Le chef du renseignement militaire israélien, Aharon Haliva, a annoncé lundi 22 avril qu’il quittait ses fonctions, en reconnaissant son incapacité à prévenir et empêcher l’incursion sanglante du Hamas du 7 octobre 2023. Une démission qui accentue la pression sur d’autres responsables militaires et politiques, à commencer par Benyamin Netanyahou.
Est-ce le premier d’une longue série de dominos à tomber ? Beaucoup en Israël l’espèrent ardemment, deux cents jours après les attaques meurtrières perpétrées par le Hamas le 7 octobre 2023. Le directeur du renseignement militaire (Aman), le général Aharon Haliva, a annoncé lundi 22 avril qu’il quittait son poste, après trente-huit années de service dans l’armée, en reconnaissant sa « responsabilité » dans l’assaut sanglant. Il était devenu le visage d’un establishment sécuritaire incapable d’anticiper la menace du mouvement armé palestinien et de prévenir le carnage.
Dans une lettre adressée au général Herzi Halevi, chef d’état-major de l’armée, Aharon Haliva assume ses défaillances dans ce qui est devenu la journée la plus meurtrière de l’histoire d’Israël. « Le 7 octobre 2023, (…) le service du renseignement placé sous mon commandement n’a pas rempli la mission qui lui avait été confiée », écrit le responsable, qui était en vacances à Eilat le jour de l’assaut survenu en pleine fête de Sim’hat Torah. « Je porte avec moi ce jour noir depuis. Jour après jour, nuit après nuit. Je porterai pour toujours cette terrible douleur », ajoute-t-il, dans ce texte publié au premier jour de Pessah, la Pâque juive assombrie par l’absence des otages retenus à Gaza depuis plus de six mois (lire les repères en bas de l’article).
L’appel à une commission d’enquête
Le général de 56 ans, qui quittera l’armée une fois son successeur nommé, avait laissé entendre au lendemain des attaques qu’il prendrait ses responsabilités à l’issue de la guerre. « Son annonce, six mois plus tard, s’explique par le fait que la phase intensive, sous la forme de grandes manœuvres interarmées, est quasi terminée », note David Khalfa, codirecteur de l’Observatoire de l’Afrique du Nord et du Moyen-Orient à la Fondation Jean-Jaurès. « Et le fait qu’elle soit acceptée par le chef d’état-major en pleine guerre montre que l’armée estime qu’il est temps de revenir en arrière et de faire un examen de conscience. »
Aharon Haliva, qui devient ainsi le premier membre de l’establishment sécuritaire à endosser la responsabilité de cette débâcle, réclame également la création d’un comité d’enquête étatique. Un appel qui fait écho à la commission Agranat sur les défaillances de l’armée sur la guerre du Kippour en 1973, ou plus récemment à celle de Winograd en 2006 après le conflit avec le Liban.
« Le fait qu’un des personnages les plus respectés du pays réclame une enquête n’est pas anodin. Sa déclaration donne le coup d’envoi d’une grande autocritique collective qui va se mettre en place pour examiner la responsabilité du personnel militaire et politique dans les prochains mois », ajoute le spécialiste du Proche-Orient. Une demande à laquelle les familles des otages et les manifestants anti-Benyamin Netanyahou devraient rapidement s’associer.
Un nouveau souffle pour les manifestations anti-Netanyahou
Cette annonce accentue de facto la pression sur d’autres hauts responsables et sur le premier ministre qui, contrairement à Herzi Halevi et à Ronen Bar, le chef du renseignement intérieur Shin Bet, n’a jamais reconnu son rôle dans l’échec du 7 octobre. Le chef de l’opposition, Yaïr Lapid, l’a d’ailleurs aussitôt exhorté à emboîter le pas de Aharon Haliva. « L’autorité s’accompagne de lourdes responsabilités », a-t-il écrit sur le réseau social X.
« Cette démission est le geste inaugural d’une nouvelle crise qui sera longue. Elle va enclencher un processus en interne qui aboutira tôt ou tard à la démission du général HerziHalevi, de responsables du commandement sud, de brigadiers… Mais la pression va s’accroître sur le personnel politique et donner un nouveau souffle aux manifestations anti-Netanyahou, ajoute David Khalfa. La droite pro-Netanyahou fera tout pour échapper à une enquête, en diabolisant l’état-major pour s’exonérer. Mais le soutien de la population à l’armée reste très important, contrairement à celui pour le premier ministre. Je ne vois pas comment il pourra tenir sur le long cours. »
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1 170 morts et encore 129 otages dans la bande de Gaza
Le 7 octobre 2023, l’incursion sanglante du Hamas a causé la mort de 1 170 personnes, essentiellement des civils, d’après un décompte de l’Agence France-Presse fondé sur des chiffres officiels israéliens.
Les commandos du mouvement islamiste palestinien ont aussi enlevé 250 personnes, dont une centaine ont été libérées au cours de la trêve de la fin novembre.
Parmi les otages toujours captifs, 34 seraient morts, selon Israël.
Lundi 22 avril, premier jour de Pessah, les juifs israéliens ont laissé une chaise vide lors de leur repas de fête, symbole de l’espoir de voir revenir les 129 otages toujours détenus dans l’enclave palestinienne.
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