La pause a permis un important échange d’otages et l’entrée d’aide humanitaire dans la bande de Gaza. Mais elle a été rompue ce matin.
Des Palestiniens évacuent une zone bombardée du camp de réfugiés de Rafah, dans le sud de la bande de Gaza, le 1ᵉʳ décembre 2023, alors que les combats reprennent.
Une semaine de pause, tout juste, et la guerre reprend. A 5 h 44, un peu plus d’une heure avant la fin de la trêve entre le Hamas et Israël, les sirènes d’alerte ont résonné dans le sud de l’Etat hébreu, pour la première fois depuis sept jours. Au même moment, des médias affiliés au mouvement islamiste palestinien annonçaient sur la messagerie Telegram que des explosions et fusillades résonnaient dans le nord de l’enclave, là où l’armée israélienne est déployée en masse depuis le début de l’offensive terrestre, le 27 octobre. A 7 h 06, l’armée israélienne diffuse le communiqué suivant : « Le Hamas a violé la pause opérationnelle et a en outre tiré vers le territoire israélien. L’armée israélienne a repris les combats contre l’organisation terroriste Hamas dans la bande de Gaza. »
Une demi-heure plus tard, des frappes aériennes tombaient sur Gaza, qui en milieu de matinée avaient déjà fait une trentaine de morts. L’aviation israélienne a largué des tracts sur la ville de Khan Younès, dans le sud de Gaza, probable cible d’une prochaine offensive, en demandant à la population d’évacuer la zone en direction de Rafah, la partie la plus méridionale de l’enclave palestinienne.
Ce n’est pas une surprise. La trêve était à durée déterminée. Le cabinet de guerre israélien avait prévu une pause de dix jours maximum. Elle a commencé par une première phase de quatre jours. La suspension des hostilités était fondée sur un échange d’otages et de prisonniers entre le Hamas et Israël et sur l’apport d’aide humanitaire dans le sud de l’enclave. Cette première phase a permis la libération de 50 Israéliens retenus dans Gaza, contre 150 Palestiniens incarcérés par Israël.
La trêve a été ensuite prolongée, au rythme planifié de l’élargissement à 10 otages par jour contre 30 prisonniers. Parmi les derniers libérés, la Franco-Israélienne Mia Shem, 21 ans. La jeune femme avait été kidnappée au festival de musique électronique Nova, où les combattants du Hamas se sont livrés à un massacre. Sur le site de la fête, à laquelle participaient 3 000 jeunes Israéliens, les secouristes ont découvert plus de 360 cadavres. Le mouvement palestinien avait diffusé une vidéo neuf jours après, dans laquelle Mia déclarait qu’elle était prise en charge et qu’elle avait été opérée du bras à l’hôpital. C’était l’une des rares preuves de vie à avoir émergé de ce rapt massif, avant l’échange négocié par l’Egypte, le Qatar et les Etats-Unis.
« Le Hamas ne peut être vaincu »
En tout, 80 personnes, en majorité des femmes, des enfants et des personnes âgées, ont été libérées par le Hamas. Et 240 Palestiniens sont sortis de prison. Une vingtaine d’étrangers ou binationaux, en majorité des Thaïlandais travaillant en Israël, ont également été libérés hors du cadre de l’accord. Il resterait encore quelque 160 personnes aux mains du Hamas.
Chaque jour de trêve supplémentaire semblait être gagné de haute lutte. Symbole de ces négociations au forceps, l’avant-dernière libération, dans la nuit de mercredi à jeudi, a été chaotique. Les forces de sécurité du Hamas ont laissé une population hostile approcher des otages échangés, qui ont dû parcourir à pied une centaine de mètres, sous les huées de la foule, avant d’être remis au Comité international de la Croix-Rouge.
Vendredi matin, le Hamas a publié un communiqué dans lequel il impute la reprise de la guerre à Israël. « Le mouvement a proposé d’échanger des prisonniers et des personnes âgées et de remettre les corps des personnes détenues, mortes à la suite des bombardements israéliens, affirme le mouvement islamiste dans ce texte. Nous avons notamment proposé de remettre les corps de la famille Bibas [devenue le symbole du massacre du 7 octobre] et de libérer leur père, afin qu’il puisse participer à leur cérémonie d’enterrement… en plus de la remise de deux détenus israéliens. Mais l’occupation a refusé de donner suite à toutes ces offres, parce qu’elle avait préalablement décidé de reprendre l’agression criminelle. »
Jeudi, Ghazi Hamad, un membre du bureau politique du Hamas en exil à Doha, disait au Monde que le mouvement palestinien était favorable à une reconduction de la trêve. « Nous sommes prêts à des négociations partielles et graduelles sur la libération des prisonniers israéliens, civils et militaires, contre les prisonniers palestiniens, notre objectif est de parvenir à un compromis complet qui permette de transformer la trêve en cessez-le-feu permanent », assurait ce haut cadre du mouvement, qui précisait toutefois : « Mais nous sommes prêts pour le combat. En cinquante jours de guerre, l’armée israélienne n’a pas réussi à défaire le Hamas à Gaza. Le Hamas est un état d’esprit, il ne peut être vaincu. »
La trêve a été ponctuée de déclarations martiales des faucons israéliens, qui n’ont jamais fait mystère que les opérations allaient reprendre, malgré la visite jeudi en Israël d’Antony Blinken, le secrétaire d’Etat américain. Lors d’une conférence de presse en compagnie du ministre de la défense israélien, Yoav Gallant, ce dernier, vêtu de noir de la tête aux pieds, a asséné le message qu’il répète depuis le début des hostilités. « C’est une guerre juste pour le futur du peuple juif, pour le futur d’Israël. Nous combattrons le Hamas jusqu’à ce que nous gagnions. Peu importe le temps que cela prendra », a-t-il déclaré.
Antony Blinken a d’abord mentionné « l’attaque terroriste » menée le matin même à Jérusalem. Deux assaillants ont abattu trois Israéliens à un arrêt de bus. Ils ont été tués par les forces de sécurité, qui ont causé la mort d’un autre civil israélien par un tir fratricide. L’attentat a été revendiqué par le Hamas. Et d’ajouter : « En même temps, c’était le septième jour de la pause humanitaire. Des otages sont rentrés chez ceux qui leur sont chers. Nous verrons si ceci peut continuer, ce serait certainement une bonne chose. Cela a aussi permis à beaucoup plus d’assistance humanitaire d’arriver aux Gazaouis qui en ont besoin. »
Négociations en cours
Ces propos apaisants n’ont, littéralement, pas eu de lendemain. « Nous avions demandé au Hamas qu’il libère toutes les femmes et les enfants. Or, des roquettes ont été tirées contre Israël. Nous avons donc repris les opérations ce matin », a déclaré au Monde Peter Lerner, porte-parole de l’armée israélienne pour la presse internationale.
A défaut de parvenir à un prolongement de la trêve, Antony Blinken a demandé que la seconde phase de l’opération israélienne cause moins de dégâts humains que la première, qui s’est soldée sur un bilan de 15 000 morts, selon les autorités médicales de Gaza. « Je souligne l’impératif pour les Etats-Unis que les pertes massives de vies civiles et les déplacements d’ampleur que nous avons constatés dans le nord de Gaza ne se reproduisent pas dans le Sud, a déclaré le chef du Département d’Etat. L’intention compte, mais le résultat aussi. » La Maison Blanche, par la voix de John Kirby, avait demandé lundi à ce que les opérations militaires, si elles devaient être reprises, soient menées « de la manière la plus discrète, délibérée, prudente et attentive possible ».
Des échanges tendus, au sein du cabinet de guerre auquel a assisté Antony Blinken, ont fuité dans les médias israéliens. « Nous comprenons que vous ne voulez pas que l’Autorité palestinienne revienne à Gaza après la guerre. Mais les autres Etats de la région ont besoin de savoir ce que vous avez en tête », a déclaré M. Blinken. Ce à quoi le premier ministre israélien, Benyamin Nétanyahou, a répliqué : « Aussi longtemps que je suis assis sur cette chaise, l’Autorité palestinienne qui soutient, enseigne et finance le terrorisme ne dirigera pas Gaza. »
Tout espoir d’un retour à la trêve n’est pas encore perdu. Selon un diplomate français qui garde l’anonymat, « des négociations sont en cours par l’entremise de l’Egypte et du Qatar pour essayer de sauver la trêve ». Le Qatar, cheville ouvrière de ces tractations complexes, a confirmé que les discussions se poursuivaient, précisant que la reprise des bombardements compliquait ses efforts. Pris dans l’engrenage d’une guerre totale, Israël et le Hamas ne cèdent pour l’instant rien.
https://www.lemonde.fr/international/article/2023/12/01/la-treve-entre-israel-et-le-hamas-a-expire-la-guerre-reprend-a-gaza_6203330_3210.html
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