C’est avec tristesse que Vincent Liechti nous apprend le décès de sa maman
Ce mercredi 23 novembre 2022 Yolande Liechti est partie rejoindre les étoiles. Elle a eu une belle vie de luttes, d'engagements passionnés, de famille aussi. Elle avait fêté le 8 octobre ses 96 ans entourée de ses enfants, petits-enfants et arrière-petits-enfant, en bien belle santé physique malgré la maladie qui troublait ses capacités mémorielles depuis plusieurs années.
Membre du PCF de 1947 jusqu’à son dernier souffle, elle avait été maire-adjointe de la Ville de Trappes de 1966 à 1983. Elle avait auparavant été dirigeante départementale de L’Union des jeunes filles de France de Seine-et-Oise, pendant la guerre d’Algérie. En 1958, elle était devenue l’épouse d’Alban Liechti, premier « soldat du refus » dont elle avait activement participé à la lutte de libération.
Elle laissera à toutes celles et ceux qui l'ont côtoyé le souvenir d'une personne tout à la fois vaillante, travailleuse, attentionnée, et joyeuse.
L'artiste remercie toutes celles et ceux qui l'ont assuré de leur sympathie à l'occasion du décès de sa maman à laquelle il y a 4 ans il avait dédié cette chanson qui représente bien ce qu'elle a été pour lui.
Vincent Liechti est auteur-compositeur-interprète. L'illustration est une photo de l'artiste en compagnie de sa maman quand il avait deux ans.
Je présente à Vincent Liechti, à son papa et toute sa famille mes plus sincères condoléances.
Michel Dandelot
Souvenons-nous
Le temps qui passe...
Petit hommage poétique aux parents de l'artiste, auxquels il doit consacrer à son tour beaucoup d'attention ces temps-ci... Texte basé sur une histoire vraie écrite le 16 août 2022… C’est le temps qui passe, qui passe beaucoup trop vite…
J’ai séparé mes parents
J’ai séparé mes parents
Et séparer ses parents
C’est pas rien
Papa qui peine à faire trois pas
Est parti en Ehpad
Maman qui se mure dans Alzheimer
Je l’ai laissée dans leur HLM
J’ai séparé mes parents
Et séparer ses parents
C’est pas rien
Pour Maman des repères pérennes
C’est vital
Pour Papa l’Ehpad évitait l’Hôpital
De plus en plus souvent
De plus en plus longuement
J’ai séparé mes parents
Et séparer ses parents
C’est pas rien
J’ai revêtu la piaule de Papa
De parements divers
Drapeau de la paix
Car c’était son combat
Plantes vertes
Meuble télé et frigo-bar
Pour les proches de passage
Pour maman
J’ai amenée chez elle une jeune femme
Étudiante en master
Présence aimable
Compagnie complémentaire à demeure
J’ai séparé mes parents
Et séparer ses parents
C’est pas rien
De toute manière
Maman et Papa
Ne se parlaient plus
Ils faisaient turne à part
Papa et son trop faible filet de voix
Maman vraiment trop dure d’oreille
Papa avec son appareil nocturne
Maman chantant ou marmonnant
Souhaitant la bonne année à tout moment
J’ai séparé mes parents
Et séparer ses parents
C’est pas rien
De temps en temps j’emmène Maman
Voir Papa
Ou bien je ramène Papa voire Maman
J’ai séparé mes parents
Et séparer ses parents
C’est pas rien
Vincent Liechti Lartiste
Nous étions le 25 octobre 2020
Vincent Liechti
nous écrivait :
« Aujourd'hui mes parents ont 62 ans de mariage. Un mariage militant et solidaire puisque mon père alors jeune soldat en permission, venait d'effectuer deux ans de prisons pour son refus de faire la guerre d'Algérie, par lettre au chef de l'État. Pourtant il sera à nouveau déplacé en Algérie, après que je fus conçu lors d'une autre permission. Nouveau refus. Nouvelle condamnation. Il sera en prison lors de ma naissance. Photo prise il y a une semaine pour les 94 ans de ma maman auxquels je n'ai pu participer en rapport avec l'épidémie en cours. Qu'ils se portent tous les deux au mieux ! »
Nous leur souhaitons un bon anniversaire de mariage !
Alban Liechti, l'insoumis
C’était le 6 octobre 2013 lors de la commémoration en hommage aux victimes de l’OAS au cimetière du Père-Lachaise à Paris, de gauche à droite nous reconnaissons : (2e) Jean-Philippe Ould Aoudia (Marchand-Feraoun), Alban Liechti (ACCA), Gilles Manceron (LDH) et Georges Morin (Coup de Soleil)
Le documentaire « le Refus » retrace le combat anticolonial d’Alban Liechti qui refusa en juin 1956 de prendre les armes contre le peuple algérien. Alban Liechti fut incorporé dans l’armée le 5 mars 1956 comme jeune soldat du contingent. Lorsque son contingent est envoyé en Algérie à l’automne 1956, il écrit au président de la République qu’il refuse de faire la guerre au peuple algérien. Il sera condamné à la prison.
Après 4 années passées dans les prisons d’Algérie et de France, le 17 mars 1961, il est envoyé de force en Algérie dans un commando de Chasse d’un régiment de tirailleurs algériens. Dans le Djebel, de la région de Blida, il patrouille, tout en refusant de mettre les balles dans son arme. Son refus déterminé était celui d’un jeune qui reconnaissait au peuple algérien le droit à l’indépendance. Et ce n’est qu’avec la fin de la Guerre d’Algérie qu’il est libéré, le 8 mars 1962.
Quatre ans de prison et deux ans d'armée, le prix d'un refus, celui de participer à la répression colonialiste. Rencontre.
Début 1956, les premiers appelés partent pour l'Algérie. Quelques mois après les manifestations qui avaient ponctué le départ des rappelés (dans une ville comme Limoges, il fallut trois jours de charges de police pour dégager la gare et permettre le départ du train). Parmi les jeunes de vingt ans ainsi expédiés outre-Méditerranée, un certain Alban Liechti.
Né le 24 avril 1935, celui-ci est incorporé le 1er mars 1956 dans le cinquième régiment du génie, et, après ses quatre mois de classes, affecté en Algérie. Le 2 juillet, il cosigne avec une trentaine de soldats de son unité une pétition adressée au président du Conseil, le socialiste Guy Mollet, et appelant au cessez-le-feu. Le même jour, il rédige une lettre au président René Coty pour signifier son refus de prendre part à la guerre d'Algérie. Le 19 novembre, il est condamné à deux ans de prison par le tribunal militaire d'Alger. Il purge sa peine au centre pénitentiaire d'Alger, au centre de Berrouaghia, à la prison de Carcassonne (où il restera treize mois au régime cellulaire : pas de contact avec les autres détenus et interdiction aux gardiens de lui adresser la parole).
À sa première sortie de prison, Alban Liechti est affecté au troisième régiment de chasseurs alpins à Barcelonnette. Nouveau départ en Algérie le 3 mars 1959 ; nouveau refus de combattre et nouvelle lettre au président de la République, Charles de Gaulle. Deux ans de prison (Alger, les Baumettes, Casadianda en Corse). Mars 1961, troisième départ en Algérie. Après deux mois d'opérations durant lesquels il refuse de porter une arme chargée, il est affecté à l'administration et achèvera ses " obligations militaires " en février 1962.
Alban Liechti a aujourd'hui soixante-cinq ans (c'était en 2001) et une énergie à vivre visiblement intacte. Quel regard porte-t-il sur cette époque et comment analyse-t-il ses motivations ?
" J'avais des parents communistes, épris d'internationalisme et très anticolonialistes ", commence Alban Liechti. " J'avais participé avec eux à la campagne pour la libération d'Henri Martin, qui, soldat, avait refusé la guerre d'Indochine. Avec ces idées, je me refusais de tirer sur des gens en lutte pour leur droit à l'indépendance. Mon initiative a été individuelle, mais j'en avais parlé à mes parents, aux camarades du Parti, à Yolande qui deviendra ma femme. Je savais que, le moment venu, je serais soutenu "...
Durant cette " guerre sans nom ", pour reprendre le titre du film de Tavernier, ils furent une trentaine de soldats à choisir l'insoumission et son corollaire, la prison. Quelques dizaines d'autres désertèrent pour les mêmes motifs. Un nombre peu élevé, mais qu'Alban Liechti relie à d'autres formes de combat pour la paix en Algérie. " Chaque refus en nourrissait d'autres. Sur place, les refus de partir en opérations, la révolte contre la torture, le napalm, les corvées de bois " (terme désignant les exécutions sommaires camouflées en tentatives d'évasion). " En fait, chacun de ces refus contribuait à la convergence de toutes les actions pour la paix. Celles-ci furent de plus en plus nombreuses, jusqu'au combat d'une large partie du contingent contre les putschistes de l'OAS. "
Alban explique de cette façon son changement de comportement début 1961. " Je voulais alors témoigner sur la guerre elle-même, prévenant que je refusais de combattre. Et puis le contexte était devenu très différent : nous n'étions pas loin du putsch et de l'OAS. Tout un état d'esprit qui se radicalisait des deux côtés. "
Affecté à un régiment disciplinaire de tirailleurs algériens (à ne pas confondre avec les harkis, supplétifs volontaires des forces de répression françaises), Alban est, pendant deux mois, placé systématiquement en avant-garde des patrouilles. " Bien qu'ayant un fusil je n'ai jamais tiré un coup de feu. Il n'en reste pas moins que, pour les Algériens, je portais l'uniforme de l'armée française et qu'il n'était pas écrit sur mon front que je ne tirerais pas "... La solidarité des autres militaires de base et les dénonciations en France de cette ultime tentative pour le briser (ou le liquider ?) contraignent finalement la hiérarchie à le retirer de la zone d'opérations.
Lorsqu'on lui demande quel sens il donnait à son insoumission, Alban Liechti cite sa lettre de 1956 au président Coty : " C'est l'amitié entre Français et Algériens que je veux défendre. C'est aussi la Constitution française que je respecte puisqu'il est dit dans son préambule : "La République française n'entreprendra aucune guerre de conquête et n'emploiera jamais ses forces contre la liberté d'aucun peuple"... Et plus loin : "Fidèle à sa mission traditionnelle, la France entend conduire les peuples dont elle a pris la charge à la liberté de s'administrer et de gérer démocratiquement leurs propres affaires"... C'est pour ces deux raisons que je ne peux prendre les armes contre le peuple algérien en lutte pour son indépendance. "
Une autre citation pour conclure. Extraite de sa lettre au général de Gaulle de mars 1959 : " Dans les prisons d'Algérie, j'ai vu les victimes de la répression ; j'ai senti son arbitraire, sa sauvagerie, son inutilité. Malgré toutes les souffrances que cette guerre inflige aux Algériens, j'ai compris que des possibilités d'amitiés demeurent, surtout quand nous savons leur prouver la nôtre. "
censure
Sorti de la prison de Carcassonne, Alban Liechti met à profit sa (brève) liberté pour épouser Yolande Toublanc (avec qui il n'a cessé de correspondre les deux années précédentes), en octobre 1958. " Ce fut l'occasion d'une grande manifestation de solidarité du PCF ", se souvient-il. Le lendemain, l'Humanité est saisie par les autorités. Motif : avoir publié des photos du mariage...
Par micheldandelot1 dans Accueil le 16 Avril 2024 à 09:21
http://www.micheldandelot1.com/vincent-liechti-aujourd-hui-mes-parents-ont-62-ans-de-mariage-un-maria-a185536760
.
Les commentaires récents