« La première femme à avoir détourné un avion » est une jeune Palestienne de 25 ans qui avait choisi la lutte armée. Son portrait a fait le tour du monde et « l’Obs » revient sur son parcours à l’occasion d’un dossier spécial sur l’histoire d’Israël et de la Palestine.
Keffieh drapé autour des cheveux, visage penché comme pour se détourner de l’objectif. Sur la photo, Leïla Khaled tient un fusil-mitrailleur AK-47. Sa bague a été fabriquée à partir de la première grenade qu’elle a dégoupillée. Le portrait, devenu emblématique, est celui d’une Palestinienne de 25 ans devenue mondialement célèbre à l’été 1969. Le 29 août, avec un complice, elle prend le contrôle du vol 840 de la TWA à destination de Tel-Aviv. Les deux membres du Front populaire de Libération de la Palestine (FPLP) – une organisation nationaliste d’extrême gauche – détournent l’appareil jusqu’à Damas où ils dynamitent le cockpit, une fois les 116 passagers débarqués sur le tarmac. Celui qu’ils voulaient prendre en otage – Yitzhak Rabin, alors ambassadeur d’Israël à Washington – ne se trouve pas à bord.
L’objectif du commando « Che Guevara » est manqué. Mais c’est un succès médiatique. Les journalistes s’intéressent à la cause palestinienne et à celle qui, par les armes, la rend visible. Née à Haïfa, que le pilote de la TWA a été forcé de survoler, « la première femme à avoir détourné un avion » fait partie de la « génération des camps » : elle et sa famille se sont réfugiées au Liban lors de l’exode palestinien de 1948. A 15 ans, elle a rejoint le Mouvement nationaliste arabe (MNA) aux côtés de ses frères, et a choisi la lutte armée.
Au tournant des années 1970, le recours au terrorisme par des nationalistes palestiniens a deux objectifs : livrer des attaques dans les Territoires occupés, attirer l’attention par des actions spectaculaires. Prises d’otages et détournements d’avion émaillent ainsi la décennie. Le nez et le menton refaits, pour ne pas être reconnue, Leïla Khaled se prêtera d’ailleurs à un autre acte de piraterie. Le 6 septembre 1970, des commandos tentent de détourner quatre avions. Le complice de Leïla Khaled est abattu en vol. Remise aux autorités britanniques, à Londres, où l’avion a atterri, elle est libérée vingt-huit jours plus tard à la faveur d’un échange d’otages.
Elle ne participe pas cependant à l’action la plus marquante de l’été 1976, où une poignée de terroristes détournent un vol Air France reliant Tel-Aviv à Paris, avec plus de 240 passagers, pour le forcer à se poser en Ouganda. Eux réclament la libération de 53 prisonniers palestiniens. Après des jours de négociations, Israël déclenche un raid, conduit par Yonatan Netanyahou (frère aîné de Benyamin), pour libérer la quasi-totalité des otages.
Médiatiser la cause palestinienne
Comme l’écrit l’historien Gilles Ferragu, si le keffieh de Yasser Arafat et le sourire de Leïla Khaled ont pu médiatiser la cause palestinienne, une autre image la dessert, « celle d’un homme cagoulé qui se penche du balcon d’un bâtiment du village olympique ». En 1972, l’organisation Septembre noir, branche dissidente du Fatah, prend en otage et tue des athlètes israéliens pendant les Jeux de Munich. Sidération mondiale devant cette horreur. En représailles, l’armée israélienne bombarde des bases de l’Organisation de Libération de la Palestine (OLP) en Syrie et au Liban.
Avec les accords d’Oslo en 1993, l’organisation d’Arafat s’engagera à renoncer au terrorisme et à lutter contre lui. Mais le bilan, sur ce point, est ambigu. Leïla Khaled, qui n’a jamais revu Haïfa, a vécu au Liban, en Syrie et en Jordanie, où elle a élevé deux garçons. Elle s’est engagée auprès du Conseil national palestinien. Perçue ici comme une terroriste et là comme une héroïne, elle répète ne pas regretter ses choix
Par Emilie Brouze
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Les armes se sont tues il y a plus de soixante ans, et pourtant le souvenir de ce conflit, emblématique de la décolonisation, ne cesse de hanter la France. Chez les anciens combattants, la parole se libère, âpre, amère, impérieuse aussi : comment, au temps des yéyés et à l’aube de la vie, accomplir son devoir tout en menant une guerre « sans nom », une sale guerre qui n’en finit pas d’étaler son absurdité et ses horreurs ? Pour ce numéro spécial sur l’Algérie, Historia a confié à Tramor Quemeneur, spécialiste de ce sujet, le soin de piocher, dans la correspondance de jeunes appelés et de leurs proches, des expériences et des témoignages qui rendent compte du vécu de ce conflit auquel nul n’était préparé. Émouvants, éclairants, présentés tels qu’ils furent écrits, ils tentent de donner un sens à ce qui fut, pour beaucoup, l’épreuve de leur vie. Nous dédions ce dossier à la mémoire de Bernard Bourdet, pour son amitié, et à celle de Pierre Genty et de Noël Favrelière, pour leur gentillesse.
Après avoir laissé une bonne part de leur innocence là-bas, dans des combats que la métropole a vite oubliés, les conscrits français se sont longtemps murés dans le silence.
Les soldats de la guerre d'Algérie représentent la dernière « génération du feu ». Les conflits où s'est engagée la France n'ont depuis impliqué qu'un nombre limité de militaires de carrière. De plus, le nombre élevé de jeunes gens qui y ont participé (1,2 million de conscrits, auxquels il faut ajouter 200 000 « rappelés », ceux qui avaient déjà effectué leur service et que les autorités françaises ont envoyés en Algérie) s'explique par la longueur ddu conflit. En tout, environ 2 millions de soldats ont servi dans l'armée française pendant la guerre d'Algérie.
Deux générations précédentes avaient participé aux guerres mondiales. La contribution avait été plus massive, les combats s'étaient en grande partie déroulés sur le territoire métropolitain et avec un front bien établi. Rien de comparable avec la guerre d'Algérie, où c'est tout le territoire qui est devenu le lieu de combats - dont le modus vivendi , sauf en de rares occasions, était celui de la guérilla. De plus, les gouvernements successifs ont cherché à minimiser la situation en niant l'état de guerre et en qualifiant le conflit de simples « opérations de maintien de l'ordre ». Les combattants algériens étaient, eux, des « hors-la-loi » dans une « guerre sans nom ».
Un retour laborieux et hanté de cauchemars
Tous ces facteurs ont contribué à ce que les appelés du contingent se retrouvent confrontés à des discours de leur famille et de leurs proches dénigrant la gravité des combats auxquels ils participaient. Ainsi, les anciens combattants leur disaient parfois que ce n'était en rien comparable avec ce qu'ils avaient vécu. En outre, à leur retour, les appelés ressentaient un profond décalage par rapport à ce qu'ils vivaient en Algérie. La société de consommation bouleversait de plus en plus la société française, les loisirs se faisaient de plus en plus prégnants - autant de préoccupations pouvant paraître frivoles pour ceux qui baignaient dans la peur et la mort des embuscades et des opérations. Pendant ce temps, leurs amis s'amusaient, les surprises-parties battaient leur plein, notamment avec le succès de l'émission Salut les copains ! sur Europe 1, à partir de 1959.
Parfois, aussi, leur fiancée s'éloignait, creusant un vide sentimental et émotionnel autour d'eux. Tout cela a contribué à ce que les appelés se murent dans le silence dès leur retour. La peur accumulée pendant des mois d'accrochages, le choc des combats et des horreurs vues et vécues ont contribué à ce que de nombreux soldats soient atteints de troubles de stress post-traumatique (post-traumatic stress disorder, terme développé par les Américains après la guerre du Vietnam). Des réflexes conditionnés pendant des mois de guerre conduisent à ce que beaucoup d'anciens appelés cherchent leur arme à leur réveil ou plongent au sol pour se protéger en croyant entendre une explosion dans la rue...
La famille pouvait aussi constater un changement d'humeur, un caractère dépressif, une irascibilité, voire une violence chez les ex-appelés, conduisant parfois à ce que les proches ne les interrogent pas sur les raisons de leur mal-être. Enfin, les cauchemars ont commencé à peupler les nuits des anciens appelés, réapparaissant par séries dès qu'un événement faisait resurgir le souvenir de la guerre. C'est pourquoi de nombreux anciens appelés ont évité de lire ou de regarder des films qui évoquaient cette période, afin de ne pas raviver les traumatismes.
Certains ont réussi à se réadapter très vite. Ils ont repris leur travail dès leur retour et sont parvenus à oublier rapidement la guerre. Parfois même, la guerre leur a permis de faire des rencontres ou d'acquérir des savoirs qu'ils ont réinvestis ensuite dans le domaine professionnel. Une partie des appelés a mis plusieurs mois avant de reprendre un travail, du fait des syndromes de stress post-traumatique qui les handicapaient. D'autres, enfin, n'ont jamais pu se réadapter. Certains ont basculé dans la folie et passé leur vie dans des hôpitaux psychiatriques : les statistiques des hôpitaux militaires sont sur ce point encore inconnues.
Des dégâts sous-estimés
Il est évident que les 60 000 blessés reconnus officiellement du côté français sont largement sous-estimés, les problèmes psychologiques n'ayant pour une large part pas été comptabilisés. De même, certains soldats qui n'ont pas supporté le poids de ce qu'ils avaient vécu en Algérie se sont suicidés à leur retour. Ce sujet est évoqué par le romancier Vladimir Pozner dans Le Lieu du supplice, un recueil de nouvelles tirées de faits réels publié en 1959 chez Julliard.
Pour d'autres conscrits, les problèmes psychologiques ont été masqués par un alcoolisme dans lequel ces soldats avaient commencé à sombrer pendant le conflit. Ce sujet apparaît dans le roman de Laurent Mauvignier, Des hommes (publié en 2009 aux Éditions de Minuit). Il est impossible de quantifier les cas d'alcoolisme imputables à la guerre d'Algérie, tout comme il est impossible de savoir dans quelle mesure les actes de violence pratiqués par d'anciens appelés sont dus à la guerre. Un autre phénomène qui a gangrené la société française après 1962 est le racisme. Celui-ci existait bien évidemment avant la guerre. Mais, pendant et après celle-ci, il a pris pour cible les « Arabes », c'est-à-dire presque exclusivement les Maghrébins et, encore plus, les Algériens. Leur rejet trouve notamment son origine dans les épisodes douloureux que les soldats ont vécus en Algérie, par le racisme colonial qui existait en Algérie et que certains pieds-noirs ont rapporté en métropole, mais aussi par la propagande du 5e Bureau, chargé de l'« action psychologique » - notamment à destination des soldats -, qui véhiculait des préjugés raciaux sur la population algérienne. Ce racisme a trouvé à partir des années 1970 une expression politique avec la création du Front national.
Une reconnaissance tardive du statut de combattant
Dès la fin de la guerre d'Algérie, les faits commis pendant les hostilités ont commencé à être amnistiés à la suite des accords d'Évian. Des décrets puis des lois d'amnistie ont été adoptés en 1962, en 1964, en 1966 et en 1968 - cette dernière ne concernant quasi exclusivement que les membres de l'OAS. Les officiers sanctionnés pour leur action contre les institutions françaises (participation au putsch des généraux en 1961 et à l'OAS) ont même été réintégrés dans leur carrière, notamment afin qu'ils bénéficient de leur pleine retraite. Parallèlement, les appelés du contingent luttaient pour leur reconnaissance en tant qu'anciens combattants d'une guerre qui, officiellement, n'en était pas une. Plusieurs associations existaient avant même la guerre d'Algérie, en particulier l'Union nationale des combattants et l'Association républicaine des anciens combattants - toutes deux issues de la Première Guerre mondiale.
Dès la guerre d'Algérie sont créées des associations d'anciens d'Algérie, qui ont formé ensemble une première fédération en 1958. Celle-ci est devenue la Fédération nationale des anciens combattants d'Algérie, de Tunisie et du Maroc (Fnaca) en 1963. Elle est alors présidée par le directeur de L'Express, Jean-Jacques Servan-Schreiber. Cette association a pris de l'ampleur, jusqu'à comprendre plus de 300 000 membres et devenir la première association d'anciens combattants. Ce terme de « combattant » revêtait une importance particulière, car les « anciens d'Algérie » n'étaient justement pas reconnus comme ayant participé à des combats, mais seulement à des « opérations de maintien de l'ordre ». Leur première revendication concernait donc le fait qu'ils avaient participé à une guerre et en avaient subi toutes ses conséquences. Leur lutte aboutit plus de dix ans plus tard, en 1974, et encore de manière restrictive : il faut avoir été dans une unité combattante en Algérie pendant plus de cent vingt jours. Il a encore fallu attendre la loi du 18 octobre 1999 pour qu'enfin les autorités françaises reconnaissent que les « opérations de maintien de l'ordre » étaient une véritable guerre.
Se souvenir, mais quand ?
Une autre lutte de la Fnaca a été (et reste encore) la reconnaissance du 19 mars comme jour officiel de commémoration de la guerre d'Algérie. En 2013, le 5 décembre est devenu par décret la journée officielle de commémoration, mais ce jour a été choisi car il ne correspond à aucun événement de la guerre d'Algérie (il serait donc « neutre »). La date du 19 mars réclamée par la Fnaca est récusée par d'autres associations portant une mémoire pied-noire et harkie, lesquelles affirment (à juste titre) qu'il y a eu de nombreux morts après le 19 mars. Mais cette date apparaît comme la seule à posséder un sens symbolisant la fin de la guerre. D'ailleurs, depuis la loi du 6 décembre 2012, elle a été officialisée, bien que des associations nostalgiques de l'« Algérie française » continuent de s'y opposer. Les commémorations se déroulent devant les monuments aux morts locaux ainsi que devant des monuments départementaux - le premier a été inauguré à Troyes en 1977. En 2002, un monument national, composé de trois colonnes sur lesquelles défilent les noms des morts en Algérie, a été érigé au quai Branly, à Paris, tout près de la tour Eiffel.
Plus de cinquante-six ans après la fin de la guerre, les appelés en Algérie arrivent au terme de leur vie. Se pose alors la question de la transmission de leur mémoire aux générations suivantes. Dans leur très grande majorité, leurs enfants ont été marqués par leur silence, par les non-dits autour de cette guerre - même s'ils ont vécu indirectement avec elle, par les cauchemars et les traumatismes des pères. Aujourd'hui, toutefois, la guerre d'Algérie est plus étudiée dans les collèges et les lycées ; d'anciens appelés interviennent dans les établissements scolaires pour raconter leur guerre, et les jeunes, plus réceptifs à cette question, interrogent leurs grands-pères sur ce qu'ils ont vécu en Algérie.
Le poids du silence des mémoires se déleste peu à peu. On pourra ainsi mieux saisir la complexité de cette guerre des deux côtés de la Méditerranée et les tensions entre les groupes « porteurs de mémoire » pourront s'estomper. Alors, seulement, une mémoire sereine, familiale et collective, pourra se transmettre et sera à même d'éviter que de lourds secrets ne continuent à hanter nos sociétés.
Certains appelés ont réussi à se réadapter rapidement
Ils ont repris leur travail dès leur retour et sont parvenus à oublier rapidement la guerre. Parfois même la guerre leur a permis de faire des rencontres ou d’acquérir des savoirs qu’ils ont réinvesti dans le domaine professionnel ensuite.
Une partie des appelés ont mis plusieurs mois avant de reprendre un travail du fait des syndromes de stress post-traumatique qui les handicapaient. D’autres enfin n’ont jamais pu se réadapter. Certains ont basculé dans la folie et ont passé leur vie dans des hôpitaux psychiatriques : les statistiques des hôpitaux militaires sont sur ce point encore inconnues. Il est évident que les 60 000 blessés reconnus officiellement du côté français sont largement sous-estimés, les problèmes psychologiques n’ayant pour une large part pas été comptabilisés. De même, certains soldats qui n’ont pas supporté le poids de ce qu’ils avaient vécu en Algérie se sont suicidés à leur retour. Ce sujet est notamment évoqué par le romancier Vladimir Pozner dans Le lieu du supplice, recueil de nouvelles tirées de faits réels.
Pour d’autres soldats, les problèmes psychologiques ont été masqués par un alcoolisme dans lequel les soldats avaient commencé à sombrer dès la guerre d’Algérie. Ce sujet apparaît dans le roman de Laurent Mauvignier, Des hommes (2009). Il est impossible de quantifier les cas d’alcoolisme imputables à la guerre d’Algérie, tout comme il est impossible de savoir dans quelle mesure les actes de violence pratiqués par d’anciens appelés sont dus à la guerre.
Un autre phénomène qui a gangrené la société française après 1962 est le racisme. Celui-ci préexistait bien évidemment à la guerre. Mais pendant et après celle-ci, il a pris pour cible les « Arabes », c’est-à-dire presque exclusivement les Maghrébins et encore plus les Algériens. Leur rejet trouve notamment son origine dans les épisodes douloureux que les soldats ont pu vivre en Algérie, par le racisme colonial qui existait en Algérie et que certains « pieds noirs » ont ramené en métropole, mais aussi par la propagande du 5e Bureau, chargé de « l’action psychologique » (notamment à destination des soldats français), qui véhiculait des préjugés raciaux et racistes sur la population algérienne. Ce racisme a trouvé à partir des années 1970 une expression politique avec la création puis l’essor du Front national.
Le terme de « combattant »
Il revêtait ici une importance particulière car les « anciens d’Algérie » n’étaient justement pas reconnus comme ayant participé à des combats mais seulement à des « opérations de maintien de l’ordre ». Leur première revendication concernait donc le fait d’avoir participé à une guerre et à toutes ses conséquences. Leur lutte aboutit plus de dix ans plus tard, en 1974, et encore de manière restrictive : il faut avoir été dans une unité combattante en Algérie pendant plus de 120 jours. Il a encore fallu attendre la loi du 18 octobre 1999 pour qu’enfin les autorités françaises reconnaissent que les « opérations de maintien de l’ordre » étaient en fait une guerre.
Une autre lutte de la FNACA a été (et est encore) la reconnaissance du 19 mars comme jour officiel de commémoration de la guerre d’Algérie. En 2013, le 5 décembre est devenu par décret la journée officielle de commémoration, mais ce jour a été choisi car il ne correspond à aucun événement de la guerre d’Algérie (il serait donc « neutre »). La journée du 19 mars réclamée par la FNACA est combattue par d’autres associations portant une mémoire pied noire et harkie qui affirment (à juste titre) qu’il y a eu de nombreux morts après le 19 mars. Mais cette date apparaît comme la seule à posséder un sens symbolisant la fin de la guerre. D’ailleurs, depuis la loi du 6 décembre 2012, elle a été officialisée, bien que des associations nostalgiques de « l’Algérie française » continuent de s’y opposer.
Les commémorations se déroulent devant les monuments aux morts locaux ainsi que devant des monuments départementaux dont le premier a été inauguré à Troyes en 1977. En 2002, un monument national, composé de trois colonnes sur lesquelles défilent les noms des morts en Algérie, a été érigé au quai Branly à Paris, tout près de la tour Eiffel.
Femmes d'appelés
Des appelés se sont mariés avant leur départ en Algérie, surtout s'ils étaient rappelés (ils avaient déjà terminé leur temps de service). Quelquefois, c'est au cours d'une permission que ce mariage s'est effectué. Mais le plus souvent, les appelés étaient célibataires, voire fiancés, leur union étant repoussée au retour d'Algérie. Parfois, le promis n'est jamais revenu, laissant une blessure indélébile pour ces « veuves blanches », puisqu'elles n'étaient pas encore mariées. L'éloignement et le temps ont pu faire s'envoler l'amour, laissant alors les soldats dans un terrible vide sentimental. Quelquefois, au contraire, l'amour est né sous les drapeaux, avec la rencontre d'une femme en Algérie ou lors de la correspondance avec une « marraine de guerre ». Au retour, certaines épouses et fiancées ont constaté combien la guerre avait transformé leur compagnon, ce qui a conduit à des séparations difficiles. Pour les autres, il a fallu apprendre à vivre ensemble, avec les cauchemars qui pouvaient hanter les nuits des époux, sans savoir ce qu'ils avaient vécu ni ce qu'ils avaient fait là-bas. Parfois, l'historien qui interroge le mari en sait davantage sur son parcours en Algérie que l'épouse... Et pourtant, les femmes d'appelés ont souvent été essentielles à l'équilibre psychique de ceux qui ont été traumatisés par la guerre. T. Q.
Réconcilier et transmettre
En 2004, la petite Association des anciens appelés en Algérie contre la guerre (4ACG) a été créée. Ses membres reversent leur retraite d’ancien combattant pour une action importante : la réconciliation entre Français et Algériens. Enfin, l’Espace national guerre d’Algérie (ENGA) créé en 2017 a pour but de collecter des témoignages, de sauvegarder et de transmettre l’histoire et les mémoires de la guerre d’Algérie.
Deux millions d’appelés ont combattu en Algérie. À leur retour, la plupart se sont tus. Comment parler de leur expérience à leurs parents ou leurs grands-parents qui avaient déjà connu deux guerres mondiales ? Ou à des civils qui n’avaient pas pris la mesure de ce conflit ? Depuis une quinzaine d’années, encouragée par les historiens et des associations d’anciens combattants, leur parole se libère peu à peu. L’historien Tramor Quemeneur, ancien élève de Benjamin Stora, recueille depuis plus de vingt ans leurs témoignages. Historia en publie une sélection inédite, passée au filtre de la rigueur scientifique. Une immersion qui reflète toute la complexité de cette « guerre sans nom ».
"La guerre d’Algérie, guerre fratricide de populations cohabitant depuis plus de cent trente ans, guerre asymétrique opposant une armée conventionnelle à une autre pratiquant la guérilla, a donc constitué un conflit où tous les coups étaient permis, et tous les moyens utilisés. Est-ce à dire qu’il n’y a pas eu des traces d’humanité dans ce conflit ?"interroge Tramor Quemeneur. La réponse est précisément dans ce numéro entièrement consacré à la guerre d’Algérie et à ceux qui y ont participé.
En complément des documents originaux issus des archives d’anciens appelés, replacés dans leur contexte historique, des récits vont revivre l'époque :
Tramor Quemeneur raconte dans Un « art français de la guerre » comment l’armée française a utilisé dans cette guerre non conventionnelle des armes qui ne l’étaient pas non plus, au détriment de la population. Il explique ensuite dans « Gagner les cœurs et les esprits » quelles ont été les actions pour tenter de se concilier les populations algériennes et motiver des conscrits peu enclins pour certains à se battre. Et se penche dans « Mémoires d’appelés, mémoires blessées » sur la manière dont la dernière « génération du feu » a été marquée par cette expérience au point pour certains de se murer dans le silence.
Jean-Paul Mari dans « La « Bleuite », mal mortel du FLN, évoque la stratégie développée par le capitaine Léger, officier des services de renseignements français, pour endiguer la vague d’attentats qui frappe Alger au début de l’année 1957.
La chronique d’Emmanuel de Waresquiel – qui nous livre une très intéressante et profonde réflexion sur la conscience. "La conscience, écrit-il, c’est ce qui reste lorsque le drame est consommé. Personne ne peut nous la ravir. Certains préfèrent celle des vainqueurs, d’autres celle des vaincus."
Pour aller plus loin,
♦ le sort des compagnons de l’émir Abd el-Kader.
♦ une bibliographie sélective sur la guerre d’Algérie.
♦ Sans oublier, la chronique de Guillaume Malaurie qui évoque les évènements de Mai 68 comme « une leçon de vie » pour le (très jeune) lycéen qu’il était alors ; les pages « Voyage » qui vous emmèneront à Alger « la blanche », « Gastronomie » consacrée au Couscous, plat préféré des Français, et « Le Vin » qui vous parlera de la (difficile) renaissance de la viticulture algérienne, cible de l’ire des islamistes.
L’Afrique du Sud a déposé une requête auprès de la Cour internationale de Justice, l’organe de l’ONU censé juger les différends entre États. Pretoria entend ainsi dénoncer et prévenir le caractère « génocidaire » de l’invasion israélienne à Gaza.
avéPavé dans la mare, pour les défenseurs du peuple palestinien, ou pétard mouillé pour les inconditionnels de l’État d’Israël : l’Afrique du Sud a déposé une requête introductive d’instance, assortie d’une demande de mesures conservatoires (l’équivalent d’un référé), devant la Cour internationale de justice (CIJ). Cet organe de l’ONU siège à La Haye et ne doit pas être confondu avec la Cour pénale internationale (CPI), qui statue également dans la cité décisionnelle exécutive et législative des Pays-Bas.
La requête en question vise donc l’État d’Israël et ses possibles manquements à la prévention du crime de génocide, dont apparaissent victimes les Palestiniens coincés et pilonnés dans la bande de Gaza. La saisine de la CIJ est affaire délicate, les compétences de la cour s’avérant limitées du fait de la souveraineté des États, qui ne sont soumis à cette juridiction qu’à partir du moment où ils y ont donné leur consentement – afin, par exemple, de régler un tracé de frontière, terrestre ou maritime, comme entre le Niger et le Burkina Faso (2013), ou entre le Pérou et le Chili (2014).
La Cour peut également être saisie si les États concernés ont signé une clause facultative de juridiction obligatoire : un tiers seulement des pays siégeant à l’Onu l’ont fait. L’URSS, devenue la Russie, n’a jamais signé. Pas plus que la Chine. La France a retiré sa signature pour échapper aux condamnations liées à ses essais nucléaires dans le Pacifique. Les États-Unis se sont extraits sous la présidence de Ronald Reagan, lors du financement des « Contras » au Nicaragua.
Aujourd’hui l’Afrique du Sud, au sujet de la guerre menée par Israël contre le Hamas – devenue guerre contre le peuple palestinien –, a suivi une troisième voie : saisir la Cour à partir d’un traité international comportant une clause de juridiction.
C’est le cas de la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide, approuvée à l’unanimité par l’Assemblée générale des Nations unies le 9 décembre 1948 – dans le sillage de la destruction des juifs d’Europe. Or le crime de génocide, individuel ou collectif, peut et doit être empêché ou réprimé à partir du moment où se révèle l’intentionnalité qui le définit. Le délit international est en effet constitué lorsque certains actes sont commis « dans l’intention de détruire en tout ou en partie un groupe national, ethnique, racial ou religieux ».
Les interprétations contradictoires ne manquent pas concernant ce texte. En février 2022, le Kremlin a justifié son invasion de l’Ukraine en raison des prétendues menées génocidaires perpétrées dans le Donbass par le gouvernement de Kyiv. Celui-ci a retourné l’accusation contre son agresseur, ne cessant de documenter un procès qui devrait se tenir à la fin de l’année 2024 devant la CIJ.
En attendant, la paralysie du système international s’est une fois de plus manifestée au grand jour : la Cour, censée rendre des décisions juridiquement contraignantes sans avoir les moyens de les faire appliquer, a ordonné à la Russie de mettre fin à son offensive en Ukraine, dès le mois de mars 2022 ; avec le résultat que nous savons.
L’opinion publique mondiale se montre toutefois sensible à cette façon de dire le droit. Dans une telle optique, la requête du 29 décembre 2023 portée par l’Afrique du Sud affirme que « les actes et omissions d’Israël revêtent un caractère génocidaire dans la mesure où ils s’accompagnent de l’intention spécifique requise de détruire les Palestiniens de Gaza en tant que partie du groupe national, racial et ethnique plus large des Palestiniens ».
Comment Israël réagira-t-il ?
Le texte ajoute : « Du fait de son comportement – par le biais de ses organes, agents et d’autres personnes ou entités agissant selon ses instructions, sa direction, son contrôle ou son influence – à l’égard des Palestiniens de Gaza, Israël manque aux obligations qui lui incombent au titre de la Convention contre le génocide. »
Comment Israël réagira-t-il ? Une requête pour avis consultatif a déjà été déposée cette année à la CIJ sur les « conséquences juridiques découlant des politiques et pratiques d’Israël dans les territoires palestiniens occupés, y compris Jérusalem-Est ».
Cette saisine des juges de La Haye découle d’une résolution de l’Assemblée générale des Nations unies, adoptée le 30 décembre 2022, par 87 États, avec 53 abstentions et 26 votes contre. Les plaidoiries sont prévues le 17 février prochain et la procédure pourrait conduire la Cour internationale de justice à statuer sur la légalité de la présence israélienne dans les territoires en question.
La représentation israélienne à l’ONU s’est opposée en vain à une telle résolution qui, selon elle, « diabolise Israël et exonère les Palestiniens de toute responsabilité dans la situation actuelle ». Le délégué israélien ajoutant que la saisine de l’institution « décimerait toute chance de réconciliation entre Israël et les Palestiniens ». Cet argument spécieux a été repris par Washington, Londres, ou Ottawa – mais non par Paris.
Détruire le mur
En 2004, la CIJ avait rendu un avis consultatif clair et net contre le « mur de séparation » voulu par Israël et qui constitue, selon l’institution onusienne, un élément d’opposition au droit du peuple palestinien à disposer de lui-même. L’avis recommandait de détruire le mur, de rembourser les dégâts et d’interdire aux entreprises de poursuivre la construction. L’avis n’a pas été suivi d’effet mais Israël avait mal supporté une telle mise en évidence de sa politique systématique.
Depuis, selon un observateur attentif de la Cour, celle-ci aurait perdu ses juges internationaux les plus sagaces et tranchants (ils sont au nombre de quinze élus pour neuf ans), remplacés en majorité par des diplomates au rencart – experts dans l’art de couper les cheveux en quatre et animés du désir de ne froisser personne.
Cette fois-ci, Israël pourrait ne pas s’en tirer par le simple mépris, en contestant la compétence de la CIJ, qui rendra publique la procédure une fois terminée. Pratiquer la politique de la chaise vide – et donc ne pas se défendre sur le terrain de la preuve face à une accusation de génocide –, serait une énorme bévue. Mais le gouvernement Nétanyahou n’en serait pas à sa première faute.
Il vient de rejeter « avec dégoût » les assertions de l’Afrique du Sud par la voix de Lior Haiat, porte-parole du ministère israélien des affaires étrangères. Celui-ci a qualifié la requête devant le tribunal onusien de « diffamation sans fondement légal », tout en assurant que son pays « respecte le droit international dans sa guerre contre le Hamas à Gaza ».
Un long et tortueux chemin demeure, pour que la raison du plus fort n’ait plus le premier ni le dernier mot. Et pour que ceux qui nous gouvernent soient eux-mêmes gouvernés par des lois. Néanmoins, la requête portée par Pretoria auprès de la CIJ laissera des traces, qui ne pourront que contrarier ceux qui tablent sur leur effacement...
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Addendum du 31 décembre à 14h30
En réaction à l'accusation de génocide portée devant la CIJ par l'Afrique du Sud, le premier ministre israélien, Benyamin Nétanyahou, a déclaré lors d'une réunion de son gouvernement, ce dimanche 31 décembre : « Nous continuerons notre guerre défensive, dont la justice et la moralité sont sans équivalent. » L’armée « fait tout pour éviter de blesser des civils, alors que le Hamas fait tout pour leur nuire et les utilise comme boucliers humains », a ajouté le premier ministre. Selon lui, les forces de l’État d'Israël agissent « de la manière la plus morale possible » dans la bande de Gaza.
Je crois en l’homme, cette ordure. Je crois en l’homme, ce fumier, Ce sable mouvant, cette eau morte. Je crois en l’homme, ce tordu, Cette vessie de vanité. Je crois en l’homme, cette pommade, Ce grelot, cette plume au vent, Ce boute feu, ce fouille-merde. Je crois en l’homme, ce lèche-sang.
Malgré tout ce qu’il a pu faire De mortel et d’irréparable. Je crois en lui Pour la sureté de sa main, Pour son goût de la liberté, Pour le jeu de sa fantaisie
Pour son vertige devant l’étoile. Je crois en lui Pour le sel de son amitié, Pour l’eau de ses yeux, pour son rire, Pour son élan et ses faiblesses.
Je crois à tout jamais en lui Pour une main qui s’est tendue. Pour un regard qui s’est offert. Et puis surtout et avant tout
Les funérailles de l'ancien ministre de la Défense nationale et membre du Haut comité d'État, le moudjahid Khaled Nezzar ont eu lieu, hier, à Alger. L'ex-chef d'état-major des armées, entre 1988 et 1992, a été inhumé au cimetière d'El Alia dans une ambiance empreinte de beaucoup de tristesse. Les proches du défunt n'étaient pas seuls. Les obsèques de l'homme qui fait partie des sauveurs de la République ont eu lieu en présences de hauts gradés de l'armée, à leur tête le général d'armée et chef d'état-major de l'ANP, Saïd Chanegriha. Ce dernier a présenté en son nom et au nom de tous les éléments de l'ANP, ses plus sincères condoléances à la famille, «priant Dieu Tout-Puissant de couvrir l'âme du défunt de sa Sainte Miséricorde et de l'habiter dans des Jardins Spacieux avec les martyrs et les amis authentiques, et d'inspirer à sa famille et à ses proches la patience et le réconfort dans cette grande affliction». La directeur de cabinet à la présidence par intérim, Boualem Boualem, les généraux à la retraite, Mohamed Touati, et Mohamed Mediène, dit Toufik, deux compagnons du défunt qui ont pris part à la lutte contre le terrorisme, sont également venus accompagner leur frère à sa dernière demeure. En plus d'anciens hauts gradés de l'armée et des autorités militaires, les obsèques du général se sont déroulées en présence des autorités civiles. Le Premier ministre, Nadir Larbaoui, les ministres de l'Intérieur, Brahim Merad, de la Justice, Abderrachid Tabbi, de l'Energie et des Mines, Mohamed Arkab, de la Formation et de l'Enseignement professionnels, Yacine Merabi, de l'Éducation nationale, Abdelhakim Belabed, du Commerce, Tayeb Zitouni, et l'ex-ministre Amara Benyounès sont venus se recueillir sur la tombe du défunt qui s'est éteint, vendredi à l'âge de 86 ans, des suites d'une longue maladie.
Des personnalités politiques, à l'instar du président du parti Jil Jadid, Soufiane Djilali, et d'autres personnalités historiques ont tenu à marquer de leur présence en compagnie d'une foule nombreuse de citoyens, notamment ceux ayant connu feu Nezzar. Il y a lieu de noter que le président de la République, Abdelmadjid Tebboune, n'a pas manqué l'occasion de présenter ses sincères condoléances à la famille du regretté. «C'est avec une profonde tristesse que j'ai reçu la nouvelle», a écrit le chef de l'État. Il ajoutera: «Le défunt était l'une des personnalités militaires les plus marquantes. Il a consacré sa vie au service de la nation dans les différents postes et les responsabilités qu'il a occupés».
Tebboune a affirmé partager «avec sa famille et ses compagnons cette grande perte, j'adresse mes sincères condoléances et ma sympathie à la famille du défunt et à la famille de l'Armée nationale populaire, descendante de l'Armée de Libération nationale, en priant Dieu Tout-Puissant de lui accorder Sa Vaste Miséricorde, de le placer dans ses Immenses Jardins et de bénir sa famille, avec la paix». Né le 25 décembre 1937 à Batna, Khaled Nezzar a marqué de son empreinte la scène nationale, jouant un rôle prépondérant à la fin des années 80 et au début des années 90. Sa carrière, jalonnée de responsabilités majeures, a contribué, de manière significative, à l'histoire contemporaine de l'Algérie. Le chef d'état-major de l'Armée nationale populaire de 1988 à 1990, a été un acteur clé dans la lutte antiterroriste qui a caractérisé cette période. Par la suite, de 1990 à 1993, il a occupé le poste de ministre de la Défense nationale. C'est durant cette période qu'il a joué un rôle majeur dans la prise de décisions visant à interrompre le processus électoral pour les législatives de décembre 1991, une étape cruciale dans l'histoire politique de l'Algérie. Cet acte a sauvegardé le caractère républicain de l'État algérien. N'était-ce cet arrêt des élections législatives, l'Algérie aurait basculé dans une ère moyenâgeuse. Les islamistes de l'ex-FIS prévoyaient un funeste destin pour la République. L'Algérie ne s'en serait pas relevée.
Entre 1992 et 1994, Khaled Nezzar a été l'un des cinq membres du Haut comité d'État (HCE), présidé par Mohamed Boudiaf. Le HCE a joué un rôle essentiel dans la gestion des affaires de l'État à une période critique. La mission du H.C.E. a pris fin avec la désignation de Liamine Zeroual à la tête de l'État en 1994, marquant une transition importante dans la gouvernance du pays. Avant de se retirer de la scène politique. Nezzar, a échappé à la mort, le 13 février 1993. Il est sorti indemne d'un attentat. Un fourgon bourré d'explosifs a été mis à feu à distance à son passage. L'homme qui a bravé la horde terroriste repose en paix parmi ses frères moudjahidine.
Salah Goudjil présente ses condoléances
Le président du Conseil de la nation, M. Salah Goudjil, a adressé un message de condoléances à la famille du général-major à la retraite, ancien ministre de la Défense nationale, le moudjahid Khaled Nezzar, décédé vendredi. «C'est avec une immense tristesse et une profonde affliction que j'ai appris le décès du général-major à la retraite, ancien ministre de la Défense nationale, le moudjahid Khaled Nezzar, paix à son âme», a écrit M. Goudjil dans son message de condoléances. «En cette douloureuse épreuve, je présente mes sincères condoléances à mes soeurs et frères moudjahidine, à la famille de l'Armée nationale populaire, digne héritière de l'Armée de Libération nationale, et aux membres de la famille du défunt, les assurant de ma profonde compassion, et priant Allah Tout-Puissant d'accorder au défunt Sa sainte miséricorde, de l'accueillir en Son vaste paradis et de prêter patience et réconfort aux siens», a ajouté le président du Conseil de la nation.
Les condoléances du président de l'APN
Le président de l'Assemblée populaire nationale (APN), Brahim Boughali, a présenté ses condoléances à la famille du défunt Khaled Nezzar. «J'ai appris avec tristesse et affliction la nouvelle du décès du général-major à la retraite, le moudjahid Khaled Nezzar, puisse Allah Tout-Puissant lui accorder Sa sainte miséricorde», a écrit le président de l'APN.«En cette douloureuse épreuve, je tiens à présenter mes sincères condoléances à sa famille et à tous les membres des familles révolutionnaire et de l'Armée nationale populaire, priant Allah Tout-Puissant d'accorder au défunt Sa sainte miséricorde», a-t-il ajouté.
Le général Khaled Nezzar nous a quittés : adieu l’ami !
Khaled Nezzar n’a pas cessé de défendre l’Algérie tout au long de sa vie. D. R.
Je viens d’apprendre avec une profonde tristesse le décès d’un grand homme et d’un ami. Si Khaled nous a quittés ce 29 décembre, après avoir livré son dernier combat contre la maladie. Il est très difficile d’écrire dans ces circonstances chargées d’émotion. On se reprend à retracer en pensée le parcours hors norme d’un patriote que le destin a placé au sommet de l’Etat au moment où le sol tremblait sous nos pieds et qui a su prendre ses responsabilités pour redresser notre pays en train de s’effondrer, pendant que d’autres fuyaient. On revoit ses batailles, ses faits d’armes, son courage et sa détermination à lutter pour sauvegarder sa patrie. Nous lui devons le fait d’être là, libres dans une Algérie fière et forte, avec une armée qui veille sur notre patrie, cette armée que le général Nezzar avait voulue invincible et qui aujourd’hui se sent orpheline d’avoir perdu un chef prestigieux. Khaled Nezzar a été un bâtisseur de l’Etat algérien et de l’armée algérienne, il appartient au roman national et je tiens à lui rendre un hommage vibrant.
Je le savais très malade et quelques heures avant l’annonce de son décès, je parlais de lui avec un ami de la famille Nezzar. Nous nous remémorions le parcours légendaire de ce grand moudjahid, dont son combat contre le colonialisme français lors de la Guerre de libération nationale où il a été blessé, ses faits d’armes contre l’ennemi marocain à Amgala 2, ou lors de la guerre de 1967 contre l’entité sioniste d’Israël, et, entre autres, sa nomination comme ministre de la Défense et dans le Haut Comité d’Etat (HCE). Khaled Nezzar n’a pas cessé de défendre l’Algérie tout au long de sa vie. Nous nous souvenons qu’avec ses frères d’armes, tous des monuments de la lutte anticoloniale et antiterroriste, il a réussi à empêcher l’Algérie de sombrer dans un abîme sans fond où l’islamisme radical voulait l’engloutir. Sa mission accomplie et comme il n’aimait pas le pouvoir, Si Khaled a quitté la vie politique à 56 ans. Tout le monde ne peut pas en dire autant, notamment dans les «démocraties» occidentales où les dirigeants ont bien du mal à quitter le pouvoir et rempilent souvent pour plusieurs mandats.
Je n’oublierai jamais nos échanges et nos discussions, ni l’amitié fraternelle et le respect qu’il m’a toujours témoignés. Je garde en souvenir ses mémoires dédicacées. Khaled Nezzar n’a jamais fui les débats ; la preuve, il s’est toujours présenté aux convocations d’un tribunal suisse qui le poursuivait au mépris de toute justice sur injonction de l’empire, via l’ONG TRIAL à la botte du sionisme dont j’ai déjà eu l’occasion de parler dans précédent article. Aujourd’hui qu’il est décédé, un déchaînement de haine ignoble se déroule sous nos yeux, la mort elle-même n’inspirant aucune retenue aux hyènes. Les ennemis de l’Algérie, traîtres, renégats, islamistes – traître un jour, traître toujours ! –, le Makhzen marocain, ou la presse française et suisse rassemblés en chorale, se réjouissent et défèquent le «qui tue qui» sur leurs chaînes puantes, dans les réseaux sociaux et dans leurs journaux de propagande. Je ne citerai pas de noms pour ne pas salir cet hommage à celui que je considère comme un ami. Mais que ces vermines sachent que le général Nezzar est décédé dans son pays, entouré par l’affection des siens, dans le respect et la reconnaissance du peuple et de l’Etat algériens, et qu’il va reposer à El-Alia où il sera en bonne compagnie auprès de tous les héros de la nation algérienne. Les traîtres, eux, mourront aussi, mais comme des chiens galeux, dans un pays lointain, coupés de leur famille, et finiront dans une terre étrangère, lourde et froide.
L’Algérie est forgée par le 1er Novembre, par le sang des martyrs et par le sacrifice des moudjahidine. En attaquant le moudjahid Khaled Nezzar, c’est toute l’ANP, digne héritière de la glorieuse ALN, qui est visée. Mais que les vautours qui dansent aujourd’hui devant la dépouille du lion n’exultent pas trop vite, la relève est assurée, car chaque famille algérienne a donné des fils et des filles à notre glorieuse armée. Et ces enfants du peuple ne laisseront jamais leur pays aux mains des terroristes islamistes ni dans celles des capitalistes néolibéraux. L’Algérie restera debout, envers et contre tous, grâce au dévouement de nos aînés, parmi eux, le général Khaled Nezzar, et grâce à celui de leurs descendants. C’est un grand homme, un monument, un immortel, qui s’en va, et chaque patriote algérien se sent orphelin. J’adresse toutes mes condoléances à sa noble famille.
Pour terminer, je lui laisse la parole : «Je ne serai jamais l’alibi commode qui permettra de salir l’Algérie, son Etat et son armée. Et l’histoire jugera.»
Tout est dit. Merci Mon Général pour tout ce que vous avez fait pour l’Algérie. Reposez en paix.
L’écrivain franco-libanais partage son regard sur l’actualité récente qui touche à la fois le Proche-Orient et la France, le pays où il a grandi. Il invite à davantage de cohésion et d’ouverture sur l’« autre », qu’il soit palestinien, immigré, ou défenseur des droits des femmes.
Ses origines palestiniennes lui sont revenues au visage « plus tard », et la nouvelle phase du conflit faisant rage au Proche-Orient y a largement contribué. Dans ses romans, Jadd Hilal-Giuliani, écrivain franco-libanais installé à Paris, en était jusqu’ici resté à des trajectoires de vie, comme dans Des ailes au loin (Elyzad, 2018), où il narre avec brio les conséquences de la guerre d’occupation en Palestine, la « Nakba », l’exil forcé et le « deuil de la terre », jusqu’à l’accueil dans les pays européens ; tout en décrivant avec subtilité toute la complexité d’être femme dans un monde à la fois violent et sexiste.
Et puis, il y a eu l’attaque du Hamas en Israël le 7 octobre. La réplique sanglante orchestrée par Benyamin Nétanyahou. Les bombardements incessants sur Gaza, le phosphore blanc. Le déplacement forcé de près de deux millions d’habitant·es privés de maison, de soins, d’anesthésie, d’eau, de nourriture. Et le silence du reste du monde, en particulier des États-Unis, qui refuse de condamner expressément ce bain de sang et persiste à apporter son soutien à un État meurtrier, assoiffé de vengeance, supposé être « démocratique ». « Je ne vois pas d’autre solution que l’exil », confie l’auteur du Caprice de vivre (Elyzad, 2023), qui relève une « impasse politique ».
À 36 ans, il suit l’horreur depuis la France, où il est né et a grandi, et où il développe un engagement croissant depuis « l’avènement de Macron », la réforme des retraites, la loi immigration qui jette une lumière crue sur notre conception des « étrangers » et nos représentations du monde africain, ou « l’affaire Depardieu » et le soutien affiché du chef de l’État à un « monstre sacré du cinéma », trahissant la « grande cause du quinquennat ». Comment s’accrocher à la vie, à l’espoir, dans un tel contexte ? Il faut « trouver un canal », parler, se trouver « un commun », répond l’écrivain, également professeur de philosophie et de littérature dans un lycée en banlieue parisienne.
Mediapart : Le monde fait face à deux grandes guerres, l’extrême droite gagne du terrain çà et là, l’immigration en France a fait l’objet de discours haineux et stigmatisants ces derniers mois… Comment allez-vous, dans ce contexte ?
Jadd Hilal-Giuliani : Je réapprends à respirer. Ce qui se produit depuis trois mois en Palestine – enfin, c’est le résultat de décennies d’injustices accumulées – m’a beaucoup atteint. En France, l’avènement de Macron et ses politiques ont suscité un engagement grandissant chez moi, par des formes variables, comme le fait d’aller en manif en tant qu’étudiant, puis en tant qu’enseignant. Cet engagement s’est ensuite concrétisé par l’écriture. Mais je pense qu’il y a des temps d’engagement, et des temps de souffle. Il faut donc arriver, à un moment donné, à s’extraire pour pouvoir replonger. C’est ce qu’on apprend à faire plus ou moins bien.
Vous êtes franco-libanais, d’origine palestinienne, et vous avez raconté dans « Des ailes au loin » combien les douleurs de la guerre d’occupation et de l’exil pouvaient être un arrachement. Comment vivez-vous cette nouvelle phase du conflit au Proche-Orient ?
Depuis ce qui s’est produit le 7 octobre, j’ai pleinement assumé mon engagement, par l’écriture, à défendre les injustices causées aux Palestiniens. Je le faisais peu précédemment, et pour plusieurs raisons. Ma grand-mère a fui pendant la Nakba, et notre solution, pour gérer cette horreur du départ forcé, a été l’effacement total de ce qui s’est produit avant. J’ai grandi dans un contexte où la référence à la Palestine était donc très occasionnelle. Je voyais des images à la télé, j’entendais un soupir ou une colère chez mes proches, mais je les ai décryptés plus tard. Ce n’est que récemment que les choses sont devenues plus explicites.
J’ai dîné il y a peu avec ma mère. Elle est née l’année de la Nakba et a toujours cru à la solution à deux États. Elle y croit toujours. Nous n’étions pas d’accord car je ne vois pas d’autre solution que l’exil. Il y a selon moi une impasse politique : un gouvernement totalitaire fonde sa politique sur le principe de vengeance aveugle. C’est consternant, c’est une gifle au droit international. Le combat de Nétanyahou est vain. « Quand on tue un homme, tous ses enfants racontent son histoire. » Plus on tue à Gaza, plus on donne de la place à la Palestine. Un enfant qui voit ses parents mourir, c’est du pain bénit pour le Hamas. Et sur le plan symbolique, c’est l’Histoire qui s’en souviendra. Il y a un devoir des artistes à raconter, parce qu’il va falloir donner voix à tout cela après. La seule manière que j’ai à me consoler du deuil de la terre, c’est d’écrire. Je suis conscient que c’est un privilège énorme, parce qu’il faut être en sécurité, ailleurs.
La population gazaouie se fait massacrer sans que le reste du monde, et en particulier les États-Unis, dont beaucoup disent que ce sont les seuls à pouvoir y mettre un coup d’arrêt, ne réagisse vraiment. Comment interprétez-vous cette forme d’impunité dont bénéficie Israël ?
Je l’interpréterais au regard du droit international. Ce qui se produit est un rideau tombé devant ce qu’il caractérise aujourd’hui. C’est une notion non restrictive, absolument pas pensée à l’échelle internationale : il n’y a aucune sanction, aucun tribunal qui ait une force de frappe suffisante pour empêcher des pays d’agir comme ils le font. Le droit international est aussi corroboré aux Nations unies, qui ont un rôle beaucoup moins important, avec un budget dépendant fortement des États-Unis, un Conseil de sécurité qui comporte un droit de veto, et se constitue des États-Unis et de la Russie. L’échec est inévitable dans le dispositif lui-même, les intérêts de ces deux pays étant totalement opposés dans la région. Il est incroyable de considérer que les Nations unies ont la possibilité de régler ce conflit.
Ce qui se produit là en Palestine est une catastrophe. Mais le gouvernement israélien bafoue les droits internationaux depuis des années, sans aucune conséquence. C’est aussi cela que je trouve spectaculaire dans le traitement médiatique du 7 octobre. Quand on donne pour origine du conflit le 7 octobre, on passe à côté du point central, à savoir qu’il n’y a pas de droits dans cette région. Il est cynique de dire que cette attaque est venue de nulle part : il y a eu des marches pacifiques, des discours devant les Nations unies, des manifestations… Quand on est tous les jours dans une prison à ciel ouvert, une zone de non-droit, qu’on ne peut pas fuir faute de visa, qu’on ne peut pas travailler ; à un moment, on joue avec les cartes qu’on a. Le Hamas a fait quelque chose de terrible, mais s’en étonner, c’est ignorer ce qui se produit depuis des années.
Les discussions en France ont vite été stériles, avec une obsession à contraindre certains à se désolidariser de l’attaquedu Hamas du 7 octobre ou à la qualifier de terrorisme. Comment percevez-vous le niveau du débat ?
Le traitement médiatique a été atroce. C’est une des raisons pour lesquelles la respiration m’a parue nécessaire. Il y a eu le dégoût du 7 octobre, de ce que ça a entraîné, et le dégoût de la manière dont ça a été vu en France. Il y a eu un biais spectaculaire dans les médias français. Jusqu’à mi-novembre, on était toujours en boucle sur le massacre du 7 octobre. On ne parlait que de ça sur les plateaux télé, avec l’idée qu’il fallait condamner. Dans le même temps, le gouvernement d’Israël bombardait des enfants, des femmes, des hommes, utilisait du phosphore blanc, bloquait et déplaçait des populations illégalement.
Et pourtant, on ne parlait pas de génocide. Je sais que le droit a besoin de temps, mais j’emploie les termes de génocide et de nakba. Toutes les conditions sont réunies pour user de ces termes selon moi. Et surtout, il y avait toujours une amorce nécessaire visant à condamner le Hamas pour pouvoir être entendu. De l’autre côté, on a vu l’ouverture médiatique à des journalistes ou éditorialistes islamophobes. Un effort de prudence était demandé dans un sens, pas dans l’autre. Enfin, même si on en arrivait à cette atrocité intellectuelle qu’on puisse faire justice en tuant autant qu’on a subi de pertes, le rapport ne se vaut pas. On n’est plus du tout sur la même échelle.
Quelles sont les voix qui se sont élevées pour dénoncer ce carnage ?
Je n’en ai pas entendu beaucoup. En tout cas, pas de personnes ayant un audimat permettant de faire la différence. J’ai apprécié les propos de Dominique de Villepin ou d’Alain Gresh. Dans la sphère artistique, il y a eu la voix de Karim Kattan.
Le conflit a engendré à ce jour le déplacement de près de deux millions de personnes. Serions-nous prêts à accueillir les Palestiniens comme nous avons accueilli les Ukrainiens si la situation le nécessitait dans les prochains mois ?
Les enjeux ne sont pas les mêmes. Sur un plan géopolitique et économique, la France et les pays occidentaux sont plutôt alignés sur les positions américaines. Cela a pu avoir des conséquences terribles au Moyen-Orient, comme en Syrie ou en Irak. Les Américains sont aussi derrière Israël, je serais donc très étonné que les Palestiniens bénéficient du même accueil que les Ukrainiens.
L’accueil des Syriens en Europe, et notamment en France, a par exemple été très limité. Avec la dérive actuelle qu’on observe en France, la tendance à l’extrême droite de la sphère politique, et la loi anti-immigration votée il y a peu, il serait mystérieux et paradoxal que, tout à coup, on accueille les Palestiniens en nombre.
Les migrations, dont vous racontez les contours dans « Des ailes au loin », crispent en effet à la fois en Europe et en France. Quel regard portez-vous sur la loi immigration votée le 19 décembre ?
Elle s’inscrit dans un contexte général de nationalisme, à la fois européen et français. Il y a un repli sur soi lié à des conditions économiques, mais aussi à beaucoup d’ignorance. Considérer que l’immigration est contrôlable, que les migrants volent notre travail ou que la France pourrait exister sans immigrés, c’est une triple aberration. C’est le résultat d’une hypocrisie énorme. Le Caprice de vivre soulève ce discours de droite et d’extrême droite, qui laisse entendre que les gens ne veulent pas s’intégrer. Nous sommes un État républicain, notre Constitution s’appuie sur la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, nous traitons de manière indifférenciée les citoyens…
Mais tout ceci reste au stade de l’aspiration. Les personnes racisées n’ont pas les mêmes droits, mais cette dichotomie autorise la droite et l’extrême droite à dire qu’il n’y a pas de racisme, et que si les habitants des cités ont des difficultés, c’est parce qu’ils ne veulent pas s’intégrer. Dans le même temps, ces mêmes personnes se rendent bien compte qu’elles ne sont pas associées à la société. On gagne le débat en France en renversant la cause et la conséquence. C’est de la mauvaise foi. La France n’intègre pas. Cette loi sur l’immigration, c’est l’aveu de ça. C’est le passage à l’explicite. Et c’est aussi un alignement avec l’extrême droite pour des raisons électorales.
Il y a un rejet généralisé du monde arabe en France qui se produit de façon très intense, depuis les attentats du World Trade Center, et qui trouve en fait ses sources dans le « bruit et l’odeur » de Chirac, le « Kärcher » de Sarkozy, et même avant dans les ratonnades. C’est un phénomène extrêmement grave, qui prend des formes difficiles à maîtriser. Et il y a une responsabilité des artistes, parce qu’on se doit de raconter les personnes issues de l’immigration autrement.
Beaucoup disent que cette nouvelle loi est « raciste ». Quelle image la France renvoie-t-elle aux principaux concernés, mais aussi aux enfants issus de l’immigration ?
Elle renvoie l’image de la vérité. La France est raciste depuis des années, et cette loi accentue cela. Quand mon cousin a fui la Syrie, ou quand ma mère est arrivée en France, ils avaient comme beaucoup l’image du pays des droits de l’homme, de l’amour, de la tolérance, des Lumières. J’ai fait ma thèse sur le siècle des Lumières, et on se rend vite compte que c’est une vitrine.
Depuis des années, la France est raciste et bafoue des droits sur bien des aspects, comme la littérature, la géographie… J’enseigne dans un lycée de périphérie parisienne, et je compte peut-être un élève n’ayant pas un nom à consonance africaine. Je suis sûr que dans les établissements du VIIe arrondissement, le rapport est inversé. Sans parler de l’interprétation de la loi sur la laïcité ou du passé colonial français. La moindre des choses, c’est de donner des droits à ces personnes qui rejoignent notre sol en partie à cause de nous. Comment peut-on en arriver à une amnésie hystérique telle et considérer qu’on ne leur doit rien ?
Dans le contexte de la loi immigration, Emmanuel Macron a choisi d’apporter son soutien à Gérard Depardieu, accusé par plusieurs femmes de viol et d’agressions sexuelles. Une tribune de soutien à l’acteur, rédigée par une cinquantaine d’artistes, a suivi et a choqué celles et ceux qui luttent contre les violences faites aux femmes. Si la France est « raciste », peut-on dire qu’elle est aussi sexiste ?
Toutes ces questions sont étroitement liées, car c’est une question de représentations. Celles que l’on peut avoir des pays arabes en France, qui sont très vendeuses. Celles que l’on peut avoir de la France elle-même, avec l’impression que ces problématiques n’existent qu’ailleurs et ne nous concernent pas. Quand une loi comme celle-ci est votée, ou quand une affaire Depardieu éclate, on est ramené à notre propre réalité. Cela tire le rideau sur ce qu’est la France, un pays aussi arriéré que ceux qu’elle décrit parfois comme étant rétrogrades. C’est vrai sur le plan politique, mais aussi artistique, parce que cela se joue à l’échelle de la société.
Que le chef de l’État soutienne Depardieu est d’une hypocrisie folle. Cela montre un alignement international du sexisme, parce qu’aucun pays n’est préservé, y compris ceux qui se targuent de progressisme. C’est aussi un coup de com’ de Macron, qui défend presque un produit AOC. Depardieu est un produit international incroyable, c’est donc un réflexe relevant du capitalisme. C’est tellement français de vouloir glorifier un « monstre sacré du cinéma ». Il n’y a pas de monstre, il n’y a pas de sacre. C’est un acteur, point. Un acteur qui évolue dans un milieu économique, qui a fait des films, et se retrouve accusé de violences sexuelles. Il doit être jugé, voilà tout.
Que reste-t-il pour nous permettre de nous raccrocher à la vie, de garder espoir ?
J’ai le sentiment que l’une des manières de gérer le mal-être a été pour moi de considérer l’écriture comme un canal. Je pense que chacun doit trouver le sien. Pour les Palestiniens, cela peut passer par la transmission, l’écoute, la cuisine, la musique… Il faut aussi sortir d’un certain discours politique très chiffré et idiot, avoir des récits de vie, parce que c’est ainsi que les histoires se transmettent et restent.
Des ailes au loin est né d’une phrase de ma grand-mère sur la Palestine, qui disait « Je suis partie, mais je suis restée ». Je suis né en France et je n’avais jamais trop compris ce qui se produisait là-bas. Mais à partir de là, j’ai commencé à comprendre et à trouver mon canal. Grâce à elle, on en a parlé en famille, ça a apaisé beaucoup de tensions. Une manière d’espérer est de continuer à se sentir ensemble. Pour les Palestiniens, les femmes, les hommes solidaires des femmes, les étrangers. Créer une communauté, ce qui ne veut pas dire que tout le monde est de la même confession ou de la même origine, mais qu’il y a un commun. C’est précieux de retrouver cela, parfois.
Les attaques israéliennes contre les hôpitaux de la bande de Gaza étaient préméditées et fondées sur la base d’accusations mensongères de leur utilisation militaire par le Hamas. Ce sont les conclusions d’une longue enquête menée par le Washington Post sur l’assaut contre l’hôpital Al Shifa.
La préméditation est apparente puisque, avant même le début de l’opération terrestre, l’armée israélienne s’est mise à communiquer sur des cibles potentielles situées sous des hôpitaux.
Le 17 octobre, l’hôpital Al Ahli avait déjà été bombardé, faisant 500 morts, selon le Hamas. Le 27 octobre, jour du début de l’incursion terrestre, le porte-parole de l’armée israélienne, Daniel Hagari, a présenté ce qu’il a appelé des « preuves concrètes » que cinq bâtiments hospitaliers étaient directement impliqués dans les activités du Hamas. Les tunnels qui abritent les combattants palestiniens étaient directement accessibles à partir des bâtiments hospitaliers, a-t-il prétendu.
Après avoir pris d’assaut le complexe hospitalier Al Shifa, le plus grand de la bande de Gaza, le 15 novembre, l’armée israélienne a publié une série de photographies et de vidéos prouvant soi-disant ses accusations.
« Mais les preuves présentées par le gouvernement israélien sont loin de démontrer que le Hamas avait utilisé l’hôpital comme centre de commandement et de contrôle», conclut le journal américain après avoir visualisé les images open source disponibles, des images satellite et de tous les documents rendus publics par l’armée israélienne.
Les analyses effectuées par le Washington Post, dont l’enquête a été publiée le 21 décembre, font ressortir, en effet, que les pièces reliées au réseau de tunnels « ne montraient aucune preuve immédiate d’une utilisation militaire par le Hamas », qu’aucun des cinq bâtiments hospitaliers identifiés par le porte-parole de l’armée « ne semblait connecté au réseau de tunnels » et qu’il « n’existe aucune preuve que les tunnels soient accessibles depuis l’intérieur des salles d’hôpital ».
« Les pièces nues, carrelées de blanc, ne présentaient aucune trace immédiate d’utilisation – à des fins de commandement et de contrôle ou autre. Il n’y a aucun signe d’habitation récente, y compris des détritus, des contenants de nourriture, des vêtements ou d’autres objets personnels », a conclu l’équipe du Washington Post qui a analysé les images et vidéos diffusées par l’armée israélienne.
Attaque contre l’hôpital Al Shifa à Gaza : les gros mensonges d’Israël démentis
Même chez certains responsables américains qui ont pourtant soutenu Israël dans ses allégations, le doute commence à s’installer.
« Avant, j’étais convaincu que Al Shifa était le lieu où se déroulaient ces opérations. Mais maintenant, je pense qu’ils devraient présenter plus de preuves », a déclaré un haut membre du Congrès sous couvert d’anonymat, cité par le même journal.
Le Washington Post fait remarquer que le ciblage par un allié des États-Unis d’un complexe abritant des centaines de patients malades et mourants ainsi que des milliers de personnes déplacées n’a pas de précédent.
L’assaut israélien a provoqué l’effondrement du fonctionnement de l’hôpital où le carburant s’est épuisé, les fournitures n’ont pas pu entrer et les ambulances n’ont pas pu récupérer les blessés dans les rues.
Le journal rappelle que juste avant l’entrée des soldats israéliens, les médecins d’Al Shifa ont creusé une fosse commune pour y enterrer 180 personnes, selon les Nations unies, et la morgue ne fonctionnait plus depuis longtemps.
Toujours selon l’ONU, au moins 40 patients, dont quatre bébés prématurés, sont morts dans les jours qui ont précédé et suivi le raid. Les médecins de l’OMS, arrivés quelques jours après l’assaut, ont décrit l’hôpital comme étant une « zone de mort ».
Au moins deux bébés prématurés sont morts le 11 novembre lorsque l’hôpital est tombé à court d’électricité et plusieurs dizaines de patients supplémentaires sont décédés aux soins intensifs au cours des jours suivants, ont rapporté les médecins.
En dépit de ces horreurs et des enquêtes réalisées par de grands médias occidentaux prouvant qu’Israël a menti, aucun gouvernement soutenant Israël n’a condamné la destruction de cet hôpital. Au contraire, à chaque fois, ils réitèrent le droit de l’État hébreu de se défendre.
L’attaque contre l’hôpital Al Shifa a commencé début novembre. Ghassan Abu Sitta, un chirurgien palestinien britannique travaillant à l’hôpital au premier jour de l’attaque, a témoigné que « le bâtiment tremblait si violemment » à cause de l’intensité des bombardements.
Cela, au moment où des milliers de civils terrifiés étaient coincés à l’intérieur alors que les Israéliens isolaient l’enceinte du monde extérieur.
L’armée israélienne ne s’est pas arrêtée à ce crime, mais a systématisé ses agressions contre les enceintes hospitalières de Gaza, rendant difficile, voire impossible la prise en charge des victimes civiles des bombardements. Au 15 novembre, la moitié des infrastructures sanitaires du bord de la bande de Gaza était déjà endommagée.
La mise hors service du complexe Al Shifa a compliqué la situation étant donné qu’il est l’hôpital « le plus avancé et le mieux équipé de Gaza ». Après le début de la guerre, il est devenu « le cœur battant du système de santé défaillant de l’enclave, ainsi qu’un lieu de refuge pour des dizaines de milliers de Gazaouis déplacés », écrit le Washington Post.
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