La question de la récupération des fonds et des biens issus de la corruption d’hommes d’affaires, de militaires et des politiciens véreux ainsi que des parties influentes incarcérés pour corruption était une promesse de campagne du président mal élu Abdelmadjid Tebboune.
Aujourd’hui le bonhomme s’en remet à ses bons souvenirs et relance ce va-t-en guerre à la recherche de Dinars perdus dilapidés dans le cadre de la récupération des fonds dissimulés frauduleusement à l’étranger ou même en Algérie à travers des biens éparpillés çà et là. C’est d’ailleurs de l’un de ceux-là d’où est repartie cette affaire. Dimanche dernier, effectivement, le chef d’état lors du Conseil des ministres tenu sous sa présidence, avait sommé ses troupes d’accélérer la remise en production de l’usine des huiles végétales de Jijel, qui appartenait aux frères Kouninef, actuellement en détention pour corruption, lançant ainsi la première étape d’un début du processus de récupération.
C’est que l’histoire va chercher loin elle couterait au bas mot estiment les experts, plus de 7,5 milliards d’euros et 600 milliards de DA, un joli pactole pour des caisses assoiffées. Si pour ce qui est de récupérer l’argent volé et dissimulé à l’étranger, autant en faire son deuil tant les procédures complexes prendraient du temps pour le rapatrier, les démarches à entamer, se déroulant sous la houlette diplomatique. Au Bled c’est un autre son de cloche et cela semble plus envisageable. Mais dans cette histoire du voleur volé, et entre nous, le vrai pactole est en devises fortes et donc entre de bonnes mains chez les autres. Ce qui reste au pays va avec les pertes et profits. Et l’Exécutif algérien en ces temps durs est tout aise de rencontrer le fameux « limaçon » de la fable.
Sauf que là, la problématique de la récupération des biens et fortune des richissimes oligarques et hauts responsables du régime Bouteflika ne pourrait se faire, qu’après que toutes les voies de recours eussent été épuisées. D’ailleurs, seule la cour d’Alger « une voix de son maître sans équivoque », où se déroulent les procès en appel des accusés concernées par la confiscation de biens mal acquis, est apte ou non de confirmer les demandes de la partie civile, qui est le Trésor public en ordonnant donc la confiscation de biens précisément identifiés et localisés. Ce qui toutefois peut prendre parfois plusieurs mois, voire des années mais bien moins que pour l’autre opération de rapatriement.
Ces grands dossiers qui s’élèvent à 7,5 milliards d’euros, ont pour hommes d’affaires des sommités comme, Ali Haddad, Mahieddine Tahkout , Mourad Eulmi, Abdelghani Hamel, les frères Kouninef ainsi que des accusés de parts et d’autres, notamment ceux dont les biens ont fait l’objet d’un ordre de saisie dans l’affaire du montage automobile. La majorité de ces biens à confisquer se trouve dans la capitale Alger et ses environs, il s’agit de terrains, usines, sièges de sociétés ou bureaux… L’opération est, sauf retournement de situation comme c’est souvent le cas en Algérie, certes, des plus plausibles sur le plan juridique car la justice est toute acquise à l’exécutif qui n’est autre que l’uniforme en Algérie, mais elle restera dans le temps complexe à appliquer. Mais qu’on se le dise ! dans l’état actuel des choses ce n’est qu’une passation de mains ou de pouvoir. Les nouveaux « ayant droit » se bousculent déjà aux portillons de la bonne fortune que partage volontiers le parrain. C’est comme ça en Algérie depuis plus de six décennies. Les bonnes habitudes ne se perdent pas.
Le président algérien Abdelmadjid Tebboune, le 2 novembre dernier à Alger. AFP
INFO LE FIGARO - Abdelmadjid Tebboune était attendu en France pour une visite d'Etat au cours de laquelle plusieurs dossier sensibles devaient être abordés avec le président Emmanuel Macron.
Le feuilleton de la visite annoncée du président algérien, Abdelmadjid Tebboune en France connaît un nouveau rebondissement. Selon nos informations, le déplacement symbolique du chef de l'État qui devait avoir lieu les 2 et le 3 mai est finalement repoussé d'un commun accord sans que de nouvelles dates soient fixées. Le report a été confirmé au Figaro par des sources françaises et algériennes qui n'en ont pas précisé les raisons. Un manque de préparation des dossiers est évoqué.
Une étude intitulée « Les jeunes en Algérie » menée par la Fondation Friedrich-Ebert-Stiftung (FES) présente un aperçu de la situation socioéconomique de la jeunesse en Algérie bien peu flatteur. En effet, l’analyse, indique que près de la moitié des jeunes âgés de 16 à 30 ans (hommes et femmes) vivent dans la pauvreté et précarité en Algérie et l’augmentation est exponentielle.
« Les jeunes Algériens font face à de nombreuses vulnérabilités qui amènent des inégalités multidimensionnelles. La première des inégalités est celle de l’insertion sociale par le travail qui apparait comme une priorité politique en termes de mécanismes étatiques déployés, mais leur effectivité reste faible », nous dit l’étude. Et ce, par manque de postes de travail inhérent, à la structure rentière de l’économie algérienne et aux obstacles financiers et administratifs qui empêchent les jeunes en âge de travailler de se positionner en tant qu’acteurs économiques.
En 2021 l’Algérie, possédait un taux de chômage global peu éloquent de 14,54 % pour une durée moyenne de 26 mois avant de pouvoir atteindre un emploi formel. Concernant les jeunes âgés de 15 à 24 ans, le taux de chômage est de 26,9 %, malgré la mise en place de structures d’encadrement (Caisse Nationale de l’Assurance chômage (CNAC), Agence de Développement Social (ADS), Agence nationale de l’emploi (ANEM), etc. visant à combattre l’emploi informel qui fait vivoter nombre d’Algériens.
Les résultats de cette enquête de terrain révèlent que les jeunes Algériens perçoivent en moyenne 11 800 dinars algériens (75 euros) par mois de la part de leur famille, ce qui ne leur permet pas de vivre dignement dans un pays qui subit l’inflation et la cherté de la vie. 13 % épargnent pour les projets migratoires, alors que 43 % pour cas de besoin. Pratiquement la moitié des jeunes questionnés dépensent leur argent en l’habillement (48 %) suivi de la connexion internet avec 32 %.
D’autre part, il est dit que le cadre dans lequel la jeunesse a des possibilités de manœuvrer dans la sphère sociale et politique est « assez restreint, voire restrictif ». Plus de 80 % de ces jeunes vivent encore avec leurs parents dans le domicile familial parce qu’ils n’ont pas les opportunités de s’assumer. D’après l’enquête, les dépenses des jeunes vont en premier lieu vers l’habillement (48 pour cent), la connexion internet (32 pour cent), puis l’alimentation qui reste toutefois le poste de dépense budgétaire le plus important dans les trois premiers quintiles de richesse (ONS 2011).
A cela, il faut également relever les inégalités territorialesen Algérie créatrices d’inégalités intragénérationnelles. Ainsi, les jeunes des zones urbaines accèdent plus aux ressources que ceux dans le rural, des hauts plateaux ou du sud du pays où la pauvreté multidimensionnelle varie considérablement selon les régions. Celles du Nord-Centre et du Nord-Est sont confrontées à des niveaux de privation inférieurs à ceux du reste du pays, tandis que la région des Hauts Plateaux Centre est confrontée à un niveau de privation plus élevé (banque mondiale 2021).
Par ailleurs, malgré leurs divers potentiels, les jeunes Algériens sont « évincés de la sphère économique de par une faible intégration sur le marché du travail dans des conditions décentes » dit encore l’étude qui se base sur une analyse de données d’une enquête menée auprès de 1046 jeunes en 2021,
Un constat à cet égard, de la sociologue auteure de cette étude l’Algérienne Khadija Boussaïd (mars 2023), explique cela par, « la limitation de leurs libertés individuelles qui entame l’expression pure de leur identité, et, de ce fait, l’accroissement de leur vulnérabilité relationnelle ». Ils sont marginalisés matériellement par la non-accessibilité aux ressources qui leur permettraient de s’autonomiser en tant qu’adultes.
Au niveau politique, la crise de confiance creuse le fossé entre les jeunes et les autres générations. La jeunesse reste une catégorie vulnérabilisée qui cherche des espaces d’expression au-delà des difficultés qu’elle rencontre dans sa quotidienneté. Ces espaces peuvent être de l’ordre de l’informel, de la migration ou du repli communautaire, peut-on lire dans le rapport de Khadija Boussaid qui s’est avéré avoir fait, en une vingtaine de pages, tout le tour de la question.
Même le côté spirituel a été traité « plus de 60 % des jeunes déclarent vivre en suivant les principes de la religion et 41 % d’autres estiment que la religion a un rôle à jouer dans la vie publique ». Le désir de migration n’a pas été en reste. La moitié des jeunes enquêtés (51 %) désirent immigrer et en termes de destination, l’Europe reste un espace central du projet migratoire, suivie par le Canada et les USA, puis par les pays du Golfe. La volonté d’émigrer est aussi liée à la non-valorisation des potentiels créatifs et inventifs des jeunes, et ce, dans divers domaines, dit encore l’étude.
Mohamed Jaouad EL KANABImardi 18 avril 2023 - 10:45
Durant la colonisation française, au cœur de La Casbah, noyau historique de la capitale, je garde le souvenir, enfant, d’une ambiance festive durant le mois sacré du ramadan.
Cette période est traditionnellement symbole de partage, de rassemblement et de communauté et de réunion familiale. Le ramadan, durant la colonisation française, pour les Algériens musulmans, c’est la fierté d’appartenir à une communauté, la oumma et le sentiment d’avoir une identité réelle intimement liée à la religion musulmane. Avec le ramadan, le Mawlid Ennabaoui (ou le Mouloud, la naissance du Prophète) et le sacrifice du mouton, nous étions bien différents des Européens d’Algérie.
La Casbah, mon berceau El Mahroussa (la bien gardée), inscrite au titre du patrimoine mondial de l’Unesco, a vécu les tragédies de la guerre de Libération nationale et les joies de l’indépendance. Ce passé est cimenté dans ma mémoire, foisonnant de croyances et de traditions d’antan.
Ce mois sacré, si attendu, est accueilli dans un environnement de propreté et renouvellement de la vaisselle. Les femmes avaient un rôle primordial dans la transmission des traditions.
La propreté du domicile, les ustensiles de cuisine en terre cuite, les préparations culinaires traditionnelles, les jeux de la boqala, les habits traditionnels, le hammam, les visites au cimetière d’El Kettar et au mausolée de Sidi Abderrahmane sont un symbole de la culture algéroise.
Quelques jours avant ce mois sacré, c’était le grand ménage à la maison ; nous habitions à la rue Randon, à La Casbah d’Alger. Ma mère, mes sœurs et nos voisines procédaient à des nettoyages et lavages à grande eau et badigeonnaient à la chaux blanche les murs de l’intérieur des appartements et de notre immeuble.
Le Ramadhan c’est aussi la préparation des ingrédients (des réserves de tout un mois) composant les menus spécifiques de ce mois sacré, dont le séchage de la tomate, l’épluchage de l’ail, pilonner les épices avec el mehrez (mortier en cuivre ou en bois), rouler le couscous et toutes les pâtes traditionnelles à sécher, dont les feuilles de «dyoul» pour le bourek.
La terrasse est le lieu indispensable, même essentiel pour l’accomplissement de ces tâches. Une grande complicité entre voisins se partageant tout et s’échangeant souvent les plats était palpable.
Je me souviens aussi d’un religieux qui venait dans notre immeuble pour initier les enfants à la pratique du jeûne. Sa technique ? C’est de jeûner durant une demi-journée un jour sur deux, soit la matinée jusqu’à la prière de d’hor ou à partir de ce moment-là jusqu’à el maghreb pour rompre le jeûne. J’avais droit aussi au moment du f’tour à une pièce, une citronnade et un gâteau au miel.
A cette époque, c’est le berrah (le crieur public) qui se chargeait d’informer les habitants que l’heure du s’hour approchait. Ce «crieur de rue» parcourait les ruelles de La Casbah, vêtu d’un costume traditionnel et d´une chéchia Stamboul. Je ne sais par quelle magie il recevait ces informations du calendrier lunaire à propos des horaires du mois de ramadan !
Le ramadan à Alger était aussi rythmé par les fameux deux coups de canon, tirés à partir de Fort l’empereur qui annonçaient la rupture du jeûne (l’iftar) et par l’imam de Djamaâ El Kebir (La Grande Mosquée).
Si je fais le jeûne depuis mon plus jeune âge, c’est aussi une façon de ne pas oublier mes parents, de penser à eux dès el Iftar et de me remémorer ces veillées inoubliables avec ces bons plats et sucreries. Ces repas n’étaient pas gargantuesques, au contraire si on mangeait, par exemple, des boureks, c’était, peut-être, une fois par semaine et encore. Pour tous ces achats, il fallait économiser toute l’année, pour vivre ce mois sacré, et serrer la ceinture !
Le Ramadhan, c’était une ambiance impossible à oublier. Les odeurs émanant de la cuisine, les couleurs, les étals de la rue Randon proposant des bricks purée, viande hachée et œufs, le khfafdji tunisien (marchands de beignets), l’attente de la rupture du jeûne, l’appel du muezzin à la prière par l’imam sont des moments incrustés dans ma mémoire.
Les senteurs des épices exposées proposées à la vente à travers les rues de Porte Neuve, persil, coriandre, menthe fraîche et des tables ornées de jasmins proposant des qalb el louz, zlabia de Boufarik, beignets… Enfant, j’aimais les odeurs de viandes grillées, des pastèques sur les étals, les cris des hommes dehors assis, regards perdus qui passent le temps.
Un fait marquant ce mois sacré, chaque famille aisée réservait une «meida» à l’entrée de l’habitation pour les personnes de passage, les étrangers loin de leurs familles et les besogneux. Ce mois rime avec solidarité, convivialité et aide aux nécessiteux. Ce n’est que durant les nuits ramadanesques que les Algérois veillent tard, en se permettant des moments de farniente et de distraction.
Mon père, ayant dégusté ses dattes et bu son verre de lait caillé, sortait tous les soirs pour aller à la Grande mosquée puis au cercle du Progrès, rejoindre ses amis et Ben Badis dont il était le trésorier.
Des milliers de croyants se dirigeaient vers les mosquées pour accomplir la prière des Tarawih. Puis après la fin de cette prière, ce sont les veillées prolongées dans les cafés où se disputaient des parties de dominos autour d’un thé à la menthe ou d’un café arrosé de «ma zhar» (fleur d’oranger) avec des confiseries dont khobz el bey, zlabia, makrout, qalb elouz, pour les uns.
Et pour les autres, les mélomanes de la musique chaâbie se réunissaient au célèbre Qahwate (café) Malakoff situé entre la rue du Vieux Palais et la rue de Bab El Oued pour écouter les grands chanteurs chaâbis de l’époque, comme le Cardinal Hadj M’hamed El Anka, Hadj M’rizek... On dit que même Camille Saint-Saëns (mort à Alger en 1921) venait s’inspirer de la musique algéroise. D’ailleurs, la nouba Zidane a été une source d’inspiration pour son Opéra d’Alger.
Il y a une tradition qui existe encore de nos jours : le mois de ramadan est celui aussi des circoncisions, principalement le 27e jour. Je me rappelle ce jour de 1957, j’étais âgé de 7 ans, ma mère m’a fait porter une belle tenue traditionnelle ; la circoncision s’est faite à notre domicile, le matin, par un coiffeur célèbre sur la place d’Alger.
Pour me faire oublier la douleur, on m’a donné des friandises et des sous. Plus tard, quand j’étais un peu plus âgé, pour la fête de l’Aïd, avec tout l’argent que je gagnais en vendant des cigarettes, ma mère m’achetait des vêtements à la dlala (marché aux puces), je l’accompagnais avec joie pour choisir mes habits.
Et nous en profitions pour aller rendre visite (quand c’était possible) à mes deux frères Mohamed et Lâadi à la prison Barberousse (Serkadji), arrêtés pour leurs activités au service de la lutte pour l’indépendance de l’Algérie. Car il faut dire aussi que ce mois de Ramadhan était une période d’attentats et de rébellion dans les zones urbaines et les maquis.
Pour moi mon enfance a été géniale, je jouais au foot dans les rues, à cache-cache, je vendais des cigarettes, faisais l’école buissonnière et j’aidais ma famille, tant bien que mal, à se nourrir. Ni résilience, ni syndrome psycho-pathologique, des termes chers à Boris Cyrulnik. Ma liberté, je ne l’ai pas choisie, elle m’a été imposée par la réalité d’une tragédie qui s’appelle la guerre.
Ce mois de Ramadhan, souvent attendu avec impatience, revêt pour moi une toute autre signification culturelle qui ne s’explique pas. La guerre est un malheur pour un enfant né dans la misère. A ma naissance, mon milieu affectif, ma niche sensorielle, mon environnement sensoriel, ma sécurité mentale et ma résilience neuronale, c’était grâce à ma maman, analphabète, et ma Casbah mon berceau.
Aujourd’hui, ces traditions n’existent presque plus. Ni la guerre ni la France coloniale ne réussissaient à troubler ces moments inoubliables des soirées ramadanesques et des journées de jeûne. Tout était amour, entraide, solidarité, piété, rassemblement des familles et voisins. Un charme perdu à tout jamais.
Le verdict de la 6e chambre pénale près la cour d’Alger est tombé, ce dimanche 16 avril 2023, dans le procès en appel de l’affaire Sonatrach qui s’est tenu la semaine passée, au niveau du pôle pénale, économique et financier du tribunal de Sidi M’hamed d’Alger.
L’ancien ministre des travaux publics, Amar Ghoul, a vu sa peine réduite de dix ans à cinq ans de prison ferme. Amar Ghoul a en outre bénéficié de la levée du gel de sa pension de retraite et du séquestre de sa maison familiale, située à Draria. Le veinard.
Les accusés sont poursuivis pour dilapidation de deniers publics, détournement de fonds et conclusion de marchés publics en violation de la réglementation en vigueur… rien que ça.
Au total, ce sont 37 personnes qui ont jugées dans cette affaire dont l’ancien PDG de Sonatrach, Abdelhamid Zerguine et l’ex-vice-président du groupe, chargé des activités amont, Boumediene Belkacem qui ont été condamnés, chacun à 2 ans de prison avec sursis.
La cour a maintenu les peines prononcées en première instance à l’endroit des anciens PDG de Sonatrach, Abdelmoumen Ould Kaddour et Mohamed Meziane Meziane condamnés, respectivement, à 10 et 5 ans de prison ferme.
L’ancien ministre de l’Energie, Noureddine Bouterfa (jugé en tant qu’ancien PDG de Sonelgaz) est condamné à cinq ans de prison ferme. Toujours en fuite à l’étranger, Chakib Khelil a vu sa peine de 20 ans de prison ferme maintenue.
La Cour a acquitté toutes les sociétés étrangères (SNC Lavalin, Petrovic, Saipem et GGC) mises en cause dans le dossier. Une bien belle aubaine pour ces majors qui vont pouvoir continuer à faire des affaires tranquillement en Algérie.
L’ancien ministre des Transports, Amar Ghoul, a été placé sous mandat de dépôt, jeudi 18 juillet 2019, en pleine dissidence populaire, après sa comparution devant le conseiller enquêteur près la Cour suprême à Alger, dans le cadre des enquêtes liées à des affaires de corruption. Quant à Ould Kaddour, il a été extradé le 4 août 2021 par Dubaï.
En plein ramadan, la fiction « Le Jeu de Dames » est devenue un phénomène de société, non sans s’attirer son lot de critiques, elles-mêmes sources d’audience.
Qui dit ramadan dit jeûne, dattes et séries télévisées. Rendez-vous aussi incontournables que les films de Noël au pays de l’oncle Sam, les productions télévisuelles du « pays de l’oncle Salam » sont pourtant moins sirupeuses. Cette année, en Algérie, la série « El Dama » – »Le Jeu de Dames »– explose les compteurs d’audience. Diffusée par la télévision publique ENTV, la fiction dépeint avec un réalisme original la vie quotidienne dans le quartier algérois de Bab El Oued, loin de l’ambiance « telenovela » des programmes habituels du mois saint.
Langage cru et « valeurs nationales »
Des voix conservatrices ne pouvaient manquer d’exprimer leur embarras face au spectacle haletant de conflits de gangs, entre courses-poursuites effrénées, circulation de stupéfiants en établissements scolaires et règlements de comptes nocturnes, sur fond de trafic de drogue ou de contrebande d’or. Autant d’éléments dramaturgiques teintés de violence et de langage cru qui cadrent peu avec les stéréotypes habituellement recommandés pour la préservation des « valeurs et constantes nationales » qui encadrent la bonne morale algérienne.
Dans cette fresque d’ambiances viriles, le genre de la scénariste finit de satisfaire les aficionados d’ »El Dama ». Et le réalisateur Yahia Mouzahem d’enfoncer le clou de l’indépendance de ton, en précisant qu’une « série n’est pas une leçon de morale », mais plutôt une saine occasion « de discuter » sur des sujets sociaux.
L’Autorité de régulation de l’audiovisuel, elle, traque les détails. Le 30 mars dernier, l’ARAV s’émouvait du visionnage, dans la série, d’une « scène montrant un mur (…) sur lequel est écrit le nom d’un mouvement séparatiste classé comme terroriste ». Suivra une exégèse de la scène incriminée par la télévision publique et le réalisateur. Le feuilleton ne sera pas censuré, mais le ministre de la Communication annoncera la création d’une « cellule » au sein de son département, cellule dédiée au « suivi de la qualité des programmes du ramadan »…
Ramadan et controverse
Comme de bien entendu, les polémiques qui ne compromettent pas la diffusion d’un programme lui servent de promotion, notamment dans les diasporas qui guettent toute occasion de suivre « El Dama » en streaming, par exemple sur YouTube.
D’année en année, certaines séries du ramadan sont de plus en plus controversées. Au précédent jeûne, des Égyptiens découvraient avec étonnement la nouvelle saison de la série « Al-Ikhtiyar » à la gloire du président égyptien Abdel Fattah al-Sissi. En mars dernier, c’est le programme tunisien « Falloujah » qui faisait polémique. Comme dans « El Dama », des séquences représentaient des lycéens rebelles en proie au trafic de drogue…
La famille est le plus souvent présentée comme la cellule de base de la société algérienne, celle qui assure sa pérennité et son dynamisme. Beaucoup la voient immuable, à l’abri du temps et des changements. Le conservatisme social, la répression policière, l’autoritarisme politique, l’atonie économique cimenteraient le statu quo et interdiraient toute évolution en profondeur de l’institution familiale. Fatma Oussedik, professeure d’université, sociologue de profession et analyste confirmée, s’inscrit en faux contre cette vision fixiste et décrit avec finesse les ajustements qui s’opèrent en silence dans les familles algériennes après une enquête minutieuse sur le terrain auprès de familles urbaines d’Alger, d’Oran et d’Annaba.
LE PÈRE DÉPOUILLÉ DE SON AUTORITÉ TRADITIONNELLE
L’urbanisation a été spectaculaire, avant comme après l’indépendance en 1962. Quatre ans plus tard, 3,7 millions d’Algériens résidaient en ville. Ils seront près de 17 millions à la génération suivante en 1998 et plus de 30 millions aujourd’hui. L’explosion urbaine a tout changé. La « grande maison » de jadis censée accueillir les parents, les familles de fils mariés et les filles célibataires a été remplacée par le logement, un modèle emprunté à la France d’après-guerre, voire à la Suède, construit sur place par Bouygues, puis par des entreprises chinoises ou turques.
En quelques décennies, le logement « vertical » a disparu au profit du logement « horizontal » qui abrite les deux parents et leurs enfants. Le décor a changé et le mariage arrangé entre les parents des promis a été subtilement corrigé : ils ont toujours en apparence le pouvoir de décision, mais en réalité ils ne font que ratifier le choix des mères. Elles-mêmes négocient avec leurs enfants qui sont à l’origine de leur rencontre et souhaitent en commun s’unir. Le marché du mariage s’est libéré, le marché traditionnel a vécu au moins dans les mégavilles que compte l’Algérie. Au passage, cette révolution matrimoniale a fait une victime : le père de famille, dépouillé de sa traditionnelle autorité de pater familias,, omniprésent et omnipotent. Sa femme est discrètement devenue l’actrice principale, aidée en cela par le recul de l’âge du mariage des filles à la suite des progrès de leur scolarisation. « La fille avait pour seul destin de quitter la cellule familiale […]. Aujourd’hui la probabilité de contracter un mariage à un âge précoce s’est réduite […]. », écrit l’autrice. C’est « la remise en question du rôle, quasi exclusif, de "génitrice" que leur avait assigné la société ».
Comment se vit, notamment dans les milieux universitaires — il y a plus de deux millions d’étudiants et d’étudiantes en Algérie —, l’allongement du délai entre l’âge de la puberté et celui du mariage ? Certes, le mariage reste une aspiration universelle dans un pays où la population est toujours fortement attachée à la virginité des femmes, mais à 30-34 ans 18 à 20 % des femmes sont célibataires et les mères célibataires, un phénomène exceptionnel en 1988, se comptent désormais par milliers. Les filles sortent en masse du cocon familial qui n’est plus un horizon indépassable, épousent des garçons qui viennent d’autres régions d’Algérie et ont un taux de fécondité proche des standards européens, autant de ruptures avec un passé récent.
L’étranger n’est plus un rêve interdit, et un Algérien sur deux qui émigre est une femme. En 2018, une enquête auprès des écoles de formation d’ingénieurs révèle que sur 94 filles, 83 sont déterminées à partir, un taux comparable à celui des garçons (103 partants sur un effectif de 116) quitte à se débrouiller : candidates à l’émigration clandestine, la harga, mariages blancs, regroupement familial, visas touristiques ou d’études et autres, et à affirmer au passage un accès douloureux à l’individualisation, quitte à s’opposer à leurs proches.
DE L’AVANTAGE D’AVOIR « UN AMI PUISSANT »
Les familles déracinées par l’exode rural n’oublient pas d’où elles viennent. La généalogie fait recette dans un pays accablé d’histoire. Les Turcs, les Français, les Espagnols, les voisins de la rive européenne de la Méditerranée constituent autant de buttes-témoins qui permettent aux déracinés d’aujourd’hui de se repérer dans la continuité des temps. Si la mémoire n’est pas l’histoire, elle y aide fortement, mais toutes les familles ne réussissent pas également, victimes d’une économie dévitalisée faute d’accumulation sur place du capital depuis au moins un siècle. Celles qui y parviennent ont un avantage décisif, « un ami puissant » — titre du livre — qui leur assure un patronage indispensable dans une société dominée par un clientélisme sans limites. Il porte le plus souvent un képi.
L’embourgeoisement des élites islamistes en est un bon exemple. En une génération, leurs disciples ont troqué la mitraillette pour le tiroir-caisse. L’autrice note, non sans humour :
[…] Une petite bourgeoisie qui a voyagé, qui n’a plus l’Arabie saoudite comme horizon. Ils ont développé de grands centres commerciaux informels dans les grandes villes, ils ont des intérêts matériels sur les marchés informels d’El Eulma, de Jolie Vue à Alger. Ils ont créé des partis politiques devenant députés ou sénateurs à l’occasion d’élections négociées avec le pouvoir en place […] Leurs épouses conduisent, elles ont souvent fréquenté l’université. Ils craignent à présent des ruptures trop brutales […].
Ses thèses ne font certainement pas l’unanimité dans son pays, car une grande partie des Algériens défend une vision plus traditionnelle de leur société, au moins en public. Mais ce livre souligne sa distance avec le livre classique de Germaine Tillon Le harem et les cousins publié en 1966, qui décrivait des sociétés méditerranéennes figées où les filles, enfermées, étaient promises à leur cousin germain.
L’ouvrage, touffu et quelquefois confus, renferme une multitude d’observations, de réflexions et d’expériences sur un sujet qui n’attire pas la foule des écrivains. Édité par une jeune et courageuse maison d’édition algérienne, il exprime avec une grande liberté une vision originale de l’Algérie qui fait oublier ses prudences sur des sujets brûlants comme les pratiques religieuses ou la persistance de l’endogamie.
JEAN-PIERRE SERENI
Journaliste, ancien directeur du Nouvel Économiste et ex-rédacteur en chef de l’Express.
Dans le recueil de ses Mémoires qui vient de paraître, l’ex-homme fort de l’armée algérienne, Khaled Nezzar, apporte un nouvel éclairage sur quelques épisodes marquants de l’histoire nationale et régionale algérienne.
Sa réputation de général le plus bavard de la Grande Muette ne se dément pas avec le temps. Grande gueule devant l’Éternel, admiré par certains, honni par d’autres, le général-major Khaled Nezzar, 79 ans, n’a pas son pareil dans l’armée algérienne. Ancien ministre de la Défense avant de prendre sa retraite, acteur de premier plan au sein d’un système où la frontière entre le politique et le militaire n’est jamais étanche, Nezzar a longtemps compté parmi les décideurs les plus influents du pays.
Auteur de plusieurs ouvrages dans lesquels il revient sur sa longue carrière militaire, Nezzar cultive néanmoins encore le goût du secret, comme au temps de la révolution ou du parti unique. Dans le premier tome du Recueil des Mémoires du général Khaled Nezzar, sorti récemment à Alger, il raconte petits et grands épisodes qui ont marqué l’histoire de l’Algérie, notamment entre l’indépendance, en 1962, et le début de la guerre civile, en 1991.
De Ben Bella à Chadli, en passant par Boumédiène, Hassan II ou encore Kadhafi, cet ouvrage retrace une époque dont les grands protagonistes ne sont plus de ce monde, mais qui auront marqué, chacun à leur façon, le cours de l’histoire de leurs pays respectifs.
Stationné avec son bataillon de soldats à Bou-Saâda, à 240 km au sud-est d’Alger, Khaled Nezzar reçoit de Boumédiène l’ordre de marcher sur Alger aux côtés de l’armée des frontières. Objectif : porter Ahmed Ben Bella à la tête du jeune État algérien. « Tournez les canons vers le bas, lui dit Boumédiène, je ne veux pas de sang, mais il faut arriver à Alger. »
Et Nezzar de brosser un portrait saisissant de ce colonel aussi ambitieux que taciturne. Un visage « osseux et anguleux avec des pommettes saillantes, un front immense, des yeux petits et presque sans cils, une lippe charnue, immobile, pour cacher une dentition ravagée par le mauvais tabac ». Bien sûr, l’âge, l’exercice du pouvoir, une meilleure hygiène de vie et une heureuse vie de couple après des années de célibat avaient changé Boumédiène. Mais cet homme aux multiples facettes gardera toujours ce regard si particulier.
« IL N’Y A AUCUNE HUMANITÉ DANS LE REGARD DE HOUARI BOUMÉDIÈNE QUAND IL SE POSE SUR CELUI QUI A FAIT NAÎTRE SA VINDICTE »
« Un regard fixe, écrit Nezzar, vibrant d’un flux intensément expressif, venant de ces profondeurs de l’être où naissent des instincts primitifs de certains animaux qui savent que, pour survivre, ils doivent mordre et terrasser. Il n’y a aucune humanité dans le regard de Houari Boumédiène quand il se pose sur celui qui a fait naître sa vindicte. » Ses nombreux opposants morts, exilés, excommuniés ou assassinés en savent quelque chose, à commencer par Ahmed Ben Bella, que Boumédiène a porté au pouvoir avant de l’en déloger.
Ben Bella et les sous-marins égyptiens
Les historiens avancent plusieurs raisons pour expliquer la rupture entre Boumédiène et Ben Bella qui débouchera sur le coup d’État du 19 juin 1965. Khaled Nezzar rapporte un épisode qui marque, selon lui, le divorce officiel entre les deux anciens partenaires. Mai 1965. Ministre de la Défense et vice-président, Boumédiène se rend à Moscou à la tête d’une importante délégation militaire.
Irrité par ce déplacement, Ben Bella ordonne le rapatriement de l’avion qui avait conduit les Algériens en URSS. Sans en avertir Boumédiène. À Moscou, les Soviétiques insistent pour que celui-ci prolonge son séjour afin d’assister à la fête nationale du 9-Mai. Les égards avec lesquels est traité son ministre de la Défense agacent Ben Bella, qui dépêche une autre délégation pour prendre part aux cérémonies commémoratives. La crise qui couvait entre les deux hommes sort du cadre algéro-algérien pour prendre une dimension internationale.
QUE FAISAIT L’OFFICIER ÉGYPTIEN DANS UN HÔTEL DE LA CAPITALE ET POURQUOI DES SOUS-MARINS SE TROUVAIENT-ILS NON LOIN DU PORT D’ALGER ?
Embarrassés par les rivalités qui minent les deux délégations présentes sur leur sol, les Russes multiplient les acrobaties pour faire en sorte que les frères algériens ne se croisent pas. Bien que stoïque et flegmatique, Boumédiène vit l’initiative de Ben Bella comme un affront personnel. C’est un casus belli. « C’est ce jour, peut-être, que Ben Bella a scellé son sort », pense Khaled Nezzar.
Que faisait l’officier égyptien dans un hôtel de la capitale et pourquoi des sous-marins se trouvaient-ils non loin du port d’Alger ? Peut-être que le président égyptien Gamal Abdel Nasser, qui avait pris sous son aile Ahmed Ben Bella, comptait intervenir en Algérie pour sauver la tête de son ami. Ulcérés par le coup d’État qui a renversé leur allié, les Égyptiens réclament à Boumédiène la restitution des cinq avions de chasse MIG-15 qu’ils avaient offerts à l’Algérie en guise de cadeau d’indépendance.
Les regrets du patron de la SM
Alger, décembre 1978. Après une agonie d’un mois et demi, Houari Boumédiène s’éteint à l’âge de 46 ans. Discrète pendant que le défunt se mourait dans une chambre stérile de l’hôpital Mustapha d’Alger, la bataille pour sa succession oppose Abdelaziz Bouteflika, ministre des Affaires étrangères et dauphin autoproclamé, à Mohamed Salah Yahiaoui, patron du FLN. Mais, contre tous les pronostics, un troisième homme apparaît sur les écrans radars.
Il s’agit du colonel Chadli Bendjedid, chef de la 2e région militaire. Sauf que sa candidature n’agrée pas tous ses collègues de l’armée, notamment Khaled Nezzar et Selim Saadi, chef de la 3e région militaire. Nezzar écrit : « Selim et moi étions convaincus que Chadli était le moins qualifié pour exercer la magistrature suprême. Il a des connaissances politiques limitées et un caractère émotif et influençable. »
MOINS MALLÉABLE ET INFLUENÇABLE QU’IL N’Y PARAÎT, REDOUTABLE TACTICIEN ET FIN STRATÈGE, CHADLI S’EMPLOIERA À « DÉBOUMÉDIÉNISER » LE POUVOIR
Les réserves des deux hommes n’auront pas d’influence sur la suite des événements. Chadli sera désigné comme successeur officiel de Houari Boumédiène grâce au travail en coulisses de Kasdi Merbah, le directeur de la redoutable sécurité militaire (SM), qui détient des dossiers sensibles sur tous les dirigeants algériens.
Pourquoi Merbah a-t-il écarté Bouteflika et Yahiaoui ? Son principal souci, expliquera-t-il plus tard, était de désigner un officier afin de préserver l’unité et la cohésion de l’armée, véritable détentrice du pouvoir et garante de la stabilité du pays. « En réalité, juge Nezzar, le chef des services, dans la perspective de conserver la réalité du pouvoir, avait choisi l’homme dont le profil psychologique lui convenait. » En clair, Chadli serait une marionnette entre les mains de Merbah. Mais ce dernier s’est lourdement trompé.
Moins malléable et influençable qu’il n’y paraît, redoutable tacticien et fin stratège, Chadli s’emploiera à « déboumédiéniser » le pouvoir en écartant progressivement la vieille garde, à commencer par Kasdi Merbah, qui sera assassiné par un groupe terroriste en 1993. Quelques années plus tard, son épouse rencontre Khaled Nezzar au cours d’un voyage. Dans l’avion, elle lui fait cette confidence : « Mon mari répétait souvent, avec un soupir, “j’aurais dû écouter Khaled Nezzar”. »
Chadli et le mur marocain
Peu après l’arrivée au pouvoir de Chadli, en février 1979, Hassan II entame la construction du fameux « mur de défense », de 2 720 km, une ligne de fortification pour se protéger des attaques du Front Polisario. Et tente, parallèlement, de se rapprocher de l’Algérie, avec laquelle les relations diplomatiques sont rompues depuis mars 1976.
Grâce aux bons offices des Saoudiens, Hassan II et Chadli Bendjedid se rencontrent une première fois en février 1983, à la frontière algéro-marocaine. Pour Khaled Nezzar – alors chef de la 2e région militaire, qui longe la frontière entre les deux voisins –, ce rapprochement est une ruse de la part du roi du Maroc, qui fait miroiter une solution politique à la crise entre Alger et Rabat.
« Hassan II a des arrière-pensées, écrit Nezzar. Le roi a tout ce qui manque à Chadli : la connaissance parfaite du dossier, la psychologie des hommes, la capacité à feindre et le manque de scrupules qui facilite les volte-face. Chadli n’a pas mesuré au juste prix ce que coûterait à Hassan II, sur le plan intérieur, un abandon de sa politique agressive au Sahara. »
Avec Mohamed Touati, chef d’état-major de la 3e région militaire, Nezzar adresse un mémo à Chadli « pour attirer son attention sur les raisons de ce brusque accès d’amitié envers l’Algérie » de la part du monarque marocain. Les deux hommes proposent des mesures pour empêcher la construction du mur : ouvrir aux combattants du Polisario un champ d’action pour pénétrer dans le territoire marocain, consolider les forces motorisées de l’armée algérienne et, enfin, déployer les hélicoptères de combat et les MIG pour protéger l’espace aérien de l’Algérie.
Un soldat marocain surveillant le « mur de défen
Lors d’un conclave à Béchar avec le commandement militaire, Chadli approuve le plan, mais refuse de le faire appliquer. Pourquoi ? Explication de Nezzar : « Il se trouve auprès du président des avis opposés, au motif que ce plan pourrait conduire à une guerre généralisée et que le contexte international n’est pas favorable. »
Quand Nezzar plante le roi
Mai 1991. Hassan II est à Oran à l’invitation du président algérien. Au cours du dîner offert en son honneur, le roi échange avec Khaled Nezzar, alors ministre de la Défense. Ce dernier lui fait part de la vision des généraux algériens des relations entre les deux voisins. « Nous militaires, lui confie-t-il, ne souhaitons qu’une chose : que les problèmes qui existent soient résolus – et résolus d’une façon pacifique. Ensuite nous aimerions nous engager avec l’armée marocaine dans une coopération pour créer les conditions d’une défense commune. L’union du Maghreb sera acquise dès lors que les économies et les forces armées des deux pays en seront les piliers et le moteur. »
Réplique du souverain marocain : « Si c’est comme ça que vous voyez le Maghreb, envoyez, dès demain, une brigade s’installer à Rabat. » Le ministre algérien de la Défense sait que le souverain marocain a une trop grande connaissance de la politique algérienne pour être honnête. « La façon dont est articulée l’Assemblée populaire nationale [APN] n’a pas de secrets pour lui », admet-il.
Le dîner terminé, Chadli demande à Nezzar de faire visiter à son hôte la base navale de Mers el-Kébir, ainsi que ses installations. Pour Nezzar, cette demande est plus qu’embarrassante. Comment le patron de l’armée pourrait-il jouer les guides avec Hassan II alors que les chars algériens sont sur le pied de guerre et que les unités sont sous pression ? Comment dévoiler aux officiers marocains les détails de la principale base navale du pays ? Le risque de démobilisation des troupes de Nezzar n’est pas exclu.
Que faire ? Avaler la couleuvre ou désobéir à l’initiative présidentielle, qu’il juge incongrue ? Khaled Nezzar décide de planter tout le monde et reprend l’avion pour Alger. Le lendemain, le secrétaire général du ministère marocain de la Défense, le commandant de la gendarmerie royale et le directeur des services de sécurité lui rendent visite dans son bureau pour lui transmettre une invitation royale à se rendre à Rabat. Nezzar ne donnera pas suite.
Rabat accepte de livrer le chef du GIA
Si Khaled Nezzar n’est pas allé à Rabat pour honorer cette invitation de Hassan II, il s’y rendra pour une occasion très particulière au printemps 1993. L’Algérie est alors plongée dans une effroyable guerre civile depuis déjà une année quand Abdelhak Layada, fondateur et chef du Groupe islamique armé (GIA), se rend discrètement au Maroc sous une fausse identité pour s’y cacher et tenter de se procurer des armes. Les services de renseignements algériens le localisent dans un hôtel de Oujda, près de la frontière algérienne.
Comment faire pour mettre la main sur Layada ? Organiser une opération à l’intérieur du territoire marocain, au risque de provoquer une crise diplomatique entre les deux capitales, ou informer les Marocains de sa présence sur le sol ? Khaled Nezzar décide d’appeler Driss Basri, ministre de l’Intérieur, pour évoquer la situation sécuritaire sans mentionner le cas d’Abdelhak Layada.
Le général Smaïn Lamari, numéro deux du DRS algérien (les services secrets, dissous en 2016), se rend alors au Maroc pour informer les Marocains de la présence du chef du GIA à Oujda et réclamer sa livraison. Les Marocains n’accèdent pas tout de suite à cette demande. Hassan II souhaite d’abord s’entretenir à Rabat avec Khaled Nezzar. Dans une villa royale, la rencontre entre les deux hommes dure deux heures. Alors qu’ils évoquent les modalités de la remise à l’Algérie du chef terroriste, le souverain marocain se tourne vers son hôte en s’exclamant : « Vous vous rendez compte, nous avons récupéré des stocks d’armes ! »
HASSAN II VA SE SERVIR DE CET ATTENTAT COMME D’UNE MACHINE INFERNALE CONTRE L’ALGÉRIE
Khaled Nezzar est convaincu que les services marocains ont menti à leur roi. Pour lui, l’emplacement des stocks d’armes a été révélé aux Marocains par Smaïn Lamari lors de son séjour au Maroc. Comment ? Ayant infiltré un réseau de soutien au GIA, les services algériens avaient noté les numéros de ces armes pour faciliter leur traçabilité. Le 29 septembre, Abdelhak Layada est officiellement extradé vers l’Algérie, où il sera jugé et condamné à mort. Gracié, il vit aujourd’hui libre, dans une banlieue d’Alger.
Son passage au Maroc provoquera un dommage collatéral, qui pèse encore sur les relations entre les deux capitales. Selon Nezzar, c’est l’une des armes automatiques de ces stocks qui a été utilisée dans l’attentat qui secouera, en août 1994, un hôtel à Marrakech. « La preuve que cet attentat a été monté par les services marocains, écrit Nezzar. Hassan II va se servir de cet attentat comme d’une machine infernale contre l’Algérie. » L’attaque aura comme conséquence la fermeture, jusqu’aujourd’hui, des frontières entre les deux pays.
Kadhafi implore l’aide algérienne
Mars 1987. Les troupes tchadiennes, appuyées par l’aviation française, prennent d’assaut la base libyenne de Ouadi Eddoum, dans la bande d’Aouzou, annexée par le colonel Kadhafi. Craignant que les Tchadiens ne remontent vers le nord pour s’emparer de territoires libyens, le « Guide » sollicite une aide militaire d’urgence auprès de l’Algérie.
Chadli charge Khaled Nezzar, chef d’état-major, d’une mission à Tripoli. Sous une tente dans le palais Al-Aziziya, il rencontre Kadhafi pour connaître la nature de l’aide attendue. De retour à Alger, Nezzar élabore un plan qui prévoit surtout le déploiement de troupes algériennes dans le nord de la Jamahiriya afin de permettre aux armées libyennes de défendre leur territoire au sud.
Le plan validé par Chadli, Nezzar retourne à Tripoli pour le soumettre au colonel. Ce dernier donne son accord, mais pose cette condition : « Les unités algériennes doivent venir sans munitions ! Il leur sera alloué, sur place, des munitions d’instruction à justifier par le reversement des étuis », rapporte Nezzar dans son livre. Les Algériens sont estomaqués par cette requête du colonel. Informé, Chadli reste sans voix. Le plan d’aide tombe à l’eau. « Nous doutons de l’équilibre mental de celui qui ose imaginer une telle aberration », conclut Nezzar.
Dans le tome III de ses Mémoires, l’ancien opposant et député social-démocrate Saïd Sadinous replonge dans une période charnière de l’histoire contemporaine de l’Algérie.
Ancien président du Rassemblement pour la culture et la démocratie (RCD), Saïd Sadi a réussi sa conversion de la politique à l’écriture. Depuis qu’il s’est mis en retrait des activités de son parti, en 2012, l’ancien député s’est attelé à la rédaction de ses Mémoires, dont le troisième tome – La haine comme rivale, 1987-1997 – est sorti en février aux éditions Altaya.
Acteur majeur de la vie cultuelle et politique algérienne à partir des années 1970, Saïd Sadi, aujourd’hui âgé de 75 ans, aborde dans ce troisième volet les deux décennies qui ont vu le pays basculer de l’ère du parti unique FLN à celle du pluralisme politique (à partir de 1988), puis plonger dans cette décennie noire qui a fait des dizaines de milliers de morts. Une histoire qu’il retrace en quelques épisodes-clés.
« Le Cardinal » Belkheir annonce le pluralisme politique
Octobre 1988. De violentes émeutes embrasent plusieurs villes d’Algérie, obligeant le président Chadli à faire appel à l’armée pour mater la révolte. Bilan officiel : 169 morts, mais officieusement, on évoque plutôt le nombre de 500. Au pouvoir depuis 1962, le parti unique, incarné par le président Chadli Bendjedid, est ébranlé par ces manifestations menées majoritairement par des jeunes.
Une partie du pouvoir est convaincue de la nécessité de mener des réformes politiques pour instaurer le pluralisme politique et médiatique. Une autre partie juge qu’il n’y a point de salut en dehors du FLN. Quelques jours après la fin des émeutes, Chadli charge le général Larbi Belkheir, secrétaire général de la présidence, que l’on surnomme « le Cardinal » ou le faiseur de rois de mener des consultations avec des acteurs politiques et des membres de la société civile.
Comptant parmi les principaux animateurs du Printemps berbère de 1980, fondateur en 1985 de la Ligue algérienne pour la défense des droits de l’homme (LADDH), ce qui lui a valu, avec ses camarades, de passer dix-huit mois en prison (décembre 1985-avril 1987), Saïd Sadi est invité à une rencontre avec Larbi Belkheir dans une villa d’Alger pour un entretien qui va durer une demi-heure.
Sadi évoque la faillite du système du parti unique et la nécessité d’instaurer la démocratie. Le général Belkheir écoute sans dire un mot. À la fin de l’entretien, il confie à son interlocuteur que Chadli Bendjedid a décidé d’organiser un référendum pour doter le pays d’une nouvelle Constitution qui consacrerait le pluralisme politique.
Cette audience entre Belkheir et Sadi déplait fortement à Hocine Aït Ahmed, leader du Front des forces socialistes (FFS), qu’il a fondé en 1963 et dont Saïd Sadi est l’un des principaux animateurs. Aït Ahmed accuse alors Sadi et ses camarades d’être des agents des services secrets algériens et ira jusqu’à insinuer qu’ils n’étaient pas en prison mais hébergés par Belkheir dans des hôtels. Hocine Aït Ahmed maintiendra longtemps que le RCD, fondé en février 1989, a été créé dans les laboratoires du général Belkheir.
Confessions du maître espion Kasdi Merbah
Dans les années 1960 et 1970, Kasdi Merbah était le patron de la redoutable Sécurité militaire (SM), la police politique du régime, au point qu’il était considéré comme l’homme le mieux informé du pays et celui qui détenait tous les dossiers secrets.
À la mort de Boumédiène, il fait partie de la poignée de colonels qui imposent Chadli Bendjedid à la tête de l’État. Dans les années 1980, son étoile pâlit, sans pour autant qu’il perde de son influence. Au lendemain de la révolte d’octobre 1988, Chadli lui confie les clés du gouvernement, mais il sera congédié moins d’une année plus tard.
Avec l’avènement du pluralisme, il entre dans l’opposition pour fonder le Mouvement algérien pour la justice et le développement (MAJD). En juillet 1990, Kasdi Merbah sollicite une entrevue avec Saïd Sadi au cours de laquelle il se confesse. Il raconte notamment qu’il a été limogé de son poste de chef du gouvernement à cause du poids du régionalisme et qu’on lui reproche d’être un Kabyle.
Le maître espion assure que lors des manifestations du printemps 1980 en Kabylie, certains dirigeants civils et militaires voulaient envoyer l’armée mater la révolte. Merbah confie qu’à la mort de Boumédiène, en 1978, les militaires ont écarté Bouteflika au profit du colonel Chadli Bendjedid « le temps de remettre un peu d’ordre dans les affaires de l’État ».
Le deal est alors que Chadli effectuera un seul mandat avant de s’effacer. Sauf qu’il n’a pas respecté ce contrat avec les militaires et s’est accroché au pouvoir. Et lorsque, en octobre 1988, Chadli fait appel à Merbah pour diriger l’exécutif, il s’agit encore d’un deal : Kasdi Merbah aurait la mission de restaurer l’ordre, redresser la situation, puis prendrait la place de Chadli.
Mais Mouloud Hamrouche, le secrétaire général de la présidence, manœuvre en coulisses et fait capoter le plan de Merbah avec l’aide d’une poignée de généraux. C’est Hamrouche qui sera désigné le 5 septembre 1989. Quant à Kasdi Merbah, il sera assassiné le 23 août 1993 par un groupe terroriste, avec son fils, son frère, son chauffeur et son garde du corps, emportant tous ses secrets dans la tombe.
Hassan II à Alger
Juillet 1990. Le troisième sommet de l’Union du Maghreb arabe (UMA) se tient à Alger. Le roi Hassan II s’y rend à bord de son bateau, Le Marrakech, qui devient une attraction pour les Algérois. En marge du sommet, le roi du Maroc émet le souhait de rencontrer certains dirigeants de partis politiques algériens. Abassi Madani, du FIS, Abdelhamid Mehri, du FLN, Hocine Aït Ahmed, du FFS, et Saïd Sadi sont ainsi reçus avec tout le faste royal.
Comme à l’accoutumée, Hassan II se fait attendre pendant une heure et demi avant de s’entretenir individuellement avec ses convives algériens. Entouré de son cabinet, il discute avec le leader du RCD. « Comment va la démocratie ? », demande-t-il. Le monarque marocain veut tout connaitre de l’expérience démocratique et du pluralisme naissant chez son voisin de l’Est.
Sadi explique que son parti souhaite mettre en place des opérations de jumelage entre des communes de Kabylie et du Maroc. Hassan II lui demande alors de voir avoir son ministre de l’Intérieur, Driss Basri. Le projet n’aboutira jamais.
Mais Hassan II s’est toujours tenu informé au plus près de la vie politique en Algérie. En 1992, au lendemain de la rupture du processus électoral à la suite de la victoire du Front islamique du salut (FIS) aux législatives, on prête au souverain marocain cette déclaration qui n’a pas été du goût de ses voisins : « Dommage que les autorités aient interdit le FIS en 1992. C’était un laboratoire pour tester l’efficacité de l’islamisme. »
Quand Boudiaf tire à boulets rouges sur Ben Bella et Aït Ahmed
Trois mois après son retour en Algérie, en janvier 1992, pour prendre la direction du Haut Comité d’État (HCE), l’instance collégiale portée au pouvoir après la démission du président Chadli Bendjedid, Mohamed Boudiaf prend ses marques au Palais d’El Mouradia.
L’ancien historique du FLN multiplie les consultations avec les personnalités politiques pour s’informer et exposer ses projets pour le pays. En mars, il reçoit Saïd Sadi pendant trois heures. « Tout est à refaire », lui dit Boudiaf, en admettant que le peuple « n’a plus confiance dans les dirigeants, d’où le succès des islamistes ». Les problèmes sont partout, ajoute le président. D’autant que le pays glisse dangereusement dans une spirale de violence terroriste.
Boudiaf explique à son interlocuteur qu’il veut mettre en place les conditions qui permettent la création d’un État de droit. Cela passe nécessairement par la tenue d’une présidentielle à la fin de 1993 pour donner une légitimité populaire au chef de l’État. Boudiaf, qui veut se porter candidat à l’élection, qui sera « totalement régulière », est donc à la recherche de soutiens. Le constat qu’il fait de la situation de l’Algérie, qu’il redécouvre après des années d’exil au Maroc, est sans appel.
L’école ? Sinistrée. La situation économique ? Calamiteuse. L’élite dirigeante ? Elle a failli, elle est usée et corrompue. La diplomatie ? À rebâtir de fond en comble. « Il faut regarder vers le Nord, décrète-t-il. Les histoires du monde arabe, ça suffit. Mis à part l’Égypte, qui a une profondeur historique qu’elle n’assume pas toujours, et le Koweït, qui tente de faire quelques efforts sur la question de la femme, le reste c’est du vent. »
Boudiaf parle sans filtres, sans tabous, cash. Il livre ensuite ses impressions sur Ahmed Ben Bella et Hocine Aït Ahmed, deux autres chefs historiques qu’il a longuement côtoyés en prison à l’époque de la guerre d’indépendance. Ben Bella ? « Tu peux faire quelques pas avec lui. Mais si vous croisez quelqu’un, il ne faut pas le chercher à tes côtés. Il est déjà avec celui que vous avez rencontré. » Aït Ahmed ? « C’est un drame. C’est un adolescent qui a décidé de s’aimer. »
À la fin de l’entretien, Saïd Sadi souhaite connaître les rapports de Boudiaf avec l’institution militaire et évoque la question du Sahara occidental. À peine sorti du bureau présidentiel, Sadi est reçu par le ministre de la Défense, Khaled Nezzar, à qui il fait un compte rendu de ses échanges avec Boudiaf.
Si Nezzar est globalement d’accord sur le fait qu’il faille aller vite et briser tous les tabous, il n’en préconise pas moins prudence et sagesse. « Il [Nezzar] ne voulait pas que l’on brusque un pays déjà perturbé », écrit Saïd Sadi dans ses Mémoires.
La divulgation de cette audience entre Boudiaf et le président du RCD a donné lieu à une rumeur selon laquelle ce dernier se serait vu proposer la tête du gouvernement. Il n’en a jamais été question. Mohamed Boudiaf n’aura pas non plus eu le temps d’aller à cette présidentielle de 1993 et au bout de ses projets. Il est assassiné le 29 juin 1992 par Lembarek Boumaarafi, un sous-lieutenant du Groupe d’intervention spécial (GIS), qui était chargé de le protéger.
Zéroual élu président par deux généraux
Novembre 1995. La course à la magistrature suprême met aux prises Liamine Zéroual, Saïd Sadi, Mahfoudh Nahnah et Noureddine Boukrouh. Pendant des semaines, les quatre candidats sillonnent le pays pour mener une campagne électorale dans un climat de terreur et de barbarie imposé par les Groupes islamiques armés (GIA).
Jeudi 16 novembre, ils sont des millions à braver les menaces des GIA, qui promettent la mort à ceux qui se rendraient aux urnes. Le soir du dépouillement, le neveu d’un cadre du RCD, dont le beau-père n’est autre que Khaled Nezzar, informe Saïd Sadi qu’il a surpris une conversation entre Nezzar et le général Toufik, le patron des services secrets. « Les résultats n’étaient pas ceux qu’ils attendaient, écrit Sadi. Les deux officiers généraux étaient en train de répartir les scores. »
Liamine Zéroual sera ainsi élu avec 61,34 % des voix. Près de trois ans plus tard, il démissionnera par anticipation. Il prendra sa retraite en avril 1999 pour s’installer à Batna, dans l’est du pays, où il vit encore aujourd’hui.
L’Algérie ne se contente pas de sa posture de non alignée. Elle agit également dans le sens de faire du Monde arabe un pôle de puissance autonome.
Un accord de principe entre Alger et Téhéran pour un échange de visites, une première réunion du comité algéro-saoudien du dialogue politique et une audience accordées par le ministre de l'Énergie au vice-président de la compagnie pétrolière chinoise, Sinopec. Ces trois activités qui font intervenir des acteurs du nouvel ordre mondial qui se dessine, plantent le décor d'une nouvelle ère où l'Algérie aura un rôle majeur à jouer dans sa sphère d'influence régionale et à ce titre, sa participation dans le façonnement du monde appelé à être multipolaire, au regard de l'évolution de la situation géopolitique internationale. Les récents coups d'éclats dans la région Mena qui ont vu l'Arabie saoudite se rapprocher de l'Iran, la Syrie reprendre langue avec plusieurs pays arabes et l'attitude de l'ensemble de la nation arabe, l'exception du Maroc, face à l'agression israélienne contre la Palestine, constituent autant de signaux d'un réveil du Monde arabe et musulman. Il convient de noter que toutes ces questions ont été abordées, d'une manière ou d'une autre, lors du dernier Sommet d'Alger de la Ligue des Etats arabes.
L'apport inestimable de la Chine dans la résolution du différend irano-saoudien donne au nouvel ordre mondial ses premiers contours. En effet, associer le géant asiatique et premier rival des Etats- Unis d'Amérique à une entreprise aussi puissante que celle de mettre fin à un conflit majeur dans la sphère islamique, revient à lui accorder un statut de puissance mondiale, ce qui n'est certainement pas pour arranger les affaires de l'Occident qui a toujours investi dans les conflits au sein de l'ensemble arabe et musulman. Il reste que ce coup de théâtre n'aurait pas été aussi réussi, sans cet «éveil» de la nation arabe suscité par le discours de l'Algérie avant et après le Sommet d'Alger. La communication téléphonique entre les deux présidents algérien et iranien, quelques jours après la fin d'une longue période de conflits ouverts entre les deux grandes familles de l'Islam, comporte quelques non-dits, notamment sur la situation au Yémen où l'Algérie peut jouer un rôle majeur pour le rétablissement de la paix dans ce pays, pour avoir toujours refuser l'option armée défendue et mise en exécution par l'Arabie saoudite. La constance de sa position contre toute guerre entre Arabes, lui vaut aujourd'hui d'être un facteur de paix, comme elle l'a été à l'occasion de l'accord sur le nucléaire iranien et certainement dans le récent rapprochement entre Riyadh et Téhéran.
Cela pour dire que l'engagement de concertations politiques entre l'Algérie et l'Arabie saoudite et la perspective d'une visite du président iranien à Alger ont ceci d'intéressant, est qu'ils renforcent les liens au sein d'une communauté de destin, bridé par l'impérialisme occidental, mais qui trouve une voie de sortie par le haut. La nouvelle donne géopolitique facilite la mission des Arabes et l'éveil de l'Arabie saoudite, associée à l'entrée en jeu de la Chine, donne à la région Mena la force de répondre au pays de l'oncle Sam. Les guerres qui ont déchiré l'Irak, la Syrie, la Libye et le Yémen auront affaibli le corps arabe, mais la persévérance de l'Algérie à refuser le fait accompli, a fini par triompher.
Il faut dire qu'au moment où les pôles de puissance au sein de la Ligue des États arabes jouaient la carte des USA, l'Algérie militait pour un nouvel ordre mondial en prenant appui sur son non-alignement. C'est dire que l'Arabie saoudite a découvert la Chine bien après l'Algérie et reconnu l'obligation d'en finir avec les guerres fratricides sur conseil d'Alger. Il reste que le nouveau positionnement de l'Arabie saoudite est un point de basculement géostratégique qui profite au final aux nouvelles puissances émergeantes. Ces dernières, sans exception aucune, reconnaissent le rôle majeur de l'Algérie et lui concèdent un poids important dans la région.
Sa situation en face de la Méditerranée occidental en fait un relais de choix entre les deux mondes. Mais l'Algérie ne se contente pas de sa posture de non alignée qui peut résoudre beaucoup de conflits futurs entre les deux blocs, elle agit également dans le sens de faire du Monde arabe un pôle de puissance autonome. Cela n'est pas encore à l'ordre du jour, en raison du grand retard à rattraper en matière de développement technologique. Il reste que l'appui de la Chine est un facteur incontournable et une chance inouïe pour l'émergence. L'Algérie a pris la mesure de cet acquis historique.
ALGER, 6 avril (Xinhua) -- Bouisidane Fadhila, 44 ans, avait perdu espoir avant de rencontrer Li Hongling, obstétricienne et gynécologue chinoise et membre de l'équipe médicale chinoise en mission d'aide dans un hôpital public à Aïn Defla, une wilaya (province) dans le nord de l'Algérie.
Après avoir fait des pieds et des mains pour être admise dans l'un des hôpitaux publics, submergés de patients, Mme Fadhila a vu le fibrome utérin dans son ventre se développer pour atteindre la taille de 22 x 20 cm. Les hôpitaux privés n'étaient pas une option pour cette femme célibataire et sans emploi qui vivait des maigres revenus récoltés par ses deux frères.
"C'est la docteur Li qui m'a sauvé la vie", a déclaré Mme Fadhila à Xinhua, faisant réfé
rence au retrait réussi de sa tumeur en décembre 2022 par la médecin chinoise. Mme Li a scrifié son temps libre pour faire l'opération en raison de l'urgence que représentait le cas de Mme Fadhila.
Li Hongling, 43 ans, est membre de la 27e équipe médicale chinoise envoyée en Algérie pour travailler dans huit wilayas algériennes en 2021. Mme Fadhila n'est que l'une des nombreux patients algériens pris en charge par Mme Li après qu'ils ont frappé à toutes les portes. Travaillant souvent pendant son temps libre pour soigner les patients ayant un besoin urgent d'aide, Mme Li est devenue très populaire parmi ses collègues algériens à Aïn Defla.
L'année 2023 marque le 60e anniversaire de l'envoi par la Chine de sa première équipe médicale en Algérie le 6 avril 1963. Jusqu'à présent, plus de 3.500 membres du personnel médical chinois, principalement des obstétriciens et des acupuncteurs, ont été envoyés dans ce pays d'Afrique du Nord pour fournir des services médicaux gratuits.
Il n'est jamais facile pour les médecins chinois de s'installer dans un pays loin de chez eux, sans compter que les hôpitaux dans lesquels ils sont affectés se trouvent généralement dans des endroits reculés et dans de mauvaises conditions. Pourtant, certains médecins chinois ont choisi de prolonger leur mandat de deux ans afin de traiter autant de patients que possible.
Pour Mme Li, il s'agit de son deuxième mandat en Algérie, après avoir terminé son premier mandat de deux ans en 2019.
"J'ai pleuré après avoir pris la décision", a-t-elle rappelé. Elle avait du mal à laisser derrière elle son fils de 11 ans lorsqu'elle a décidé de retourner en Algérie avec la 27e équipe en 2021.
"En tant que seul médecin pratiquant la chirurgie gynécologique dans cet hôpital, je me sens très utile dans cet endroit", a déclaré Mme Li à Xinhua.
(Equipe médicale chinoise en mission d'aide en Algérie/via Xinhua)
Tu Dachun, orthopédiste chinois et ancien vice-directeur d'un hôpital de la ville de Jingzhou, dans la province du Hubei dans le centre de la Chine, a travaillé en Algérie depuis bien plus longtemps que ses collègues en passant 12 ans ou six mandats dans ce pays d'Afrique du Nord.
M. Tu, 60 ans, travaille désormais comme chirurgien orthopédiste à l'hôpital public d'Aïn Defla. Il a déclaré que travailler en Algérie est une "expérience inoubliable" dans sa vie malgré la lourde charge de travail.
"Mes collègues et patients algériens m'ont respecté, m'ont fait confiance et ont bien pris soin de moi", a affirmé M. Tu, qui pouvait communiquer avec ses collègues et patients algériens dans un français courant qu'il avait appris pendant son séjour en Algérie.
Certains des patients du docteur Tu sont revenus pour lui exprimer leur gratitude en lui offrant des collations faites maison. "Je les aime bien, les Algériens sont nés pour être insouciants, optimistes, gentils et amicaux. Parfois, je pense même que je suis moi-même devenu Algérien après toutes ces années", s'est apperçu M. Tu en riant.
Avec la longue présence des médecins chinois, la médecine traditionnelle chinoise a peu à peu gagné en notoriété en Algérie.
(Equipe médicale chinoise en mission d'aide en Algérie/via Xinhua)
Yang Yi, 56 ans, est arrivée en Algérie en 2021 avec sa sœur cadette, qui effectuait son deuxième mandat après avoir fait partie de la 24e équipe médicale chinoise. Elle a été impressionnée par le fait que des thérapies médicales traditionnelles chinoises, y compris l'acupuncture, étaient largement acceptées par les patients algériens.
Chaque jour, Mme Yang traite environ 20 patients, dont la plupart souffrent de douleurs au cou, à l'épaule ou à la hanche, ainsi que d'arthrite, de myélite, de ténosynovite et de hernie discale lombaire.
Mme Yang était ravie de se souvenir du traitement réussi d'une patiente atteinte de myélite, qui était paralysée et ne pouvait bouger que la tête et le cou. Après deux mois de traitement d'acupuncture l'année dernière, la patiente a pu se lever et a même dansé.
Au cours des 60 dernières années, les médecins chinois ont traité environ 27,37 millions de patients en Algérie et effectué plus de 1,7 million d'opérations chirurgicales, toutes gratuites. Leur dévouement et leur travail acharné ont été applaudis non seulement par les patients, mais aussi par leurs collègues algériens.
Habbiche Bouabdellah, chef de l'hôpital public d'Aïn Defla, a déclaré que les médecins chinois avaient fait bonne impression non seulement à Aïn Defla, mais aussi dans d'autres endroits du pays. "Ils ont toujours été disponibles chaque fois que nous avons besoin de leurs services médicaux, jour et nuit", a-t-il reconnu.
"Le partenariat entre l'Algérie et la Chine est excellent, et il se développe chaque jour", a témoigné M. Bouabdellah, exprimant sa volonté de renforcer davantage la coopération et les échanges de visites dans le domaine de la médecine entre les deux pays à l'avenir.
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