"J'ai du sang sur les mains" : l'histoire du père de la bombe atomique, Robert Oppenheime.
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Rédigé le 17/08/2023 à 14:46 dans Bombe atomique | Lien permanent | Commentaires (0)
A toutes les victimes des bombardements des 6 et 9 août 1945.
Le 6 août 1945 à 18h15, une énorme bombe atomique, la première arme nucléaire au monde, est larguée par les États-Unis sur la ville d'Hiroshima, au Japon. Cela a été suivi d'une deuxième à Nagasaki le 9 août. Lapremière bombe atomique utilisée dans la guerre s'appelle «Little Boy», a été larguée par le bombardier B-29 Enola Gay. Cette bombe a produit une explosion qui a dévasté la ville d'Hiroshima et tué des dizaines de milliers de personnes, en moins d'une minute. Dans cette bombe, une masse d'uranium de la taille d'une balle de tennis a produit une explosion aussi puissante que 20.000 tonnes de TNT.
La bombe larguée sur Hiroshima a explosé à 580 mètres au-dessus de la terre, émettant un éclair aveuglant et créant un immense champignon. L'explosion et la violente onde de choc ont écrasé et brûlé presque tous les bâtiments à moins de deux kilomètres de l'hypocentre. Les dégâts étant si importants, le nombre exact de personnes tuées n'est pas connu. Cependant, environ 70.000 personnes auraient été tuées ou portées disparues, selon les estimations américaines, mais on estime qu'environ 140.000 personnes sont mortes à la fin de l'année 1945.
Raisons du bombardement d'Hiroshima
La décision de larguer des bombes atomiques sur les villes d'Hiroshima et de Nagasaki est l'une des plus écrites dans les sujets de l'histoire contemporaine. Eh bien, la majorité de ces livres et articles sont polarisés soit le largage des bombes était une manœuvre diplomatique immorale, soit une action militaire glorieuse. Le point de vue populaire ou traditionnel qui dominait les années 1950 et 1960 - mis en avant par le Président Harry Truman et le Secrétaire à la guerre Henry Stimson - était que le largage des bombes atomiques était une action uniquement militaire qui évitait la perte d'un million de personnes, lors de l'invasion de l'île de Kyushu (sud-ouest du Japon). Truman était au courant des combats féroces qui se déroulaient, à ce moment-là, dans le Pacifique et avait naturellement le désir de minimiser ce qu'il estimait être inévitablement une lutte longue et sanglante(1), contre une force armée de 5 millions et 5 mille avions suicides qui a amplement démontré sa capacité à se battre littéralement jusqu'à la mort(2).
Dans les années 1960, une deuxième école de pensée s'est développée - mise en avant par des historiens « révisionnistes »- qui prétendait que le largage de la bombe était une manœuvre diplomatique en envoyant un message fort aux Soviétiques visant à intimider et à prendre le dessus dans les relations avec la Russie.
Aujourd'hui, plus de soixante-dix ans après les bombardements, de nombreux historiens cherchent les raisons pour lesquelles de nombreuses alternatives potentiellement viables au largage des bombes n'ont pas été explorées par Truman et d'autres hommes au pouvoir, comme ils auraient probablement dû l'être. Étant donné que ces alternatives n'ont jamais été explorées, nous ne pouvons que conjecturer si la décision de Truman de larguer des bombes atomiques a sauvé ou non des vies, et par extension, nous ne saurons peut-être jamais si la décision monumentale de Truman était moralement juste. Il est, donc, très probable que les nouveaux historiens ont raison de souligner que ce ne sont pas les bombardements atomiques qui ont poussé le Japon à se rendre. L'empereur Hirohito était conscient et affligé par la dévastation et la souffrance de Tokyo qui lui étaient douloureusement visibles depuis le palais impérial.
Avant même que les armes atomiques ne soient prêtes à être utilisées, les Américains avaient déjà tué bien plus d'un million de civils par les moyens conventionnels, peut-être près d'un million, lors des bombardements sur Tokyo et les autres villes japonaises. C'est dans ce contexte que doit se situer la décision de larguer les bombes atomiques. C'était déjà une politique établie d'écraser le Japon par une attaque aérienne, sans tenir compte des pertes civiles(3,4).
Ainsi, les vraies questions deviennent alors : non les bombardements atomiques étaient-ils justifiés, mais la campagne de bombardement globale était-elle justifiée ? Mener une guerre contre un ennemi comme le Japon a peut-être été une cause juste, mais est-il moralement acceptable de massacrer des civils dans la poursuite de cette cause ?
CONCLUSION
Dans les années 1920, le théoricien italien Giulio Douhet(5, 6)publie son ouvrage fondateur, «Command of the Air : Commandement de l'air». Quand il a soutenu que les guerres futures seraient réglées exclusivement par de vastes flottes de bombardiers. Malheureusement, il semble que nous soyons encore en 1945. Peu de choses ont été améliorées :
- Plusieurs pays n'ont pas signé le Traité de non-prolifération nucléaire (TNP),
- Sur les 44 pays déclarés puissances potentielles, seuls 30 ont à ce jour signé et ratifié le Traité d'interdiction complète des essais nucléaires (TICE), Cela apporte-t-il la paix dans le monde ? Cela n'apporterait-il pas plus de guerres que la paix ? De nombreux signes l'ont prouvé ; cependant, le monde est toujours aveugle. J'exhorte tous les pays de ce monde à utiliser la sagesse, la diplomatie et les moyens pacifiques pour apporter la VRAIE PAIX.
Réferences :
(1) Les taux de pertesprédits par les conseillers de Truman: Barton J. Bernstein, «Understanding the Atomic Bomb and the Japanese Surrender: Missed Opportunities, Little-Known Near Disasters, and Modern Memory,» Hiroshima in History and Memory, Cambridge University Press, 1996.
(2) Henry Lewis Stimson, «The Decision To Use The Atomic Bomb.» Harper's Magazine, February 1947.
(3) Long, Tony, «March 9, 1945: Burning the Heart Out of the Enemy», March 2011.
(4) Rauch, Jonathan. «Firebombs Over Tokyo: America's 1945 attack on Japan's capital remains undeservedly obscure alongside Hiroshima and Nagasaki», The Atlantic, 13 June 2019.
(5) Hippler, Thomas. Bombing the People: GiulioDouhet and the Foundations of Air-Power Strategy, 18841939.Cambridge, UK: Cambridge UniversityPress, 2013.
(6) Lehmann, Eric. La guerradell'aria. Giulio Douhet, strategaimpolitico. Bologna, Italy: Il Mulino, 2013
*Professeur à USTO, ancien chercheur et maitre-assistant à l'université de Kyoto et Kanazawa, Japon (1996-2009)
par Ramdane Kheir-Eddine
amedi 5 aout 2023
http://www.lequotidien-oran.com/index.php?news=5322912
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Rédigé le 05/08/2023 à 07:31 dans Bombe atomique | Lien permanent | Commentaires (0)
Rédigé le 10/02/2023 à 07:14 dans Bombe atomique, Russie-Ukraine | Lien permanent | Commentaires (0)
L'arme nucléaire reste l'arme de dissuasion. D. R.
La politique des deux poids, deux mesures est appliquée quand la victime ne peut pas rendre la monnaie de la pièce à l’agresseur. Mais si celui-ci est inconscient ou stupide et s’amuse à l’employer dans le domaine de la dissuasion nucléaire, il risque de payer lourdement son inconscience. Le présent article a pour but, sur la base de la doctrine américaine de la dissuasion et de déclarations publiques d’officiels américains, d’esquisser un regard de «la philosophie» américaine consistant à jouer à un poker bien à eux d’où ils sortiraient toujours gagnants. Cette «philosophie» a un énorme trou dans la raquette car elle table ou investit sur une supposée supériorité de l’intelligence stratégique des dirigeants chez qui on trouve pêle-mêle l’arrogance de la puissance, l’outil de la menace et de la peur qui neutraliseraient l’adversaire. Ultime trouvaille, mener une guerre par procuration pour l’affaiblir jusqu’à le désarmer.
Cette «philosophie» nourrit ainsi la stratégie de dissuasion américaine que l’on retrouve dans leur doctrine depuis 1945 quand les Etats-Unis ont utilisé la première fois la bombe atomique. Mais face à un adversaire possédant la même arme de destruction, le désarmer et lui faire signer sa capitulation fait partie dorénavant du fantasme. Car gagner une guerre sans la faire concerne les armes conventionnelles, une des recommandations de Sun Tzu qui n’est plus d’actualité car l’adversaire détient le même pouvoir de destruction. On voit mal un pays sur le point de se faire effacer de la terre hésiter une seconde à expédier son ennemi dans le trou noir de l’Univers qui est l’endroit où ne pénètre pas la lumière et où n’entend pas le tic-tac du temps, c’est-à-dire le néant.
Par les temps qui courent, ledit fantasme a peu de chance d’être opératoire. La guerre en Ukraine prouve que le délicat et complexe problème de l’utilisation de l’arme nucléaire est loin de se résoudre par le biais du jeu du poker. Heureusement pour le monde que l’utilisation du nucléaire n’est pas entre les mains des vieux et indécrottables prétentieux pour qui le monde se divise entre les bons et les méchants. Bien entendu, pour ces petits rêveurs, les comportements, les envies, la vision des choses sont du côté de leurs maîtres (1), censés appliquer le droit avec justesse et utiliser la rationalité avec intelligence. Bref, rien de nouveau à l’Ouest (Occident) sinon les fatigants blablas d’«analystes» qui souffrent de l’enflure du nombril…
Voyons comment s’est instauré un dialogue entre les Etats-Unis et la Russie à l’ombre de l’arme nucléaire. On se rappelle la phrase de Lloyd Austin, ministre américain de la Défense, où il affirma que l’objectif des Etats-Unis est d’affaiblir la Russie. Une phrase lourde de sens qui, pour les habituels «experts», passa presque inaperçue comme si c’était dans l’ordre naturel des choses. Il en est de même du rêveur éveillé d’un Lech Walesa (2) sur TF1 où il déclara qu’il faut démembrer la Russie en une multitude de mini-Etats. Ce genre de déclarations n’est pas passé inaperçu, en revanche, en Russie. Le président Poutine a attendu le moment propice pour répondre au message du ministre américain, «la Russie a tous les moyens pour se défendre». Ce dialogue par-dessus l’immensité de leurs pays respectifs, dans l’atmosphère d’une guerre de très haute intensité, l’Américain et le Russe échangèrent d’une façon sibylline sur les buts et les moyens de «leur» guerre. L’Américain avait limité le périmètre et les moyens de sa guerre. Pour lui, l’Ukraine serait le cimetière de l’armée russe pour qu’elle n’embête plus ses voisins. Le Russe, «nous avons les moyens de nous défendre». Le message du président russe était limpide en direction des Etats-Unis, en clair nos armes ne sont pas des jouets au pied d’un sapin de Noël…
Mais avant de décortiquer ce langage, il faut passer par l’histoire de la stratégie de la dissuasion nucléaire. Celle-ci consiste à faire comprendre à l’adversaire que l’utilisation de cette arme ferait disparaître son pays de la planète. Cette menace qui n’est pas parole en l’air ne peut être ignorée quand on connaît l’effroi et la désolation provoqués à Hiroshima et Nagasaki. Hé oui, ce sont ces deux bombes atomiques déversées sur le Japon qui sont à l’origine de la stratégie de la dissuasion. Mais pour que celle-ci naisse et fasse l’objet d’une théorisation stratégique, il a fallu qu’un deuxième pays, l’URSS possédât la même arme en 1949. Les Américains jusqu’ici protégés par cette arme devaient dorénavant tenir compte de ce nouveau concurrent dans le champ du nucléaire.
Avec l’arrivée de ce nouvel acteur, les Américains ont élaboré, étape après étape, différentes stratégies de dissuasion. Les deux têtes pensantes de ces stratégies furent Delles, secrétaire d’Etat américain, qui opta pour la riposte massive (1953) et McNamara, ministre de la Défense, qui opta pour la riposte graduée (1962). En bons élèves du pragmatisme, et ayant les yeux rivés sur le tableau des profits, les industriels américains trouvèrent là un nouveau filon pour prétendre garantir à leur pays l’invulnérabilité du territoire américain et celui d’«éterniser» leur statut de première puissance économique du monde. Ces deux objectifs se complètent et «s’entraident» mutuellement pour réaliser le vrai «rêve» américain, non pas celui de l’émigrant débarquant au pays de «la liberté» mais celui du complexe militaro-industriel si bien nommé par le général Eisenhower, président des Etats-Unis (1953-61). Ledit complexe industriel assure ainsi la protection du pays tout en réalisant des affaires juteuses, pourquoi demander davantage quand on est à la fois «bon citoyen» et riche américain…
Tant que les armes classiques permettaient de mener des guerres selon les lois et les conventions internationales de la guerre, tout le monde était censé être à égalité. L’apparition de l’arme nucléaire par son caractère de destruction totale introduit la variable du déséquilibre des forces en faveur de celui qui possède l’arme atomique. On l’a vu en 1945 quand les Etats-Unis imposèrent la capitulation du Japon. Les Américains avaient toutes les raisons d’être satisfaits. Ils gagnaient du temps en mettant fin à la guerre, économisaient leurs hommes et soulageaient leur colossal budget de guerre. A l’époque, l’éthique et la morale n’avaient pas l’air de perturber les généraux américains. Mais dès que les Etats-Unis perdirent le monopole dans la possession de cette arme, l’univers mental et politique des Américains se mit à cogiter pour inventer une stratégie de la dissuasion car l’acquisition de l’arme nucléaire par l’URSS, c’était, à leurs yeux, le diable en personne qui devenait le gardien des portes de l’enfer.
Ainsi naquit l’idée de faire une «petite place» à la bombe atomique dans l’art de la guerre. La nouvelle arme et le coriace adversaire des Américains augmentaient la surface des incertitudes, ouvrant le chemin à des dérapages potentiels. Le film Docteur Folamour, un chef-d’œuvre de Stanley Kubrick, outre l’intelligence et la beauté du film, est devenu un classique du cinéma. Il a su traiter un sujet aussi complexe en réservant un rôle à la folie qui fait tant peur aux stratèges car elle marie l’incertitude et l’irrationalité, difficilement maîtrisables.
L’arme nucléaire a en principe pour rôle de calmer des ardeurs démesurées de tout ennemi qui tomberait dans l’ivresse de la puissance qui cède parfois à la frivolité. Le statut de terreur et la qualité de dissuasion de la bombe nucléaire ne mettent pas fin aux problèmes de gestion de cette arme. En effet, la dissuasion est tributaire de moyens matériels, technologiques et de l’intelligence stratégique pour éviter aux deux adversaires de commettre une erreur fatale. C’est pourquoi depuis l’apparition de la bombe nucléaire, la stratégie de la dissuasion a évolué en fonction des progrès technologiques, de la qualité des relations entre les deux adversaires, de la facilité et rapidité d’entrer en contact entre chefs d’Etat (existence d’un téléphone rouge après l’affaire des missiles à Cuba en 1962). C’est pourquoi les Américains sont passés par plusieurs étapes. Celle de déverser leurs bombes contre le Japon sans crainte de représailles en 1945. Ensuite, celle des représailles massives et, enfin, celle de frappes répétitives. Le père des représailles massives est le secrétaire d’Etat Dulles et celles des frappes répétitives reviennent à McNamara, célèbre ministre de la Défense, de Nixon durant la guerre du Vietnam.
De nos jours, les stratèges américains ont mis au point la frappe nucléaire préventive mais qui n’a pas acquis un statut légal car le Congrès américain n’a pas encore voté la loi qui légitime son emploi. Parallèlement à ces différentes stratégies de la dissuasion nucléaire, les Etats-Unis s’étaient lancés en 1983 dans une entreprise/aventure pharaonique, appelée Initiative de défense stratégique (IDS) sous l’égide du président Reagan. En bon Américain, Reagan voulait construire un bouclier de missiles médiatisé sous le nom de guerre des étoiles. Ce bouclier était censé protéger les Etats-Unis de toute attaque nucléaire. Aventure technologique et gouffre financier, on a beau s’appeler l’Oncle Sam, il y a des limites à s’offrir des rêves que les dieux de l’Olympe ne peuvent réaliser. La guerre des étoiles cessa en 1993 sous Clinton, qui comprit sans doute que toute technologie finit par être dépassée par une autre découverte… Ce qui arriva en Russie où les savants et ingénieurs russes ont mis au point un missile qui vole à 10/12 fois la vitesse du son, donc non-interceptable par les antimissiles du bouclier de Reagan.
La dissuasion nucléaire préventive américaine attend d’être légalisée par le Congrès. Mais en attendant cette légalisation, la fameuse phrase «affaiblir la Russie» de Lloyd Austin, ministre de la Défense, se contente de menacer la Russie avec des armes conventionnelles sur un champ de guerre à l’étranger, l’Ukraine. Le ministre des Affaires étrangères de l’Union étrangère Borrel avait vendu la mèche en disant «affaiblir la Russie signifie détruire les armées russes opérant en Ukraine». Il est des hommes qui se pensent être au-dessus des autres et qu’on leur obéit comme s’ils étaient des dieux. Austin, comme Borrel, pense que le président russe va regarder ses armées se faire détruire sans réagir. Quelle idiotie et grave erreur ! car le président Poutine a clairement indiqué dans une émission télé, dès que les missiles ennemis sortent de leur champ de tir, ceux de la Russie se déclenchent automatiquement. Le président russe n’avait pas besoin de préciser que les missiles russes arriveront à destination les premiers car ils volent plus vite que ceux de la première puissance qui se veut être le top de la technologie. En définitive, les deux stratégies de dissuasion américaine et le fameux bouclier de «la guerre des étoiles» ne garantissent pas totalement la protection et la survie du territoire américain. Comme les Américains ne se conçoivent que comme vainqueurs pour garantir leur survie, ils inventent l’attaque préventive pour détruire l’ennemi qui n’aurait plus évidemment le temps de répliquer. On peut se demander si le Congrès américain va légaliser la dissuasion préventive qui ouvrirait la voie à un Docteur Folamour. D’autant qu’une attaque préventive est d’ores et déjà neutralisée par les missiles supersoniques russes que le président Poutine a pris soin d’insister sur l’impossibilité de les intercepter.
Les leçons que les grandes puissances seront bien obligées de tirer à partir des limites des différentes dissuasions, c’est de revenir à l’art de la guerre qui enseigne que le sage est celui qui gagne la guerre en faisant comprendre à l’agresseur potentiel qu’il n’a pas intérêt à la déclencher. On serait alors aux antipodes de la politique des deux poids, deux mesures qui fait tant de mal aux peuples et aux petits Etats qui ne peuvent pas se défendre.
Pour conclure, un mot sur les doctrines des trois grandes puissances qui ont acquis l’arme nucléaire (3) après les Etats-Unis, sont la Russie (1949), la France (1960) et la Chine (1964). Grosso modo, ces trois puissances ont pour doctrine de l’utilisation de l’arme nucléaire, la riposte par des représailles massives. Ça implique ou suppose en principe la non-utilisation en premier du nucléaire. Une réplique à l’arme atomique quand le territoire et les intérêts fondamentaux du pays sont menacés. A l’heure actuelle, seule la Chine s’est engagée officiellement à ne jamais utiliser une frappe nucléaire en premier contre un autre pays, les autres pays cultivent une sorte d’ambiguïté. C’est pourquoi la frappe nucléaire préventive envisagée dans la doctrine américaine, mais heureusement non encore votée par le Congrès, inquiète quelque peu. C’est une épée de Damoclès au-dessus de la tête du reste du monde. Rappelons pour infos que les mouvements pacifistes militent pour éliminer les armes nucléaires dans la vie des nations et des Etats dans leurs relations internationales. Avec la guerre en Ukraine, on entend les inconscients et les va-t-en-guerre prêts à tout pour régler leurs comptes à la Russie que l’on veut démembrer. Ces petites sectes oublient une chose simple : la Russie n’est pas la petite île des Caraïbes au joli nom de Grenade de quelques milliers d’habitants envahie par quelques milliers de G’IS armés jusqu’aux dents (en 1983). Il faut espérer que la leçon du film Docteur Folamour de Stanley Kubrick rappelle aux inconscients que la folie n’est pas bonne conseillère et qu’il faut lui préférer l’intelligence qui a permis à l’Homme de sortir de la jungle pour découvrir les autres merveilles du monde.
1- Il est bon de se poser la question et de rappeler l’interdiction faite à certains pays de posséder l’arme nucléaire et de fermer les yeux sur d’autres pays qui la possèdent. Y aurait-il des pays dirigés par la rationalité et une éthique irréprochable et d’autres livrés aux ténèbres et à l’ignorance ? Les discussions dans les instances internationales pour arriver à un désarmement général est un signe que la meilleure voie pour éviter une catastrophe est de détruire les arsenaux existants et de réserver l’atome pour permettre à la science de résoudre les problèmes qui surgissent et que l’Humanité se doit de résoudre. Une plus belle aventure que celle du paysage après l’hiver atomique.
2- Lech Walesa a été le président du syndicat Solidarité. Après l’implosion de l’URSS, il devient président de la Pologne 1992-95. Il fut adoubé par le pape Jean Paul 2 et soutenu par l’Occident. On n’est pas étonné de voir la Pologne devenir un pilier de l’OTAN à quelques encablures de la Russie.
3- L’Angleterre est liée aux Etats-Unis par des relations spéciales. Normal, les Américains ne sont que les descendants des British. Avec le temps, les enfants dépassèrent le père. On a vu Tony Blair, Premier ministre anglais, suivre aveuglement les Américains en Irak. La presse britannique l’a honoré du quolibet mérité de «caniche» de l’Oncle Sam.
Une contribution d’Ali Akika
janvier 3, 2023 - 10:59
https://www.algeriepatriotique.com/2023/01/03/larme-nucleaire-le-docteur-folamour-est-il-de-retour/
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Rédigé le 03/01/2023 à 23:27 dans Bombe atomique | Lien permanent | Commentaires (0)
Pour l’Ukraine, l’indépendance énergétique se joue dans les coulisses du conflit
Les affrontements entre Russes et Ukrainiens autour de la centrale de Zaporijia ont ravivé le spectre d’une catastrophe nucléaire, et conduit l’Agence internationale de l’énergie atomique à dénoncer une situation « intenable ». Dans son dernier ouvrage, le journaliste Marc Endeweld montre pourquoi le nucléaire représente dans ce conflit un enjeu énergétique autant que stratégique.
Au cours d’un échange téléphonique avec son homologue français le 11 septembre 2022, le président russe Vladimir Poutine renouvelle sa mise en garde au sujet de la situation de la centrale nucléaire de Zaporijia, la plus grande d’Europe, située près de la ville d’Energodar sur les rives du Dniepr, le fleuve qui partage à cet endroit la ligne de front. Le même jour, on apprend que l’ensemble des six réacteurs de mille mégawatts ont été mis à l’arrêt.
Tout au long de l’été, Russes et Ukrainiens se sont renvoyé la responsabilité des bombardements sur le site et autour. Ainsi, peu de temps après l’appel téléphonique entre les deux présidents, Moscou dénonce publiquement jusqu’à vingt-six bombardements ukrainiens sur la zone. De son côté, Kiev accuse son adversaire de positionner des armes lourdes au sein de la centrale et de procéder à des tirs vers la rive opposée du Dniepr, sous contrôle de l’Ukraine. Si début août le président Volodymyr Zelensky menace de répliquer à ces attaques russes, certains de ses soldats ne l’ont pas attendu. Le 19 juillet, au moyen de drones de petite taille, ils s’en prennent aux soldats russes présents sur le site : « L’armée ukrainienne harcèle les forces occupantes jusqu’à l’intérieur de la centrale », commente Le Monde (1). Le 19 septembre, un bombardement russe touche un bâtiment situé à trois cents mètres d’un des réacteurs d’une autre centrale nucléaire, « Ukraine du Sud », dans l’oblast de Mykolaïv.
La convention de Genève (protocole II), ratifiée en 1977 par l’Ukraine et la Russie (alors toutes deux dans l’Union soviétique), interdit pourtant les attaques contre des sites nucléaires : « Les ouvrages ou installations contenant des forces dangereuses, à savoir les barrages, les digues et les centrales électriques nucléaires, ne doivent pas faire l’objet d’une attaque. »
L’occupation par l’armée russe de la centrale de Zaporijia intervient tôt dans la guerre opposant la Russie à l’Ukraine : le 4 mars. Dès le premier jour de l’invasion, qui a lieu le 24 février, les troupes aéroportées russes prennent le contrôle de la centrale de Tchernobyl, dont les réacteurs sont à l’arrêt depuis de nombreuses années — le site sera occupé jusqu’au 31 mars. Ce lieu symbolique (du fait de la catastrophe nucléaire de 1986) est hautement stratégique car il abrite de nombreux déchets nécessaires à la fabrication de bombes atomiques. Durant la même période, les forces russes mènent une offensive importante dans la région de Kherson pour tenter de prendre le contrôle de la centrale « Ukraine du Sud ». L’opération échoue. Dès le début de la guerre, M. Poutine fait donc des centrales nucléaires ukrainiennes (quinze réacteurs VVER à eau pressurisée de conception soviétique) un objectif majeur de son « opération militaire spéciale ».
Au printemps dernier, l’occupation de la centrale de Zaporijia suscite les inquiétudes de la communauté internationale. L’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) demande très tôt qu’une mission d’inspection accède au site. Dans un premier temps, l’Ukraine s’y oppose, de peur, officiellement, de voir l’occupation russe de l’installation légitimée par une institution internationale. Au cours de l’été, un accord est trouvé. Le gouvernement de Kiev obtient que la délégation de l’AIEA transite par les territoires qu’il contrôle pour accéder à la centrale. Tandis que le président Zelensky dénonce à de multiples reprises le « chantage russe » au sujet de la centrale de Zaporijia, le Kremlin convoque en urgence une réunion du Conseil de sécurité de l’Organisation des Nations unies (ONU) consacrée exclusivement à cette question.
Les uns et les autres jouent avec la peur d’un « nouveau Tchernobyl », et l’AIEA fait l’objet de très fortes pressions des deux belligérants. Kiev veut imposer une « démilitarisation » de la centrale, quand Moscou souhaite que l’Ukraine soit dénoncée comme l’auteure principale des bombardements. Dans son rapport, l’agence internationale demande l’arrêt immédiat des bombardements (sans évoquer l’origine des tirs) et propose l’établissement d’une « zone de protection » autour de la centrale de Zaporijia (sans plus de précisions). Elle estime que la situation est « intenable » et constitue « une menace permanente pour la sûreté et la sécurité nucléaires car des fonctions essentielles à la sûreté du site, en particulier le refroidissement des installations (…), pourraient être touchées » (2). Les inspecteurs de l’AIEA ont constaté de nombreux dégâts à la suite des bombardements : le toit d’un bâtiment où sont entreposées des barres de combustible neuf ainsi que des déchets radioactifs a par exemple été éventré. Ils s’inquiètent aussi des conditions de travail des techniciens ukrainiens, soumis aux pressions de l’armée russe.
Zaporijia ne constitue pas uniquement un enjeu de sûreté nucléaire : la centrale représente un but de guerre à vocation géopolitique. Avant l’occupation russe, les six réacteurs fournissaient 20 % de l’électricité ukrainienne. L’indépendance énergétique de l’Ukraine se joue donc dans les coulisses du conflit, notamment autour de la question du raccordement électrique de la centrale. Lors de sa visite du site, l’AIEA a constaté que de nombreux bombardements avaient ciblé les lignes à haute tension en direction de l’est de l’Ukraine, en partie occupé par les Russes, ainsi que les stations de raccordement et les transformateurs électriques. Le 25 août, la centrale est déconnectée durant quelques heures du réseau ukrainien, et l’Ukraine craint que les Russes ne la raccordent à leur propre réseau. Un détournement d’énergie « inacceptable », dénonce le département d’État américain (3).
Les centrales ukrainiennes, héritées de l’Union soviétique, étaient jusqu’à récemment connectées au réseau électrique de la Russie et de la Biélorussie. L’information est passée sous les radars des grands médias mais, quelques heures avant l’invasion, l’Ukraine a procédé au découplage de son réseau avec la Russie, une phase de « test » décidée plus tôt, mais qui a perduré du fait de la guerre. L’opération a facilité le raccordement du réseau électrique ukrainien avec celui de l’Europe, via la Pologne, en mars 2022. L’idée d’une connexion avec l’Ouest remonte à 2015, quelques mois après l’annexion de la Crimée et le début du conflit au Donbass. Il reçoit le soutien de la France, qui mobilise son gestionnaire Réseau de transport d’électricité (RTE) pour aider les Ukrainiens ainsi qu’Électricité de France (EDF) Trading pour assurer une partie du financement (un total de 2,6 milliards de dollars (4) en partenariat avec les groupes polonais Polenergia et américain Westinghouse). À terme, l’Ukraine souhaite exporter de l’électricité bon marché aux pays européens.
L’une des motivations de M. Poutine pour lancer son « opération militaire spéciale » était en fait de mettre un coup d’arrêt à la volonté des Ukrainiens d’échapper à la tutelle russe sur leur parc nucléaire, un enjeu à la fois énergétique et sécuritaire. Longtemps après la chute de l’URSS, la maintenance et la sûreté des réacteurs VVER en Ukraine, la fourniture en combustible nucléaire et la gestion des déchets ont été assurées par les Russes (les pièces détachées des centrales proviennent de Biélorussie), comme pour tous les réacteurs de ce type en Europe. Jusqu’alors, le cycle nucléaire en Ukraine se décomposait ainsi : le Kazakhstan fournissait l’uranium, celui-ci était enrichi en Russie, qui l’envoyait en Ukraine. En 2010, TVEL, filiale de Rosatom, l’entreprise d’État russe du nucléaire, a vendu pour 608 millions de dollars de combustible à l’Ukraine. Cette dernière est alors le client le plus important de TVEL.
Dès les années 2000, l’Ukraine cherche à diversifier ses approvisionnements en combustible nucléaire et à mettre à niveau ses vieux réacteurs de conception soviétique. Les gouvernements issus de la « révolution orange » de 2004 se tournent alors vers le groupe américain Westinghouse. Pour ce dernier, les débuts en Ukraine sont difficiles. Le groupe connaît plusieurs défaillances. Au point qu’en 2012 un incident sérieux survient sur l’un des réacteurs de la centrale « Ukraine du Sud » équipé d’un assemblage américain de combustibles. Le cœur est gravement endommagé. Adapter des combustibles aux contraintes d’une technologie soviétique est une opération délicate, qui exige du temps. Après plusieurs essais infructueux, Westinghouse réussit néanmoins à alimenter six réacteurs ukrainiens. À la centrale de Zaporijia, quatre des six réacteurs fonctionnent à partir de combustibles fournis par Westinghouse.
Ces dernières années, les pressions russes se sont multipliées pour préserver le système nucléaire entre les deux pays. Le prédécesseur de M. Zelensky, M. Petro Porochenko, avait promis à Westinghouse une part majoritaire du marché du combustible, avant de se raviser et de lui accorder moins de contrats qu’envisagé. À partir de 2019, les Ukrainiens, bien décidés à éloigner les Russes de leur industrie nucléaire, changent de ton. Cette année-là, un nouvel accord prévoit une baisse des commandes de combustibles à la Russie. Energoatom, l’exploitant des centrales nucléaires en Ukraine, décide de se fournir principalement chez Westinghouse.
Deux ans plus tard, tout s’accélère : en août 2021, un accord de coopération américano-ukrainien prévoit la création par Westinghouse d’une usine de fabrication de combustible nucléaire. Un mois plus tard, la société américaine et Energoatom signent un protocole d’accord représentant 30 milliards de dollars pour la construction de quatre réacteurs AP1000 en Ukraine. En juin 2022, un nouvel accord est signé : Westinghouse construira en tout neuf réacteurs dans le pays. Discrètement, le groupe américain lance son offensive dès 2018 sous l’impulsion de l’administration Trump, qui souhaite que les États-Unis reviennent en force sur le marché du nucléaire civil mondial face à la Chine et à la Russie (5).
Le rapprochement entre l’Ukraine et les États-Unis préoccupe M. Poutine. À ses yeux, il s’agit non seulement d’un affront, mais aussi d’une menace. Le nucléaire est une technologie potentiellement duale : à la fois civile et militaire.
Pour appréhender la réaction de Moscou, il convient de revenir au mémorandum de Budapest de 1994, signé par l’Ukraine, la Russie, les États-Unis et le Royaume-Uni (ainsi, plus tard, que par le reste des puissances nucléaires déclarées, soit la France et la Chine). Le document avait amené les Ukrainiens à accepter le renvoi à Moscou de l’arsenal nucléaire présent sur leur sol, et hérité de l’URSS, contre des garanties strictes d’intégrité territoriale et de sécurité. Salué à l’époque comme un modèle de désarmement nucléaire (l’Ukraine signant en parallèle le traité de non-prolifération [TNP]), le mémorandum comporte pourtant une faille de taille : les garanties de sécurité ne sont accompagnées d’aucune obligation réelle de défendre l’Ukraine, et aucune sanction ou mesure contraignante n’est prévue en cas de violation du texte par l’un des pays. Or, depuis l’annexion de la Crimée en 2014, une partie des élites ukrainiennes ne cesse de regretter publiquement le désarmement intervenu une dizaine d’années plus tôt (6).
Ce débat dépasse les frontières de l’Ukraine. En juin dernier, M. Radosław Sikorski, l’ancien ministre de la défense et des affaires étrangères polonais, a déclaré que la Russie avait violé le mémorandum de Budapest et que, par conséquent, l’Occident pouvait « offrir » des ogives nucléaires à l’Ukraine afin « qu’elle puisse défendre son indépendance ». Cinq jours avant l’invasion russe, le 19 février 2022, à la conférence de sécurité de Munich, M. Zelensky fait référence au mémorandum de Budapest de 1994 en expliquant que, si une renégociation ne s’enclenche pas rapidement entre les parties signataires, son pays considérera qu’il n’est plus tenu de respecter ses engagements historiques : « L’Ukraine a reçu des garanties de sécurité pour avoir abandonné la troisième capacité nucléaire du monde. Nous n’avons pas cette arme. Nous n’avons pas non plus cette sécurité. »
Fin mars, lors des négociations de paix entre Russes et Ukrainiens, sous l’égide du président turc Recep Tayyip Erdoğan, M. Zelensky se déclare prêt à la neutralité de son pays et promet de ne pas développer d’armes atomiques, comme l’écrit le Financial Times, si la Russie replie ses troupes et si Kiev reçoit des garanties de sécurité sérieuses (7) : « Le statut non nucléaire de notre État, nous sommes prêts à y aller… Si je me souviens bien, c’est pour ça que la Russie a commencé la guerre [NDLR : la Russie refusant que l’Ukraine se nucléarise à terme militairement] », explique le président ukrainien.
Tout en aidant les Ukrainiens dans le nucléaire civil, les Américains ont tenu à préserver le contact avec les Russes sur ce dossier. Le président Donald Trump avait mandaté un haut fonctionnaire, M. John Reichart, ancien patron du Centre d’étude des armes de destruction massive, pour évaluer l’ensemble de la situation nucléaire en Ukraine, lequel a discrètement rendu ses rapports. Et aujourd’hui, malgré la guerre, des négociations secrètes entre États-Unis et Russie sont en cours au sujet du futur partage du nucléaire civil ukrainien : « Ils savent qu’avant que les centrales AP1000 ne soient construites en Ukraine, pas plus qu’eux que les Ukrainiens ne pourront faire sans les Russes », commente en off un acteur de l’industrie nucléaire mondiale.
Marc Endeweld
Rédigé le 18/10/2022 à 09:46 dans Bombe atomique, Russie-Ukraine, Ukraine | Lien permanent | Commentaires (0)
Israël perdrait-il son monopole sur la bombe ?
Malgré leur reprise après l’élection de M. Joseph Biden aux États-Unis, les négociations entre les pays occidentaux et Téhéran au sujet du nucléaire iranien n’ont guère progressé. Persuadés que la République islamique cherche à se doter de la bombe, les pays de la région, Arabie saoudite en tête, développent eux aussi des programmes, dont rien ne dit qu’ils ne s’étendront pas au domaine militaire.
L’Arabie saoudite ne veut pas acquérir une bombe nucléaire. Mais, si l’Iran en développait une, nous lui emboîterions le pas dès que possible, sans aucun doute. » Ainsi s’exprimait en mars 2018 le prince héritier saoudien Mohammed Ben Salman (« MBS ») dans une mise en garde claire au voisin et rival du royaume wahhabite (1). Quelques semaines plus tard, le président américain Donald Trump annonçait le retrait des États-Unis de l’accord de 2015 sur le programme nucléaire iranien, rétablissant les sanctions de son pays à l’encontre de la République islamique. En retour, cette dernière relançait son programme d’enrichissement de l’uranium. L’Arabie saoudite et l’Iran, tous deux en quête d’une hégémonie régionale, s’opposaient alors sur des théâtres variés, dont le Yémen. Aujourd’hui, ce contexte tendu n’a guère évolué. En matière de technologie nucléaire, Téhéran reste largement en tête, mais Riyad entend rivaliser avec lui.
Pourtant, les deux pays ont ratifié le traité de non-prolifération nucléaire (TNP), qui les engage à renoncer à l’atome militaire. La majorité des membres des Nations unies y ont d’ailleurs souscrit — y compris les États-Unis, la Chine, la Russie, la France et le Royaume-Uni, qui disposent de la bombe. Tous s’engagent même à promouvoir à terme un désarmement nucléaire généralisé. Seuls manquants au concert des nations : l’Inde, le Pakistan et Israël (la Corée du Nord ayant annoncé son retrait en 2003 et le Soudan du Sud n’ayant pas non plus signé ce traité depuis son indépendance en 2011). C’est à la fin des années 1960 qu’Israël devint le premier pays du Proche-Orient, et le seul à ce jour, à se doter, en toute illégalité, de la bombe — et ce avec l’aide de Paris (2). Depuis, Tel-Aviv ne confirme ni ne dément cette possession. « Laisser planer le doute lui permet de ne pas donner prise à d’éventuels appels à négocier [un désarmement] », remarque M. Mycle Schneider, membre du Groupe international sur les matières fissiles (IPFM), qui réunit des experts indépendants agissant pour plus de sécurité dans le domaine du nucléaire (3). Ainsi les grandes puissances n’ont-elles jamais tenté de confronter Israël avec la réalité. « Aucune ne voit d’intérêt géopolitique à le faire », commente M. Schneider.
Cette politique d’opacité, et son acceptation par la « communauté internationale », constitue néanmoins un précédent dommageable au Proche-Orient. Même si la normalisation entre Israël et une partie du monde arabe a fait des progrès depuis septembre 2020 — date à laquelle Tel-Aviv a signé les accords Abraham avec les Émirats arabes unis et Bahreïn, bientôt suivis de ceux avec le Maroc —, cela encourage ses voisins à développer eux aussi leur capacité nucléaire. Et pousse en retour les autorités israéliennes à maintenir coûte que coûte la suprématie de leur pays dans ce domaine. C’est ainsi que la menace régulièrement brandie d’une attaque aérienne contre les installations iraniennes — avec ou sans l’aval et le soutien américains — affecte la stabilité régionale. Pour mémoire, Tel-Aviv avait déjà bombardé en 1981 le générateur en construction d’Osirak, en Irak. Dix ans plus tard, la découverte du programme clandestin irakien conduira à augmenter les moyens de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA), l’organisme vérifiant la mise en application du TNP. Un protocole additionnel au traité fut adopté en 1997, étendant le champ des activités soumises à déclaration et permettant aux inspecteurs de l’agence d’effectuer des contrôles après de courts préavis.
De nombreux pays ne l’ont toutefois pas encore signé. L’Iran l’a fait en 2003, mais ne l’a appliqué qu’à titre provisoire. « À l’origine, l’Iran avait souhaité acquérir une capacité nucléaire pour faire face à Israël, rappelle Mohammed Alzghoul, chercheur à l’Emirates Policy Center, une boîte à idées établie à Abou Dhabi. Aujourd’hui, il s’agit également de démontrer sa puissance sur la scène internationale. » Téhéran assure pourtant se conformer au TNP. « Ce traité recèle des faiblesses : il n’interdit ni d’enrichir de l’uranium ni d’en séparer le plutonium », pense Sharon Squassoni, chercheuse à l’université George-Washington et ancienne haute fonctionnaire au département d’État américain. L’Iran est ainsi régulièrement accusé de transformer de l’uranium au-delà des besoins de son programme nucléaire civil.
« Une fois qu’un pays dispose de la matière fissile suffisante, il lui faut environ six mois pour construire une bombe », indique Squassoni, pour qui la possession d’une certaine quantité d’uranium enrichi permettrait donc à l’Iran d’être « une puissance du seuil », autrement dit de devenir une puissance nucléaire latente. Pour l’éviter, les États-Unis, la Russie, la Chine, la France, l’Allemagne, le Royaume-Uni ainsi que l’Union européenne ont signé avec l’Iran, en 2015, un accord qui suspendait les sanctions économiques contre Téhéran en échange de l’arrêt de son programme militaire et de la réduction de ses stocks d’uranium enrichi.
« Dans l’intervalle, l’Iran a créé un modèle auquel d’autres pays aspirent : utiliser le nucléaire civil pour devenir une puissance du seuil et basculer rapidement vers le militaire si besoin », analyse M. Marc Finaud, ancien diplomate français, aujourd’hui professeur associé au Centre de politique de sécurité de Genève (GCSP). Ce dernier rappelle ainsi que la maîtrise de la technologie nucléaire confère aux pays qui la possèdent un certain prestige. Et les candidats se multiplient. Au Proche-Orient, l’Égypte a annoncé un programme à El-Dabaa, tandis que la Turquie a lancé, en 2018, la construction d’une centrale à Akkuyu. Les deux puissances émergentes, qui font face à une hausse constante de leur consommation d’énergie mais dont les finances restent limitées, ont toutes les deux choisi le russe Rosatom pour développer leurs installations. « Soutenu directement par le gouvernement russe, Rosatom porte financièrement les projets et se rembourse ensuite sur la vente d’énergie », explique Ali Ahmad, chercheur à l’université Harvard. « Dans ce contexte, les principaux bénéficiaires sont toujours les pays exportateurs de technologie nucléaire, commente de son côté l’économiste spécialiste des questions énergétiques Carole Nakhle. Parce que les projets font généralement partie d’un ensemble plus large de coopérations, avec des liens économiques et politiques visant à s’étendre sur des décennies pour correspondre au long cycle de vie du projet », poursuit-elle.
N’ayant quant à eux aucun problème de financement, les pays du Golfe réfléchissent, depuis la fin des années 1990, à lancer des programmes nucléaires civils ; mais la catastrophe de Fukushima en 2011 a provisoirement gelé la plupart des projets. Seuls les Émirats arabes unis ont choisi de maintenir leur stratégie. Dotée d’une capacité totale de 5,6 gigawatts (GW), la centrale de Barakah, sur la côte du golfe Arabo-Persique, devra satisfaire 25 % de la demande en électricité des Émirats. Les travaux sont aujourd’hui bien avancés. Sur les quatre réacteurs prévus, deux ont déjà été mis en service. Le cas émirati illustre l’émergence de nouveaux acteurs dans le domaine de la construction nucléaire. À la fin des années 2000, et malgré l’implication du président Nicolas Sarkozy, qui défendait l’offre d’un consortium français, le projet est confié à la Société coréenne d’énergie électrique (Kepco) — sa proposition étant jugée plus compétitive et plus à même de garantir un achèvement rapide des travaux. « En Europe, on ne pourrait pas construire un réacteur coréen tel qu’il a été vendu [aux Émirats] », commente en 2010 devant l’Assemblée nationale Mme Anne Lauvergeon, alors présidente du directoire d’Areva. Auteur d’un rapport sur le sujet (4), le chercheur à l’université du Sussex Paul Dorfman critique les choix techniques faits pour Barakah, notamment l’absence d’un confinement supplémentaire des réacteurs — utile pour les protéger d’un crash d’avion ou d’une attaque aérienne. « En fait, un accident à Barakah serait désastreux parce que la centrale est située au bord du Golfe, dont les eaux sont peu profondes et se renouvellent très peu. De plus, une grande partie de l’eau potable consommée dans la région en est extraite via des centrales de désalinisation situées le long de la côte », souligne-t-il.
Signe que les dirigeants émiratis sont conscients de la fragilité de cette centrale, ils ont déboursé fin 2011 près de 2 milliards de dollars pour acquérir le système antimissiles Thaad de Lockheed Martin. Il faut dire que les réacteurs nucléaires proche-orientaux ont une longue histoire de bombardements derrière eux. Outre Osirak, Israël a aussi attaqué en 2007 l’installation presque terminée de Deir Ez-Zor en Syrie. Dans les années 1980, pendant la guerre Iran-Irak, la centrale encore inachevée de Bouchehr fut aussi visée par Bagdad. « Dans chaque cas, l’État attaquant craignait que du plutonium ou de l’uranium militaire puissent être produits », témoignait le chercheur Henry Sokolski lors d’une audience, le 21 mars 2018, à la Chambre des représentants sur les implications pour le Proche-Orient d’un accord de coopération nucléaire entre les États-Unis et l’Arabie saoudite. Selon lui, c’est cette crainte qui a poussé, en 2009, Washington à demander aux Émirats de signer un accord dans lequel ils s’engagent à renoncer à l’enrichissement d’uranium et au retraitement de plutonium. Abou Dhabi ratifie aussi cette année-là le protocole additionnel du TNP auprès de l’AIEA. En échange, les Américains déballent leurs marchandises. « Sur les 40 milliards de dollars de contrat (…), la part de [la société américaine] Westinghouse est estimée à 2 milliards », expose Squassoni. Certains restent toutefois sceptiques quant à la portée des accords. « Si l’enrichissement de l’uranium et les technologies de retraitement ne sont pas plus efficacement réglementés, les nouvelles centrales nucléaires pourraient servir de couverture pour développer des armes nucléaires », affirme Dorfman.
Mais les projets de l’Arabie saoudite inquiètent davantage que ceux des Émirats. Après avoir annoncé, au début des années 2010, des plans faramineux, Riyad a recentré en 2017 ses objectifs civils autour d’un projet national pour l’énergie atomique porté par l’entité gouvernementale King Abdullah City pour l’énergie renouvelable et atomique (KA-Care). Il comprend la construction de petits réacteurs modulaires et d’une centrale à deux réacteurs d’une puissance de 2,8 GW pour laquelle KA-Care a d’ores et déjà mandaté le groupe d’ingénierie français Assystem afin de conduire les études d’impact et de finaliser le choix du site. En parallèle, le royaume a lancé, en 2018, la construction près de Riyad d’un réacteur de recherche de faible puissance avec les Argentins de l’entreprise spécialisée dans les technologies de pointe Invap, déjà présents en Algérie.
Pour concrétiser ce programme, les Saoudiens devront toutefois rassurer sur leurs intentions, car ils tardent à prendre les mêmes engagements que les Émirats alors que leur programme inclut aussi la gestion du cycle du combustible, enrichissement inclus. La fermeté de Riyad entrave ses projets civils : sans renoncement à l’enrichissement, le royaume ne peut aujourd’hui acheter aucune technologie américaine. Noura Mansouri, chercheuse au Centre d’études et de recherche sur le pétrole du roi Abdallah (Kapsarc), espère toutefois un traitement de faveur. « En 2005, les États-Unis ont fait une exception avec l’Inde, pour contrer la Chine. (…) Ils pourraient également faire une exception pour l’Arabie saoudite », écrit-elle dans une note (5). Reste à savoir si le timide réchauffement actuel des relations entre la Maison Blanche et le palais de Riyad va le permettre.
Pour mener à bien ses projets atomiques, qu’ils soient civils ou militaires, le royaume a une autre carte : un potentiel accord avec Islamabad, dont Riyad a financé le programme nucléaire. « De nombreux observateurs pensent que le Pakistan est prêt à rendre la pareille en aidant les Saoudiens dans leur programme nucléaire, affirme la spécialiste en affaires étrangères Silvia Boltuc. Et, si aucun accord n’a été divulgué, les services de renseignement de plusieurs pays, dont Israël, estiment que les Pakistanais fournissent ou fourniraient des armements à Riyad en cas de besoin. »
Pour empêcher les tensions de croître et une course aveugle à l’atome, la réhabilitation de l’accord sur le nucléaire iranien est donc cruciale. « Ce texte est le plus complet de l’histoire de la non-prolifération. La généralisation de ses principes dans la région pourrait être la meilleure voie pour réaliser une zone exempte d’armes nucléaires », plaide M. Seyed Hossein Mousavian, ancien négociateur iranien, aujourd’hui chercheur à l’université Princeton. Quant à l’idée d’une conférence régionale sur la prohibition des armes de destruction massive au Proche-Orient, elle avait été lancée dès 1974 dans une résolution des Nations unies portée par l’Égypte et l’Iran. Mais sa première session n’a eu lieu qu’en 2019 et la seconde en 2021 en l’absence notable d’Israël et des États-Unis. « Pour le moment, cette conférence est totalement inefficace, regrette Finaud. Israël ne fera de concessions que lorsqu’il se sentira en sécurité. »
« Pourquoi ne pas commencer par des objectifs plus modestes, comme faciliter une coopération entre les pays du Golfe et l’Iran autour de la sécurité nucléaire civile ? », propose quant à lui M. Ahmad. Penser collectivement les effets d’une catastrophe nucléaire aux conséquences régionales pourrait peut-être conduire à apaiser les tensions dans le golfe Arabo-Persique.
Eva Thiébaud
(1) CBS News, 15 mars 2018.
(2) Jean Stern, « France-Israël. Lobby or not lobby ? La gloire secrète du lobby militaro-industriel dans les années 1950 », Orient XXI, 20 janvier 2021.
(3) Cf. https://fissilematerials.org
(4) Paul Dorfman, « Gulf nuclear ambition : New reactors in United Arab Emirates » (PDF), Nuclear Consulting Group, décembre 2019.
(5) Noura Mansouri, « The Saudi nuclear energy project », King Abdullah Petroleum Studies and Research Center, janvier 2020.
par Eva Thiébaud
https://www.monde-diplomatique.fr/2022/10/THIEBAUD/65191
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Rédigé le 18/10/2022 à 09:29 dans Bombe atomique | Lien permanent | Commentaires (0)
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