La question de la récupération des fonds et des biens issus de la corruption d’hommes d’affaires, de militaires et des politiciens véreux ainsi que des parties influentes incarcérés pour corruption était une promesse de campagne du président mal élu Abdelmadjid Tebboune.
Aujourd’hui le bonhomme s’en remet à ses bons souvenirs et relance ce va-t-en guerre à la recherche de Dinars perdus dilapidés dans le cadre de la récupération des fonds dissimulés frauduleusement à l’étranger ou même en Algérie à travers des biens éparpillés çà et là. C’est d’ailleurs de l’un de ceux-là d’où est repartie cette affaire. Dimanche dernier, effectivement, le chef d’état lors du Conseil des ministres tenu sous sa présidence, avait sommé ses troupes d’accélérer la remise en production de l’usine des huiles végétales de Jijel, qui appartenait aux frères Kouninef, actuellement en détention pour corruption, lançant ainsi la première étape d’un début du processus de récupération.
C’est que l’histoire va chercher loin elle couterait au bas mot estiment les experts, plus de 7,5 milliards d’euros et 600 milliards de DA, un joli pactole pour des caisses assoiffées. Si pour ce qui est de récupérer l’argent volé et dissimulé à l’étranger, autant en faire son deuil tant les procédures complexes prendraient du temps pour le rapatrier, les démarches à entamer, se déroulant sous la houlette diplomatique. Au Bled c’est un autre son de cloche et cela semble plus envisageable. Mais dans cette histoire du voleur volé, et entre nous, le vrai pactole est en devises fortes et donc entre de bonnes mains chez les autres. Ce qui reste au pays va avec les pertes et profits. Et l’Exécutif algérien en ces temps durs est tout aise de rencontrer le fameux « limaçon » de la fable.
Sauf que là, la problématique de la récupération des biens et fortune des richissimes oligarques et hauts responsables du régime Bouteflika ne pourrait se faire, qu’après que toutes les voies de recours eussent été épuisées. D’ailleurs, seule la cour d’Alger « une voix de son maître sans équivoque », où se déroulent les procès en appel des accusés concernées par la confiscation de biens mal acquis, est apte ou non de confirmer les demandes de la partie civile, qui est le Trésor public en ordonnant donc la confiscation de biens précisément identifiés et localisés. Ce qui toutefois peut prendre parfois plusieurs mois, voire des années mais bien moins que pour l’autre opération de rapatriement.
Ces grands dossiers qui s’élèvent à 7,5 milliards d’euros, ont pour hommes d’affaires des sommités comme, Ali Haddad, Mahieddine Tahkout , Mourad Eulmi, Abdelghani Hamel, les frères Kouninef ainsi que des accusés de parts et d’autres, notamment ceux dont les biens ont fait l’objet d’un ordre de saisie dans l’affaire du montage automobile. La majorité de ces biens à confisquer se trouve dans la capitale Alger et ses environs, il s’agit de terrains, usines, sièges de sociétés ou bureaux… L’opération est, sauf retournement de situation comme c’est souvent le cas en Algérie, certes, des plus plausibles sur le plan juridique car la justice est toute acquise à l’exécutif qui n’est autre que l’uniforme en Algérie, mais elle restera dans le temps complexe à appliquer. Mais qu’on se le dise ! dans l’état actuel des choses ce n’est qu’une passation de mains ou de pouvoir. Les nouveaux « ayant droit » se bousculent déjà aux portillons de la bonne fortune que partage volontiers le parrain. C’est comme ça en Algérie depuis plus de six décennies. Les bonnes habitudes ne se perdent pas.
C’est à partir de la prison militaire de Blida que Guermit Bounouira, l’ancien secrétaire particulier du général Gaid Salah, a enregistré des vidéos qui ont ébranlé les fondements du haut commandement militairealgérien.
Poursuivi depuis le 11 août 2020 pour haute trahison, à peine une semaine après son extradition par la Turquie vers l’Algérie, l’ancien secrétaire particulier de Gaïd Salah vient d’être condamné à la peine capitale. Son déballage, qui a mis à nu le visage hideux de Saïd Chengriha, a visiblement provoqué une réaction de colère du patron de l’armée algérienne
On ignore tout, pour l’instant des réseaux qui ont permis à cet officier détenu dans la prison la plus sécurisée d’Algérie de faire parvenir à l’étranger, en l’occurence à Londres, pluieurs vidéos où il témoigne de l’état de corruption de l’armée algérienne
LES EXTRAITS DU TEMOIGNAGE DE GUERMIT BOUNOUIRA
« Je me présente, Guermit Boubouira secrétaire particulier de l’ancien chef d’état-major le général Gaid Salah. C’est à la volonté de Tebboune qui a dit que celui qui a des choses à dire ; qu’il le fasse. Mais, ces vidéos visent à éclairer l’opinion publique assombrie par ceux qui veulent maintenir un statu quo. C’est une volonté d’informer l’opinion algérienne à travers plusieurs enregistrements dont le premier entamé sera réservé à Chengriha.
Le début 2018, l’année qui précède le départ du pouvoir de l’ex Président Bouteflika
Il existait une corruption dévorante au sein du haut commandement de l’armée. Ce qui a poussé l’État Major militaire à procéder à l’ouverture des enquêtes sur les hauts gradés, les chefs de régions en particulier les officiers ayant des relations spéciales avec Ali HEDDAD et KOUNINEF qui aspirent avoir un contrôle sur l’armée dans le futur.
En parallèle, d’autres enquêtes ont été ouvertes sur le trafic de drogue et le commerce des armes au Sahara. Car, en dépit du renforcement des contrôles aux frontières, la présence des caméras, l’existence des tranchées et barrages mobiles, la drogue peut contourner ces obstacles grâce à la complicité des forces constituées. C’est l’ampleur du trafic qui a fait bouger l’EMG en diligentant des enquêtes au sein des unités opérant aux frontières, ordonné par le général Gaid Salah.
A la suite des conclusions de ces enquêtes, il a été ordonné de mettre à l’écart, sous forme d’éviction, les généraux Said Bey chef de la 2ème région militaire, le général Lahbib Chentouf chef de la 1ère région militaire, le général Mourad Nouba patron de la gendarmerie nationale, le général Abdezrrezak Cherif chef de la 4ème région, le général Boudouaour directeur central au MDN, le colonel Mahjoubi chef des forces opérationnelles de la 2ème région.
L’opération était un succès et très équilibrée ne touchant que les têtes. Elle n’apparaît pas comme un règlement de compte sous aucune forme. Le général Said Bey est de la Kabylie, Chentouf de l’Ouest et les trois autres sont issus de l’Est algérien qui sont Abderezzak cherif, Boudouaour, et Mahjoubi.
C’est à ce moment-là que le général Chengriha m’a contacté par peur d’être cité dans les enquêtes toujours en cours. Il avait peur de subir le même sort que les autres chefs de régions. Il était le chef de la 3ème région. Je l’ai rencontré dans le Chalet Numéro 2 de la résidence d’Etat de Sidi Feruch. Il était dans un état d’anxiété et de peur très apparent. Il m’a demandé de l’aider afin qu’il ne puisse pas être cité dans les enquêtes en cours. Il a fait valoir son âge avancé et sa maladie. Qu’il ne pouvait pas affronter de nouvelles épreuves. Il m’a dit que « le Sahara est grand et qu’il est impossible de contrôler tous les trafics ».
Je me suis intercédé auprès de Gaid Salah avec ma propre méthode. J’ai proposé à Gaid de relever Chengriha et le Général Meftah Souab du sud algérien afin de mieux savoir ce qui se passe vraiment sur les opérations de trafic de drogue et le commerce des armes. Chengriha fut transféré au CFT en 2018 et Souab à la deuxième région mais les enquêtes continuent à faire tomber des têtes sur le trafic de drogue et le commerce des armes.
L’année 2019, celle où Gaïd Salah est le patron de l’Algérie
Les résultats des enquêtes commençaient à être connues au sein des sérails qu’en juillet 2019. Plus de 31 officiers au grade de colonel de la DCSA sont directement impliqués ainsi que des officiers de la Gendarmerie nationale.
Le colonel RABIA chef de la DCSA au sein de la 3ème région militaire désigne l’implication du général Chengriha dans les opérations de trafics de drogue et des armes. Il a reconnu lors des investigations que chengriha prenait sa part dans le trafic de drogue aux frontières en informant et en protégeant les trafiquants sur les positions des barrages filtrant, des positions des forces armées ,….etc.
Explication : les trafiquants algériens demandent à leurs fournisseurs marocains de l’alimenter en grande quantité de Cannabis. Ces derniers acheminent la marchandise à la frontière algérienne. Une fois arrivée, l’ordre est donné de désactiver les caméras, de lever les barrages mobiles, de quitter les lieux où les barrières érigées constituées de foins de plusieurs mètres en hauteur sur des points déterminés de la frontière.
Les barons algériens récupèrent leur marchandise tout en ayant déjà la cartographie des points d’inspection ainsi que les barrages des forces armées (Militaires, GN, Douanes) afin d’éviter tout contrôle. Tout cela s’opère avec la complicité de la direction de la sécurité régionale de 3ème et la 6ème région afin que la marchandise soit livrée à destination en toute sécurité. Les grandes quantités de drogue inondent le marché local et africain. Au retour, les trafiquants achètent des armes type Kalachnikov sur le marché Libyens à la demande de chengriha. Ces armes seront enterrées dans des casemates. Et durant les tournées de Gaid Salah, le chef de la région 3 présente ces caches d’armées comme résultat de la lutte contre le terrorisme au Sahara.
Même au sein des Forces Terrestres (CFT), Chengriha continue à présenter ses opérations de découverte de cache d’arme comme un succès qualitatif de la politique sécuritaire de lutte contre le terrorisme. Parfois, des barons de drogue algériens, passent des commandent de drogue de mauvaise qualité auprès de leurs homologues marocains. Le même procédé est mis en place (désactiver les caméras, lever des barrages mobiles, ……) suivies d’opérations de poursuites et arrestations des subalternes. Tout ce scénario est comme le renforcement de nouveaux moyens de contrôle et de lutte contre le trafic de drogue.
Dans chaque opération, la part de chengriha est prélevé dans ce trafic de drogue et des armes au Sahara à travers les colonels Mahjoubi chef des forces armées de la 2ème région et le colonel Yahya Ali Oulhadj chef de la gendarmerie de la 3ème région militaire dirigée par Chengriha.
Des richesses colossales sont constituées par les trafiquants de drogue qui sont connus et poursuivis par la justice. Ces derniers se réfèrent au colonel RABIA chef du secteur opérationnel à Béchar pour se rendre aux autorités afin de bénéficier des lois de la réconciliation nationale en se présentant comme des terroristes qui déposent les armes (des kalachnikovs achetées en Libye). Une fois le processus de réhabilitation et d’intégration des trafiquants à la société civile sous les offices de la politique de réconciliation ils peuvent facilement blanchir l’argents cumulé du trafic de drogue et des armes dans divers secteurs comme ils ont fait FOULANI et Ghrib Lakehal qui était en prison en 2019.
Une fois que certains pseudo terroristes sont sortis de prison, Chengriha est intervenu pour leur octroyer des pompes à essence au Sahara dans le cadre de la politique de la réintégration des terroristes.Ces stations deviennent des lieux de repos pour les trafiquants afin que le marché de la drogue continue à sévir. Tout cela est transcrit dans l’enquête que le colonel Mahjoub a bien reconnu les faits. Il a mentionné le général Chengriha qui durant cette période a amassé une fortune colossale dans le trafic de drogue et la protection apportée aux trafiquants de drogue et le commerce des armes.
Chengriha a enrichi le Roi du Maroc dans ce marché de trafic de drogue qui est estimé à 25 milliards de dollars annuel selon nos investigations. Question qui reste à poser. Pourquoi les pseudos terroristes cachent-ils les armes sous terre alors qu’ils en ont besoin pour se défendre ? Quel est l’intérêt de chengriha d’exhiber ces caches d’armes et de réquisitionner des armes vétustes ?
Il était prévu d’arrêter chengriha et de le transférer à la prison militaire de Blida en 2019 précisément au mois de septembre. Mais cela coïncidait avec une période sensible des élections. Le cas de son éviction a été reporté. Ajouter à cela, les terroristes ayant bénéficié des pompes à essence se donnaient à un autre trafic celui du carburant dans le grand Sahara et le sahel. Alors qu’on limitait la consommation du carburant aux citoyens du Sahara afin de contrôler leur mobilité dans la région et circonscrire leur déplacement.
Chengriha maintenait le contact avec le colonel RABIA à travers le commandant Nassib qui est actuellement adjoint procureur. Ce dernier est l’ami intime du fils de chengriha le commandant Chafik qui vit à Paris. Nassib aménage la détention du colonel RABIA afin qu’il n’enfonce pas Chengriha en changeant sa version initiale lors des investigations ou retardé l’enquête le plus tard possible alors que les preuves sont accablantes et le dossier est très lourd.
Le juge d’instruction de Blida a voulu mettre Chengriha à l’arrêt préventif en juillet 2019 mais Gaid a reporté son arrestation après les élections car cette période était sensible (élections et pression du hirak). Ajoutez à cela, un dossier de corruption touchant chengriha, le dossier est toujours aux mains du tribunal militaire de Blida.
Après le décès de Gaid Salah, j’ai remis à chengriha les fonctions ainsi que les affaires en cours au sein de l’EMG lorsqu’il a été nommé chef d’état-major par intérim en 3 partis car il n’y avait personne qui voulait lui remettre les fonctions. Le général Atmania m’a demandé de travailler avec lui chose que j’ai refusé contenu de ce que je savais sur son implication dans des affaires de corruption et de trafic de drogue et des armes.
Chengriha m’a demandé des conseils sur ses nouvelles fonctions. Je lui ai remis les interventions de Gaid Salah de 2014 à 2019 et je lui ai demandé de poursuivre sa politique et son orientation. Il m’a demandé le suivi de son dossier sur le trafic de drogue et des armes. Je lui ai dit qu’il au tribunal militaire de Blida entre les mains du colonel BOUGUERRA.
Après la prise de ses fonctions, j’ai bénéficié de mes droits à la retraite. Mais au bout d’un mois, Chengriha me faisait convoquer par la Gendarmerie Nationale. J’ai reçu 2 convocations de GN, 2 autres de la DCSA et 2 du tribunal militaire. Son but est de m’impliquer dans des affaires. Toute accusation est bonne pour me faire taire car je connais ses dossiers et son passé noir.
Photomontage de Saïd Chengriha et de Guermit Bounouira, ancien secrétaire-particulier du défunt Gaïd Salah.
Dans une nouvelle vidéo, Guermit Bounouira poursuit son déballage inédit sur l’armée algérienne. Il s’attarde sur la lutte féroce qui a opposé les généraux Gaïd Salah et Toufiq et sur la corruption qui gangrène l’armée algérienne, comme en atteste la transaction de 30 avions de chasse russes, vieux de trois décennies, achetés au prix du neuf.
e déballage inédit et féroce de l’ancien secrétaire particulier du défunt Gaïd Salah, détenteur des secrets de l’armée algérienne sur une longue période (2004-2019), se poursuit. Ce témoin de premier ordre, considéré comme la boite noire de l’ancien chef d’état-major et vice-ministre de la Défense, provoque un séisme non seulement dans l’armée, mais aussi dans la société algérienne. Visiblement bien partis pour constituer le feuilleton le plus suivi en Algérie en 2022, les enregistrements de Guermit Bounouira permettent de se rendre compte que l’armée algérienne est gangrenée de l’intérieur et que son pire ou meilleur ennemi, ce sont les généraux corrompus qui se livrent à une guerre sans merci et achètent du matériel avarié.
La première vidéo a été rendue publique, en deux parties, par Mohamed Larbi Zitout, ancien diplomate algérien exilé au Royaume-Uni. Ces deux premières vidéos étaient consacrées à l’actuel chef d’état-major, le général Saïd Chengriha, qui contrôlait durant les longues années où il commandait la troisième région militaire, frontalière avec le Maroc, le trafic de drogue et qui a placé, une fois promu à la tête de l’armée algérienne, les hommes de sa région (le nord-est) dans les postes clefs de commandement.
Dans une nouvelle vidéo, Guermit Bounouira, s’est intéressé à Mohamed Médiène, dit Toufik, le puissant patron des anciens services de renseignement DRS, un homme qui a méticuleusement soigné son image et sa toute-puissance au point qu’il a été surnommé «rab dzaïr» (dieu de l’Algérie). Toufik est finalement présenté par Bounouira comme un maquereau de bas étage et non un professionnel du renseignement.
Si cet homme fort de l’Algérie durant les années 90 avait son mot à dire dans toutes les affaires politiques, économiques et militaires du pays, où des gouvernements successifs de façade et des hommes de main au sein de l’appareil militaire lui étaient soumis, c’est surtout grâce à ses méthodes cyniques et à un réseau de hauts gradés qui étaient ses obligés.
Abdelaziz Bouteflika ne s’y était pas trompé en affirmant à son entourage, dès la fin de son premier mandat, en 2004, et alors qu’il s’apprêtait à en briguer un second, qu’il ne peut pas partager son pouvoir avec le général Toufik.
Ce dernier, à l’époque toujours patron inamovible du Département du renseignement et de la sécurité (DRS), a même tenté de barrer la route à une réélection de Bouteflika, avec la complicité du général Mohamed Lamari, encore chef d’état-major de l’armée algérienne. Ils lui reprochent ses velléités d’affranchir le pouvoir civil de la mainmise du DRS et de l’armée.
Immédiatement après sa réélection pour un second mandat, Abdelaziz Bouteflika décide alors d’éloigner le haut commandement de l’armée de l’emprise des services de sécurité et donc du patron du DRS. Le général Mohamed Lamari, un ancien de l’armée française comme Khaled Nezzar, qui n’a rejoint l’ALN qu’en 1961, est poussé à la «démission», avant d’être remplacé par le général Ahmed Gaïd Salah, que Toufik avait placé sur la liste des généraux promis à la retraite.
Bouteflika, qui n’a jamais oublié qu’après la mort de Houari Boumediène en 1978, dont il était un puissant ministre des Affaires étrangères, l’armée ne lui a pas réservé le moindre rôle dans la nouvelle transition du pouvoir, voire l’a humilié en le poussant vers un exil peu glorieux, charge alors Gaïd Salah de remettre Toufik à sa place, en empêchant toute immixtion du DRS dans les affaires de l’armée.
Cela n’a pas empêché Toufik de souffler régulièrement dans l’oreille de Bouteflika que le général Gaïd Salah «ne fait pas correctement son travail de chef de l’armée».
Ce fut ainsi le cas lors de la livraison par la Russie d’une trentaine de MIG-29 à l’armée de l’air algérienne, en 2006 et 2007. Toufik informa Bouteflika que Gaïd Salah a réceptionné des avions de combat vieux de trois décennies, et qui avaient été retapés à neuf après avoir servi en Afghanistan dans les années 70. En somme, 30 avions de chasse d’occasion ont été achetés au prix du neuf. Ce scandale en dit long sur le matériel déficient dont est équipée l’armée algérienne. D’ailleurs, il n’y a pas que le scandale des Mig-29 d’occasion, même les sous-marins algériens acquis auprès de la Russie n’ont pas échappé aux micmacs des généraux véreux. Les prochaines vidéos de Bounouira vont probablement nous éclairer sur ce sujet.
Guermit Bounouira explique que c’est le chef de l’armée de l’air à l’époque qui est écarté par Bouteflika, avant de se rendre lui-même à Moscou, le 19 février 2008, et signer en tant que chef suprême des armées un nouvel accord de livraison de MIG-29 flambant neufs.
Cet épisode a ouvert la voie à Gaïd Salah pour moderniser les équipements de l’armée algérienne, un projet longtemps bloqué par un Toufik détenteur des cordons de la finance, explique Bounouira, qui donne l’exemple d’un demi-millier environ de chars T-72, devenus «un tas de ferraille et de rouille», et finalement rénovés par des sociétés russes, sud-africaines et ukrainiennes.
Voyant ainsi l’armée échapper à son emprise, «Toufik conseille à Bouteflika de faire attention à l’ambition démesurée de Gaïd Salah qui chercherait à s’accaparer tous les pouvoirs», ajoute Bounouira. Pour le surveiller de près, il lui propose de le placer sous la coupe du général Abdelmalek Guenaizia, ex-ministre délégué auprès du ministère de la Défense nationale (2005-2019) et ex-proche de Toufik.
C’est finalement de guerre lasse que Toufik se résout à réactiver son arme favorite: les attentats terroristes. Il donne ainsi une nouvelle vie aux «actes terroristes» à travers son bras droit et homme des sales besognes, le général Hassan, pour tenter de redorer le blason du DRS auprès de la présidence algérienne. Ce n’est donc pas un hasard si en 2007 plusieurs attentats terroristes visent le palais du gouvernement, le Conseil constitutionnel, des convois militaires et même le cortège du président Bouteflika qui échappe de peu à la mort, le 6 septembre 2007, après avoir été ciblé par un attentat suicide.
Photomontage de Saïd Chengriha et de Guermit Bounouira, ancien secrétaire-particulier du défunt Gaïd Salah.
Dans une nouvelle vidéo, Guermit Bounouira poursuit son déballage inédit sur l’armée algérienne. Il s’attarde sur la lutte féroce qui a opposé les généraux Gaïd Salah et Toufiq et sur la corruption qui gangrène l’armée algérienne, comme en atteste la transaction de 30 avions de chasse russes, vieux de trois décennies, achetés au prix du neuf.
e déballage inédit et féroce de l’ancien secrétaire particulier du défunt Gaïd Salah, détenteur des secrets de l’armée algérienne sur une longue période (2004-2019), se poursuit. Ce témoin de premier ordre, considéré comme la boite noire de l’ancien chef d’état-major et vice-ministre de la Défense, provoque un séisme non seulement dans l’armée, mais aussi dans la société algérienne. Visiblement bien partis pour constituer le feuilleton le plus suivi en Algérie en 2022, les enregistrements de Guermit Bounouira permettent de se rendre compte que l’armée algérienne est gangrenée de l’intérieur et que son pire ou meilleur ennemi, ce sont les généraux corrompus qui se livrent à une guerre sans merci et achètent du matériel avarié.
La première vidéo a été rendue publique, en deux parties, par Mohamed Larbi Zitout, ancien diplomate algérien exilé au Royaume-Uni. Ces deux premières vidéos étaient consacrées à l’actuel chef d’état-major, le général Saïd Chengriha, qui contrôlait durant les longues années où il commandait la troisième région militaire, frontalière avec le Maroc, le trafic de drogue et qui a placé, une fois promu à la tête de l’armée algérienne, les hommes de sa région (le nord-est) dans les postes clefs de commandement.
Dans une nouvelle vidéo, Guermit Bounouira, s’est intéressé à Mohamed Médiène, dit Toufik, le puissant patron des anciens services de renseignement DRS, un homme qui a méticuleusement soigné son image et sa toute-puissance au point qu’il a été surnommé «rab dzaïr» (dieu de l’Algérie). Toufik est finalement présenté par Bounouira comme un maquereau de bas étage et non un professionnel du renseignement.
Si cet homme fort de l’Algérie durant les années 90 avait son mot à dire dans toutes les affaires politiques, économiques et militaires du pays, où des gouvernements successifs de façade et des hommes de main au sein de l’appareil militaire lui étaient soumis, c’est surtout grâce à ses méthodes cyniques et à un réseau de hauts gradés qui étaient ses obligés.
Abdelaziz Bouteflika ne s’y était pas trompé en affirmant à son entourage, dès la fin de son premier mandat, en 2004, et alors qu’il s’apprêtait à en briguer un second, qu’il ne peut pas partager son pouvoir avec le général Toufik.
Ce dernier, à l’époque toujours patron inamovible du Département du renseignement et de la sécurité (DRS), a même tenté de barrer la route à une réélection de Bouteflika, avec la complicité du général Mohamed Lamari, encore chef d’état-major de l’armée algérienne. Ils lui reprochent ses velléités d’affranchir le pouvoir civil de la mainmise du DRS et de l’armée.
Immédiatement après sa réélection pour un second mandat, Abdelaziz Bouteflika décide alors d’éloigner le haut commandement de l’armée de l’emprise des services de sécurité et donc du patron du DRS. Le général Mohamed Lamari, un ancien de l’armée française comme Khaled Nezzar, qui n’a rejoint l’ALN qu’en 1961, est poussé à la «démission», avant d’être remplacé par le général Ahmed Gaïd Salah, que Toufik avait placé sur la liste des généraux promis à la retraite.
Bouteflika, qui n’a jamais oublié qu’après la mort de Houari Boumediène en 1978, dont il était un puissant ministre des Affaires étrangères, l’armée ne lui a pas réservé le moindre rôle dans la nouvelle transition du pouvoir, voire l’a humilié en le poussant vers un exil peu glorieux, charge alors Gaïd Salah de remettre Toufik à sa place, en empêchant toute immixtion du DRS dans les affaires de l’armée.
Cela n’a pas empêché Toufik de souffler régulièrement dans l’oreille de Bouteflika que le général Gaïd Salah «ne fait pas correctement son travail de chef de l’armée».
Ce fut ainsi le cas lors de la livraison par la Russie d’une trentaine de MIG-29 à l’armée de l’air algérienne, en 2006 et 2007. Toufik informa Bouteflika que Gaïd Salah a réceptionné des avions de combat vieux de trois décennies, et qui avaient été retapés à neuf après avoir servi en Afghanistan dans les années 70. En somme, 30 avions de chasse d’occasion ont été achetés au prix du neuf. Ce scandale en dit long sur le matériel déficient dont est équipée l’armée algérienne. D’ailleurs, il n’y a pas que le scandale des Mig-29 d’occasion, même les sous-marins algériens acquis auprès de la Russie n’ont pas échappé aux micmacs des généraux véreux. Les prochaines vidéos de Bounouira vont probablement nous éclairer sur ce sujet.
Guermit Bounouira explique que c’est le chef de l’armée de l’air à l’époque qui est écarté par Bouteflika, avant de se rendre lui-même à Moscou, le 19 février 2008, et signer en tant que chef suprême des armées un nouvel accord de livraison de MIG-29 flambant neufs.
Cet épisode a ouvert la voie à Gaïd Salah pour moderniser les équipements de l’armée algérienne, un projet longtemps bloqué par un Toufik détenteur des cordons de la finance, explique Bounouira, qui donne l’exemple d’un demi-millier environ de chars T-72, devenus «un tas de ferraille et de rouille», et finalement rénovés par des sociétés russes, sud-africaines et ukrainiennes.
Voyant ainsi l’armée échapper à son emprise, «Toufik conseille à Bouteflika de faire attention à l’ambition démesurée de Gaïd Salah qui chercherait à s’accaparer tous les pouvoirs», ajoute Bounouira. Pour le surveiller de près, il lui propose de le placer sous la coupe du général Abdelmalek Guenaizia, ex-ministre délégué auprès du ministère de la Défense nationale (2005-2019) et ex-proche de Toufik.
C’est finalement de guerre lasse que Toufik se résout à réactiver son arme favorite: les attentats terroristes. Il donne ainsi une nouvelle vie aux «actes terroristes» à travers son bras droit et homme des sales besognes, le général Hassan, pour tenter de redorer le blason du DRS auprès de la présidence algérienne. Ce n’est donc pas un hasard si en 2007 plusieurs attentats terroristes visent le palais du gouvernement, le Conseil constitutionnel, des convois militaires et même le cortège du président Bouteflika qui échappe de peu à la mort, le 6 septembre 2007, après avoir été ciblé par un attentat suicide.
Alger a expressément demandé à Ankara de lui livrer l'adjudant-chef Guermit Bounouira, soupçonné de divulguer, à l'étranger, des secrets militaires.
« Sur ordre du président de la République, chef suprême des forces armées, ministre de la Défense nationale, et en coordination entre nos services de sécurité et les services de sécurité turcs, l'adjudant-chef à la retraite Guermit Bounouira, qui avait fui le pays, a été remis jeudi aux autorités. Il comparaîtra devant le juge d'instruction militaire lundi. » Le ton du communiqué officiel publié hier par les autorités algériennes peut intriguer. En effet, pourquoi le rapatriement d'un sous-officier devient-il pour ainsi dire la préoccupation du président lui-même ?
Il faut dire qu'il ne s'agit pas de n'importe quel sous-officier : l'ex-adjudant-chef Guermit Bounouira était le secrétaire particulier du défunt patron de l'armée, le général de corps d'armée Ahmed Gaïd Salah, décédé le 23 décembre 2019. On s'en souvient : l'ancien chef d'état-major de l'armée était au centre de la gestion de la crise qui a secoué l'Algérie depuis le déclenchement, le 22 février 2019, du hirak, ce mouvement populaire qui a obligé le président déchu, Abdelaziz Bouteflika, à quitter le pouvoir au bout de vingt ans de règne.
Guermit Bounouira, en tant que secrétaire particulier de l'ex-chef d'état-major, jouissait donc de la confiance de ce dernier et occupait un poste très sensible. Des rumeurs faisaient état, dès la disparition d'Ahmed Gaïd Salah, également vice-ministre de la Défense, d'un certain chamboulement au sein de l'armée, mais peu auraient imaginé une suite d'événements de la sorte.
Selon le site d'information Algérie patriotique, « Guermit Bounouira a quitté le territoire national le 5 mars dernier, avec sa femme et ses deux enfants, via l'aéroport international Houari-Boumédiène d'Alger ». « Cet adjudant-chef originaire de Tissemsilt, dans l'ouest du pays, a fait parler de lui en raison de l'influence anormale qu'il exerçait sur d'anciens haut gradés de l'armée – aujourd'hui emprisonnés ou limogés – qui, pourtant, occupaient des fonctions autrement plus importantes que la sienne. Il a amassé une fortune colossale et acquis des biens qui se chiffrent en milliards de centimes », selon le même site.
Selon TSA, « l'ancien sous-officier fera face à de graves accusations : détournement, fuite de documents et d'informations confidentielles du ministère de la Défense nationale (…). Le mis en cause est soupçonné d'être entré en contact avec des individus recherchés par la justice et en fuite à l'étranger afin de diffuser les documents et informations en question. Guermit Bounouira est également soupçonné d'avoir mis à profit le poste qu'il occupait afin d'acquérir des biens tant en Algérie qu'à l'étranger ».
Pour Algérie patriotique, la gravité de l'affaire réside dans le fait que l'ancien adjudant-chef « négociait sa naturalisation [en Turquie] contre des documents qu'il aurait subtilisés du coffre-fort de l'ancien vice-ministre de la Défense nationale ». Sa fuite, selon ce site et d'autres sources, aurait été facilitée par l'ancien patron de la Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI), le général Wassini Bouazza… en prison depuis avril dernier dans le pénitencier militaire de Blida, au sud d'Alger.
Le général Bouazza, tout puissant patron des services secrets intérieurs, occupait le poste de directeur général de la sécurité intérieure depuis avril 2019, au moment même où le hirak prenait de l'ampleur. Officiellement, le général Bouazza est poursuivi dans deux affaires distinctes : la première, pour laquelle il a été condamné à huit ans de prison, englobe « outrage verbal à corps constitué », « humiliation d'un subordonné », « faux et usage de faux » et « détention d'une arme et de munitions de guerre ». Le journal El Watanexplique qu'il est « également poursuivi pour un autre dossier plus lourd, actuellement en instruction au tribunal militaire de Blida ». L'ex-patron de la DGSI, un service de sécurité et de renseignements né de la fragmentation du DRS, le Léviathan sécuritaire des années 1990-2000, est surtout soupçonné par les autorités d'avoir joué un rôle dans la promotion d'un des concurrents d'Abdelmadjid Tebboune, en la personne d'Azzedine Mihoubi, à la présidentielle de décembre 2019. Le haut commandement de l'époque avait ressenti le positionnement de Wassini Bouazza – qui a fini par « intoxiquer » plusieurs médias et chancelleries étrangères qui ont misé sur Mihoubi – comme une « trahison » et une « tentative de jouer contre tout le haut commandement et les nouvelles autorités politiques ». « Bouazza a profité de la confiance d'Ahmed Gaïd Salah qui, dans sa précipitation à vouloir remplacer tous les fidèles de l'ancien patron des services Mohamed Mediène (en prison), a fait un mauvais casting en l'intronisant à la tête de la sécurité intérieure », explique une source qui a suivi ce dossier.
… tombé depuis en disgrâce
Après l'élection de Tebboune, « tout le monde [savait] qu'entre le président et le patron de la DGSI les relations « n'étaient pas aussi reluisantes ». Cela transparaissait, expliquent nos sources, « à travers les décisions, contre-décisions, résistance et opposition parallèle, qui suscitaient de lourdes interrogations au sein de l'opinion publique », révélait El Watanen avril 2020, date du limogeage de Bouazza. Entre-temps, plusieurs changements à la tête de différents services de renseignements et de sécurité ont porté la patte de la nouvelle équipe Tebboune-Chengriha (le chef d'état-major). Certains hauts officiers, d'ailleurs, ont été récemment réhabilités alors qu'ils étaient la cible de « coups montés » par l'ex-patron de la DGSI, le général Bouazza.
Guermit Bounouira pris au piège d'intérêts croisés algéro-turcs
Quoi qu'il en soit, Erdogan a tenu compte d'enjeux plus importants entre l'Algérie et la Turquie que le sort d'un adjudant-chef à la retraite prêt à livrer des secrets militaires. « Le président turc semble avoir saisi le message d'Alger qui a considéré cette affaire comme un casus belli et un acte hostile contre les intérêts fondamentaux de l'Algérie », ajoute la même source. Ainsi, la semaine dernière, une « équipe spéciale des services [algériens] de la sécurité intérieure et du contre-espionnage s'est déplacée en Turquie pour procéder à l'arrestation de Guermit Bounouira », rapporte El Watan en citant un blogueur algérien qui suit les affaires sensibles.
Selon Reuters, le président algérien avait, fin juillet, appelé son homologue turc, Recep Tayyip Erdogan, pour lui demander de remettre à Alger ce sous-officier en fuite, qui aurait notamment divulgué un tableau expliquant les activités, les codes et les noms d'officiers de l'armée. « Pour Ankara, toute opposition directe algérienne à son rôle en Libye pourrait compliquer une opération militaire loin de ses propres côtes. Cependant, malgré quelques désaccords sur la Libye, l'Algérie et la Turquie ont maintenu de bonnes relations. « Nous avons très bien travaillé avec nos homologues en Turquie », a déclaré la source de sécurité algérienne.
Il faut rappeler qu'Alger, active sur le dossier libyen, souhaite lancer une initiative conjointement avec la Tunisie, tout en s'impatientant devant les ingérences, surtout militaires, des acteurs comme les Émirats arabes unis ou la Turquie. Mais en parallèle, sur le plan économique, les deux pays renforcent depuis quelques mois leurs relations privilégiées. Alger est en effet le premier partenaire commercial d'Ankara en Afrique, avec des échanges qui varient entre 3,5 et 4 milliards de dollars par an. Pour ce qui est du volume des investissements turcs en Algérie, il a dépassé les 3 milliards de dollars, et les deux pays veulent le hisser à 5 milliards de dollars dans les prochaines années. Autant d'éléments qui ont facilité la coopération des Turcs quant à l'arrestation de l'adjudant-chef en retraite Guermit Bounouira.
VOICI LA TRADUCTION EN FRANCAIS DE LA DEUXIEME VIDEO RENDUE PUBLIQUE PAR GUERMIT BOUNOUIRA
« Salam à tout le monde, aujourd’hui nous sommes en phase d’enregistrer le vidéo numéro 2 réservé au général Toufik ancien directeur du DRS (direction du renseignement et de sécurité). Bien qu’il y ait des problèmes dans l’enregistrement, les conditions de sa réalisation ne sont pas favorables. Il s’agit d’une personnalité narcissique qui s’est créé une légende à travers les médias et la propagande en semant l’ambiguïté. Il s’est attribué l’image d’une personnalité d’une intelligence exceptionnelle qu’on ne peut vaincre. Il s’assimile à la personne du chef du FBI Edgar Hoover qui a dirigé ce service durant 4 décennies. Et qu’il s’est entouré d’un appareil médiatique sous contrôle au point de se faire désigner Dieu de l’Algérie « Rab Dzair ». Cette dénomination n’a pas cessé d’être gonfler par ses médias pour faire partie de son patronyme populaire.
Depuis les années 90, il travaille dans l’ombre tout pratiquant un pouvoir à travers des instruments tels les gouvernements de façade dont les membres vouent une allégeance absolue au général Toufik. Tous les gouvernements d’Ouyahya, Sellal et autres figures qui demeurent des exemples. Il était le vrai détenteur du pouvoir derrière le rideau dans une obscurité totale. Il a réussi à asseoir son pouvoir illimité à travers des ramifications dans le domaine des médias et des finances jusqu’à l’heure de véracité où il s’est révélé qu’il n’est qu’un personnage en carton. Il s’est décomposé comme les divinité érigée par les boules de neige face au soleil.
Le général Toufik a profité du contexte d’insécurité et du terrorisme pour décupler son influence sur le politique et financier. Il a domestiqué des politiciens incompétents mais qui vouent une loyauté absolue à sa personne. Nonobstant leurs aptitudes et cela a continué durant toute la période des années 90. A cette époque, il a procédé à travers un gouvernement aux ordres de vendre à ses proches et amis les entreprises étatiques au Dinard symbolique à l’image à Rabrab et les autres. Il ouvre également les portes de l’importation des produits avec l’argent public en contribuant à l’installation d’une économie qui ne peut mener qu’à l’échec. Seuls ses proches oligarques ont profité de l’aubaine.
Après la venue de Bouteflika en 1999, son influence commence à s’amoindrir progressivement. Il a eu recours à une stratégie d’éliminer son concurrent Chef d’état-major Mohamed LAMARI en 2004 durant le second mandat. Il réussit à convaincre Bouteflika que le général Lamari soutient Ali Benflis et qu’en cas d’élection libre ce dernier peut gagner. Quinze jours avant la date d’élection, le général Toufik a confirmé la réélection de bouteflika à sa manière. Cette situation a acculé le président candidat à se positionner contre le général Lamari qui jouait contre lui en s’immisçant dans le jeu politique. Cette situation a contraint Bouteflika de faire alliance sacrée avec le général Toufik contre le général Lamari.
Dès la réélection de Bouteflika pour le second mandat, le général Lamari se trouvé isolé et affaibli grâce aux manœuvres du général Toufik. C’est ainsi que le général Lamari fut écarté, bien qu’ayant un grade supérieur à Toufik, était sur le point de concentrer ses pouvoirs militaires sur les services de manière totale.
Avant la mise à l’écart du général LAMARI, toufik a proposé à Bouteflika une liste d’officiers supérieurs à mettre à la retraite. Sur cette liste figurait le général Gaid Salah chef du CFT pour le remplacer par le général Said Bey issu de la même région que lui pour enfin s’emparer de l’ensemble des structures de l’armée. Ainsi, une prise en main totale sur tous les appareils de l’armée serait accomplie et la partition Toufik et Said Bey serait achevée avec maestria.
Profitant de la manœuvre orchestrée par Toufik, sentant la menace, bouteflika a convoqué Gaid Salah. Il l’a informé que c’est Toufik et LAMARI qui sont derrière sa mise à la retraite. Il lui a annoncé de suite qu’il le nommerait à la tête de l’état-major de l’armée. L’objectif de bouteflika est de casser une possible alliance entre les services de sécurité et l’état-major. Car, il considère que toute alliance entre les deux entités ne fera que l’affaiblir et menacerait son poste de président se rappelant le sort qu’il lui a été réservé en 197. Il a été écarté aussitôt après la disparition de Boumedienne par l’alliance entre l’armée et les services.
Après la prise des fonctions par Gaid Salah en tant que chef d’état-major, il a trouvé l’armée épuisée dans sa lutte contre le terrorisme et disposant des armes inadaptées. L’armée disposait du vieux matériel comme les chars T72, et matériels vétustes parfois non opérationnels. C’était voulu par Toufik afin d’affaiblir les unités opérationnelles en vue de les mettre sous sa coupe toutefois toujours derrière le rideau. Mais Gaid Salah a mis au point une stratégie et des structures nouvelles pour développer les capacités de défense en élaborant un programme de réarmement et de formation. Il a planifié une stratégie de lutte contre le terrorisme qui a buté sur les entraves imposées par le général Toufik par tous les moyens de ruses.
La détermination du Gaid Salah a finalement payé en fin de compte. A ce moment, le général Toufik a eu recours à une stratégie de dénigrement de Gaid en le présentant à l’entourage de bouteflika comme quelqu’un d’ambition qui veut tout le pouvoir. C’est sur cette base que Bouteflika décide de diviser l’armée entre état-major et ministère de la défense en créant le poste de ministre délégué au MDN en la personne du général Guenaizia. Les prérogatives de ce dernier se limitent qu’à l’administration tandis que l’état-major s’occuperait de l’opérationnel au sein des régions et dirigerait les forces armées.
Bien que Toufik se croyait réussir à jouer la règle « diviser pour régner » mais Gaid a accompli sa mission à s’imposer au sein des unités opérationnelles et sur les chefs de régions comme sur le MDN plus tard. Car, Guenaizia ne disposait pas des capacités de diriger l’armée. Sa personnalité qui manquait de charisme et ses pouvoirs limités à l’administration. Il est resté ministre délégué à la défense de façon figurative. Toufik a compris le jeu et a procédé à créer un contentieux entre Gaid Salah et Ahmed Boustila chef de la gendarmerie nationale. Le but est d’autonomiser la GN du ministère de la défense pour l’intégrer au ministère de l’intérieur ou la présidence.
Là encore, Gaid a contourné la crise fomentée en gérant le litige entre Guenaizia et boustila pour finalement intégrer le commandement de la GN sous les commandes de l’état-major de l’ANP. Ne s’avouant pas vaincu, toufik sort l’affaire des avions de chasse achetés à la Russie en 2006. Après réception de l’ANP de ces appareils, il s’est avéré qu’ils étaient usés et exploités en Afghanistan en 1979. Ils ont subi des aménagements pour les revendre à l’Algérie. Toufik a porté les défaillances de ces achats au président Bouteflika qui a demandé des comptes à Gaid Salah sur cette affaire.
Gaid Salah a contacté le partenaire russe notamment le responsable de l’industrie militaire qui s’est déplacé en Algérie. Il a été reçu au MDN et Gaid lui exigé de reprendre la totalité des appareils et tout obstacle de la démarche équivaut à la rupture des relations militaires et tous les programmes de coopération technique entre l’Algérie et la fédération de Russie. Le ministère de la défense Russe a récupéré les avions et de nouveaux appareils ont été réceptionnés. Aussitôt, Gaid salah a tenu la présidence informée de l’évolution de la situation de ce qui s’est réalisé avec le côté russe et que jusqu’à maintenant l’Algérie n’a pas payé un centime sur cette affaire.
Gaid Salah a informé Bouteflika que le général Louanes, chef des forces aériennes à cette époque, et qu’il est de la région de la Kabylie et bras droit de toufik dans ce secteur, est le responsable dans cette affaire. Car, les pilotes envoyés en Russie pour la formation et l’accompagnement de la maintenance n’ont pas fait leur devoir d’évaluer le matériel et d’aviser le haut commandement. Gaid a proposé de mettre Lounes à la retraite contenue qu’il le responsable dans la désignation des membres chargés de recevoir le mastérien. Il a manqué à ses responsabilités avant la réception des appareils en Algérie. La DCSA n’a pas à la hauteur de ses responsabilités d’aviser l’Etat-major à temps mais s’est empressée d’informer Toufik. C’est à ce moment-là que Gaid a demandé l’intégration de la DCSA à l’État-major car il est anormal que la DCSA avise la DRS dirigé par toufik alors que le chef des armées ne soit pas informé de la qualité du matériel qu’il reçoit. Le général Abdelkader Louanes a été écarté et Toufik a proposé à bouteflika d’en tirer les conséquences de cette crise.
L’histoire de Toufik est marquée par les complots et l’assomption sur le corps de ses adversaires. Il a exploité l’appareil du DRS et la situation d’insécurité imposée par le terrorisme en brouillant les carte pour renforcer son autorité dans la prise de décision. Il a utilisé ce contexte chaotique pour imposer sa domination sur les préfets et les ministres de l’intérieurs successifs et le premier ministre à travers la création des conseils de sécurité au niveau des dairas, des wilayas, et du ministère de l’intérieur ainsi qu’au sein du premier ministère. Ces conseils sont dirigés par des officiers du DRS qui imposent leur vision et application de leur stratégie sécuritaire. Tout chef de daira, wali ou ministre qui ne s’aligne pas sur leurs recommandations sera écarté sous le sceau de la non coopération dans la lutte anti-terroriste.
Quant au niveau des secteurs opérationnels, les officiers du DRS qui y opèrent, font de la rétention du renseignement sur le déplacement des terroristes. Les informations sont transmises après le passage des terroristes d’un jour ou deux. Lors des ratissages des unités opérationnelles, ces derniers constatent les traces du passage des terroristes. Il a été constaté que la rétention des informations mais aussi que d’autres informations transmises par les officiers du DRS étaient sciemment erronées comme le nombre des terroristes en déplacement. Le nombre des groupes terroristes est souvent diminué, les lieux de leur campement n’est pas celui transmis.
Cette politique de rétention du renseignement a coûté des vies, des soldats mal informés tombaient sous les balles terroristes. Suite au nombre des victimes militaires, des rapports sont élaborés et les sanctions sont prises contre le chef de secteur dans la zone opérationnelle. Cette politique de sabotage a déstructuré les unités opérationnelles et les officiers confrontés à la lutte anti-terroriste se trouvent contraints de s’appuyer sur le renseignement du DRS et tombent ainsi directement sous son contrôle.
Pire encore, parfois le renseignement du DRS oriente les unités opérationnelles dans des opérations de ratissage dans des secteurs truffés d’engins explosifs improvisés par les terroristes. Des pertes humaines des soldats sont enregistrées et le visé est toujours le chef de secteur qui ne marchait pas selon la stratégie imposée par le DRS dans la politique de la lutte anti-terroriste. Des rapports sont élaborés demandant l’éviction des chefs réfractaires au DRS pour les remplacer par les plus obéissants.
Quand un officier réussit à pacifier un secteur des terroristes, ils revendiquent la victoire grâce aux renseignements fournis par le DRS et ses relais médiatiques. Gaid salah a compris leur jeu et une stratégie bien conçue a été mise en place concernant à la politique de la lutte anti-terroriste en dépassant les obstacles posés par le Général Ait Ouarabi Hassan chef du SCORAT (service de coordination opérationnelle et de renseignement anti-terroriste) de Ben Aknoun.
Hassan a intégré l’armée avec le grade de caporal. Il était chauffeur de la seconde épouse du général toufik lorsque ce dernier était directeur de la sécurité de l’armée lorsque Chadli était chef de la 2ème région militaire. Larbi Belkheir était secrétaire général de la 2ème région militaire. La seconde épouse de Toufik habitait à Sidi Bellabes et Abdelkader Ait Ourabi alias général Hassan était son chauffeur à Oran. Ces liens avec Toufik se sont renforcés. Et depuis, il a gravité dans son entourage ainsi que dans le grade car il était sans conteste un exécutant de ses ordres. Ce lien ombilical lui a permis d’évoluer au sein la hiérarchie militaire jusqu’à sa nomination à la tête de SCORAT de Ben Aknoun.
Afin de maintenir un climat d’insécurité permanent, le général Hassan a créé des groupes armés sous format terroriste sous contrôle par l’intermédiaire des repentis ayant bénéficié de la politique de réconciliation. Ce nouveau contexte d’insécurité favorise le maintien du DRS car les nouveaux terroristes se revendiquent de la mouvance Takfiri et djihadiste capable de mener des opérations de suicide. Cette stratégie consiste à créer un climat d’insécurité via des repentis ayant un double rôle dans la logistique d’alimenter les nouveaux groupes en armes et en renseignement. L’objectif du DRS est de continuer à affaiblir l’état-major et renforcer son contrôle sur l’armée, et autres structures de l’État dans son ensemble.
Les nouveaux groupes terroristes sous contrôle seront un obstacle majeur à la victoire de l’état-major dans la stabilité et la sécurité du pays. Ces nouveaux groupes ne représentent que 20% des groupes terroristes mais qui font parler d’eux grâce à la logistique dont il bénéficie et aux renseignements fournis. Ils ont pour mission de montrer l’échec de l’armée. De l’autre côté, on montre que le général Hassan éliminait des groupes terroristes pour se prendre aux déficiences de l’armée dans la lutte antiterroriste et faire la démonstration des capacités du DRS dans ce domaine. Les médias aux ordres le présentent comme un chef implacable dans la lutte contre le terrorisme.
Comme ce qui s’est passé en 2002 lorsque le général LAMARI a déclaré sur Al Jazeera qu’il a maté l’intégrisme et le terrorisme. En réponse à cette déclaration de victoire, le général Hassan a organisé, quelques jours après, un guet-apens aux soldats où les terroristes ont fait un carnage. L’orgueil du général LAMARI fut touché. Quelques jours après, Le général Hassan organise à travers le SCORAT une mise en scène d’élimination de terroristes que les médias aux ordres diffusent comme vengeance aux soldats tués. Le but de ce scénario est d’imposer le DRS comme entité incontournable dans la lutte anti-terroriste et que rien ne peut se faire sans elle.
Certains chefs de régions et des responsables opérationnels des unités loyales, fidèles et courageux, ont bien compris les agissements de l’appareil du renseignement. En cas de contestation d’un officier, la DCSA le mettrait directement à l’écart pour qu’il soit remplacé par un élément plus obéissant. Ainsi, le DRS élargit ses ramifications au sein des unités opérationnelles. Il en est de même aux chefs de secteurs qui contestent toute application des informations du DRS, pour désobéissance aux injonctions sécuritaires. Beaucoup d’officiers se trouvaient contraints d’accepter le fait accompli sous la forme d’une politique d’adaptation au contexte sécuritaire.
Quant aux officiers réfractaires aux renseignements du DRS se voient blâmés par des rapports montrant des traces par photos du passage des terroristes dans le secteur. Cette pratique de dénonciation d’officiers a mis à mal les unités opérationnelles dans la lutte anti-terroriste par la multiplication des ratissages sans succès. Pire encore, parfois les éléments du DRS déposent des engins explosifs improvisés sur les lieux de ratissage, causant des pertes significatives en vue d’écarter le chef du secteur pour un nouveau plus malléable.
Comme cela s’est produit à Sidi Bellabes où des officiers de la DSI (direction de la sécurité intérieure) posaient des bombes improvisées aux militaires avant leur passage. Des communications téléphoniques ont été captées entre un officier de la DSI et un élément de soutien au terrorisme l’informant du passage sue tel chemin des soldats pour un ratissage. L’officier de la DSI ordonne à son agent de soutien au terrorisme de poser deux bombes sur leur chemin. Deux soldats sont morts et deux autres gravement blessés lors de ce ratissage.
L’enquête a tout démontré puisque le chef du bureau de la DSI a été arrêté et a été jugé au tribunal militaire d’Oran. Il a été condamné et incarcéré à la prison militaire d’Oran. L’arrestation et la condamnation du général Hassan à cause des accointances avec des éléments considérés terroristes sous couvert d’être sources d’informations. Tout cela pour couvrir ses véritables agissements car ils leurs vendaient des armes et il récupérait de l’argent à travers des éléments de soutiens aux terroristes.
Certains terroristes ont révélé qu’ils lui ont remis des sommes d’argent sans recevoir d’armes manquant à sa parole. Certains groupes terroristes ont été décimés des par le général Hassan dans ces opérations de manipulations. Ses deux collaborateurs les plus assidus dans ce genre d’opérations sont Abdelkader Heddad alias Nacer Al Djen originaire de Sétif et et le commandant Mouad issu de la wilaya de Tebessa.
Les prérogatives du général Hassan ne sont pas limitées à une région mais nationales. Ses opérations peuvent s’étendre à l’ensemble du territoire national sans restriction de moyens dans la lutte anti-terroriste. Il peut intervenir partout sans passer par les chefs de régions ou les chefs de secteurs opérationnels.
Dans les cortèges qui battent chaque vendredi depuis plus de deux ans le pavé des villes algériennes, le drapeau algérien est redevenu le symbole d’un peuple en marche. Une chronique d‘Ahmed Boubeker, universitaire et écrivain
Je n’aime ni les bannières ni les hymnes nationaux. Je me souviens encore de quelques paroles d’une chanson des années 1980 dont j’ai oublié le titre et l’auteur « le rouge du drapeau américain, c’est le sang des indiens… » Et le rouge de la bannière tricolore, de combien de blessures de l’Histoire garde-t-il le secret ? « Qu’un sang impur abreuve nos sillons… » clame ainsi La Marseillaise. L’hymne algérien lui renvoie comme en écho : « Par le sang noble et pur généreusement versé… » Kassaman proclame en effet que l’appel de la patrie est écrit avec le sang des martyrs : ne jamais l’oublier, et surtout l’enseigner aux futures générations ! Mais on sait depuis longtemps que la promesse de libération n’a pas été tenue. Pire encore, elle a été trahie.
Je n’aime pas les bannières nationales et encore moins le drapeau algérien, car contre celui-ci j’ai quelques rancœurs personnelles. Kassaman nous conjurait de le hisser au dessus de nos têtes, ce drapeau de la révolution dont les Algériens restent si fiers, mais combien de têtes précisément sont tombées, combien de vies innocentes ont été sacrifiées depuis 1962 au nom du symbole de l’unité nationale ! Qui en Algérie aurait oublié dix ans de guerre civile ? Et qui ne se souvient pas du printemps berbère de 1980 et du printemps noir de 2001 ? La sauvegarde de l’héritage de la guerre d’Algérie a toujours été l’argument essentiel des caciques du FLN et des généraux d’une armée qui n’a jamais vraiment gagné d’autres batailles que celles menées contre son propre peuple. « O liberté, que de crimes on commet en ton nom » – dixit Madame Rolland en montant sur l’échafaud – et du Président Boudiaf au citoyen lambda, on ne compte plus la multitude d’Algériens et d’Algériennes sacrifiés sur l’autel de l’indépendance nationale. Une indépendance sacralisée, toujours soi-disant menacée par les dérives tribales, l’islamisme ou la clique des traitres et autres collabos avec l’ancien colonisateur. En 1962, on pensait que la décolonisation de l’histoire pouvait s’ouvrir sur toutes les utopies révolutionnaires : le socialisme, l’autogestion et surtout le pouvoir du peuple d’être enfin sujet de sa propre histoire. Pourtant, tout cela n’est resté qu’une mythologie fondatrice qui n’a pas su sortir de l’idéologie anticoloniale ou tiers-mondiste et qui n’a réussi qu’à se crisper sur une référence arabo-musulmane réfractaire à la diversité de la société algérienne. Certes le monde colonisé a toujours été un monde coupé en deux par la force des baïonnettes : le domaine civilisé du colon s’oppose au bled des gourbis indigènes. Comme le souligne Frantz Fanon, le colon et le colonisé sont de vieilles connaissances, d’abord parce que « c’est le colon qui a fait et qui continue à faire le colonisé »[1]Reste que, n’en déplaise au grand Fanon, les Français d’Algérie n’étaient pas tous des propriétaires coloniaux qui ont fait « suer le burnous ». Cent trente années de présence française ont fourré bien plus de choses dans la tête des Algériens que tous les fanatiques de l’identité n’en pourront jamais chasser, même si cette mémoire reste souvent inavouable. La pluralité des mémoires sociales est sacrifiée sur l’autel d’une histoire politique de la décolonisation. Algériens ou Français, Moudjahid ou Harki, il faut choisir son camp ! Le mot de Renan est valable aussi outre Méditerranée : il faut oublier beaucoup de choses pour fonder une nation ! Mais l’oubli n’est pas la métamorphose du passé ou la réécriture de l’histoire. De fait, l’Algérie est restée coincée dans le regard de l’autre : la référence mythique Arabo-musulmane ne permet pas de comprendre que la question de l’identité nationale se pose dans ses dimensions sociale, politique ou culturelle, en d’autres termes qu’au temps de la domination coloniale. Cette incapacité d’entrer de pleins pieds dans une histoire postcoloniale peut aussi expliquer le déni de reconnaissance de l’Algérie à l’égard de ses émigrés. Et j’en sais quelque chose moi qui suis né en France un an avant l’indépendance.
Première héritière de l’immigration, ma génération est aussi héritière du silence. La guerre d’Algérie, nos parents nous en parlaient très peu et c’est d’autant plus étonnant qu’ils étaient tout de même si fiers de leur victoire. Pourquoi ce mutisme ? Certes, toute l’histoire de la première génération est celle d’une invisibilité ne laissant pas d’autre possibilité que celle de raser les murs de la société française. Nos parents se sont adaptés à l’exil et au mépris social en cultivant le mythe du retour au pays. C’est néanmoins une chape de plomb qui leur tombe dessus au lendemain de la guerre et qu’on peut référer au « mensonge collectif [2]» dévoilé par Abdelmalek Sayad, le pionnier d’une sociohistoire de l’immigration postcoloniale. Ce mensonge, c’est d’abord un mensonge d’Etat, un double mensonge en l’occurrence : d’une part celui de la France oublieuse de son passé colonial et qui voudrait en rester à la doxa d’une immigration de travail en éternel transit ; d’autre part l’Algérie qui va exercer censure et contrôle sur ses ressortissants par le biais d’une police politique. Pris en otage entre mépris et soupçon, les immigrés de première génération vont eux-mêmes cautionner ce mensonge collectif à travers leur silence, au nom du mythe du retour. Mais peut-être aussi pour ne pas faire porter le fardeau de l’histoire à leurs enfants dont ils auraient compris, sans se l’avouer, qu’ils ne rentreraient jamais dans un pays qui n’a jamais été le leur.
Au début des années 1980, la rupture générationnelle entre les immigrés algériens et leurs enfants prend une dimension publique. Quoi de commun entre les « zoufris » trainant leurs accents d’exil entre le chantier et le foyer Sonacotra et les jeunes de banlieue qui revendiquent avec gouaille leur place dans la société française, à travers émeutes urbaines ou marches pour l’égalité ? Cette rupture socioculturelle, nous l’avons vécue dans notre chair, et elle s’est traduite par un mur du silence qui a pu laisser penser que nous étions des orphelins sans héritage. Or ma génération a tout de même hérité d’une expérience du déracinement vécue par procuration. Et sa prise de conscience culturelle repose d’abord sur ce legs de nostalgie et de souffrances.
Mais tout va changer dans les années 1990.
En Algérie, c’est le temps de la crise qui prend une dimension de guerre civile, avec un déferlement de violence qui ravive les mémoires et qui aurait pu mettre fin au mythe nationaliste d’une histoire décolonisée. On ne peut plus accuser le colonisateur français de tous les maux de l’Algérie et c’est la pluralité des mémoires sociales sacrifiées sur l’autel d’une histoire politique de la décolonisation qui refait surface. En France aussi – et sans doute du fait d’un écho de la crise algérienne – les langues vont se délier et un travail de mémoire est entrepris par les héritiers du silence. Ce sont ainsi d’anciens soldats Français et leurs familles qui osent enfin dire publiquement ce qui s’est vraiment passé là-bas, parler de la torture en particulier. Mais c’est aussi l’émergence d’une nouvelle génération d’héritiers de l’immigration qui tentent d’amorcer un dialogue avec leurs parents autour de la mémoire de la guerre d’Algérie – notamment les massacres du 17 octobre 1961 à Paris – et qui accompagnent l’affirmation publique de multiples manières de vivre dans la société française. A la différence des « beurs », la génération suivante a compris qu’il n’y a de sujet qu’exposé à une mémoire, à une histoire, dont il s’agit de faire un récit pour soi et pour les autres. La question essentielle qui est alors posée, c’est comment être un « Franco-Arabe » ou un « Franco-Berbère », comment assumer son héritage tout en revendiquant la citoyenneté ? Cette question qui révèle les nouveaux visages de la société française est certes loin d’avoir trouvé une réponse tant le devenir postcolonial reste sujet à caution dans le cadre trop renfermé de l’espace public hexagonal. Mais il faut aussi l’entendre en écho à d’autres questions. En Algérie d’abord, autour de l’écriture d’une véritable histoire postcoloniale qui passe forcément par la reconnaissance du fait que l’indépendance de l’Algérie n’a pas effacé la diversité de la société algérienne. En Algérie où encore une autre génération suivante écrit une nouvelle page d’histoire depuis le 1 mars 2019.
Je n’aime pas le drapeau Algérien mais, flottant au côté de la bannière amazigh, dans les immenses cortèges qui battent chaque vendredi le pavé des villes algériennes, n’est il pas redevenu le symbole d’un peuple en marche ? Je dois même avouer qu’en écoutant « Aujourd’hui le peuple va libérer l’Algérie » cette superbe chanson composée dans l’urgence par des artistes algériens, j’ai eu comme une larme à l’œil. Surpris d’être ainsi touché, j’ai voulu faire partager mon feeling à mes enfants. Alors, vous avez écouté, il vibre votre petit cœur ? Eh bien non, pas vraiment. Mon fils aîné m’a répondu qu’il faut sans doute être Algérien pour vraiment apprécier. Algérien moi ? Je l’avais presque oublié après 58 ans de vie en France. Il faut croire qu’il remonte de très loin le « feeling cousin » qu’une ritournelle a fait perler du fond de mes yeux. Il m’a interrogé sur ce langage silencieux des émotions, mon grand qui a déjà 31 ans. Comment peut-on être touché par une chanson en Arabe quand on ne le parle pas ? Bien-sûr la mélodie compte pour beaucoup : on peut être sensible à celle d’une langue sans la comprendre. D’ailleurs certains mots en Arabe dialectal sont communs à mon idiome maternel – le kabyle que je décode encore sans le parler vraiment. J’ai donc répondu à mon fils que je reste tout ouïe au sabir de « Libérez l’Algérie » – arabe mâtiné de berbère et de Français algérianisé – qui charrie chez moi des alluvions sentimentales au-delà de la frontière de la langue. Chez moi ? Où ? Pas besoin d’un pays de l’entre deux rives de la Méditerranée. Car les Algériens d’Algérie comme ceux de la diaspora ne sont-ils pas des exilés de leur propre langue ? Et n’est-ce pas ce qui fait raisonner ce refrain dans ma tête comme un idiome du peuple qui n’a jamais été celui de la tchi-tchi d’une imposture boute-flik-esque ?
Aujourd’hui le peuple va libérer l’Algérie Libérez, libérez, libérez l’Algérie Aujourd’hui le peuple va libérer l’Algérie Libérez, libérez, libérez l’Algérie
Il faut dire aussi qu’ils ont des gueules les chanteurs du clip largement relayé sur les réseaux sociaux. Des gueules d’un peuple fatigué, meurtri, humilié par le mépris de ses élites qui lui ont volé jusqu’à la fierté de sa Révolution. Des gueules qui sont celles qui clament « Nous sommes l’avenir, vous êtes le passé ! » « FLN dégage, système dégage ! » A la différence de mes fils, je peux me reconnaître à travers l’intonation des voix et les visages de ce peuple. Dans toutes la palette de leurs expressions. Leurs mimiques, leurs regards sombres ou leurs sourires. A travers aussi la gestuelle de ces corps qui ne parlent pas qu’avec les mains. Mais je peux me reconnaître surtout dans leur combat. Celui d’une génération qui marque la fin d’une époque. La fin d’une sidération des esprits après les horreurs de la décennie noire. Le grand chantage du Système dernier rempart contre le chaos n’opère plus. Cette nouvelle génération veut précisément libérer l’Algérie du mensonge collectif et du grand mythe de l’unité nationale derrière le sacre de la nomenklatura, les flonflons de Kassaman et le tombeau des chahids.
Car s’est bel et bien une nouvelle société algérienne qui pousse désormais la ritournelle pour exprimer les différences qui la constituent : tout l’enjeu est de construire un espace commun du vivre ensemble. C’est le chant des milles visages de l’Algérie contemporaine, chant de la terre qui rend audible les forces cachées de la musique des cœurs, chant de l’exil et de la nostalgie aussi.
Et c’est peut-être ainsi que réaffleure la source vive de l’hymne national.
Ahmed Boubeker
[1] Frantz Fanon, Les Damnés de la Terre, (Paris, Maspéro, 1968) p. 42.
[2] Un mensonge qui repose sur la complicité entre pays d’émigration et d’immigration et qui a été entretenu par les illusions du migrant lui-même. Quelles illusions ? Trois principalement : l’illusion d’une présence limitée au travail ; l’illusion de la neutralité politique et l’illusion du retour – ce mythe du retour si cher aux premières générations. Cf Abdelmalek Sayad, « La Faute Originelle et le Mensonge Collectif », in La Double Absence (Paris, Seuil, 1999)oo
Joséphine Baker au Panthéon - Capture d'écran du site de l'Elysée
Panthéoniser… Le dictionnaire en donne la définition suivante : « Honorer une personnalité en transférant ses restes au Panthéon ». Ce monument a été destiné aux illustres, hommes de préférence puisqu’avec cette nouvelle entrée, six femmes y sont représentées sur 81 honorés. L’opération a eu, depuis son lancement, des laudateurs, des détracteurs et des sceptiques. Dans Le Monde diplomatique, Alain Garrigou en a retracé l’histoire non linéaire sur deux siècles ; c’est le 4 avril 1791 que l’Assemblée constituante a fait de l’Église Sainte Geneviève, le « Panthéon des grands hommes ». Rappelant la qualification de Mona Ouzouf (« École normale des morts ») et l’aspect vieillot des cérémonies, il montre que si certains sont entrés au Panthéon, d’autres en sont sortis. Sa mise au point est salutaire pour écorner « l’aperçu d’éternité » que donne un grand monument historique. Il précise encore : « Les controverses sur l’usage du Panthéon ne furent donc pas seulement des querelles parfois ridicules sur les personnages aimés ou haïs, mais expriment des oppositions radicales sur les valeurs ».
Cette dernière phrase s’applique parfaitement au dernier choix d’entrée au Panthéon. En effet, nul n’ignore qu’il y a eu concurrence entre deux femmes. Les pétitions lancées pour soutenir leur candidature ont obtenu : pour Joséphine Baker, 37820 signatures et 35000 pour Gisèle Halimi. Laurent Kupferman avait lancé la pétition sur change.org, « Osez Joséphine au Panthéon », en août 2021 alors que celle pour Gisèle Halimi avait été lancée dès août 2020 par l’Association « Les Effrontées ». En janvier 2021, Benjamin Stora dans le rapport remis au chef de l’État, « sur la mémoire de la colonisation et de la guerre d’Algérie », listait, à la fin de ses préconisations, « l’entrée au Panthéon de Gisèle Halimi, grande figure féminine d’opposition à la guerre d’Algérie ». Est-il utile de noter que ce n’est pas la seule cause défendue par la célèbre avocate ? De plus, ses qualités d’écrivaine ne sont plus à démontrer et faisaient de son nom, une candidature de poids. La guerre d’Algérie reste, il faut bien le constater, le talon d’Achille de toute reconnaissance publique en France. Il est juste de noter que d’autres noms de femmes à introniser dans le Temple de la République ont été avancés ces dernières années comme ceux d’Olympe de Gouges, de George Sand, de Lucie Aubrac, de Simone Weil ou de Louise Michel.
Sur le site de France Inter, Christine Siméone retrace le parcours de l’aboutissement du 30 novembre 2021. En plus des différentes étapes à remporter dont la plus importante est l’acceptation du Chef de l’État puisque c’est lui qui prend la décision, le ou la candidat(e) doit être de nationalité française et une partie de ses restes doit être disponible. Cependant cette seconde condition connaît des dérogations : ainsi des cercueils vides, comme celui de Joséphine Baker, sont ceux de Germaine Tillion et de Geneviève de Gaulle-Anthonioz en mai 2015.
De nombreuses personnalités ont soutenu la candidature de Joséphine Baker comme Régis Debray, Pascal Bruckner ou Pascal Ory qui a donné les qualifications qui sont revenues dans tous les articles : « artiste populaire, patriote française, militante antiraciste, mère adoptive d’une famille arc-en-ciel ». Le communiqué officiel de décision de panthéonisation insiste. L’artiste serait « l’incarnation de l’esprit français », circonscrit à « la France éternelle des Lumières universelles ». La photo qui accompagne le communiqué est celle de la résistante et non de l’artiste de music-hall…
Dans Diacritik, le 3 décembre 2021, Rodho dessinait :
Puisque, vraisemblablement, c’est la position des candidates par rapport à la guerre d’Algérie qui a été un critère discriminant, nous avons eu la curiosité de voir le rapport à l’Algérie de Joséphine Baker. Car, contrairement à de nombreux écrivains et intellectuels africains Américains – comme James Baldwin ou William Gardner Smith – il ne semble pas qu’elle ait perçu une équivalence entre le racisme subi aux États-Unis et le racisme qui frappait les colonisés en France.
Néanmoins, Farid Alilat dans un article récent de Jeune Afrique redonne avec précision les dates et les raisons de ses séjours en Algérie. La première fois que l’artiste s’y rend, c’est le 1er décembre 1931 – on sort tout juste des fêtes du Centenaire de l’Algérie française –, pour une tournée dans la capitale. Elle loge à l’hôtel Saint George et fait salle comble au « Majestic » : elle y chante, « J’ai deux amours ». En 1936, marquée par son passage à Alger, elle chante « Nuit d’Alger », romance peu « engagée »…
Oh, douce nuit d’Alger Quand la brise se lève Et caresse mon rêve D’un parfum d’oranger Je voudrais que le jour Plus jamais ne se lève
Comme paraissent brèves Les minutes d’amour Je sens au fond de mon cœur Une force qui m’attire Tout me parle de bonheur Chaque étoile est un sourire
Oh douce nuit d’Alger Quand la brise se lève Et caresse mon rêve D’un parfum d’oranger Cachant la tête sous une aile Les oiseaux se sont endormis Dans l’air une fraîcheur nouvelle Renait enfin voici la nuit
Oh douce nuit d’Alger Quand ta brise se lève Et caresse mon rêve D’un parfum d’oranger.
Son second voyage a lieu en janvier 1941 et cette fois, elle loge à l’hôtel Aletti. Elle fait une tournée (Oran, Alger, Mostaganem et Blida) d’une semaine mais fait passer aussi messages et renseignements. Elle part alors au Maroc où elle sera immobilisée plusieurs mois à cause d’une fausse couche et de l’ablation de l’utérus. Rétablie, elle ne repart qu’en 1943 ; elle traverse l’Algérie pour quelques représentations pour les soldats alliés. En octobre 1943, elle donne un gala à l’Opéra d’Alger en présence de de Gaulle qui, dans sa loge où il l’a fait appeler, lui offre une petite croix de Lorraine en or. Elle traverse l’Algérie en jeep et fait une tournée en Tunisie, Égypte, Libye, Liban, Palestine. Elle revient à Alger en 1944 mais cette fois avec l’uniforme de sous-lieutenante de l’armée de l’air de la France Libre (comme officier de propagande). Elle y reste près de cinq mois et retourne ensuite en France à son métier de music-hall. Son troisième voyage est d’ordre personnel : elle retourne à Alger en pleine Bataille d’Alger. C’est alors qu’elle adopte deux orphelins de guerre, Brahim, un petit Kabyle et Marianne, une petite Pied-noire.
Je rejoins alors l’ambiguïté ressentie par Rokhaya Diallo et qu’elle a exprimée dans une tribune du Nouvel Obs du 30 novembre 2021. Des sentiments contradictoires l’habitent face à l’événement : admiration et gêne. Elle reconnaît que J. Baker a, autant qu’elle a pu le faire, détourné les clichés qui construisaient ses spectacles, par le burlesque et l’humour. Sans ce traitement décalé, ils seraient insupportables car la femme « primitive » dénudée, c’était monnaie courante. Elle a su le faire « avec impertinence et majesté » mais « cette exotisation des corps noirs, toujours diffuse au XXIe siècle est fermement ancrée dans notre imaginaire ». Poursuivant son analyse, elle écrit : « De nos jours, aux Noir.e.s qui dénoncent le racisme, on oppose souvent le cas de Joséphine Baker, pensant ainsi prouver l’ouverture de notre pays en comparaison des terribles États-Unis alors éhontément ségrégationnistes. Mais ce mythe de la bienveillance française à l’égard d’Afro-Américain.e.s est fallacieux. Dans son documentaire « les Marches de la liberté », le romancier noir américain Jake Lamar a rappelé ce qui lui permettait de s’extirper des contrôles au faciès réguliers : « Quand ils voient mes papiers, je suis américain et il n’y a plus de problème. Ce n’est pas aussi simple pour mes amis d’origine maghrébine, africaine ou caribéenne. » Hier comme aujourd’hui, la France chérit les Noirs états-uniens tout en faisant subir vingt fois plus de contrôles policiers à ses propres ressortissants lorsqu’ils sont perçus comme arabes ou noirs ».
Joséphine Baker aurait-elle apprécié cet honneur de la République ? Peut-être. Mais ce qui est sûr, c’est qu’une panthéonisation ne peut s’apprécier que du point de vue de celui qui en prend la décision et non du point de vue du défunt ou de la défunte. En 2009-2010, Nicolas Sarkozy avait souhaité panthéoniser Camus et ne put le faire face au refus de son fils, Jean, qui y voyait une récupération de son père par le Président de la République. Le débat fut rude pour Aimé Césaire avec le refus catégorique des Martiniquais de cet honneur bien tardif. Finalement, cela s’est soldé par une plaque à sa mémoire. Il y a ainsi des inscriptions (Toussaint Louverture et Louis Delgrès) et des plaques commémoratives.
Dans l’article qu’il écrivit pour l’entrée au Panthéon de l’image de Césaire, le 6 avril 2011, « La deuxième mort d’Orphée nègre ou le temps des nécrophages », l’écrivain martiniquais, Daniel Boukman, se posait la question : « Et maintenant quel est le nom de l’homme (ou de la femme) d’« outre-mer » que le Préposé aux Affaires Nécrophagiques rêve d’inscrire sur ses tablettes, pour, un jour prochain, en petites bouchées comptées, le dévorer ? » Il a désormais la réponse : d’outre-mer, certes mais pas au sens où on l’entend dans le lexique politique français : ce nom est celui d’une Française née Américaine, Joséphine Baker. Au moment où des débats de plus en plus caricaturaux et scabreux s’expriment haut et fort sur l’identité française et le refus de la pluralité des cultures au sein d’une même nation, il est facile de redorer son blason avec une femme qui a célébré la France sans faire de vagues sur les contradictions de la République. Sa dimension artistique, la plus pérenne dans la mémoire, a permis une cérémonie affichant une « modernité » pour dépoussiérer les habituelles entrées au Panthéon, sans bousculer l’opinion publique et partisane sur tous les thèmes qui font litige : « L’Américaine qui aimait tant Paris coche toutes les cases de la réconciliation mémorielle selon Macron », comme l’écrit Charlie Hebdo.
On peut privilégier une autre mémoire que celle du Panthéon. En effet, la véritable mémoire d’une figure des arts et des lettres ne se constitue-t-elle pas ailleurs dans les « écritures » d’héritiers et d’héritières ? Celles et ceux qui ne restent pas dans l’hagiographie qui demande nécessairement de raboter le peu correct… pour mettre en valeur les contradictions d’un être ?
Notoriétés attestées
En 2017, Catel Muller et José-Louis Bocquet faisaient paraître un roman graphique conséquent au simple titre : Joséphine Baker. Il fallait bien près de six cents pages pour dessiner et raconter la vie tumultueuse de cette artiste. Dans Jeune Afrique de janvier 2017, Catel Muller souligne bien que cette adoption rapide de l’artiste par l’intelligentsia parisienne a été ambigüe : « cette négrophilie est à double tranchant ». Car l’avant-garde renvoie toujours la vedette à une sauvagerie animale, à un primitivisme d’autant plus absurde que cette « sauvageonne africaine », cette « Créole », cette « Tonkinoise » est née dans le Missouri ! Mais la star va déjouer une fois de plus les déterminismes. « Grâce à son humour, à son talent, elle réussit finalement à ne plus être vue uniquement comme une Noire, mais comme une artiste. »
Il m’a semblé que la plus profonde inscription de Joséphine Baker était se trouvait du côté de la recherche d’une célébrité populaire et d’un roman. Combien de petites filles ont-elles été déguisées en Joséphine Baker – pas la résistante mais l’artiste – dans les années trente et après ?
Premier témoignage inattendu : en 2019, David Teboul a édité un récit recueilli auprès de Simone Veil, Simone Veil. L’aube à Birkenau. C’est un livre très original dans sa conception et bouleversant et émouvant dans sa réalisation, mêlant récit, entretiens, photos. Il est très sobre, pudique, prenant. Dans la 3e partie, « Simone et Denise », on tombe sur une photo en pleine page de treize enfants déguisés. L’avant-dernière plus petite est Simone Jacob… déguisée en Joséphine Baker – cheveux plaqués, tutu en raphia mais pas de bananes, le corps noirci. En regardant la photo, sa sœur Denise précise : « C’était un bal déguisé. Tu as été empoisonnée. Pour te déguiser en Joséphine Baker, on t’avait enduit la peau avec un produit. Ta peau ne respirait plus. Tes pores se sont bouchés, ta peau s’est asphyxiée ».
Le second témoignage de la célébrité de Joséphine Baker date de 2005. Gisèle Pineau, romancière guadeloupéenne, publie son sixième roman au Mercure de France. Le roman commence quand la petite fille, protagoniste de l’histoire [que nous allons suivre à travers les pérégrinations de son nom – Josette, Joséphine, Joss], arrive dans l’île de sa grand-mère maternelle, Théodora. Elle vient d’être arrachée, sans préparation et sans ménagement, à la famille d’accueil où elle a été heureuse, de 4 à 9 ans, à la moitié des années 80. Elle est « transférée » de la ferme de la Sarthe à ce lieu où elle doit, lui dit-on, « renouer avec ses racines ». Il lui faut échanger tata Michelle contre grand-mère Théodora. Grâce à cette tata Michelle, Joséphine Baker habite le roman et la vie de la petite fille. Josette est dans l’avion et le sourire commercial de l’hôtesse de l’air lui fait penser à l’âne Bouillon de la ferme, appelée ainsi en détestation du mari de la Baker : « Jo Bouillon était le mari le plus détesté, « avec son air de grand benêt, ses oreilles à moitié décollées et ses yeux morts, je vois vraiment pas ce qu’elle a pu lui dégoter d’intéressant, moi, à ce couillon de Bouillon. Il avait vraiment l’air d’un âne à côté d’elle. On raconte même qu’il était de la jaquette. J’te jure ! », crachait-elle, mi-fâchée, mi-désabusée, gardant intactes, au fond de ses yeux, sa tendresse et sa vénération pour la Baker ».
Désemparée, la petite fille se réfugie dans ses souvenirs qui, en la ramenant à sa tata Michelle, ne peuvent qu’imposer Joséphine Baker. Ainsi, lors de son arrivée à la ferme et après des passages successifs dans des familles d’accueil où elle a été malmenée et mal soignée, son lavage en règle n’est que l’entrée en matière d’autres changements : le plus important, celui de son nom. Tata Michelle s’est mise à l’appeler Joséphine au lieu de Josette. Après lui avoir donné des explications un peu vaseuses, elle lui donne la vraie raison de ce choix, de ce « prénom d’emprunt » : « Tata Michelle me rebattait les oreilles de cette autre Joséphine, vedette internationale, célébrité de son vieux temps, courtisée par des rois et des ducs. A l’entendre, la grande Joséphine qui m’avait précédée dansait et chantait mieux que personne. Elle était née dans la boue et la misère, là-bas chez les sauvages, aux Amériques, à Saint Louis du Missouri ».
Suit alors une biographie de Joséphine Baker qui n’oublie ni la ceinture de bananes, ni les robes de diva, ni son immense célébrité. « Je te jure, parole, ça lui a ouvert les portes de s’appeler Joséphine ». Et pour finir de convaincre la petite fille, Tata Michelle met un disque 45 tours avec la chanson, « Bonsoir, my love ». S’appeler Josette en 1975 est à peine croyable car c’est un prénom de vieille alors que « Joséphine » lui ouvrira toutes les portes : « Je peux te jurer que tu seras une étoile aussi, ma petite Joséphine. Une grande danseuse, une chanteuse internationale… Tu es plus noire qu’elle, faut pas se coller des œillères, mais la chance est de ton côté et je lis dans tes yeux, aussi sûr que deux et deux font quatre, aussi vrai qu’il y a une lune et un soleil qui se pointent à tour de rôle dans le ciel ».
Si la peau noire de Joséphine ne pose pas problème à la mère d’accueil, les cheveux crépus oui. Aussi résout-elle la question en les coupant le plus possible et, pour faire passer la pilule, montre à la petite fille la Baker sur les disques, avec peu de cheveux. Elle coupe, au son de Ram-pam-pam, sa chanson préférée : « Quand Tata me rasait la tête, les enfants ricanaient et me traitaient de mouton noir tondu d’Afrique. Tata Michelle était une vieille folle et moi je n’étais rien d’autre que le jouet de son délire, une poupée entre ses mains ». Mais la musique endiablée de la Joséphine emporte tout et au son répété de la même chanson, les cheveux tombent.
Entre ses souvenirs de la Sarthe et le réel du présent guadeloupéen où elle doit vivre, celle qui désormais s’appelle de nouveau Josette, a des moments d’incertitude sur le lieu où elle se trouve. Ainsi quand sa grand-mère lui dit qu’elles vont aller à Saint-Louis, le sang de Josette ne fait qu’un tour : vont-elles se retrouver dans la ville de naissance de la Baker ? En réalité, elles vont dans la villa de Madame Margareth pour laquelle Théodora semble avoir la même dévotion que Tata pour Joséphine Baker. D’ailleurs, les deux célébrités se superposent souvent dans le roman et dans la perception de la vie de Josette. Celle-ci sait bien que pour expliquer pourquoi « Saint Louis » l’a fait réagir il lui faudrait confier à Théodora ce qu’elle ne lui a jamais dit : son changement de prénom, les chansons qu’elle connait par cœur. Elle se souvient alors, avec une précision extrême, de son déguisement pour le Mardi-gras en Joséphine Baker : « J’était vêtue d’un tricot blanc, d’un collant rose et d’une ceinture de bananes. Elle avait cousu mon costume toute seule, juste en regardant la pochette d’un disque de Joséphine. Elle avait plaqué mes cheveux sur ma tête et sur mon front avec du blanc d’œuf, pour que je ressemble encore plus à la vraie. Elle m’avait prise en photo devant l’école. Elle avait même collé la photo dans son album de fan de Joséphine Baker. […] Malgré tout ça, j’aimais toujours ma Tata ».
Sa grand-mère l’emmène régulièrement chez Madame Margareth que celle-ci soit absente ou présente. C’est une romancière et lorsqu’elle la voit en vrai, Josette est bien déçue de l’écart entre la personne en face d’elle et toutes les jolies photos éparpillées dans la maison. Vieillir est un naufrage pense Josette : il n’y a que Tata pour voir Joséphine Baker belle même à 70 ans ! : « Joséphine Baker avait vieilli avec son siècle, c’était visible à l’œil nu. Sur la fin, elle perdait ses cheveux et ne portait plus que des perruques retenues par des épingles cachées, des tiares de verroterie et des diadèmes de Cléopâtre. Sa chair s’était fanée aussi sûrement que celle de Mémé […] A soixante ans passés, elle continuait à sourire de toutes ses dents sur les pochettes de ses disques, pour faire croire à Tata Michelle qu’elle était toujours la Vénus d’ébène du Missouri, celle qui avait débarqué en 1925 à Paris. La perle noire de la Revue nègre, pauvre Joséphine… Elle avait quand même été écrasée par le bulldozer de la vieillesse ». Avec le temps, Josette a accepté son nom et oublié l’autre : « Et adieu la Vénus d’ébène des années 2000 ! Si quelqu’un m’avait appelée Joséphine dans les rues de Grand-Bourg, je ne me serais pas retournée. J’en avais fini avec ce temps de strass et de paillettes. J’étais redevenue Josette ».
Lycéenne, elle s’appelle plus volontiers Joss que Josette ! Quand le carnaval se prépare, elle va avoir une idée : bien qu’elle se souvienne de la haine et du dégoût pour cette Joséphine Baker quand Tata l’avait déguisée et surtout de l’œuf sur les cheveux, elle décide de reprendre le déguisement mais pour toutes les lycéennes. Après tout, la Guadeloupe est le pays de la banane et toutes ces ceintures de bananes lui rendraient hommage. Comme il n’y a pas d’objection à sa proposition, elle passe à sa réalisation : « Je sais seulement que j’eus le sentiment que j’allais partager mon histoire sarthoise ave la Guadeloupe ».
Joss se venge de l’humiliation ressentie petite fille, la ceinture de bananes devenant « un trophée, un butin de guerre, un trésor de pacotille. C’était un pied de nez fait à la vie. Aussi un cadeau pour Tata ». La vie réservait toutes les surprises possibles. Sa grand-mère est effondrée. Joss se rêve Vénus d’ébène en tête du cortège : « Trois cents Joséphine défileraient le lendemain derrière mon char. Trois cents filles aux cheveux gominés comme ceux de la Miss qui fit trembler Paris. Trois cents ceintures de bananes lâchées au rythme des tambours. Trois cents paires de jambes, courant, sautant et dansant dans les rues de Pointe-à-Pitre. Et nous allions assiéger la ville comme une armée de Barbares ».
Elle envoie des photos à Tata qui est au septième ciel, persuadée d’avoir transmis sa vénération à sa « fille ». Quittant la Guadeloupe après son baccalauréat, Joss s’installe à Paris dans l’appartement de Madame Margareth et malgré ses recherches d’un chemin à suivre, tourne en rond dans le mystère de son abandon et dans le désintérêt que sa mère a toujours manifesté à son égard. Au plus mal, elle se réfugie à la ferme et somme Tata de lui dire la vérité sur sa petite enfance et sur son abandon : « De me la restituer dans toute sa cruauté. Nue. Sans fard ni paillettes ni décor de music-hall ».
Forte de cette vérité, Joss a pu écrire l’histoire de sa vie, « Sous le signe de Joséphine » : le livre a enthousiasmé un éditeur et un film se fait. Elle retourne avec l’équipe de tournage dans la Sarthe et celle-ci propose à Tata et Mémé d’aller au château des Milandes. Tata est ravie mais ne perd rien de sa pugnacité quand elle sent certains membres de l’équipe de tournage se moquaient d’elles et prendre Joséphine Baker pour ce qu’elle n’était pas :
« Qu’en pensez-vous, Tata Michelle ? Une rue portant le nom de Joséphine Baker ! » Tata baissa la tête. « Elle n’aurait pas voulu cela, commença-t-elle avec un chat dans la gorge. Tout ce que Joséphine demandait, c’était que les gens cessent de se battre et se mettent à vivre ensemble pour de vrai. Et moi je suis d’accord… » Le perchiste ricana dans le dos de Tata. Tata se tourna vers lui, le foudroya du regard et puis explosa ; « Qu’est ce qu’il croit, le parigot de mes fesses ! Qu’on est des bêtes de foire ! Je vois bien que depuis le début que vous voulez nous faire passer pour des dindes parce qu’on habite à la ferme ! Vous tous, vous êtes rien que des veaux ! […] On n’est ni des singes savants ni des perroquets d’Amazonie. On dit ce qu’on pense et ce n’est pas donné à tout le monde. J’ai ma fierté moi, monsieur ».
Vers la fin du roman, Joss est dans une chambre d’hôtel et travaille à un nouveau roman, Clair de blues. Elle cherche toujours qui elle est véritablement dans ce monde où l’exotisme le dispute au racisme. Alors survient la dernière mention de la Baker dans le roman : « Est-ce que les miroirs lui renvoyaient des images cruelles d’elle-même ? Était-elle étreinte par le doute et la peur dès que les strass et les bravos n’étaient plus de mise, sitôt qu’elle avait refermé la porte à ses admirateurs ? Tandis qu’elle ôtait ses faux cils et sa lourde perruque bouclée, ses perles et ses dorures de reine, la négrillonne sortie de la boue de Gratiot Street venait-elle lui tirer la langue et lui rappeler Saint Louis du Missouri, les spectres blancs du Ku Klux Klan ? Osait-elle lui dire que tout ce qu’elle représentait n’était que simulacre et futilités face au spectacle des nègres noirs pendus aux branches des arbres, corps pourrissants, ballotés par le vent, les Stranger Fruit chantés par Lady Day ? »
On voit comment, d’un bout à l’autre de la narration, Joséphine Baker habite ce roman non comme un clin d’œil amusant et léger mais comme une pierre-témoin qui structure le voyage à la recherche d’elle-même de Josette-Joséphine-Joss. Pas de « résistance », d’officier de l’armée de l’air mais une femme noire ayant vécu en équilibre sur une ligne pleine d’ambiguïté dans un monde de Blancs. Au terme de ce voyage, plus que la panthéonisation, c’est la réflexion sur la reconnaissance par le centre dominant ou le rejet dans la marge qui nous semble le plus intéressant à interroger. On peut le faire en s’appuyant sur les réflexions de bell hooks – décédée trop tôt en ce 15 décembre 2021 –, et à laquelle on rend ainsi hommage.
Gloria Jean Watkins (1952-2021) a forgé son pseudonyme de « bell hooks » à partir des noms de sa mère et de sa grand-mère. Elle l’écrit tout en minuscules pour mettre l’accent sur ce qu’elle écrit, sur ses idées et non sur la personne qui les signe. bell hooks écrit dans « Choosing the margin as a space of radical openness » (Choisir la marge comme un espace de libération radicale), Framework: The Journal of Cinema and Media, No. 36 (1989) : « Regarder la marge comme un espace et une position de résistance est crucial pour les réprimés, les opprimés, les colonisés. Si nous considérons seulement la marge comme un signe, marquant la condition de notre douleur et de nos privations, alors un sentiment de désolation et de désespoir envahit d’une manière destructive le sens même de notre existence. C’est là, dans cet espace de désespoir collectif que notre créativité, notre imagination est en danger, là que notre esprit est totalement colonisé, là que la liberté que nous espérons est perdue. L’esprit qui résiste au colonialisme se bat véritablement pour la liberté d’expression. Au fait, le combat ne commence peut-être même pas avec le colonisateur, il peut commencer à l’intérieur d’une communauté et d’une famille colonisée et ségrégée. Je veux noter que je ne suis pas en train de défendre la notion romantique d’un espace de marginalité qui serait « pur » où les opprimés vivent loin de leurs oppresseurs. Je veux souligner que ces marges ont été à la fois des espaces de répression et des espaces de résistance. Et comme nous sommes bien capables de nommer la nature de cette répression, nous connaissons mieux les marges comme espaces de privation. Nous sommes plus silencieux quand il faut parler des marges comme lieux de résistance. Nous sommes plus souvent prisonniers du silence quand il faut parler des marges comme lieux de résistance » (traduit par Évelyne Trouillot).
En faisant son possible pour effacer la marge, le Panthéon rend-il hommage à une frondeuse du music-hall, s’inventant un pays qui l’accepte ? On peut en douter au moins à moyen terme.
Lorsqu'au cœur de l'hiver 2010-2011 apparaissent à Tunis puis au Caire les premières «révolutions arabes» qu'à la hâte on baptise «printemps», elles jouissent d'un préjugé favorable, fleurant la liberté et le renouveau. Expéditives, elles dégagent illico presto des «tyrans» indéracinables et font forte impression : leur victoire est inéluctable et l'épidémie semble vouée à gagner tous les pays arabes.
Tous ? Pas tout à fait. Les Etats touchés - Tunisie, Egypte, Libye, Yémen, Syrie, et à partir de janvier 2011 l'Algérie et la Mauritanie» ont en commun d'être républicains, modernistes, sensibles au nationalisme arabe, à une laïcité tolérante, et une question viendra à l'esprit : «Pourquoi nous et pas eux ?». L'avenir le dira, le «eux» désignant les rois, roitelets ou émirs qui échappent miraculeusement au printemps et semblent promis à un éternel été bien climatisé : l'Arabie de Salman et Ben Salman, les Emirats de Zayed et Ben Zayed, le Qatar de la famille Al Thani, etc. Invitons Maroc et Jordanie et voilà toutes les monarchies, de l'Atlantique au Golfe, à l'abri pour prêcher la «révolution»... Dans la bouche d'un cheikh wahhabite ou d'un émir, le mot semble cocasse mais il suffit de lui donner son sens étymologique (mouvement astronomique qui ramène au point de départ) pour trouver qu'il sied bien à un mouvement conduit par les fondamentalistes avec l'appui de l'Occident afin de briser la rhétorique du mouvement national arabe : ce que les experts de «nos grandes démocraties» auto-claironnantes refuseront d'admettre.
En revanche, dans les pays arabes et ailleurs, beaucoup auront compris très vite ce que ces printemps en hiver n'étaient pas, c'est-à-dire des révolutions «spontanées, pacifiques et populaires». Bien que fleurissent les promesses de lendemains qui chantent, il ne faudra pas longtemps pour déchanter : dans le vide créé par le dégagement des «tyrans», c'est le désordre qui va s'installer plutôt que la démocratie attendue. La sidération fera place à la désillusion, le «chaos créateur» des néoconservateurs et la barbarie des extrémistes faisant mauvais ménage avec la douce musique des promesses.
Le hasard fait parfois bien les choses, l'actualité de décembre 2020 janvier 2021 ayant inscrit à sa une un retour de flamme spectaculaire de la «révolution» tunisienne, première de la saga, lancée le 10 décembre 2010 lorsque le jeune Bouazizi s'immole par le feu, protestant contre la corruption et la violence policière. Après le désordre initial lié au «dégagement» de Ben Ali, la patrie de Bourguiba, foyer du nationalisme arabe, avait connu élections et phases de stabilisation, voire des percées de la démocratisation avec le parti Nahda de Ghannouchi ou malgré lui, avant de dégénérer en une guérilla civile entre Frères Musulmans et réformistes laïcs. Dix ans après, le chaos reprend le dessus. Les acquis seraient-ils enterrés ?
En Egypte, le «printemps du papyrus» n'a pas tenu les promesses que faisaient miroiter ses prophètes. A part le «dégagement» du vieux Moubarak, son jugement et sa mort en prison, le succès (temporaire) des Frères Musulmans et la présidence rustique de Mohammad Morsi, il a débouché sur une démocratie problématique et un pouvoir autoritaire soumis à forte pression. Le général al-Sissi ne semble pas maître de ses choix. Dans un pays divisé, au prestige écorné, il est tiraillé entre les vestiges du nassérisme et la quête éperdue de financement auprès de l'Arabie et des riches émirats : l'Egypte a passé le cap des 100 millions d'habitants et croule sous les dettes, les problèmes, les menaces (Ethiopie, Soudan et eaux du Nil). Le slogan «pas de guerre au Moyen-Orient sans l'Egypte» est d'actualité, mais on ne craint plus les Pharaons du Caire...
Au bout de dix ans de guerre contre des agresseurs aux multiples visages (pays atlantiques, Israël, les forces islamistes, Turquie, Qatar et Arabie en tête, les terroristes de Daesh à Al Qaida), la Syrie est dans une situation tragique, payant pour sa fermeté sur les principes, sa fidélité aux alliances, et la charge symbolique dont elle est porteuse : n'aura-t-elle pas eu la primeur d'un appel au Djihad ? L'Amérique et ses alliés refusent «l'impensable victoire de Bachar el-Assad» et leur «impensable défaite». En raison des sanctions, des mesures punitives de l'Occident, de l'occupation américaine ou des menées turques, des vols et pillages, la Syrie ne peut se reconstruire. La «stratégie du chaos» a fait son œuvre. Le temps est venu des guerres invisibles et sans fin que préconisait Obama. Pourtant, l'avenir du monde arabe tient quelque part, et en bonne part, à la solidité de son «cœur battant». N'en déplaise à ceux qui feignent de l'avoir enterrée, évitant même de prononcer son nom, la Syrie est indispensable jusqu'à cristalliser les obsessions : pas de paix sans elle au Moyen-Orient.
Passé à travers la révolution du Cèdre en 2005, ayant essuyé le printemps automnal de 2019, les tragédies de 2020 et le chaos de 2021, le Liban aura eu sa révolution. Sanctionné, affamé, asphyxié, menacé par ses «amis», il partage bon gré mal gré le sort du pays frère qu'est la Syrie. Le tiers de sa population est composé de réfugiés syriens et palestiniens. Son sort serait-il en train de basculer, après cent ans de «solitude» dans le Grand Liban des Français ?
En Palestine, c'est le «printemps» perpétuel. «Transaction du siècle», trahisons entre amis et Covid obligent, la question palestinienne semble désertée, sauf par la Syrie qui paie cher son attachement à la «cause sacrée». Martyrisés, enfermés à vie, humiliés et victimes d'un ethnocide, les Palestiniens sauront-ils choisir leurs alliés sans trahir ceux qui ne les ont pas trahis ? Entre l'Anglais et le Français, il faut se méfier des faux amis, mais ceux-ci parlent parfois turc ou arabe. Le roi du Maroc, Commandeur des Croyants et descendant du Prophète, Président du comité al-Qods, vient de normaliser avec Israël, remettant l'Ordre de Mohammad à Donald Trump. Il est le quatrième à rejoindre le camp des liquidateurs, après les ineffables Emirats Arabes Unis, le Bahrein rescapé d'un printemps hors normes et le ci-devant Soudan. Celui-ci a mis au frais Omar al-Béchir, mais il a également renié ses principes, y compris celui des «trois non à Israël». Il fait ami-ami avec l'oncle Sam et meurt d'amour pour Israël, mais les deux n'ont pas d'amis, surtout pas parmi les Arabes.
L'Irak n'a pas eu besoin de «printemps arabe» pour savoir ce que «démocratisation» à l'américaine et pax americana signifient. Le pays de Saddam, martyrisé depuis trente ans, et semi-partitionné en trois entités, peine à se dégager de l'étreinte des Etats-Unis dont ses dirigeants sont pourtant l'émanation. Il a servi de test aux néoconservateurs de Washington et Tel-Aviv en matière de «stratégie du chaos», et il le paie.
Envahie illégalement par l'OTAN en mars 2011 au nom de la «Responsabilité de Protéger», la Libye a versé un lourd tribut aux ambitions occidentales. Kadhafi y a laissé la vie dans un épisode dont Hillary Clinton, la harpie du Potomac, s'était réjouie indécemment. En fait de démocratisation, la Jamahiriya, dont les indices de développement étaient exemplaires, avait hérité dès l'été 2011 d'un chaos qui suscitait l'admiration de M. Juppé. Derrière les ruines libyennes et les débris du Grand Fleuve, souvenirs des bombardements humanitaires de la coalition arabo-occidentale, gisaient les coffres délestés par l'Axe du Bien de centaines de milliards de dollars de la Jamahiriya, pas perdus pour tout le monde. Le rêve de Kadhafi» une Afrique monétaire indépendante de l'euro et du dollar «a été volé. Ceux qui aimaient trop la Libye peuvent se réjouir : il y en a désormais plusieurs, de deux à cinq selon les épisodes.
On pourrait alourdir le bilan en parlant de la tenace Algérie, du Yémen martyrisé par la Saoudie et l'Occident), de l'Iran, etc. : les «printemps» auront été la pire des catastrophes que pouvaient connaître les Arabes. Pourtant, même pris en tenailles entre l'empire américain et le bloc eurasien russo-chinois, la mutation du contexte géopolitique joue en leur faveur.
S'ils n'ont rien à attendre des Etats-Unis qui, d'Obama à Biden via Trump, ne voient le monde arabe qu'à travers les yeux d'Israël et dans une vapeur de pétrole, ils seraient sages de miser sur le retour de la Russie comme référence politique et sur l'arrivée de la Chine par les Routes de la Soie. A charge pour eux de choisir entre les guerres sans fin que leur offre la «puissance indispensable» ou le chemin de la renaissance que l'alternative stratégique leur ouvrirait. Rien n'est joué.
Lundi 3 janvier 2022
par Michel Raimbaud
Ancien diplomate et essayiste, Michel Raimbaud a publié plusieurs ouvrages, notamment Tempête sur le Grand Moyen-Orient (2e édition 2017)
L’Algérie commémore, ce lundi 27 décembre, le 43e anniversaire de la mort, en 1978, de son ancien président, Houari Boumediene, de son vrai nom Mohamed Boukharouba.
Presque oublié durant les trois dernières décennies, le défunt aura droit, cette année, à un programme officiel spécial, selon le ministre algérien des Moudjahidine (anciens maquisards), Laid Rebiga.
« Sur ordre des hautes autorités, un programme spécial est en cours d’élaboration pour commémorer l’anniversaire du décès du président Houari Boumediene. Il est un des symboles de l’Etat algérien », a-t-il déclaré en marge d’une conférence des paysans algériens, tenue à Alger.
Ce programme, a-t-il ajouté, « ravivera son image chez les Algériens ». Pourquoi le gouvernement algérien s’intéresse-t-il autant à Houari Boumediene ? Qui est cet homme qui suscite toujours débat dans le pays, 43 ans après sa mort ? Qu’est-ce qui fait que les Algériens s’intéressent encore plus à lui qu’à son prédécesseur, Ahmed Ben Bella et ses nombreux successeurs ?
Cet intérêt prouve, en tout cas, que celui qui a géré l’Algérie d’une main de fer, treize années durant, a bien marqué les esprits. Positivement et négativement. C’est selon les témoins et les orientations politiques et idéologiques des acteurs qui l'évoquent. Son passage à la tête de l’Etat algérien n’a pas été sans impact. C’est une réalité.
Né un certain 23 août 1932 à Aïn Hassainia, dans la wilaya (département) de Guelma dans l’est algérien, Houari Boumediene n’a pas été un des leaders de la guerre de libération. Issue d’une petite famille de paysans, comme il y en avait des centaines de milliers à cette époque dans le pays, l’homme a été marqué, alors qu’il était très jeune, par les massacres du 8 mai 1945, commis par l’armée et les colons français contre les Algériens dans les localités de Sétif, Kherrata et Guelma (à l’est d’Alger).
C’était le début de sa prise de conscience. « Ce jour-là, j’ai vieilli prématurément. L’adolescent que j’étais est devenu un homme. Ce jour-là, le monde a basculé. Même les ancêtres ont bougé sous terre. Et les enfants ont compris qu’il fallait se battre les armes à la main pour devenir des hommes libres. Personne ne peut oublier ce jour-là », avait-il lui-même témoigné lors d’un discours, lorsqu’il était encore à la tête de l’Etat.
---L’armée des frontières---
Mais le jeune Boumediène n’avait pas participé, à l’intérieur du pays, à la guerre de libération déclenchée, un certain 1er novembre 1954. Étudiant à Zitouna à Tunis dès 1950, il rejoint ensuite Al-Azhar en Egypte. Il intègre, par la suite, l’armée des frontières, établie en Tunisie, où il a gravi les échelons pour devenir, dès 1959 chef d'état-major général de l’armée de libération nationale.
A l’indépendance, il participe activement à l’intronisation d’Ahmed Ben Bella à la tête du pays, en tant que premier président de l’Algérie indépendante, contre l’avis de nombreux chefs de la révolution et d’une large partie des maquisards. Il devient même son ministre de la Défense. Mais la lune de miel ne durera pas longtemps.
Moins de quatre ans après l’indépendance, le colonel Houari Boumediène renverse le président Ahmed Ben Bella, au nom du « redressement révolutionnaire ». C’était le 19 juin 1965. Ce coup d’Etat, estime l’historien algérien, Rabah Lounici, « a été mal perçu, tant en Algérie qu’à l’international ».
« Il est arrivé au pouvoir suite à un coup d’Etat. Il avait renversé Ahmed Ben Bella qui était, à ses yeux, trop lié à l’Egypte de Djamel Abdennasser. Il considérait aussi anarchique sa politique socialiste. A l’époque, beaucoup pensaient qu’il était antisocialiste et que son acte était contrerévolutionnaire, en faisant le lien avec ce qui s’est passé au Zaïre (actuel RDC) contre Patrice Lumumba et en Indonésie contre Sukarno », précise l’historien dans une déclaration à l'Agence Anadolu.
Mais, ajoute-t-il, Boumediene s’est avéré, avec le temps, « un socialiste convaincu ». « Sur le plan interne, il n'était pas populaire. Il a fallu attendre 1967, et grâce à l’envoi de militaires algériens en Egypte pour combattre, aux côtés des forces arabes contre l’occupant israélien de la Palestine, pour voir le président Boumediene gagner une certaine légitimité populaire », explique-t-il.
---Mouvement des non-alignés---
Selon l’historien, c’est encore dans le cadre du mouvement des non-alignés, dont il fut secrétaire général de 1973 à 1976, que l’homme s’est affirmé comme « un fin stratège et un porteur d’une philosophie ».
«Il a adopté une philosophie très intéressante, qui consiste à donner aux pays du tiers-monde leur autonomie vis-à-vis de l’occident impérialiste qui les voyait comme un simple marché pour ses marchandises. D’ailleurs, Boumediene n’a jamais parlé de la criminalisation du colonialisme français. Pour lui, c’était une évidence. Il s’est intéressé au volet économique. Et il a lancé la révolution industrielle qui a été très mal vue de côté français, notamment à l’époque de Valéry Giscard d'Estaing », détaille notre interlocuteur.
Mais la philosophie Boumédienienne, souligne-t-il, s’est dissipée avec sa mort. « Et cela en raison de sa stratégie politique qui n’avait permis aucune ouverture démocratique. C’était une erreur fatale. Il n’y avait pas d’organisations autonomes et fortes pour défendre son projet après sa disparition», indique-t-il.
Malgré les critiques, rappelle de son côté, Nacer Djabi, spécialiste de la sociologie politique algérienne, Houari Boumediene « reste, dans l’imaginaire collectif des Algériens, le symbole d’une Algérie forte au niveau régional et international ».
« Il est le seul président algérien à bénéficier, 43 ans après sa mort, d’une même aura et d’une même opinion positive », analyse-t-il dans une déclaration à l'Agence Anadolu.
Celui qui a failli être, lui-même, victime d’un coup d’Etat en 1966, enchaîne Nacer Djabi, « a réussi, grâce à sa personnalité et à sa simplicité que l’on connaît aux paysans et habitants des zones rurales en Algérie à gagner l’estime éternel d’une grande partie des Algériens ».
La tension sans précédent entre l’Algérie et le Maroc pourrait dégénérer à la faveur d’un incident mal maîtrisé, alors même qu’aucune des parties ne désire un conflit ouvert.
Une patrouille algérienne photographiée depuis le côté marocain de la frontière à Oujda, le 3 novembre (Fadel Senna, AFP)
Nombre de conflits ont, par le passé, éclaté à la faveur d’incidents de faible envergure, mais en l’absence de mécanisme de dialogue et d’instance de médiation entre deux parties qui pourtant ne souhaitaient, ni l’une ni l’autre, l’ouverture des hostilités. La rupture par l’Algérie des relations diplomatiques avec le Maroc, en août dernier, n’a pas seulement privé les deux Etats d’un canal de communication précieux. Elle a en effet été suivie de l’interdiction de l’espace aérien de l’Algérie aux vols marocains, alors que la frontière entre les deux pays est fermée depuis 1994. Elle a surtout entraîné une escalade des campagnes de dénigrement réciproque, amplifiée par les réseaux sociaux. Dans un climat aussi délétère, un différend localisé risque fort de dégénérer en crise grave, même si ni Alger, ni Rabat ne désirent une confrontation qui serait à bien des égards désastreuse.
L’ENJEU DU SAHARA OCCIDENTAL
La communauté internationale s’est avérée, depuis 1976, incapable de régler la question de l’ancienne colonie espagnole du Sahara occidental, dont Rabat revendique la « marocanité » et contrôle 80% du territoire, face à la guérilla indépendantiste du Polisario, soutenue par l’Algérie. Le poste d’envoyé spécial de l’ONU est même resté vacant sur ce dossier durant deux longues années, marquées, en novembre 2020, par la rupture du cessez-le-feu qui prévalait depuis 1991 entre le Maroc et le Polisario. Rabat avait alors obtenu de l’administration Trump, en décembre 2020, la reconnaissance de la « marocanité » du Sahara, en contrepartie de la normalisation de ses relations avec Israël. Les Emirats arabes unis, qui venaient de signer un traité de paix « chaude » avec Israël, ont encouragé la posture désormais offensive du Maroc. Alors que l’Algérie dispose jusqu’à maintenant du premier budget militaire du continent africain, évalué en 2020 à une dizaine de milliards de dollars, le Maroc pourrait le surpasser dès 2022 avec 12,8 milliards de dollars.
Le déplacement, le mois dernier à Rabat, du ministre israélien de la Défense s’est accompagné de la signature d’un accord sans précédent de coopération militaire. L’Algérie se considère directement visée par un tel rapprochement stratégique, du fait de son soutien aussi bien au Polisario qu’à la cause palestinienne. La récente « visite d’Etat » à Alger du président de l’Autorité palestinienne a été commentée dans cet esprit par la presse locale: « Alger contre-attaque » en « déroulant le tapis rouge à Mahmoud Abbas, tandis qu’Israël parade à Rabat », le Maroc étant accusé d’ « ouvrir une fenêtre à l’entité sioniste, dont l’ambition est de transposer le conflit du Moyen-Orient en Afrique du Nord ». Les dirigeants algériens mettent aussi en cause la complaisance des Etats-Unis et des pays européens envers Rabat. Cela ne peut que les pousser un peu plus dans les bras de la Russie, leur premier, et de très loin, partenaire militaire, alors que Poutine n’avait déjà pas ménagé son soutien aux généraux algériens face à la contestation populaire du Hirak.
DES OPINIONS CHAUFFEES A BLANC
Une telle polarisation géopolitique s’aggrave du fossé qui semble se creuser inexorablement entre les opinions publiques des deux pays. Un jour, des voix s’élèvent au Maroc pour que la représentante de leur pays au concours de Miss Univers se désiste du fait de sa grand-mère algérienne. Un autre, ce sont les footballeurs algériens qui, après leur victoire sur le Maroc en coupe arabe, arborent le drapeau palestinien. Au-delà de ces anecdotes, la revendication de la « marocanité » du Sahara est partagée par l’écrasante majorité des Marocains, même parmi les opposants au Trône, tandis qu’une grande partie des Algériens, y compris au sein de la contestation, s’inquiète sincèrement du rapprochement entre le Maroc et Israël, voire du soutien de Rabat à « l’autodétermination » de la Kabylie. Les procès d’intention que s’échangent ainsi Algériens et Marocains atteignent parfois une grande virulence sur les réseaux sociaux, amplificateurs naturels de tels débordements. Il est à craindre que les deux régimes puissent ainsi compter sur une dynamique d’union nationale en cas de conflit avec leur voisin.
Un incident limité, mais où chaque partie accuserait l’autre d’agression caractérisée, pourrait dégénérer dans un contexte aussi dégradé. Le 1er novembre, la présidence algérienne a déjà accusé « les forces d’occupation marocaines au Sahara occidental » du « lâche assassinat » de trois Algériens dans le « bombardement barbare » de leurs camions assurant la liaison entre la Mauritanie et le sud algérien. Le Maroc avait rétorqué que ces camions avaient été touchés dans une zone de transit militaire du Polisario, tout en précisant « si l’Algérie veut la guerre, le Maroc n’en veut pas ». La retenue avait fini par prévaloir, mais sans qu’émerge à la faveur de cette crise un canal de communication voué à en éviter la répétition. C’est bien cette absence de dialogue entre Alger et Rabat qui est la plus lourde de menaces. A défaut d’échange direct, tout type de médiation serait le bienvenu pour éviter une escalade que personne ne souhaite entre deux pays et deux peuples qui ont tant en commun.
Espérons que 2022 verra se mettre au plus tôt en place une telle initiative.
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