Les équilibres précaires
qui, jusqu'ici, ont pu permettre au Maghreb de maintenir la tête hors de l'eau sont rompus.
De nouvelles alliances se font et défont les anciennes avec le concours de nouveaux acteurs régionaux et internationaux dont la mission est justement de précipiter la fin du Maghreb, rappelait bien à propos un éditorialiste. Donc un pas est franchi, et le retour en arrière est presque impossible!
Pour l'heure, donc, on est dans le «non-Maghreb»
Par opposition au « tout-Maghreb », dont on était en droit de rêver. Et de ce fait, quels seraient les impacts ?
La somme de 200 milliards de dollars supplémentaires par an a été, par exemple, énoncée.
Elle correspondrait à des bénéfices qu'auraient pu engranger les économies du Maghreb, à l'horizon 2019, si leurs pays cessaient de se regarder en chiens de faïence et décidaient, enfin, de coopérer. L'information, rapportée par l'hebdomadaire Jeune Afrique', est imputée à Abderrahmane Hadj Nacer, ancien gouverneur de la Banque centrale d'Algérie et fervent partisan de l'UMA qui, hélas, s'est révélée incapable de s'affirmer comme ensemble régional, ni politique encore moins économique.
Pourtant, l'Union promise était riche de promesses à sa naissance!
«Union douanière » dès 1995, puis « Marché commun », à l'horizon 2000. A l'image de l'Union européenne.
Plusieurs années ont passé depuis et les économies du Maghreb continuent d'avancer en ordre dispersé malgré quelques rares initiatives comme la création d'une Union maghrébine des employeurs (UME) en 2007 et d'une Union maghrébine des foires en 2008 qui a tenu son premier salon à Alger.
Le bilan est bien maigre, ce qui avait alarmé en son temps, le patron du FMI d'alors, Dominique Strauss-Kahn (DSK), qui, en 2008, lors d'une escale à Tripoli, a appelé « à accélérer la réalisation de l'intégration économique des pays de la zone ».
Paradoxe, les économies du pays du Maghreb s'avèrent davantage tournées vers l'Europe que vers leurs voisins directs. Plutôt aussi que de négocier, en force, avec l'Union européenne, la Tunisie, le Maroc et l'Algérie ont fait cavalier seul, sans pour autant en tirer des avantages commerciaux et douaniers. Ce n'est quand même pas compliqué de s'appliquer à eux-mêmes les relations commerciales et douanières qu'ils ont avec l'UE, s'est étonné DSK à Tripoli.
La zone maghrébine a pourtant de quoi séduire!
Elle offre un marché de 150 millions de consommateurs à l'horizon 2025. Sauf que les dures réalités du terrain freinent toutes les initiatives:
- marchés aux besoins mal identifiés
- lourdeurs bureaucratiques
- barrières tarifaires
- systèmes bancaires peu concurrentiels,
- et donc, faible soutien à l'investissement productif !
Réaliser la Communauté économique maghrébine, cela ferait gagner à ses membres une valeur ajoutée annuelle d'environ 10 milliards de dollars, soit l'équivalent de 5% de leurs produits intérieurs bruts cumulés. Paroles d'experts!
D'éminents universitaires de la Méditerranée, dont le professeur algérien Abderrahmane Mebtoul, ont tenté de relancer le débat et d'attirer ainsi l'attention des décideurs sur les avantages d'un Maghreb uni. « Il serait suicidaire pour chaque pays du Maghreb de faire cavalier seul », relève le professeur qui affirme : « L'intégration économique régionale est une nécessité historique ».
Sans inclusion euro-méditerranéenne, le Maghreb serait bien davantage ballotté par les tempêtes du marché, avec le risque d'une marginalisation croissante ; « une sortie des radars de l'histoire », a prédit l'éminent professeur qui a ajouté : « On peut faire avancer l'intégration maghrébine par des synergies cultuelles et économiques comme cela s'est passé entre l'Allemagne et la France, grâce au programme Schuman du charbon et de l'acier ».
Et les exemples sont nombreux entre tous les pays du Maghreb:
- la combinaison du gaz algérien et du phosphate marocain au moyen de co-partenariats internationaux bien ciblés, permettrait de créer une des plus grandes entreprises d'envergure mondiale d'engrais, selon les experts, comme le professeur Mebtoul.
Ces derniers recommandent également :
- la redynamisation de la Banque maghrébine d'Investissement;
- la création d'une monnaie maghrébine, à l'image de l'euro;
- ainsi que la mise en place d'une Bourse maghrébine qui devait s'insérer, horizon 2020, au sein du projet de création de la Bourse euro-méditerranéenne.
Tous ces projets, s'ils avaient été mis en œuvre, auraient contribué, à coup sûr, à la prospérité du Maghreb et de ses habitants. Certes, c'est encore un rêve, diront certains, au regard des obstacles de toutes natures qui ne sont pas à négliger.
Le business peut faire, dit-on, ce que les politiques ne font pas !
Ce n'est pas évident car, c´est sur le terrain économique que les blocages se font, de plus en plus, ressentir. Les échanges commerciaux entre les Etats de la région ne dépassent pas les 5 %, alors que d´énormes potentialités existent pour démultiplier ce taux.
Il faudrait remonter au début des années 90, lorsque l´Union européenne a entamé les négociations avec les pays de la région afin de conclure les accords d´association pour situer les raisons de cette faiblesse des échanges.
Alors que l´Algérie plaidait pour une négociation « en bloc » des trois pays de l´Afrique du Nord (Algérie, Maroc, Tunisie), les deux autres pays ont préféré négocier et conclure séparément des accords avec l´UE.
Les équilibres précaires qui, jusqu'ici, ont pu permettre au Maghreb de maintenir la tête hors de l'eau, sont donc rompus!
Depuis sa création en 1989, l´Union du Maghreb arabe a toujours été otage de ses dirigeants: il suffit qu´un Etat prenne une position politique qui déplaise à un autre Etat membre pour que les relations soient gelées, voire détériorées. Les relations, par trop passionnelles, entre les pays de la région ont toujours évolué au gré des circonstances, d´où le peu d´empressement, les blocages et, souvent, le gel des activités de cet ensemble régional. Les causes de la discorde entre pays voisins en raison de la volte-face du Maroc demeurent les plus fortes.
L'UMA est dans le coma, avait déclaré notre ministre des Affaires étrangères et de la Communauté nationale à l'étranger
Ahmed Attaf n'annonce surtout pas de perspective de sa réanimation ajoutant, qu' « elle n'a aucune activité et sans secrétaire général avec des prérogatives ». Une organisation qui a fonctionné au ralenti avant de succomber. Les autorités marocaines n'ont pas manifesté d'intention de redynamiser l'UMA. L'Algérie reste le seul pays membre de l'UMA à n'avoir jamais demandé le gel des activités des institutions maghrébines. Le président de la République Abdelmadjid Tebboune, qui a annoncé en décembre dernier, son intention de relancer le projet de l'UMA, l'a réaffirmé ce samedi, lors de sa rencontre périodique avec des représentants des médias nationaux. Sans le citer nommément, le président de la République a rappelé que le Maroc avait, par le passé, formulé son désir d'intégrer d'autres organisations continentales dans le Golfe et en Afrique telle que la CEDEAO.
L'Algérie œuvre à combler le vide laissé par la paralysie de l'Union du Maghreb arabe (UMA), une des huit communautés régionales sur lesquelles est bâtie l'Union africaine.
La réunion tripartite, début mars à Alger en marge du 7e Sommet du Forum des pays exportateurs de gaz, entre les présidents algérien, tunisien et libyen, vise à créer une nouvelle dynamique régionale. C'est ce qu'a affirmé le président de la République, Abdelmadjid Tebboune, lors de son entrevue périodique avec les représentants des médias nationaux : « notre démarche est motivée par le vide existant actuellement au niveau régional. Même les autres pays africains nous le reprochent ; il y a l'Afrique de l'Ouest, l'Afrique de l'Est, etc. Mais il n'y a pas de bloc nord-africain. Alors, nous avons décidé de nous rencontrer pour coordonner et parler d'une seule voix ».
« On est les seuls (pays du Maghreb) à ne pas s'unir dans un bloc précis », a déploré le Président Tebboune qui a plaidé dans ce sens, pour un consensus afin de réhabiliter cette entité sans exclusion aucune. Le chef de l'Etat a précisé, enfin, que cette initiative a pour objectif de former un ensemble régional qui permettrait de coordonner les efforts en vue d'unifier la voix des pays membres sur de nombreuses questions internationales.
par Cherif Ali
Samedi 6 avril 2024
https://www.lequotidien-oran.com/index.php?news=5328872
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