Le président américain réprouve de plus en plus publiquement les choix du premier ministre israélien et de son armée dans la bande de Gaza. Mais si le climat se refroidit entre les États-Unis et Israël, Joe Biden n’a ni les moyens, ni l’ambition d’aller beaucoup plus loin.
C’est une réprobation de plus en plus vocale, mais corsetée par plus d’un demi-siècle de solide partenariat entre les États-Unis et Israël. Depuis plusieurs jours, Joe Biden laisse éclater au grand jour ses désaccords stratégiques avec Benyamin Netanyahou. Après des mois de soutien quasi absolu à l’offensive israélienne contre le Hamas dans la bande de Gaza, les signes d’agacement du président américain vont crescendo à l’adresse du premier ministre israélien : un micro baladeur le 7 mars, en marge de son discours sur l’état de l’Union, qui aurait capté un « Il faudra bien qu’il comprenne », ou un laconique « oui » en réponse à la question « Benyamin Netanyahou doit-il permettre l’acheminement de plus d’aide humanitaire ? »
Le fossé se creuse entre les deux hommes qui ne s’apprécient guère. Joe Biden n’a-t-il pas fait lanterner pendant des mois le leader israélien avant d’accepter de le rencontrer, en septembre 2023 – pour la première fois depuis sa réélection fin 2022 –, non pas à la Maison-Blanche, mais dans un hôtel new-yorkais, et avec une demi-heure de retard, en signe de réprobation face à la dérive illibérale de son gouvernement ? La semaine dernière, l’administration américaine a encore fait grincer les dents de la droite israélienne en recevant l’éternel rival de Benyamin Netanyahou et membre du cabinet de guerre, Benny Gantz, comme pour préparer l’après- « Bibi ». Et pour Netanyahou, rien ne lui serait plus profitable qu’une réélection de Donald Trump…
« Pas de ligne rouge »
Samedi 9 mars, alors que les espoirs d’obtenir une trêve avant le début du Ramadan semblaient s’être dissipés, Joe Biden a décoché une nouvelle flèche en direction de Benyamin Netanyahou. « Il fait plus de mal que de bien à Israël » à travers la guerre dans la bande de Gaza, a-t-il déclaré dans une interview à la chaîne MSNBC. Petite phrase à laquelle l’intéressé a répondu le lendemain, en faisant valoir le soutien de la population israélienne. « Je ne sais pas exactement ce que le président voulait dire, mais s’il entendait par là que je mène une politique personnelle contre le souhait de la majorité des Israéliens, et que je vais contre les intérêts d’Israël, alors il a tort sur les deux points », a estimé Benyamin Netanyahou dans une interview à Politico.
En dépit de ces réprobations plus ou moins publiques, Joe Biden jouit d’une marge de manœuvre réduite, à huit mois d’une présidentielle au cours de laquelle il joue sa réélection : s’il doit composer avec la gauche propalestinienne de la base démocrate et avec une partie de l’opinion effarées par les 31 000 morts gazaouis et le risque de famine dans l’enclave, le président n’a pas le luxe de s’aliéner un électorat américain largement pro-Israël. L’État hébreu, de son côté, sait très bien que, malgré l’appel d’une trentaine d’élus démocrates, Washington ne réduira pas l’enveloppe de son aide militaire de quelque 3,3 milliards de dollars annuels. Joe Biden l’a reconnu lui-même : tout en parlant sur MSNBC d’une possible offensive israélienne à Rafah comme d’une « ligne rouge », il s’est ravisé juste après pour dire qu’« il n’y a pas de ligne rouge où je veux arrêter totalement les livraisons d’armes ».
Un argumentaire sinueux qui illustre la position d’équilibriste dans laquelle se trouvent les États-Unis et Joe Biden, « partisan à vie d’Israël » : tancer l’État hébreu, l’appeler à un « cessez-le-feu immédiat » tout en l’armant. Faute d’autres leviers de pression pour qu’Israël laisse passer davantage de vivres par voie terrestre, Washington enchaîne les largages d’aide humanitaire quotidiens mais largement insuffisants sur Gaza et a envoyé un navire militaire avec le matériel nécessaire à la construction d’une jetée qui pourrait prendre jusqu’à soixante jours. À l’occasion du Ramadan, Joe Biden a transmis un message de solidarité, dans lequel il affirme que, pendant ce mois sacré, « la souffrance du peuple palestinien sera au premier plan pour beaucoup. Elle l’est pour moi. »
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