyptiens surjoués, qui se retourne curieusement contre le discours féministe émancipateur qu’il propose.
Dans une interview récente, Soudade Kaadan a déclaré que « la fiction [lui permettait] d’exprimer ce qui se passe ». Et pourtant, son film montre à peine ce qui se passe actuellement en Syrie.
Nezouh aurait pu être apprécié pour la force de son sujet – mais pas pour sa qualité artistique – il y a six ou sept ans, mais pas aujourd’hui, pas avec la nouvelle réalité syrienne que les cinéastes ne voient pas, voire négligent.
- Joseph Fahimest un critique et programmeur de films égyptien. Il est le délégué arabe du Festival international du film de Karlovy Vary (Tchéquie), ancien membre de la Semaine de la critique de Berlin et ancien directeur de la programmation du Festival international du film du Caire. Il est co-auteur de plusieurs livres sur le cinéma arabe et a écrit pour de nombreux médias et think tanks spécialisés sur le Moyen-Orient, notamment le Middle East Institute, Al Monitor, Al Jazeera, Egypt Independent et The National, ainsi que pour des publications cinématographiques internationales telles que Vérité Magazine. À ce jour, ses écrits ont été publiés en cinq langues.
Les opinions exprimées dans cet article n’engagent que leur auteur et ne reflètent pas nécessairement la politique éditoriale de Middle East Eye.
Joseph Fahim is an Egyptian film critic and programmer. He is the Arab delegate of the Karlovy Vary Film Festival, a former member of Berlin Critics' Week and the ex director of programming of the Cairo International Film Festival. He co-authored various books on Arab cinema and has contributed to numerous outlets in the Middle East, including Middle East Institute, Al Monitor, Al Jazeera, Egypt Independent and The National (U.A.E.), along with international film publications such as Verite. To date, his writings have been published in five different languages.
Les commentaires récents