La notion de père explorée ; un inédit sur Robert Musil ; la guerre d’Algérie, défi mémoriel du quinquennat Macron ; l’Histoire, une affaire de passions. Notre sélection d’essais.
Àéchéance régulière, Le Postillon – le service Idées du Point – vous propose de partager ses lectures (essais, études, analyses…) qui seraient susceptibles de nourrir votre réflexion, de satisfaire votre curiosité, d'aiguiser votre esprit critique, d'assouvir votre désir d'évasion ou de vous fournir les ressources spirituelles pour affronter des temps troublés. Synthèse sur la paternité, philosophie dans l'œuvre de Robert Musil, pari perdu d'Emmanuel Macron sur l'Algérie, Histoire et passions... Bonne lecture !
Aux origines du père
Pour Sébastien Dupont, psychologue et coordinateur pédagogique du diplôme d'université de thérapie familiale à l'université de Strasbourg, il était impensable d'analyser la paternité sans partir de ses origines. En pistant ses jalons dans l'histoire de notre espèce, mais aussi en l'intégrant au règne animal. L'auteur évite ainsi deux maux endémiques dans ce qui peut s'écrire sur le sujet : l'anthropocentrisme et le récentisme. Le premier voit l'humain comme une anomalie du vivant, émancipé des lois et des contraintes s'appliquant pourtant à l'intégralité des animaux. Le second nous fait croire (à tort) que l'histoire de la paternité débute au XIXe siècle. Dans une démarche proprement pluridisciplinaire, l'auteur nous propose une synthèse des dernières connaissances sur ce drôle de phénomène. Et en abordant des questions aussi diverses que l'influence du père sur le développement de l'enfant, l'horloge biologique masculine ou la paternité homosexuelle, son petit livre est tout bonnement révolutionnaire. Peggy Sastre
« Les Pères et la Paternité », de Sébastien Dupont (Que sais-je, 128 p., 10 €).
La philosophie des chemins de traverse
Un philosophe analytique et un littérateur, en voilà une équipée cocasse. Mais à première vue seulement. Déjà, parce qu'il s'agit ici d'un inédit de Jacques Bouveresse, disparu en 2021. On lui doit deux livres sur Robert Musil, l'auteur « culte » de L'Homme sans qualités : L'Homme probable (L'Éclat, 1993) et La Voix de l'âme et les chemins de l'esprit (Seuil, 2001). Aussi parce que Musil n'était pas non plus un romancier « normal ». Ingénieur à la ville, il avait su exploiter des capacités d'observation et d'analyse scientifiques des faits et des sentiments humains pour poser ce qu'il désignait comme « la structure essentielle des choses ». Et dans cette « passion de l'exactitude », Bouveresse cherchait pour sa part ce qui lui manquait dans la philosophie. Soit tout ce qu'il aura consacré sa vie à asseoir dans la sienne : l'indépendance, l'amour des chemins de traverse, une méfiance farouche à l'égard des modes et un souci permanent des notions de vérité et de croyance. La boucle est bouclée. P. S.
« La Passion de l'exactitude. Robert Musil et la philosophie », de Jacques Bouveresse, texte préfacé par Florence Vatan (Hors d'atteinte, 160 p., 17 €).
Macron, son pari (perdu) sur l'Algérie
Il parlera d'abord d'« un crime contre l'humanité ». Puis nuancera, évoquant « une histoire d'amour ayant sa part de tragique ». Que faut-il comprendre de la position d'Emmanuel Macron sur la colonisation, la guerre d'Algérie et l'indépendance de ce pays ? Tenter d'y répondre revient à frayer dans un dense maquis, où les positions fluctuent quand elles ne se contredisent pas. Sébastien Ledoux et Paul Max Morin, spécialistes des questions mémorielles, ont tenté d'y voir plus clair dans L'Algérie de Macron (PUF). « Le chef de l'État fait de la guerre d'Algérie le défi mémoriel de son quinquennat », écrivent-ils, relevant ainsi qu'un fait historique est devenu par la volonté présidentielle « un problème public ». Macron s'est emparé de cette mémoire « refoulée », y voyant l'origine de bien des maux de la société. Seulement, à vouloir faire de cette mémoire un instrument politique, voire électoral, le président n'a pas fait mieux que ses prédécesseurs. Saïd Mahrane
« L'Algérie de Macron », de Sébastien Ledoux et Paul Max Morin (PUF, 296 p., 20 €).
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