Plus de 1 000 personnes sont mortes en Arabie saoudite sous des chaleurs caniculaires, pendant le pèlerinage de La Mecque.
Précédant de cinq jours la fête de l'Adha, le pèlerinage du hajj s’est tenu cette année dans une atmosphère étouffante en raison de températures atteignant plus de 50 °C en journée. Parmi les 1,8 million de pèlerins rassemblés dans le désert saoudien, plus de 900 sont morts à La Mecque entre le 14 et le 19 juin, en accomplissant le cinquième pilier de l’islam. À l’heure où le pèlerinage a pris fin, plusieurs réseaux d’entraide ont vu le jour pour tenter de localiser les personnes encore disparues ou non identifiées, réparties entre les morgues et les hôpitaux de la zone.
Qui sont les victimes ?
Le décompte à ce jour effectué par l’Agence France-Presse recense plus de 1 000 pèlerins décédés, selon des chiffres transmis par une dizaine de pays dont sont originaires les victimes. Fait étonnant, 658 d’entre eux, soit les deux tiers, sont égyptiens. Outre l’Égypte, les décès concernent aussi l’Indonésie, l'Inde, la Jordanie, l'Iran, le Sénégal, la Tunisie ou encore le Soudan. Si la cause des décès n’a toujours pas été officiellement divulguée, la forte chaleur aurait provoqué des insolations, des crises cardiaques ou encore des complications liées à l'hypertension artérielle dans la majorité des cas. Un certain nombre de victimes, âgées ou malades, s’étaient malgré tout déplacées à La Mecque, en dépit des températures suffocantes. Les deux précédentes années avaient vu le nombre de morts s’élever à environ 300.
Des pics de chaleur inhabituels ?
Si la température à La Mecque a augmenté de 2 °C ces trente dernières années, soit bien davantage que la moyenne mondiale, ce n’est pourtant pas la première fois que la période du hajj tombe sur des dates estivales aux températures difficiles à supporter. Des chaleurs extrêmes avaient déjà été observées en 1990, puis plus récemment en 2015 lorsque des bousculades mortelles avaient provoqué la mort de plus de 2 000 personnes. Face au réchauffement climatique, les dates du hajj, qui évoluent au fil des années, se retrouveront bientôt en plein cœur de l’été saoudien exposant les pèlerins à un « danger extrême », alertent des chercheurs américains dans une étude publiée dans Geophysical Review Letters. Les conditions exceptionnelles de cette année pourraient donc devenir la norme dès 2050, dixit une analyse menée l’année dernière par le Washington Post et l’organisation à but non lucratif CarbonPlan.
Quelles sont les failles logistiques ?
Alors que l'organisation du pèlerinage avait déjà attiré des critiques par le passé à propos de la logistique, les conditions météorologiques extrêmes de cette année ont fait apparaître les failles d’une organisation qui se voulait pourtant bien huilée et qui fait la fierté du royaume wahhabite depuis 1925. Riyad a pourtant aménagé ces dernières années un certain nombre d’infrastructures sur le parcours du pèlerinage, censées protéger les pèlerins qui passent jusqu’à 30 heures par jour dehors. Des brumisateurs, qui fonctionnent en continu, avaient donc été placés dans les espaces extérieurs et certains sites avaient même été élargis pour réduire l’effet d’agglutinement à certains endroits. Malgré ces aménagements, les autorités saoudiennes ont affirmé cette année avoir soigné plus de 2 700 pèlerins souffrant de stress thermique durant la seule journée de dimanche. Un certain nombre de pèlerins ont quant à eux dénoncé le manque d'installations sanitaires et de refroidissement adéquates dans les tentes d’habitation surpeuplées.
Un autre facteur a également joué sur le nombre de victimes lors de ce dernier pèlerinage. Chaque année, des dizaines de milliers de fidèles parviennent à participer au hajj sans avoir obtenu les permis nécessaires, octroyés selon des quotas par pays en fonction de la taille de leur population musulmane, et qui donnent accès notamment aux installations climatisées. En 2023, 1 371 520 permis avaient été distribués, tandis que l’événement avait rassemblé 1,8 million de pèlerins, indiquant l’ampleur du phénomène. Cette année, 630 des 658 Égyptiens décédés durant le pèlerinage n’avaient pas de permis, selon un diplomate arabe cité par l’AFP, passant à travers les mailles du contrôle des forces saoudiennes, qui ont pourtant annoncé avoir refoulé cette année de La Mecque plus de 300 000 pèlerins non enregistrés, dont 153 998 étrangers. Ces derniers sont passés par l’intermédiaire de compagnies de voyage frauduleuses qui organisent des visites en dehors des circuits officiels, ne comprenant ni bus ni logement, avec à l’appui un unique visa touristique.
Quelle réponse des autorités saoudiennes ?
À l’avenir, les autorités saoudiennes pourraient être contraintes de revoir à la baisse le nombre de participants autorisés, qui était passé sous la barre symbolique du million en raison du Covid-19, durant les deux ans qu’avait duré la pandémie mondiale, ou de renforcer les contrôles face aux pèlerins clandestins. Mais Riyad, pour qui le tourisme religieux représente la deuxième source de revenus après le pétrole, ne semble pas pressé de tirer des leçons de ce pèlerinage. Jusqu’à présent, les autorités saoudiennes sont restées quasiment muettes depuis la fin du hajj à propos des nombreux décès de cette année et l’agence de presse officielle a préféré saluer le succès du pèlerinage et de « tous les plans liés à la sécurité, à la prévention, à l'organisation, à la santé, aux services et à la gestion du trafic ». Et si le roi Salmane a été grandement remercié pour l’organisation du pèlerinage, le président égyptien Abdel Fattah el-Sissi a toutefois annoncé le 20 juin avoir formé une unité de crise pour enquêter sur les décès.
OLJ / Par Tatiana KROTOFF, le 21 juin 2024 à 20h25
https://www.lorientlejour.com/article/1417981/les-pelerins-continuent-de-mourir-au-hajj-malgre-la-modernisation-du-site.html
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